L'idée de droits naturels est le concept utilisé en philosophie et dans les études juridiques selon lequel une personne possède certains droits dès sa naissance et qui, parce qu'ils n'ont pas été accordés par un État ou une autorité juridique particulière, ne peuvent être supprimés, c'est-à-dire qu'ils sont inaliénables. Ces droits peuvent inclure le droit à la vie, à la liberté, à l'égalité, à la propriété, à la justice et au bonheur.
Collectivement, les droits naturels peuvent être qualifiés de lois naturelles, un sujet qui intéressait particulièrement les philosophes des Lumières. Les droits naturels peuvent être opposés aux droits légaux, c'est-à-dire aux droits accordés à un citoyen par le système juridique de l'État dans lequel il est né ou vit (par exemple, le droit de vote). La question de savoir exactement quels droits peuvent être considérés comme des droits naturels et, en fait, s'il existe de tels droits indépendants d'un système juridique donné, fait l'objet de nombreux débats. L'acceptation des droits naturels a souvent conduit à la protection formelle de certains droits universels - connus sous le nom de "droits de l'homme" car ils s'appliquent à tous et partout - dans des documents officiels allant de la Déclaration des droits des États-Unis (1791) à la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies (1948). Comme l'indique S. Blackburn:
Les listes de base qui ont été dressées des droits de l'homme devant être respectés par toute constitution légitime sont étonnamment similaires, ce qui suggère une conception commune des conditions nécessaires aux sociétés qui accordent aux droits de l'homme leur pleine dignité ou leur respect. (417)
Que sont les droits naturels ?
Les droits naturels ont fait l'objet d'une attention particulière de la part des philosophes, depuis les penseurs de l'Antiquité jusqu'aux organisations modernes de défense des droits de l'homme. Les penseurs des Lumières se sont principalement intéressés à la question de savoir quel était le meilleur système de gouvernement, les choix étant généralement assez limités: démocratie, démocratie limitée/élitiste ou une certaine forme de monarchie. Le débat sur les droits naturels est secondaire dans cette discussion, mais il est pertinent puisque les philosophes étaient obligés de considérer le succès d'un système politique particulier en fonction de la façon dont il protégeait les droits des citoyens. Certains penseurs ont suggéré que, parce qu'ils estimaient que les citoyens avaient des droits naturels indépendants de l'État, le gouvernement pouvait être légitimement contesté, en particulier s'il se fondait sur des droits non naturels tels que les privilèges. Cette idée fut reprise par les révolutionnaires, par exemple pendant la Révolution française (1789-1799) et la guerre d'indépendance américaine (1775-1783), pour légitimer leur renversement des gouvernements et des régimes de pouvoir existants.
Pour les penseurs des Lumières qui pensaient qu'il existait une telle chose, les droits suivants sont généralement considérés comme des droits naturels:
- la vie
- la liberté
- la justice
- la propriété
- la recherche du bonheur
- la vie privée
- liberté d'expression
- légitime défense
- la liberté de pratiquer sa religion
- le droit de ne pas être soumis à l'esclavage
Telles étaient les principales préoccupations des penseurs des Lumières, mais, bien entendu, un citoyen du XXIe siècle peut souhaiter en ajouter d'autres, comme le droit à l'éducation, le droit au travail ou le droit de choisir son identité sexuelle. En résumé, les droits naturels sont les droits qu'une personne peut considérer comme fondamentaux pour son bien-être et qui lui permettent de remplir au mieux son rôle de citoyen au sein d'une société donnée.
L'établissement de droits naturels semble être une chose assez simple à régler entre citoyens, mais même le droit naturel le plus fondamental, le droit à la vie, est semé d'embûches potentielles telles que "ce droit inclut-il ou exclut-il le droit à l'avortement ou le droit à l'euthanasie? Au siècle des Lumières, certains des plus grands esprits de l'histoire se sont attelés à la tâche redoutable de définir ce qu'il convenait de considérer comme des droits naturels.
Soutien aux droits naturels
Le soutien aux droits naturels dépend de la manière dont les hommes interagissaient avant la formation des sociétés politiques. Cet état est communément appelé l'état de nature. Pour de nombreux penseurs de cette époque, l'idée de droits naturels était synonyme de droits donnés par Dieu, c'est-à-dire l'idée que Dieu avait accordé aux humains le sens de ce qui est nécessaire pour vivre ensemble de manière harmonieuse. D'autres, comme le penseur d'avant les Lumières Hugo Grotius (1583-1645), estimaient que "la loi naturelle est si immuable qu'elle ne peut être changée par Dieu lui-même" (Blackburn, 207).
L'ordre de la nature, de plus en plus révélé par les progrès de la révolution scientifique, était un argument pour dire que la société humaine pouvait être tout aussi ordonnée, ce qui conduisit certains penseurs à suggérer que les humains n'avaient pas besoin d'autant d'interférence de la part de l'État comme cela était le cas à cette époque. L'idée que l'on se fait de la nature humaine est également importante, car elle détermine le degré de restriction des droits que l'on peut juger nécessaire. Thomas Hobbes (1588-1679), par exemple, avait une vision pessimiste de la nature humaine, ce qui l'amena à penser qu'un gouvernement autoritaire fort, son Léviathan, était nécessaire pour protéger les droits des personnes, dont la plupart sont abandonnés pour le bien commun (à l'exception du droit à l'autoprotection) dans un contrat social, un accord de compromis entre les citoyens. Hobbes ne pensait pas que les citoyens avaient le droit de renverser l'autorité de leur gouvernement, qui, selon lui, devait être un monarque absolu. Le point de vue de Hobbes était peut-être une réaction à son expérience personnelle des troubles des guerres civiles anglaises (1642-1651).
Les penseurs des Lumières étaient désireux de montrer que la capacité inhérente de l'humanité à raisonner et son aptitude à compromettre son intérêt personnel au profit de l'intérêt de tous pouvaient conférer aux citoyens davantage de droits qu'un Hobbes n'était prêt à leur en accorder. L'un de ces penseurs est John Locke (1632-1704). Locke pensait que les êtres humains possédaient une capacité naturelle de raisonnement et de retenue, ce qui signifiait qu'ils étaient capables de travailler ensemble pour le bien commun. Même dans un état de nature, Locke croyait en la loi naturelle et universelle selon laquelle "nul ne doit porter atteinte à autrui dans sa vie, sa santé, sa liberté ou ses biens" (cité dans Popkin, 77). Il estimait que la liberté d'un citoyen devait être protégée de l'ingérence de l'État. Locke n'était pas d'accord avec Hobbes, qui estimait que la propriété n'était pas un droit naturel. En effet, l'objectif premier du gouvernement de Locke est de protéger la propriété, c'est-à-dire non seulement les biens dans lesquels une personne a investi son travail, mais aussi la vie et la liberté, tant la propriété fait partie intégrante de l'existence d'un citoyen. Locke estime que l'égalité étant un droit naturel, toutes les personnes sont créées égales devant la loi. En bref, les individus sont plus importants que les institutions, et l'influence de ces dernières doit être minimisée par une séparation formelle des pouvoirs entre le monarque, le parlement, un organe responsable de la politique étrangère et le pouvoir judiciaire. En outre, contrairement à Hobbes, Locke estime que les citoyens ont le droit de remplacer un gouvernement qui leur fait défaut. Aucun gouvernement ne peut retirer à un citoyen ses droits naturels, car il les possède indépendamment de tout gouvernement.
Montesquieu (1689-1757), qui propose également une séparation des pouvoirs, pensait que la meilleure façon de créer de meilleurs citoyens était de garantir deux choses qu'il considérait comme des évidences positives: la liberté et la justice.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) suggère que les hommes à l'état de nature sont libres, égaux et ont deux instincts fondamentaux: le sens de la préservation de soi et la pitié pour les autres. Il suggère qu'en raison du manque d'égalité et des abus si fréquents perpétrés par les riches et les puissants, de nombreux individus se porteraient mieux s'ils retournaient à l'état de nature. Rousseau estime que la propriété n'est pas un droit naturel, mais une création malheureuse de la société. Néanmoins, la possession de droits naturels signifie que Rousseau préconise une société politique qui protège ces droits et réduit les inégalités. Les citoyens consentent à former une telle société, et l'objectif des gouvernements est donc le bien commun.
Certains penseurs ont accordé de l'importance à d'autres droits spécifiques. Denis Diderot (1713-1784), Montesquieu, Voltaire (1694-1778), mais aussi Rousseau, considéraient tous l'esclavage comme contraire au droit naturel à la liberté. Malheureusement, trop d'hommes politiquement puissants gagnaient trop d'argent grâce au commerce des esclaves pour permettre des réformes significatives dans ce domaine jusqu'aux siècles suivants. Thomas Paine (1737-1809) a écrit dans ses Droits de l'homme (1791 et 1792) que "tout droit civil découle d'un droit naturel, qui ne doit jamais être envahi par des autorités dont la seule fonction est de le renforcer" (Yolton, 459). Paine pensait que le droit de décider librement de ses croyances religieuses était un droit inaliénable. Emmanuel Kant (1724-1804) estimait que la liberté d'expression était importante; il a écrit un jour que "la liberté de la plume est la seule sauvegarde des droits du peuple" (Robertson, 395).
Critiques des droits naturels
De nombreux penseurs ont contesté l'existence d'un état de nature ou de droits naturels en dehors d'une société politique. David Hume (1711-1776) pensait que l'état de nature et le contrat social étaient des fictions totales. Edmund Burke (1729-1797) ne croyait pas non plus que l'état de nature ait jamais existé. Pour Burke, les institutions d'une nation et les droits qu'elles protègent sont le fruit d'une riche et longue histoire, et une génération particulière n'a donc pas le droit de modifier en profondeur ces traditions éprouvées par le temps.
Certains penseurs estimaient que le fait de se concentrer sur les droits conduisait les hommes et les gouvernements sur la mauvaise voie, celle d'une société pauvre. Kant pensait que le concept de dignité était plus important que de vagues droits. Selon Kant, les êtres humains ne doivent jamais être utilisés comme des fins en soi; leur dignité, en ce sens, ne doit pas être compromise puisque chaque personne a une valeur morale autonome. Le philosophe utilitariste Jeremy Bentham (1747-1832), plus soucieux d'examiner l'utilité des lois en fonction du nombre de personnes qu'elles rendent heureuses, a qualifié l'idée de droits naturels de "non-sens sur pilotis" (Blackburn, 417). Pour Bentham et beaucoup d'autres, les droits n'existent que lorsque les lois les créent, un point de vue connu sous le nom de positivisme juridique. Bentham a souligné que "les droits doivent toujours entraîner des devoirs exécutoires pour les autres, ce qui ne pourrait pas être le cas en l'absence de gouvernement" (Yolton, 459).
Les opposants soulignent que ce que certains philosophes disent réellement à propos des droits naturels, c'est qu'il s'agit de droits qu'ils pensent que nous devrions avoir et pas nécessairement de ceux que nous avons. Certains critiques, comme William Godwin (1756-1836), soutiennent que nous n'avons aucun droit, mais seulement des devoirs, principalement celui de contribuer au bien commun de tous.
D'autres critiques soulignent que les droits naturels, lorsqu'ils sont énumérés, sont tous assez vagues alors que les relations humaines sont souvent complexes et qu'ils nécessitent une définition plus précise, ce qui n'est généralement possible que par le biais de lois. Par exemple, la poursuite du bonheur nécessite une définition de ce qu'est le bonheur, un sujet que même le plus réticent des philosophes pourrait facilement définir sur de nombreuses pages. Dans un exemple plus pratique, on peut avoir le droit de posséder une propriété, par exemple une maison, mais pas nécessairement le droit d'y apporter des modifications, s'il s'agit, par exemple, d'une propriété ayant une valeur architecturale particulière (par exemple, un bâtiment classé monument historique). La liberté d'expression peut être accordée, mais lorsque quelqu'un appelle à des actes violents contre d'autres personnes, ce droit doit-il être retiré? Le problème se pose également que certains droits naturels peuvent entrer en conflit les uns avec les autres ou avec le bien commun. Certains penseurs estiment que certains droits ne devraient pas exister du tout, par exemple la propriété privée sous la forme d'une richesse excessive. Les lois doivent alors envisager une gradation des droits, et c'est cette gradation sur laquelle il est très difficile pour tous les citoyens de s'entendre. Enfin, certains opposants aux droits naturels soulignent que si nous continuons à ajouter des droits à la liste génération après génération (par exemple, le droit au travail est relativement récent), cela ne fait que démontrer que les droits naturels ne sont pas "naturels", qu'ils ne sont pas nés avant que les sociétés n'existent, mais plutôt quelque chose que les humains acquièrent et exigent au fur et à mesure que les sociétés évoluent et se développent.
Héritage
L'idée des droits naturels a certainement été utilisée par les radicaux pour légitimer le renversement des gouvernements. En France et aux États-Unis, les révolutionnaires ont pu affirmer que, puisque les citoyens avaient des droits inaliénables, leur désir de changer de gouvernement pour mieux protéger ces droits était également légitime. En outre, de nombreux radicaux sont revenus à l'idée répandue dans l'Antiquité selon laquelle une personne ne peut devenir un citoyen à part entière que si elle a le droit de participer au gouvernement (la participation minimale étant le droit de vote). Ce n'était pas le cas pour tous les citoyens des gouvernements monarchiques de l'époque et certainement pas le cas dans les colonies de ces monarchies. La Déclaration d'indépendance des États-Unis (1776) et la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen (1789) mentionnent expressément les droits naturels. La Déclaration d'indépendance est remplie de la terminologie des droits naturels, avec des phrases telles que "Nous tenons ces vérités pour évidentes", "Tous les hommes sont créés égaux" et "La vie, la liberté et la recherche du bonheur".
Le débat s'est poursuivi parmi les philosophes et les hommes politiques sur les conditions précises dans lesquelles certains droits devraient être protégés. Au siècle des Lumières, les absolutistes estimaient que l'État devait pouvoir passer outre certains droits individuels dans l'intérêt du contrôle et de la sécurité pour tous. Les penseurs libéraux estimaient que les individus devaient être protégés contre une ingérence excessive de l'État dans leurs droits, en particulier leurs droits civils. Les droits civils ont fini par être considérés comme synonymes de droits naturels, tandis que d'autres droits, non universels, ont été considérés comme des droits politiques. Cette dernière catégorie, comme le droit de vote ou de participation au gouvernement, a fait l'objet de limitations. Pour ne citer que deux exemples de limites à la pleine participation politique, les femmes n'ont pas bénéficié des mêmes droits que les hommes, et ceux qui possédaient des biens étaient avantagés par rapport à ceux qui n'en possédaient pas (même pour des penseurs aussi éclairés que Rousseau, Montesquieu et Paine).
Le siècle des Lumières a donc progressé dans la clarification de la définition des droits et de ce qu'ils impliquent et, dans une certaine mesure, dans la garantie de l'égalité des droits pour tous, mais il y avait encore beaucoup de progrès à faire et de nombreux débats à venir sur la définition exacte d'un droit et sur la meilleure façon de protéger ces droits, des problèmes épineux qui continuent encore aujourd'hui à poser des défis aux gouvernements et aux organismes internationaux.