Pasiphaé ("celle qui brille pour tous") était l'épouse du roi Minos de Crète et la mère du redoutable Minotaure (créature mi-taureau, mi-homme) dans la mythologie grecque. Elle était la fille du dieu soleil Hélios et de Persé, une Océanide. Comme sa sœur Circé et sa nièce Médée, Pasiphaé possédait le don de sorcellerie.
Le mythe le plus connu impliquant Pasiphaé est son histoire d'amour avec le beau taureau blanc, qui l'amena à donner naissance à la créature monstrueuse connue sous le nom de Minotaure. Cette histoire est racontée par de nombreux auteurs anciens, dont Ovide (43 av. J.-C. à 17 ap. J.-C.), Pseudo-Apollodore et Sénèque (4 av. J.-C. - 65 ap. J.-C). Elle figure également dans la pièce perdue Les Crétois du dramaturge grec Euripide (c. 484-407 av. J.-C.), dont il ne subsiste qu'un petit fragment, notamment un discours dans lequel Pasiphaé défend ses actes.
Famille
Pasiphaé était la fille du dieu soleil Hélios et de l'Océanide Persé. Elle était la sœur de la magicienne Circé, d'Éétès, roi de Colchide et propriétaire de la Toison d'or, et de Persès de Colchide. Elle était également la tante de l'enchanteresse Médée.
Minos, Pasiphaé et le Minotaure
Pasiphaé était mariée à Minos qui cherchait à devenir roi de Crète après la mort de son père adoptif. Pour prouver qu'il avait le droit divin de régner, il déclara que les dieux répondraient à tout ce qu'il leur demanderait. Il construisit un autel pour son oncle Poséidon, se prépara à un sacrifice et pria pour qu'un taureau surgisse de la mer, taureau qu'il promit de sacrifier ensuite. Un magnifique taureau blanc comme neige émergea de la mer, et Minos fut tellement frappé par sa beauté qu'il ne put supporter de le tuer. Au lieu de cela, il l'envoya rejoindre ses autres taureaux et en sacrifia un autre à sa place.
La promesse non tenue de Minos mit Poséidon en colère. Pourtant, au lieu de punir Minos, il punit sa femme, Pasiphaé, en la faisant tomber follement amoureuse du taureau. Rendue folle de désir pour l'animal, elle demanda l'aide de Dédale, un inventeur et architecte de talent qui vivait dans le palais. Il construisit une vache creuse en bois qu'il recouvrit d'une peau de vache et l'emmena dans l'enclos où se trouvait le taureau. Pasiphaé se cacha à l'intérieur de la fausse vache et, très vite, le taureau s'approcha d'elle et ils s'accouplèrent.
La fille du Soleil fut éprise d'un taureau, mais il était d'un autre sexe que le sien; et, si j'ose l'avouer, ma flamme est plus furieuse et plus désordonnée. Pasiphaé put espérer dans son égarement; et par l'artifice de Dédale, elle ne fut point trompée dans ses infâmes amours.
(Ovide, Métamorphoses, 9.740-741)
Très vite, Pasiphaé se retrouva enceinte à la suite de sa rencontre avec le taureau et, à sa grande horreur, donna naissance à une créature monstrueuse avec la tête et la queue d'un taureau et un corps humain. Le monstre s'appelait Astérios (ou Astérion), mais il est plus connu sous le nom de Minotaure ("Taureau de Minos"). Pour empêcher que le Minotaure ne fasse des ravages à la cour, Minos demanda à Dédale de construire quelque chose qui puisse piéger la bête. Dédale créa le Labyrinthe souterrain, si bien conçu que quiconque s'y retrouvait ne pouvait plus jamais en sortir.
Dans une autre version du mythe, Pasiphaé avait négligé d'honorer Aphrodite par des sacrifices, et la déesse l'avait punie en la faisant tomber amoureuse du taureau. Une autre encore affirme que Minos avait offensé Zeus, et non Poséidon. Selon certaines traditions, Minos aurait consulté un oracle pour savoir comment éviter tout scandale lié à la liaison de sa femme. L'oracle aurait suggéré que Dédale lui construise une cachette à Knossos, où Minos pourrait vivre le reste de sa vie en paix et où Pasiphaé et le Minotaure seraient tous deux dissimulés à la vue de tous. Cette cachette aurait été le Labyrinthe.
Selon l'historien grec Diodore de Sicile (vers le 1er siècle av. J.-C.), Dédale craignait la colère de Minos pour avoir aidé Pasiphaé à s'accoupler avec le taureau. Pasiphaé l'aida, ainsi que son fils Icare, à s'enfuir de Crète à bord d'un bateau. Diodore de Sicile raconte que d'autres auteurs anciens auraient affirmé que Pasiphaé avait aidé Dédale à se cacher en Crète pendant que Minos fouillait tous les navires dans le port. Une autre tradition raconte que Minos était tellement en colère qu'il avait enfermé Dédale et Icare dans le labyrinthe que Dédale avait lui-même conçu et que Pasiphaé les avait libérés tous les deux.
La malédiction du roi Minos
Le roi Minos eut de nombreuses liaisons pendant son mariage avec Pasiphaé, et il ne fallut pas longtemps à Pasiphaé pour se lasser des frasques de son mari et lui faire avaler une potion. Dès lors, il éjaculait des scorpions et des serpents chaque fois qu'il avait des rapports sexuels avec d'autres femmes.
Désormais, si une femme avait des rapports avec Minos, il lui était impossible d'en réchapper vivante ; car Minos avait beaucoup de femmes, Pasiphaé lui jeta un sort, et chaque fois qu'il prenait une autre femme dans son lit,
il lançait des bêtes sauvages sur elle et la femme périssait.(Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, 3.314-315)
Procris, fille du roi Érechthée d'Athènes, fut séduite par Minos lors d'une visite en Crète. Elle fit prendre à Minos un élixir inventé par Circé pour qu'il ne la remplisse pas de scorpions et de serpents lorsqu'ils coucheraient ensemble. Cependant, Procris craignait Pasiphaé et sa magie et retourna rapidement à Athènes.
En tant que fille d'Hélios, Pasiphaé était supposée être immortelle, ce qui explique qu'elle n'ait pas été touchée par la malédiction de Minos. Toutefois, cette affirmation diffère selon les sources. Dans l'Énéide de Virgile (70-19 av. J.-C.), par exemple, Énée voit Pasiphaé lorsqu'il visite les Enfers, ce qui suggère qu'elle est mortelle. Elle se trouve dans un endroit connu sous le nom de "champs des Pleurs", où les victimes de relations malheureuses viennent passer leur vie après la mort.
En ces lieux, Énée distingue Phèdre et Procris, et Ériphyle, montrant avec tristesse les
blessures que lui fit un fils cruel, Évadné et Pasiphaé. Laodamie les accompagne
et Cénée, jeune homme autrefois, maintenant femme à nouveau, ramené par le destin à sa forme d'antan.
(Virgile, Enéide, 6.447-448, Bibliotheca classica Selecta)
Comme les autres femmes de sa famille, Circé et Médée, les pouvoirs de Pasiphaé perturbaient l'ordre naturel du monde. C'est peut-être la raison pour laquelle Pasiphaé, Circé et Médée n'ont jamais pu avoir de relations fructueuses, en particulier avec des hommes mortels, et ont toujours été condamnées à finir seules.
Les enfants de Pasiphaé
Minos et Pasiphaé eurent de nombreux enfants, dont Androgée, Catré, Deucalion, Glaucos, Acacallis, Xénodice, Ariane et Phèdre. La plupart d'entre eux menèrent une vie triste et moururent jeunes. Le plus célèbre des enfants de Minos et de Pasiphaé est leur fille Ariane, qui joua un rôle clé dans le mythe du héros grec Thésée et du Minotaure. Phèdre, une autre de leurs filles, se suicida après avoir épousé Thésée ou après qu'Hippolyte, le fils d'Aphrodite, l'eut rejetée.
Androgée fut tué à Athènes, soit dans une embuscade, soit en affrontant le taureau crétois (le taureau dont sa mère Pasiphaé était tombée amoureuse). Pour punir Athènes de sa mort, Minos exigea que le roi Égée d'Athènes envoie tous les neuf ans sept hommes et femmes pour être sacrifiés au Minotaure.
Pasiphaé aurait également été la mère de Cydon, héros de la colonie cydonienne de Crète, et d'Ammon, héros et divinité libyenne.
Culte
Selon Pausanias (v. 115 à v. 180 ap. J.-C.), dans sa Description de la Grèce, sur la route d'Oitylo à Thalamai en Laconie, il y avait un sanctuaire et un oracle d'Ino (une reine devenue déesse). Dans le sanctuaire se trouvent des sculptures en bronze de Pasiphaé et de son père, Hélios. Pausanias mentionne que Pasiphaé était vénérée en tant que déesse de la lune et non en tant que déesse locale de Thalamai.
Dans son De Divinatione, Cicéron (106-43 av. J.-C.) mentionne que les rois de Sparte dormaient dans un sanctuaire dédié à Pasiphaé afin qu'elle puisse leur envoyer des rêves prophétiques. Ce sanctuaire était situé dans un champ près de la ville.
Femmes et animaux dans la mythologie grecque
Un thème récurrent de la mythologie grecque est la relation sexuelle entre des femmes mortelles ou immortelles et des animaux. Dans la plupart des cas, les animaux étaient en fait des divinités déguisées qui, pour une raison ou une autre, trompaient la femme avec laquelle elles couchaient ou la séduisaient sous leur forme animale. C'est ainsi que Zeus apparut à Léda sous la forme d'un cygne et à Europe sous celle d'un taureau, que Poséidon apparut à Déméter sous la forme d'un cheval, à Méduse sous celle d'un oiseau et à Mélantho sous celle d'un dauphin.
Si le mythe de Pasiphaé et du taureau blanc s'inscrit dans une tendance déjà présente dans la mythologie grecque, il est également unique, car il s'agit d'un rare exemple de relation sexuelle entre une femme et un animal qui n'est pas un dieu déguisé. Cependant, cet amour pour le taureau n'était autre qu'une malédiction jetée par un dieu.
Au fil des ans, les spécialistes ont tenté d'expliquer la raison de ce thème commun. Ils supposent que les traditions et la morale des Grecs de l'Antiquité pourraient expliquer pourquoi les femmes étaient séduites par les animaux dans la mythologie grecque. Dans la Grèce antique, les femmes étaient censées être chastes jusqu'à ce qu'elles ne se marient. Les déguisements d'animaux utilisés par les dieux étaient considérés comme un moyen de venir à bout, symboliquement, de toute résistance des femmes à préserver leur chasteté.
Héritage et culture populaire
Pasiphaé est un personnage de plusieurs livres et adaptations télévisées, notamment la série télévisée fantastique Atlantis (2013-2015), diffusée sur BBC One. Elle figure également dans l'Enfer de Dante Alighieri (1265-1321), le livre La maison d'Hadès de Rick Riordan (2013), Circé de Madeline Miller (2018) et Ariane de Jennifer Saint (2021).
Pasiphaé est le nom de l'une des lunes de Jupiter. C'est la plus grande lune du groupe de Pasiphaé, qui comprend plusieurs satellites joviens. Elle fut découverte en 1908 par l'astronome britannique Philibert Jacques (1880-1961). On pense que la lune était à l'origine un astéroïde qui se serait ensuite brisé en morceaux.