Ardashir Ier (alias Ardachir Ier, Ardéchir, Ardachêr, r. 224-240 de notre ère) fut le fondateur de l'Empire perse sassanide (224-651 de notre ère) et le père du grand roi sassanide Chapour Ier (r. de 240 à 270 de notre ère). Il est également connu sous les noms d'Ardashir I Babakan, Ardeshir I, Ardashir l'unificateur et Ardashir Papakan.
Il était le fils du prince d'Istakhr, Papak (également connu sous le nom de Bâbak, r. vers 205-210 de notre ère) et de la princesse Rodak de la tribu de Shabânkâra (que certains spécialistes considèrent comme kurde), né à Tirdeh, en Perse, vers 180 de notre ère. On pense également qu'il était le petit-fils du grand prêtre du zoroastrisme, Sassan (vers le IIIe siècle de notre ère), qui donna son nom à l'empire sassanide, bien que certaines preuves suggèrent qu'il était en fait le fils de Sassan et qu'il aurait ensuite été adopté par Papak.
Ardashir Ier était un général de l'armée parthe sous le règne du roi Artaban IV (r. de 213 à 224 de notre ère). Sa famille contrôlait la région symboliquement importante d'Istakhr, où se trouvaient les ruines de la capitale achéménide de Persépolis. Même si l'empire achéménide (c. 550-330 av. J.-C.) n'était plus qu'un lointain souvenir, il résonnait encore puissamment dans la région à l'époque d'Ardashir Ier, et sa famille refusa d'en céder le contrôle à Artaban IV. Pour compliquer encore les relations entre les deux hommes, Ardashir Ier avait réalisé des gains importants dans la région au détriment d'Artaban IV dont le pouvoir s'affaiblissait.
En 224 de notre ère, Ardashir Ier battit Artaban IV, renversant l'empire parthe (247 av. J.-C. - 224 av. J.-C.) et fondant le sien sur le modèle de l'empire perse achéménide qui l'avait précédé. Peu après, il concentra ses efforts sur le développement urbain et les campagnes militaires contre Rome, qui furent couronnées de succès. Vers la fin de son règne, il régna conjointement avec son fils Chapour Ier et mourut en paix après s'être assuré que l'empire qu'il avait fondé resterait entre de bonnes mains. Il est considéré comme l'un des plus grands rois du Proche-Orient en général et de l'empire sassanide en particulier.
Effondrement de l'empire parthe
Après la chute de l'empire achéménide aux mains d'Alexandre le Grand en 330 avant notre ère, l'empire séleucide (312-63 av. J.-C.) conserva la région jusqu'à ce qu'il ne soit remplacé par les Parthes. Le roi parthe Arsace Ier (r. de 247 à 217 av. J.-C.) avait établi le royaume indépendant de Parthie alors que les Séleucides étaient encore fermement au pouvoir, mais lorsque leur puissance s'affaiblit, les Parthes en profitèrent pour agrandir leurs territoires et finalement contrôler la majorité de ce qui avait été l'empire achéménide.
Conscients de la faiblesse d'un gouvernement centralisé - et surtout d'une armée centralisée déployée à partir d'un point fixe (comme dans le cas des Achéménides et des Séleucides) - les Parthes décentralisèrent les deux pour permettre une administration et une défense plus efficaces. Les satrapes parthes jouissaient d'une plus grande autonomie et pouvaient déployer des armées pour la défense sans avoir à consulter le roi au préalable.
Ce modèle fonctionna bien pour les Parthes pendant la majeure partie de l'histoire de l'empire mais, à la naissance d'Ardashir Ier, leur vitalité s'épuisait progressivement en raison des engagements contre l'Empire romain et des dissensions internes. La décentralisation qui avait si bien fonctionné auparavant était désormais un handicap, car Rome pouvait aligner plus d'hommes que les petites armées des satrapies individuelles ne pouvaient affronter. En outre, l'autonomie des satrapes donna naissance à des mini-royaumes au sein de l'empire, plus soucieux de leurs propres intérêts que de la préservation de l'empire.
Débuts et ascension au pouvoir
Le satrape de la région d'Ardashir, Persis, était Gochihr, avec lequel le père d'Ardashir, Papak, était en désaccord. Les sources ne précisent pas si Papak - grand prêtre du zoroastrisme et gardien d'un temple du feu ainsi que d'une royauté - avait initié une rébellion ou s'il était simplement l'un des chefs d'un mouvement déjà en cours. Le fils aîné de Papak, Chapour, semble avoir été préparé à prendre la relève de son père, tandis que son second fils, Ardashir, fut envoyé à l'âge de sept ans auprès du commandant de Fort Darabgerd pour y être instruit sur les questions militaires et l'administration.
On ne sait rien du séjour d'Ardashir à Darabgerd, mais il succéda au commandant du fort quelque temps avant l'an 200 de notre ère et était donc sans doute considéré comme un soldat et un administrateur compétent à cette époque. En 200 de notre ère, Papak renversa Gochihr et s'empara du trône, qu'il transmit ensuite à son fils Chapour avant sa mort. Ardashir avait participé au coup d'État avec sa famille et semble avoir contribué davantage que Chapour; il s'offusqua donc naturellement d'être écarté en faveur de son frère. Il contesta l'autorité de Chapour et les deux se préparèrent au combat, mais Chapour fut tué par des pierres tombées d'un rempart en ruine avant que leurs forces ne se rencontrent.
Ardashir se déclara alors roi de Persis en 208 de notre ère, ce qui suscita l'opposition de ses jeunes frères. Plutôt que de plonger la région dans une guerre civile, Ardashir les fit tous exécuter avant qu'ils ne puissent opposer une quelconque résistance armée. Cette décision n'empêcha pas d'autres nobles de suivre la même voie que les frères et Ardashir organisa donc des campagnes et les vainquit tous. Ces actions attirèrent l'attention du roi des rois parthes Artaban IV, mais Ardashir semble avoir eu confiance en ses capacités, ayant été bien formé à Darabgerd et ayant déjà un certain nombre de victoires militaires à son actif.
Le spécialiste Kaveh Farrokh suggère que la confiance d'Ardashir, et ses succès ultérieurs, étaient dus à son charisme personnel et aux liens de sa famille avec les Kurdes des hautes terres:
Le succès d'Ardashir à recevoir le soutien des Mèdes et des Kurdes dans sa révolte contre les Parthes est peut-être dû en partie à son propre héritage en tant qu'homme des hauts-plateaux. (178)
Le défi lancé par Ardashir à l'autorité du roi ne pouvait rester sans réponse, mais Artaban IV ne disposait pas des mêmes ressources que ses prédécesseurs. Les incursions romaines dans l'empire parthe se poursuivaient depuis 116 de notre ère et, en 198, l'empire était le plus faible qu'il ne l'avait jamais été. De nombreux satrapes de la région - bien avant que Papak ne lance son coup d'État - n'étaient pas satisfaits de la manière dont Artaban IV gérait les différentes menaces. En 224 de notre ère, à la bataille d'Hormizdagan, Ardashir battit Artaban IV et l'empire parthe tomba. Des poches de résistance subsistèrent par la suite et certains royaumes conservèrent leur identité parthe mais, officiellement, Hormizdagan marqua la fin de l'empire.
Début de règne et guerre contre Rome
La première tâche d'Ardashir fut d'unifier les régions disparates de l'empire et d'écraser toute résistance, ce qu'il accomplit entre 224 et 227 de notre ère. Au cours de cette même période, il commanda un certain nombre de projets de construction, notamment la restauration de la ville de Ctésiphon, ancienne capitale de l'empire parthe, qui avait été détruite par Septime Sévère en 197 de notre ère. Il fit ensuite de Ctésiphon la capitale des Sassanides.
Il centralisa le gouvernement et l'armée, remettant l'armée en conformité avec le modèle achéménide antérieur, et conserva les meilleurs aspects de la guerre séleucide et parthe en ce qui concernait les armures et, dans le cas des Parthes, l'utilisation de la cavalerie dans les batailles. Il reprit le modèle achéménide d'une armée permanente (la spada ou spah) et d'une taxe (la kara) imposée aux satrapes pour garnir les rangs et améliora la cavalerie parthe sous la forme de cataphractes montés d'élite connus sous le nom de Savarans, des guerriers lourdement armés, entièrement équipés et très entraînés, qui étaient également d'excellents cavaliers.
En 226-227 de notre ère, Ardashir Ier tenta, sans succès, de prendre la ville de Hatra, qui restait un royaume parthe indépendant. La plupart des spécialistes considèrent que le couronnement d'Ardashir Ier à Ctésiphon eut lieu en 224 de notre ère, mais certains éléments suggèrent qu'il n'aurait été couronné qu'après avoir unifié la majorité des terres et reconstruit la ville, en 226 ou 227 de notre ère, une fois qu'il eut abandonné les tentatives d'intégration de Hatra dans son empire. Il existe des raisons valables d'accepter ces dates plus tardives, car elles sont suggérées par les historiens romains lorsqu'ils relatent les guerres des Sassanides contre Rome, et il est très probable qu'il n'aurait pas été en mesure de reconstruire Ctésiphon avant 226 de notre ère.
Les Romains s'étaient habitués à traiter avec l'empire parthe en déliquescence et étaient donc mal préparés à l'avènement d'un nouvel empire perse suffisamment puissant pour poser des exigences. Farrokh écrit:
Les Romains se rendirent rapidement compte que la "nouvelle direction" de la Perse était une puissance avec laquelle il fallait compter. Ardashir revendiqua hardiment "l'héritage légitime de ses ancêtres" en faisant restituer à la Perse tous les territoires de l'ancien empire achéménide jusqu'à la mer Égée. Les Romains, qui occupaient tous les territoires à l'ouest du Tigre, savaient qu'une épreuve de force avec le nouvel empire sassanide était pratiquement inévitable. (184)
Avant que cette "épreuve de force" ne puisse réellement commencer, Ardashir Ier et son fils Chapour Ier firent marcher leurs armées en Mésopotamie et en Syrie et chassèrent les Romains en 229 de notre ère. L'empereur romain Alexandre Sévère (r. de 222 à 235 de notre ère) envoya à Ardashir Ier une lettre exigeant son retrait, mais Ardashir Ier l'ignora et, pour comble d'insulte, s'empara de la Cappadoce. Alexandre Sévère écrivit à nouveau à Ardashir Ier pour le réprimander et Ardashir Ier lui répondit en envoyant 400 délégués qui réitérèrent sa demande que Rome libère les régions ayant appartenu à l'empire achéménide et les lui rende, à lui, leur roi légitime. Sévère réagit en arrêtant les délégués, en les dépouillant de leurs armes et de leurs vêtements et en les condamnant à travailler en tant qu'esclaves dans des fermes romaines. Il monta ensuite une campagne pour s'attaquer définitivement au nouveau roi perse.
La campagne de Sévère
En 231 de notre ère, Alexandre Sévère lança sa guerre sur trois fronts. La première armée romaine traversa l'Arménie pour atteindre Ardashir par le nord, la deuxième traversa la Mésopotamie par le sud et la troisième se dirigea vers la capitale sassanide de Ctésiphon par l'intermédiaire de ces deux fronts. L'avancée du nord reprit la Cappadoce et ravagea l'Arménie, tandis que celle du sud progressa régulièrement vers le haut et que celle du centre fut également couronnée de succès, mais aucun des commandants n'était conscient que, jusqu'à présent, ils n'avaient affronté qu'une partie de l'armée sassanide et qu'ils n'avaient pas encore rencontré la cavalerie lourdement armée et hautement entraînée, y compris le régiment Savaran.
L'élan des troupes romaines fut stoppé en 233 de notre ère lorsque les armées de Sévère firent face à la cavalerie sassanide à la bataille de Ctésiphon et furent vaincues. Les guerriers Savaran étaient les maîtres de la lance et poussaient l'infanterie romaine en formations plus petites où ils étaient facilement tués par les archers sassanides montés qui faisaient pleuvoir des flèches et battaient rapidement en retraite pour revenir et frapper à nouveau.
La stratégie d'attaque sur trois fronts de Sévère finit par s'avérer malavisée car, comme le note Farrokh, tout ce qu'Ardashir avait à faire était "d'observer les axes d'avance romains et de décider ensuite où il allait frapper avec le gros de ses forces" (185). Une seule grande force romaine aurait finalement été bien plus efficace contre les troupes moins nombreuses des Sassanides. Sévère retourna à Rome où il annonça une grande victoire tandis qu'Ardashir Ier, fatigué de faire campagne pendant tant d'années de son règne, le laissa partir et, en outre, transmit la responsabilité des campagnes ultérieures à son fils Chapour Ier.
Projets et politiques de construction
Un certain nombre de spécialistes contemporains ont suggéré qu'Ardashir Ier - et les Sassanides en général - ne pouvaient pas connaître l'empire achéménide parce qu'il était tombé quelque 500 ans plus tôt et qu'il n'existait aucune preuve écrite que les Sassanides aient eu des informations spécifiques sur le premier empire perse. Cette affirmation ne tient pas compte du fait que la culture perse reposait sur une tradition orale et qu'il n'existait donc pas de documents écrits. Les Perses étaient fiers de leur talent de conteur et l'histoire de l'empire achéménide et de ses grands rois aurait été transmise de génération en génération par les conteurs.
La connaissance du passé d'Ardashir Ier, qui remontait à l'empire achéménide, se manifeste le plus clairement dans ses efforts pour préserver par écrit la tradition religieuse de son peuple. La religion zoroastrienne était une religion orale - il n'y avait pas d'écrit - et la foi était donc conservée par les prêtres qui récitaient les préceptes du prophète Zoroastre dans la langue ancienne de l'Avestan. Chaque génération de prêtres enseignait les versets mémorisés à la suivante, jusqu'à ce qu'Ardashir Ier ne décrète qu'il fallait les mettre par écrit. Il invita des prêtres zoroastriens à sa cour pour réciter le texte central de la religion - l'Avesta - et le faire transcrire. Pour ce faire, une écriture entièrement nouvelle devait être développée à partir de l'araméen existant afin de préserver l'inflexion et la prononciation précise de la langue parlée en avestan.
Cet effort fut entrepris sous Ardashir Ier, poursuivi par Chapour Ier, mais seulement achevé sous Chapour II (r. de 309 à 379 de notre ère) et Khosro Ier (r. de 531 à 579). La volonté d'Ardashir Ier de préserver le passé permit d'éviter que l'Avesta ne se perde dans le temps, surtout si l'on considère la suppression du zoroastrisme après les invasions arabo-musulmanes du VIIe siècle, au cours desquelles de nombreux textes zoroastriens furent détruits dans le but d'établir la suprématie de l'islam. Si la foi était restée une tradition orale, le massacre des prêtres zoroastriens l'aurait réduite au silence pour toujours, mais l'Avesta fut préservé par écrit et fait toujours partie intégrante de la religion vivante qu'est le zoroastrisme à l'heure actuelle.
Les sources primaires montrent clairement qu'Ardashir Ier connaissait bien l'histoire de son peuple et qu'il en tira le meilleur parti en conservant ce qui convenait le mieux à son empire et en rejetant les aspects qui s'étaient révélés inefficaces. L'une des facettes les plus impressionnantes de l'empire sassanide a toujours été sa capacité à conserver le meilleur du passé, à l'améliorer et à en écarter d'autres éléments.
Dans cette optique, Ardashir Ier commanda des projets de construction qui reflétaient la grandeur des chefs-d'œuvre achéménides tels que Persépolis, mais qui utilisaient des innovations parthes telles que l'arc. L'architecture parthe mettait l'accent sur la circularité - symbole d'unité et de stabilité - et les travaux d'Ardashir Ier poursuivirent cette tradition. Il emprunta également à l'architecture romaine le concept de la coupole, mais au lieu de la placer au sommet d'une structure, elle se développa organiquement à partir du sol, souvent soutenue par l'arc. Il est difficile de déterminer avec précision quelles ruines furent commandées par Ardashir Ier, mais on pense que son fils poursuivit sa vision et, peut-être la grande arche de Taq Kasra à Ctésiphon aurait-elle été construite sous Chapour Ier selon la vision de son père.
L'une des innovations architecturales les plus connues du règne d'Ardashir Ier fut le développement du minaret, qui porte le concept de dôme à un niveau supérieur. Au lieu d'un simple dôme coiffant une structure, le minaret accentuait la hauteur par sa flèche et ajoutait à la grandeur d'une structure par son ornementation. Les minarets du Proche-Orient, qui sont aujourd'hui presque synonymes d'architecture arabo-musulmane, sont en fait d'origine persane et remontent à l'époque du règne d'Ardashir Ier.
Le père et peut-être le grand-père d'Ardashir Ier étaient tous deux des grands prêtres zoroastriens chargés d'entretenir les temples du feu dédiés au dieu Ahura Mazda. Ardashir Ier fit donc, sans surprise, du zoroastrisme la religion d'État mais, conformément à la politique achéménide de tolérance religieuse, il autorisa les autres religions à pratiquer leur culte comme elles l'entendaient. Il semble qu'Ardashir Ier n'ait pas été aussi tolérant que les rois achéménides tels que Cyrus le Grand ou Darius Ier, car il existe des preuves que les non-zoroastriens se voyaient accorder moins de droits que ceux de la foi d'Ardashir Ier, mais cette tendance s'inverserait sous Chapour Ier.
Conclusion
Ardashir Ier co-dirigea avec son fils vers la fin de son règne et finit par abandonner toute responsabilité en 240 de notre ère. Chapour Ier régnait désormais en tant que roi des rois de l'empire sassanide, bien que l'on pense qu'Ardashir Ier ait continué à le conseiller sur les questions d'État jusqu'à sa mort en 241 de notre ère. Ardashir Ier avait unifié la région sous son règne et établi un empire qui allait durer plus de 400 ans. Farrokh écrit:
Au cours de son règne de 20 ans, Ardashir non seulement consolida le pouvoir sassanide, mais il réussit également à faire échouer les tentatives romaines de destruction du nouvel empire iranien. (184)
Sa vision fut poursuivie par Chapour Ier qui, fidèle au talent d'adaptation et d'amélioration des Perses, se débarrassa de la tendance à l'intolérance religieuse de son père et adopta pleinement le modèle achéménide de Cyrus le Grand. Sous Chapour Ier, toutes les confessions furent invitées à pratiquer librement leur culte. Chapour Ier, comme son père, est également considéré comme l'un des plus grands rois sassanides, mais son règne fut influencé par le premier roi et fondateur de l'empire, dont les talents impressionnants comprenaient la capacité de voir ce qui devait être fait, ainsi que la compétence et le courage de faire de cette vision une réalité.