La société mycénienne était strictement hiérarchique, elle valorisait la lignée familiale et accordait un statut social plus élevé aux personnes impliquées dans des activités religieuses ou militaires et l'administration palatiale. Les classes inférieures comprenaient des ouvriers et des artisans qui travaillaient pour ou fournissaient des biens et des services aux palais, ainsi que des femmes et des esclaves.
Suite aux fouilles de Heinrich Schliemann à Mycènes en 1876, des recherches approfondies et des preuves archéologiques ont démontré que les Mycéniens étaient une société complexe de l'âge du bronze tardif qui jouissait d'une culture artistique intense, de prouesses militaires supérieures et d'une bureaucratie très avancée. Une grande partie de ce que nous savons de la société mycénienne provient de l'analyse de tablettes en linéaire B utilisées pour enregistrer les pratiques administratives dans les palais, y compris les inventaires et les transactions des ateliers. Les tablettes en linéaire B qui ont été traduites fournissent des informations clés sur la société mycénienne, y compris les titres et responsabilités des fonctionnaires palatiaux, la documentation sur la propriété foncière et les litiges juridiques, la présence éventuelle d'organes administratifs locaux et la preuve d'un système social et économique privé.
La documentation écrite directe sur la société mycénienne se limite à ces tablettes palatiales et la portée de ce que l'on sait de la civilisation mycénienne est limitée à ce qui fut enregistré comme étant directement pertinent pour le palais. Bien que les tablettes indiquent une activité sociale et économique qui se déroulait en dehors de l'intérêt et du contrôle des palais, les détails de cette pratique, ainsi que de la vie des individus ordinaires, restent à confirmer.
Palais mycéniens et origines de l'aristocratie
Les premiers Mycéniens de l'Âge du Bronze moyen (entre 2000 et 1600 av. JC) vivaient dans des colonies simples qui étaient généralement uniformes dans toute la Grèce et qui n'avaient pas de stratification sociale distincte. Les habitants de ces villes et villages vivaient principalement d'agriculture de subsistance et du fruit de la production de leurs animaux domestiques, ou de la chasse. Alors que la société mycénienne avançait vers des formes de gouvernement plus complexes, la stratification sociale s'accrut et une classe aristocratique d'élites apparut.
Au cours de la période prépalatiale (vers 1750-1400 av. JC), la civilisation mycénienne au sens large consistait en un réseau de centres politiques régionaux concurrentiels et semi-indépendants. Vers 1400 av. JC, les plus importants de ces centres se transformèrent en états opérationnels qui fonctionnaient de manière centrale à partir de palais sophistiqués, donnant naissance à ce que l'on appelle l'ère palatiale de la société mycénienne (vers 1400-1200 av. JC). Bien que cette évolution vers l'administration palatiale n'ait pas été uniforme dans toute la Grèce, d'éminents centres s'installèrent à Mycènes, Thèbes, Tiryns, Pylos et Knossos, donnant naissance à une classe d'élite de personnes qui travaillaient en association avec le palais.
La stratification sociale durant cette période est mise en évidence par un changement distinct des pratiques funéraires et par l'inclusion soudaine d'articles de luxe dans des tombes excavées datant des périodes palatiale et prépalatiale. Au début de la Grèce mycénienne, la pratique habituelle d'enterrement comprenait l'utilisation de monticules, de fosses tombales ou bien ils enterraient les individus directement sous leurs maisons. Vers 1400 av. JC, il était coutumier que les membres d'élite de la société reçoivent des sépultures somptueuses dans de grandes tombes tholos, tandis que des individus ordinaires étaient enterrés dans des monticules, des tombes à ciste ou des chambres funéraires moins impressionnantes. En plus d'ériger des tombes monumentales pour l'élite mycénienne, ces tombes possèdent souvent des produits de luxe tels que des bijoux et des armes ornées pour les femmes et les guerriers, tandis que les enfants de l'élite ont été retrouvés entièrement enveloppés dans de la feuille d'or.
L'Élite politique
La figure politique la plus importante de la société mycénienne était le Wanax, qui présidait sur le palais et le royaume en général. L'autorité du Wanax et le pouvoir connexe du palais avaient une influence considérable sur les classes sociales, y compris les élites, les artisans et les esclaves. De plus, le palais exerçait un contrôle sur de grandes régions géographiques, englobant des villes et des villages entiers. En plus de contrôler les affaires palatiales, il existe des preuves que le wanax était parfois impliqué dans des rituels religieux et, par conséquent, le wanax est parfois compris comme un roi prêtre. Le Wanax décrit dans les tablettes de Pylos était très riche et, selon les documents retrouvés, était entouré d'administrateurs royaux et d'artisans. Les références aux textiles royaux impliquent un type de robe spécifique au Wanax, ce qui démontre encore plus clairement sa richesse et sa supériorité sociale.
Le deuxième rang était occupé par une figure connue sous le nom de Lawagetas. Les tablettes linéaires B ne fournissent pas une définition très claire du rôle des Lawagetas, mais il est généralement suggéré qu'ils supervisaient l'armée de l'État. Parmi l'aristocratie militaire, il y avait un groupe d'hommes appelés heqetai, qui servaient le wanax et sont considérés comme liés à l'armée en raison de leur association avec l'utilisation de chars. Ces hommes auraient été propriétaires d'esclaves, et à Pylos, ils étaient chargés de surveiller la côte pour mettre en garde contre de possibles envahisseurs venus de la mer.
Les États palatiaux mycéniens étaient des centres administratifs complexes qui employaient divers autres fonctionnaires pour assurer le bon fonctionnement de la bureaucratie. Parmi les responsables d'élite impliqués dans ces économies, il y avait des individus communément appelés «collecteurs», car ils sont répertoriés sur les tablettes par leur nom et ne possèdent pas de titres officiels. Des individus de ce rôle ont été identifiés travaillant dans diverses industries dans tous les principaux États mycéniens, et on pense qu'ils participaient à l'acquisition et à la redistribution de biens. Les ateliers palatiaux qui produisaient ces produits étaient gérés par des artisans royaux et se concentraient principalement sur la production de produits de luxe qui profitaient à l'élite, tels que les parfums, l'ivoire et le lapis-lazuli. Il est probable que les responsables des ateliers qui étaient chargés de surveiller le stockage aient été capable de lire et d'écrire. Les inventaires des ateliers étaient enregistrés sur des tablettes par des scribes palatiaux.
Malgré le contrôle administratif exercé par les palais, il existe également des preuves d'administration localisée en Grèce mycénienne. À Pylos, on pense qu'il y avait 16 districts différents présidés par un fonctionnaire appelé le koretor, dont le rôle était similaire à celui d'un gouverneur ou d'un maire des temps modernes. Cette personne était secondée par un prokoretor, et les deux dirigéaient un groupe d'hommes de haut rang propriétaires fonciers connus sous le nom de telestai. Un troisième groupe, appelé damos, est également indiqué dans les tablettes en Linéaire B. Le terme damos peut se référer généralement au peuple du royaume, mais il a parfois été interprété comme une institution locale, car selon les preuves archéologiques, les damos possédaient le pouvoir d'attribuer des terres à certains individus.
L'Élite guerrière
Les vestiges fouillés des palais mycéniens indiquent la présence de murs fortifiés, de citadelles et de diverses fresques documentant les scènes de batailles et de guerre mycénienne. Ce penchant pour la guerre et les exploits militaires sont un trait distinctif de la culture et de la société mycéniennes à la fin de l'Âge du Bronze. Ces tendances militaristes ont conduit à l'élévation des guerriers à une classe d'élite de Mycéniens et ont établi une culture dominante qui valorisait la masculinité et la virilité, comme en témoignent les représentations abondantes de combats, d'armes et de chasseurs dans l'art mycénien.
Dans les fresques mycéniennes, les guerriers sont représentés portant des tuniques, des jambières et les fameux casques à défenses de sanglier mycéniens, et portent souvent des boucliers (aspis) en figure de huit ou en forme de tour. Bien qu'elle puisse sembler insuffisante, une armure composée de plusieurs couches de lin aurait offert une protection adéquate, bien que les armures métalliques aient également été utilisées, comme en témoignent les tablettes en linéaire B de Pylos et l'armure mycénienne connue sous le nom d'armure mycénienne de Dendra. Cependant, la tenue des guerriers était également très symbolique, et l'analyse des restes squelettiques des tombes de guerriers indique que certains guerriers d'élite n'avaient pas réellement participé aux batailles mais avaient pris part à des duels, se battant pour la gloire et le statut. Les guerriers mycéniens d'élite étaient valorisés culturellement en tant qu'individus, et l'accent était particulièrement mis sur l'identité, la gloire et la beauté du guerrier. Reconnu non seulement pour son habileté au combat ou en tant que héros culturel, le guerrier mycénien devait également conserver une apparence distinguée, et les tombes fouillées de guerriers mycéniens possèdent souvent des accessoires personnels et des instruments de toilette.
Les Artisans
Au fur et à mesure que la société mycénienne prospèrait, les économies devinrent de plus en plus dépendantes du commerce international, nécessitant divers artisans qualifiés, qui servaient à remplir les classes inférieures de la hiérarchie sociale. Il s'agissait généralement de forgerons et d'armuriers, de parfumeurs, de charpentiers de marine, de foulons et de tisserands, de potiers, de bergers, de verriers et de boulangers, entre autres. Le niveau de contrôle palatial sur les biens variait d'une industrie à l'autre, laissant aux artisans une marge de manœuvre indépendante. De nombreux artisans fournissaient probablement des biens au palais volontairement et jouissaient de différents niveaux de statut social en fonction de la valeur de leur commerce. De plus, sur les tablettes on peut lire que les artisans travaillaient dans de nombreux secteurs d'activité, et bien qu'ils n'aient pas reçu de titres officiels, ils sont répertoriés parmi les officiels, ce qui suggère que certains pouvaient jouir d'un statut social élevé similaire à celui des «collecteurs». Les infrastructures des palais étaient également assez avancées, et des ingénieurs et des charpentiers hautement qualifiés dûrent très certainement être embauchés pour construire les fortifications trouvées sur les sites qui comprenaient des routes et des ponts, des tunnels pour l'eau et des infrastructures permettant de détourner les rivières.
Femmes et esclaves
Tous les responsables de la société mycénienne étaient des hommes, et le statut des femmes était largement défini par profession. De nombreuses femmes mycéniennes travaillaient dans le textile ou comme responsables des cultes lors des rites religieux et funéraires, comme en témoignent les cercueils peints (larnakes) représentant des processions de femmes en deuil et de femmes préparant un cadavre dans un rituel connu sous le nom de prothesis. Cependant, à Pylos, les femmes désignées comme responsables de cultes détenaient des titres tels que prêtresse, porteuse de clés ou servante d'une divinité spécifique. Ces femmes jouissaient d'un statut social plus élevé et, dans certains cas, étaient autorisées à contrôler les baux fonciers, avaient le droit de contester ou de s'engager dans des litiges politiques et juridiques et se voyaient attribuer des parcelles de terres par les damos. Cependant, les salaires de ces femmes ne sont pas enregistrés par le palais, ce qui suggère qu'elles exerçaient elles aussi en dehors de l'économie palatiale de Pylos.
Les esclaves ou domestiques appelés dowelos sont également documentés à Pylos, en grande partie dans le contexte de la production et de la pratique de culte. Bien que les esclaves mycéniens pouvaient également être des hommes ou des enfants, la majorité étaient des femmes, probablement kidnappées lors de raids militaires en Asie Mineure. Cependant, en tant que serviteurs de fonctionnaires palatiaux ou religieux, de nombreux serviteurs jouissaient d'un statut relativement élevé dans la société mycénienne.