Cilicie

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 15 July 2019
Disponible dans ces autres langues: anglais, arabe, espagnol, Turc
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Roman Temple-tombs (by Carole Raddato, CC BY-NC-SA)
Temples-tombeaux romains
Carole Raddato (CC BY-NC-SA)

La Cilicie est l'ancien nom romain de la région sud-est de l'Asie mineure (la Turquie actuelle). Elle est mentionnée dans les livres bibliques des Actes et des Galates, fut le lieu de naissance de Saint Paul et le site de ses premières missions évangéliques. Le territoire fut habité pour la première fois au néolithique, vers le 8e millénaire av. J.-C.

Elle était sous contrôle hittite au 2e millénaire av. J.-C., avant de passer aux mains des Assyriens. Elle gagna son indépendance après la chute de l'empire assyrien en 612 av. J.-C., puis fut prise par les Perses avant la conquête d'Alexandre le Grand en 333 av. J.-C. Après Alexandre, la région s'hellénisa et s'aligna politiquement sur la Syrie, ce qui explique que certaines grandes villes ciliciennes, comme Tarse, soient souvent identifiées comme syriennes dans les textes anciens.

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Après la mort d'Alexandre, la région fut divisée entre les empires ptolémaïque et séleucide. Lorsque les Séleucides commencèrent à perdre leur pouvoir et leur influence sur leur partie du territoire vers 110 av. J.-C., les célèbres pirates ciliciens firent leur apparition pour combler le vide et exercèrent un contrôle de plus en plus important jusqu'à ce que, vers 78-74 av. J.-C., Rome n'intervienne et ne conquière la Cilicie occidentale.

Pompée le Grand vainquit les pirates ciliciens en 67 avant Jésus-Christ et les déplaça; la région resta une province de la République romaine, de l'Empire romain et de l'Empire byzantin jusqu'au début du 8e siècle de notre ère, lorsqu'elle fut prise par les forces musulmanes. Le royaume arménien de Cilicie prospéra dans la région entre 1080 et 1375 avant de tomber aux mains des Mamelouks, puis d'être intégré à l'Empire ottoman en 1453.

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Dès les premières mentions, la Cilicie fut décrite comme comprenant deux régions interconnectées : une plaine fertile et des montagnes accidentées.

En raison de sa géographie et de son emplacement, la Cilicie faisait partie des régions les plus importantes du monde classique. Les portes de Cilicie, seul passage à travers les monts Taurus entre les plaines de Cilicie et le plateau anatolien, furent régulièrement utilisées lors de nombreuses campagnes militaires et, selon la Bible, elles furent également empruntées par Saint Paul et Barnabé lors de leurs missions évangéliques en Asie Mineure. Les contributions à la culture mondiale des Ciliciens et, plus tard, des Arméniens, comprennent des innovations dans un certain nombre de disciplines, notamment la maçonnerie, l'agriculture et la théologie, en particulier la théologie chrétienne telle qu'elle est illustrée dans les œuvres de Saint Paul.

Histoire ancienne et les Hittites

Dès les premières mentions dans les documents historiques, la Cilicie fut décrite comme comprenant deux régions interconnectées : une plaine fertile et des montagnes accidentées. À l'époque romaine, ces régions étaient connues sous le nom de Cilicia Pedias ("Cilicia lisse" des plaines vers la mer Méditerranée) et Cilicia Trachea ("Cilicia rugueuse" des contreforts des montagnes du Taurus jusqu'au rivage rocheux et aux bras de mer). Des références antérieures notent les différences géologiques de la région par d'autres noms ayant la même connotation de "plat et fertile" et "rude et accidenté".

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Entre 2700 et 2400 av. J.-C., un peuple connu sous le nom de Hatti migra vers la haute Anatolie ou était originaire de la région et ne commença à faire connaître sa présence dans les archives historiques qu'à cette époque. Simultanément ou peu de temps après, un peuple connu sous le nom de Luwiens entra dans l'histoire, mais on sait peu de choses sur eux, à l'exception de leur langue qui était apparentée au hittite bien que distincte. Les Hatti étaient un peuple agraire qui parlait une langue appelée Hattic mais écrivait en utilisant le cunéiforme mésopotamien (comme les Hittites). Ils établirent leur ville centrale, Hattusa, au nord de la Cilicie vers 2500 av. J.-C. et étaient une force puissante dans la région, capable de repousser l'invasion du formidable Sargon d'Akkad (également connu sous le nom de Sargon le Grand, r. de 2334 à 2279 av. J.-C.) qui, n'ayant pas réussi à prendre Hattusa, revendiqua la côte sud de la Cilicie.

Map of the Hittite Empire
Carte de l'Empire hittite
Ikonact (CC BY-SA)

La Cilicie fut vaguement tenue par l'Empire akkadien jusqu'à son effondrement vers 2083 av. J.-C., date à laquelle les Hattis purent réaffirmer leur contrôle total (bien qu'il soit probable qu'ils l'avaient déjà fait bien avant). Les Hatti contrôlaient les ports le long de la côte de Cilicie jusqu'à ce que le roi hittite Anitta du royaume de Kussara ne les envahisse en 1700 av. J.-C., ne détruise Hattusa et n'établisse ce qu'on appelle le vieux royaume hittite (1700-1500 av. J.-C.). Une certaine autonomie politique semble néanmoins avoir survécu, comme en témoigne une série de rois, à commencer par Isputahsu (vers le 15e siècle av. J.-C.), qui conclurent des traités avec les Hittites et le royaume du Mitanni.

Sous les Hittites

Entre 1500 et 1400 av. J.-C., l'Ancien Empire déclina mais une nouvelle entité politique hittite fut alors établie, connue aujourd'hui sous le nom de Nouvel Empire ou Empire hittite (1400-1200 av. J.-C.). Tout semblant d'autonomie de la Cilicie disparut et celle-ci devint un État vassal des Hittites. Le plus grand roi hittite de cette période fut Suppiluliuma Ier (r. vers 1344-1322 av. J.-C.), qui étendit son territoire et améliora l'infrastructure du royaume. La ville de Tarsus, déjà ancienne à cette époque, reçut son nom des Hittites. Elle était auparavant connue sous le nom de Tarsisi par les Akkadiens, mais les Hittites le changèrent en Tarsa en l'honneur d'un de leurs dieux. La ville voisine d'Adana (connue sous le nom d'Uru Adaniyya) fut également améliorée à cette époque.

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Lion Gate at Hattusa
Porte des Lions à Hattusa
Carole Raddato (CC BY-SA)

La Cilicie était connue sous le nom de Kizzuwatna sous les Hittites. Tarsa était la capitale et Suppiluliuma Ier, à travers une série de campagnes et de manipulations astucieuses, consolida le contrôle hittite d'une vaste région s'étendant à travers l'Anatolie, jusqu'en Mésopotamie, et vers l'Égypte. Suppiluliuma Ier mourut de la peste en 1322 av. J.-C. et son fils Mursili II (r. de 1321 à 1295 av. J.-C.) lui succéda et poursuivit la politique de son père. Son successeur, Muwatalli II (r. de 1295 à 1272 av. J.-C.) fit de même et est surtout connu pour son engagement contre Ramsès II d'Égypte à la bataille de Qadech en 1274 av. J.-C. À cette époque, l'Empire hittite était l'un des plus puissants du monde antique, mais les Assyriens devenaient de plus en plus forts et finirent par défier l'autorité hittite, les battant à la bataille de Nihriya vers 1245 av. J.-C. Après cet engagement, la puissance hittite commença à décliner et la chute de l'empire fut accélérée par l'arrivée des Peuples de la mer qui harcelèrent la région méditerranéenne vers 1276-1178 av. J.-C.

Les Peuples de la Mer et les Assyriens

L'identité des Peuples de la Mer est toujours débattue, et même le nom qu'ils ont pu se donner est inconnu. Les "Peuples de la mer" sont une désignation moderne inventée vers 1881 par l'égyptologue français Gaston Maspero parce que les inscriptions anciennes les décrivent comme venant "de la mer". Divers spécialistes ont suggéré qu'il s'agissait d'Étrusques, de Troyens, de Mycéniens, de Libyens ou de Minoens, ou d'une coalition de certains ou de tous, mais la plupart des spécialistes les incluent ou les définissent principalement comme des Philistins.

Les Peuples de la Mer déstabilisèrent la région et renversèrent l'Empire Hittite déjà affaibli, permettant aux Assyriens de prendre la région avec une relative facilité.

Les Peuples de la mer sont mieux connus grâce aux inscriptions des pharaons égyptiens Ramsès II (r. de 1279 à 1213 av. J.-C.), Mérenptah (r. de 1213 à 1203 av. J.-C.) et Ramsès III (r. de 1186 à 1155 av. J.-C.), qui les décrivent tous trois comme une coalition venue de la mer, frappant soudainement et causant de graves dommages. L'expert William H. Stiebing Jr. affirme qu'il s'agissait peut-être de Ciliciens, car l'une des ethnies mentionnées dans les descriptions anciennes est celle des Danuna, qui, selon Stiebing, étaient très probablement originaires de la ville d'Adana (224). Si tel est le cas, les Danuna pourraient être considérés comme les premiers pirates ciliciens. Les Peuples de la mer déstabilisèrent la région et renversèrent l'Empire hittite déjà affaibli, ce qui permit aux Assyriens de s'emparer de la région avec une relative facilité.

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Sous les Assyriens, les plaines fertiles de l'est de la Cilicie étaient appelées Qu'e, et la région de l'ouest Hilikku, ce qui servit de base au nom grec Kilikia, qui fut ensuite transformé en Cilicie. Le roi assyrien Tiglath-Pilèser III (r. de 745 à 727 av. J.-C.) établit la capitale à Adana par le biais d'un gouvernorat mais, comme pour l'empire akkadien, l'emprise assyrienne sur la Cilicie ne fut jamais ferme et elle leur échappa peu après la mort de Sargon II en 705 av. J.-C.

À peu près à la même époque, le roi Muksa (plus connu sous le nom de Mopsus, VIIIe siècle avant J.-C.) régnait depuis Adana, mais la région ne resta pas longtemps indépendante, car Qu'e fut reprise par le roi assyrien Assarhaddon (r. de 681 à 669 av. J.-C.), qui laissa Hilikku à quiconque souhaitait y vivre. Les Assyriens gardèrent le contrôle de la région jusqu'en 612 avant J.-C., date à laquelle leur empire s'effondra sous l'invasion d'une coalition de Babyloniens et de Mèdes.

Les Perses et Alexandre le Grand

À cette époque, Hilikku s'affirma en tant qu'État indépendant gouverné par un monarque connu sous le nom de syennésis, qui était soit un nom de trône, soit un titre. La capitale fut établie à Tarse et le commerce était florissant entre la région, désormais régulièrement appelée "Cilicie" par les Grecs, et les autres pays. Vers 547 av.J.-C., le roi perse Cyrus le Grand envahit la région et ajouta la Cilicie à son empire achéménide. À cette époque, le syennésis était un natif de la région qui servait de satrape perse gouvernant depuis Tarse. Cette politique fut modifiée après la rébellion de Cyrus le Jeune en 401 avant J.-C., lorsque le syennésis s'aligna sur les forces rebelles. Le poste fut supprimé par la suite, et le satrape fut nommé par le roi perse.

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La satrapie de Cilicie générait des revenus importants pour l'Empire perse. Le satrape présidait une hiérarchie composée de nobles terriens au sommet, suivis des prêtres de la religion zoroastrienne, des bureaucrates du gouvernement, des marchands et de la classe inférieure des artisans et des agriculteurs. Hilikku resta semi-indépendant par rapport aux basses terres de Qu'e, probablement parce que le terrain était trop difficile à contrôler par des campagnes militaires.

L'ancienne religion des Hatti, centrée sur une déesse mère, était toujours observée à Hilikku, la divinité prenant désormais le nom d'Artemis Perasia ou Cybèle dont le site sacré se trouvait à Castabala. Il est possible que les habitants de Qu'e aient également honoré cette même déesse, mais ils étaient officiellement zoroastriens, la religion d'État de l'Empire perse, et il existait également une importante communauté de Juifs dans tout Qu'e. Il existe des preuves de conflits armés entre les hautes terres et les basses terres tout au long du 4ème siècle avant J.-C., très probablement pour des droits fonciers le long de la frontière.

Bust of Goddess Cybele from Gordium
Buste de la déesse Cybèle de Gordium
Osama Shukir Muhammed Amin (Copyright)

En 333 avant J.-C., Alexandre le Grand s'empara des Portes de Cilicie lors d'une attaque surprise, il frappa Tarse vite et fort et prit la ville. Il installa son propre satrape, Balacros, pour superviser l'administration tandis qu'il menait son armée contre les habitants d'Hilikku mais ne put les déloger. Avant de poursuivre ses campagnes ailleurs, Alexandre ordonna à Balacros de continuer l'action contre le peuple des collines, mais il n'eut pas plus de succès qu'Alexandre.

Après la mort d'Alexandre en 323 av.J.-C., la Cilicie fut incluse dans les territoires que se disputaient ses généraux et finalement partagée entre Ptolémée Ier Soter et Séleucos Ier Nicator. Au cours de cette période, la Cilicie s'hellénisa profondément et le grec remplaça l'ancienne langue, le luwien. Les plaines de Qu'e continuèrent à commercer avec les autres nations comme toujours, mais le peuple de Hilikku apparait dans les archives historiques comme prospérant principalement grâce à la piraterie. La perte de pouvoir de l'empire séleucide, vers 110 av. J.-C., affaiblit la cohésion politique de la Cilicie. Tigranes le Grand d'Arménie (r. env. 95 - env. 56 avant J.-C.) s'empara de la partie orientale de la région, ce qui permit aux Arméniens de s'installer en Cilicie; aà la même période, les pirates d'Hilikku devenaient de plus en plus audacieux.

Les pirates ciliciens et Rome

Les navires qui pillaient les villes côtières et finirent par perturber le commerce sont régulièrement désignés comme ayant pour équipage des "pirates ciliciens", mais tous les pirates n'étaient pas originaires de Cilicie. La côte rocheuse méridionale d'Hilikku offrait un certain nombre de ports et de refuges pour les pirates de toute nationalité et la Cilicie devint donc étroitement associée à la piraterie. Les dirigeants des empires séleucide et ptolémaïque fermaient largement les yeux sur la piraterie car les pirates ciliciens faisaient surtout du trafic d'esclaves dont ils avaient tous besoin. Rome - qui avait pris la Cilicie en 103 av. J.-C. - gagna le territoire après une campagne contre les pirates mais, par la suite, ne les considéra guère plus qu' une nuisance nécessaire pour la même raison que les Séleucides et les Ptolémées. Les pirates de Cilicie, sans que personne ne s'oppose sérieusement à eux, devinrent plus audacieux. Ils s'emparèrent de navires romains, firent des raids dans le port romain d'Ostie et entravèrent le commerce légitime. Rome finit par comprendre qu'il fallait s'occuper d'eux.

La côte rocheuse du sud de la Cilicie offrait un certain nombre de ports et de refuges pour les pirates ; la Cilicie devint étroitement associée à la piraterie.

En 75 av. J.-C., le jeune Jules César fut enlevé par des pirates et retenu contre rançon, un exemple révélateur de l'audace des pirates ciliciens. Le consul Publius Servilius Vatia (en poste en 79 av. J.- C.) lança une campagne contre les Isauriens de Cilicie entre 78 et 74 avant notre ère et les conquit (ce qui lui valut le surnom d'Isauricus pour sa victoire).

Cependant, cela ne contribua guère à réduire la piraterie en Méditerranée et, en 67 av. J.-C., Pompée le Grand (106-48 av. J.-C.) fut chargé de s'occuper du problème dans le cadre de sa campagne contre Mithridate VI (r. de 120 à 63 av. J.-C.) qui avait enrôlé les pirates dans sa guerre contre Rome.

Pompée divisa la Méditerranée en sections qui pouvaient être plus facilement gérées et nomma des commandants spécifiques pour chacune d'elles. Au fur et à mesure que les pirates de chaque district étaient vaincus, les sections théoriques devenaient plus petites jusqu'à ce que, en 66 av. J.-C.t, Pompée n'ait brisé le pouvoir des pirates ciliciens (bien qu'il n'ait pas complètement éradiqué le problème). Il installa alors les anciens pirates en Cilicie centrale, créant des communautés prospères qui contribuèrent à la stabilité de la région. Pompée divisa la Cilicie en six districts et, à cette époque, la Cilicie Pedias devint la Cilicie Campestris et la Cilicie Trachea la Cilicie Aspera.

La Cilicie romaine

Ces deux régions étaient sous administration romaine en 64 av. J.-C., bien que, comme d'habitude, la Cilicie Aspera ait été largement laissée à elle-même. Sous Jules César, la province fut réorganisée en 47 av. J.-C. avec un découpage différent. Elle fut rattachée à la Syrie sous le nom de Syrie-Cilicie Phénicie en 27 av. J.-C., et toute la province, y compris la Cilicie Aspera, fut unifiée sous Vespasien en 72 de notre ère. Les pirates ciliciens installés par Pompée pratiquaient le mithraïsme et introduisirent très probablement cette religion dans l'armée romaine, grâce à laquelle elle fut popularisée à Rome et dans d'autres provinces. Le zoroastrisme était encore observé en Cilicie, de même que le judaïsme qui attirait un certain nombre de sympathisants.

Ruins of Aytap
Ruines d'Aytap
Htkava (CC BY-SA)

Cependant, pour embrasser pleinement le judaïsme, il fallait accepter l'ensemble de la loi de Moïse, avec des stipulations en matière de régime alimentaire et de coutumes qui auraient séparé un converti de sa famille, de ses amis et d'autres cercles sociaux. Les rituels juifs et le concept d'un Dieu unique et tout-puissant étaient attrayants pour un certain nombre de Grecs vivant en Cilicie qui figurent dans les documents historiques en tant que "révérencieux" - des personnes qui observaient certains rituels juifs et honoraient le Dieu juif tout en restant des Gentils.

L'expert F. E. Peters note comment se formèrent en Cilicie des clubs de "sabbatistes" qui célébraient le sabbat juif et observaient d'autres rituels tout en conservant leur identité païenne (307). Ce mouvement allait s'avérer particulièrement important dans les premières années du christianisme, lorsque saint Paul (anciennement Saul de Tarse) lança ses missions évangéliques dans la région et trouva un public réceptif. Le christianisme offrait précisément ce qui intéressait les sabbatistes : Une théologie et un rituel juifs sans adhésion à la loi mosaïque. Le christianisme s'implanta naturellement plus facilement en Cilicie que dans les autres provinces.

Sous les Romains, la Cilicie continua à exporter les marchandises qu'elle avait toujours exportées : vin, céréales, haricots, poisson, tentes et cilicium - un tissu rugueux en poil de chèvre utilisé pour la fabrication des tentes - qui, sous le nom de cilice, devint populaire parmi les chrétiens porté en chemise pendant la pénitence. Le cilicium, en fait, continua à être utilisé de cette manière jusqu'au Moyen Âge européen, où il était généralement appelé "chemise en poil".

Le royaume arménien de Cilicie

Lorsque l'Empire romain d'Occident s'effondra en 476 de notre ère, la Cilicie continua à faire partie de l'Empire oriental, ou byzantin. À cette époque, les deux principaux districts étaient connus sous le nom de Cilicia Prima et Cilicia Secunda. Les églises établies par Saint Paul prospérèrent et l'Empire byzantin défendit le christianisme contre la religion émergente de l'Islam au 7ème siècle. La Cilicie fut conquise par les musulmans vers 700, mais fut reprise par les Byzantins en 965, sous le règne de l'empereur Nicéphore II Phocas (r. de 963 à 969). Avec le temps, la région attira des colons arméniens, dont beaucoup étaient déjà présents dans la région depuis l'époque de Tigrane, qui établirent leurs propres communautés et contacts commerciaux tout en développant progressivement leur propre identité politique.

Map of The Latin East, 1190 CE
Carte des États latins d'Orient, 1190
Mapmaster (CC BY-SA)

Vers 1080, le royaume arménien de Cilicie fut fondé et servit de ressource importante aux armées européennes pendant les croisades, en particulier la première croisade (1096-1099). Les Arméniens continuèrent à développer leur riche culture en Cilicie, perfectionnant l'architecture et l'art arméniens et innovant dans la musique et la danse, entre autres contributions. On peut encore aujourd'hui visiter les ruines de leurs impressionnantes forteresses souvent situées sur de hautes pentes et construites selon des angles apparemment impossibles.

Le royaume arménien continua à prospérer jusqu'à ce qu'il ne soit menacé par les Mamelouks musulmans. Les Arméniens demandèrent à leurs anciens amis et alliés européens de les aider à organiser une nouvelle croisade pour protéger le royaume, mais aucune aide ne vint et les Mamelouks conquirent la région en 1375. Après la chute de l'Empire byzantin en 1453, la région fut absorbée par l'Empire ottoman, qui la conserva jusqu'en 1921, date à laquelle, après la Première Guerre mondiale, elle fut intégrée à la République de Turquie.

Les historiens considèrent trop souvent les habitants de l'ancienne Cilicie comme des pirates ou des conquérants d'autres nations, mais ils étaient bien plus que cela. Ils étaient respectés dans l'Antiquité en tant qu'incryables maçons, agriculteurs, viticulteurs, marins, marchands, artisans, guerriers et théologiens. En fait, la Cilicie peut prétendre au titre de berceau du christianisme mieux que tout autre endroit, car Saint Paul en était originaire et certains des premiers efforts missionnaires chrétiens y ont fleuri. Les Ciliciens ont subi la conquête d'un empire après l'autre mais, peu importe qui déclarait les gouverner, ils prospérèrent dans l'adversité et continuèrent à exister longtemps après la chute de ces empires.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2019, July 15). Cilicie [Cilicia]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/Fr/1-10741/cilicie/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Cilicie." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le July 15, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/Fr/1-10741/cilicie/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Cilicie." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 15 Jul 2019. Web. 24 Nov 2024.

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