Persépolis était la capitale de l'empire perse achéménide du règne de Darius Ier (le Grand, r. 522-486 av. J.-C.) jusqu'à sa destruction en 330 av. J.-C.. Son nom vient du grec Perses-polis (ville perse), mais les Perses la connaissaient sous le nom de Parsa (ville des Perses).
La construction commença entre 518 et 515 av. J.-C. sous Darius Ier qui voulait un nouveau départ pour l'administration du gouvernement perse et déplaça la capitale de Pasargades (la capitale établie par Cyrus le Grand, r. vers 550-530 av. J.-C.). La ville était cependant située dans une région reculée des montagnes, ce qui rendait les déplacements difficiles pendant la saison des pluies de l'hiver perse, de sorte que l'administration de l'empire achéménide était également supervisée depuis Ecbatane, Babylone et Suse. Persépolis était une résidence royale de printemps et d'été et semble avoir été conçue comme centre cérémoniel où les représentants des États sujets venaient présenter leurs respects au roi.
Le complexe se composait de neuf structures :
- L'Apadana (salle de réception hypostyle).
- Trachara (palais de Darius Ier)
- Salle du Conseil
- Trésorerie
- Salle du trône
- Palais de Xerxès Ier
- Harem de Xerxès Ier
- Porte de toutes les nations
- Tombeau du roi
Sur ces neuf bâtiments, les trois premiers furent construits par Darius Ier (qui commença également la construction du trésor) et les autres furent achevés par ses successeurs, notamment son fils Xerxès Ier (r. 486-465 av. J.-C.) et son petit-fils Artaxerxès Ier (r. 465-424 av. J.-C.). Il y avait également des bâtiments résidentiels, une place de marché et des structures que les archéologues n'ont pas encore identifiées avec certitude, dont au moins une est très probablement le palais d'Artaxerxès I.
L'emplacement éloigné de la ville permit de la garder secrète pour le monde extérieur, et elle devint la ville la plus sûre de l'Empire perse pour stocker l'art, les artefacts, les archives et conserver le trésor royal. Les Grecs n'avaient aucune idée de l'existence de la ville jusqu'à ce qu'elle ne soit mise à sac et pillée par Alexandre le Grand (l. 356-323 av. J.-C.) en 330 av. J.-C., qui la brûla et emporta ses immenses trésors. Les ruines sont restées enfouies jusqu'au 17e siècle, lorsqu'elles furent identifiées comme étant la grande cité royale de Persépolis, mais les fouilles professionnelles n'ont réellement commencé qu'en 1931, et les travaux se poursuivent depuis.
La ville de Darius Ier
Darius Ier succéda à Cambyses II (r. 530-522 av. J.-C.), fils de Cyrus le Grand. Contrairement à ce qu'affirme Darius Ier, la transition entre le règne de Cambyses II et le sien ne se fit pas sans heurts et ne fut pas pacifique. Darius Ier admit que certaines satrapies (provinces) s'étaient révoltées lorsqu'il était monté sur le trône mais minimisa la résistance à son règne tout en mettant en avant les satrapies loyales ainsi que sa popularité et son pouvoir.
Le problème de la transition était qu'il y avait déjà un roi en place - Bardiya, frère de Cambyses II - qui prit le contrôle pendant que Cambyses II faisait campagne en Égypte. Cambyse II mourut sur le chemin du retour de la campagne en 522 av. J.-C., et Bardiya fut alors assassiné par Darius Ier. Darius Ier affirma cependant que l'homme qu'il avait tué n'était pas Bardiya, mais un habile usurpateur nommé Gaumata qui ressemblait à Bardiya. Le véritable Bardiya, selon Darius Ier, avait été tué par Cambyses II des années auparavant. Darius Ier, en tant que cousin de Cambyses II, était donc l'héritier légitime du trône. Très peu de satrapies crurent à cette histoire, et Darius Ier dut passer les premières années de son règne à réprimer des révoltes.
Peut-être pour éloigner son règne de ce désagrément initial, ainsi que pour rompre les liens avec le passé, Darius fit construire la nouvelle ville loin de l'ancienne capitale de Pasargades et tout aussi éloignée des centres administratifs établis tels qu'Ecbatane, Babylone et Suse. C'est ce que suggère l'expert A.T. Olmstead, qui écrit :
Pasargades parlait trop éloquemment de la dynastie supplantée, et Darius chercha un nouveau site pour sa capitale. À 40 km de la gorge sinueuse de la rivière Median qui arrose la plaine de Pasargades, une route taillée dans la roche mène à une autre plaine plus large. À travers elle coulait un fleuve encore plus grand, l'Araxe, pour irriguer le sol fertile, jusqu'à ce que le cours d'eau ne finisse par disparaître dans le grand lac salé du sud-ouest de la Perse. (172)
Sur une plaine dégagée (connue aujourd'hui sous le nom de plaine de Marvdacht), Darius éleva une énorme plate-forme-terrasse de 125 000 mètres carrés et de 20 mètres de haut sur laquelle il construisit la salle du conseil, le palais et la salle de réception, l'Apadana, comprenant une salle hypostyle de 60 mètres de long avec 72 colonnes de 19 mètres de haut soutenant un toit de cèdre et de poutres de cèdre du Liban. Les colonnes étaient surmontées de sculptures représentant divers animaux symbolisant l'autorité et le pouvoir du roi, tels que le taureau et le lion. Aux quatre coins du palais se trouvaient quatre tours et les murs intérieurs de la salle étaient brillamment décorés. À l'extérieur, sur les murs de la plate-forme située sous l'Apadana, des bas-reliefs représentaient les différents peuples des vingt-trois nations sujettes de l'empire achéménide arrivant avec des cadeaux pour présenter leurs respects au roi. Ces reliefs sont si précis dans leurs détails que les nationalités représentées sont facilement identifiables.
La pierre calcaire et la brique crue furent les principaux matériaux de construction utilisés à Persépolis. Après que la roche naturelle ait été nivelée dans la plaine et que les dépressions aient été comblées, des tunnels pour les eaux usées furent creusés dans la roche et la plate-forme commença à s'élever. Une grande citerne surélevée fut creusée au pied oriental de la montagne, derrière la plate-forme, afin de recueillir l'eau de pluie pour se laver et boire. Le complexe fut partiellement taillé dans la montagne Kuh-e Rahmat ("le mont de la miséricorde"). Pour créer la terrasse plane, de grandes dépressions furent remplies de terre et de lourdes roches qui furent ensuite fixées ensemble avec des attaches métalliques ; sur ce sol, le premier palais de Persépolis grandit peu à peu.
Vers 515 av. J.-C., la construction des larges escaliers menant de la base de la terrasse jusqu'aux portes du palais commença. Cette grande entrée double du palais, connue sous le nom d'escalier persépolitain, était un chef-d'œuvre de symétrie et les marches étaient si larges que la royauté perse et les personnes de noble naissance pouvaient monter ou descendre les escaliers à cheval, sans avoir à fouler le sol avec leurs pieds. La coupe de l'escalier, d'une incroyable largeur, servait également à ralentir l'ascension des visiteurs du roi, car il fallait monter et traverser le palier avant d'atteindre l'escalier suivant, ce qui permettait une ascension lente et majestueuse vers l'Apadana.
La cité de Xerxès
Bien que la construction ait commencé sous Darius Ier, la grandeur du site dans son ensemble était due principalement aux efforts de Xerxès Ier et d'Artaxerxès Ier, des embellissements ultérieurs ayant été apportés par Artaxerxès II (r. 404-358 av. J.-C.), Artaxerxès III (r. 358-338 av. J.-C.) et d'autres rois achéménides. Les noms et les images de Xerxès I et d'Artaxerxès I (ainsi que celui de Darius I) apparaissent le plus souvent inscrits sur des tablettes, au-dessus de portes et dans des couloirs à travers les ruines de la ville.
On accédait au grand complexe palatial construit par Xerxès Ier par la porte de toutes les nations, flanquée de deux statues monumentales de lamassus (hommes-taureaux) censés éloigner le mal. La porte s'ouvrait sur un grand hall de 25 mètres de long, avec quatre grandes colonnes de 18,5 mètres de haut supportant un toit en cèdre. C'est là que les représentants des nations soumises à l'empire rendaient leur tribut au roi. Il y avait deux portes, l'une au sud qui donnait sur la cour de l'Apadana et l'autre sur une route sinueuse à l'est. Les dispositifs pivotants trouvés sur les coins intérieurs de toutes les portes indiquent qu'il s'agissait de portes à deux battants, probablement en bois, et recouvertes de feuilles de métal orné.
Entre son palais et la salle du Conseil, Xerxès Ier construisit une résidence pour son harem composée de 22 appartements et donnant accès à des jardins clos. On pouvait accéder au harem soit depuis son palais, soit depuis la Salle du Conseil. Le bâtiment du harem était en forme de L, orienté nord-sud, avec quatre grandes portes décorées de reliefs. Le célèbre relief de Xerxès Ier suivi de deux serviteurs (l'un tenant un parasol sur la tête du roi et l'autre un chasse-mouches), qui accompagne fréquemment les articles sur Xerxès Ier, provient du montant de la porte sud du harem.
Derrière la résidence du harem se trouvait le Trésor qui abritait les archives du gouvernement, les ouvrages religieux et autres écrits, les œuvres d'art, le butin pris lors des conquêtes et le tribut apporté à la ville par les nations soumises. Il servait également d'armurerie et, vers l'avant, de salle de réception pour les diplomates en visite, décorée de reliefs représentant Darius Ier et Xerxès Ier. Devant le trésor et le harem se trouvait la salle du trône (également appelée salle des 100 colonnes), commencée par Xerxès Ier et terminée par Artaxerxès Ier.
Ajouts ultérieurs et tombes
Selon l'historien Diodore de Sicile (1er siècle av. J.-C.), la ville était entourée de trois murs. On ne sait pas quand ces murs furent construits ni par qui, puisqu'ils furent détruits par Alexandre le Grand et qu'il n'en reste rien aujourd'hui. Le premier mur, qui entourait immédiatement la terrasse, avait une hauteur de 7 mètres (23 pieds). Le deuxième, sans doute avec un certain intervalle entre lui et le premier, mesurait 14 mètres de haut, et le troisième s'élevait à 27 mètres. Ces murs étaient surmontés de tours et toujours habités. Une passerelle, sans doute, autour du sommet permettait de se défendre de n'importe quelle direction.
On pense que les écuries royales et le hangar à chars étaient situés derrière le trésor et le palais de Xerxès. Les structures de l'angle sud-est de la terrasse ont été possiblement identifiées comme telles et, à proximité, se trouvait la garnison de la ville qui abritait l'armée régulière permanente ainsi que les célèbres Dix Mille Immortels, la force de choc et gardes du corps personnels du roi.
Le long de cette même rangée se trouvait un bâtiment qui abritait l'atelier des artisans et un certain nombre de petites structures en briques crues qui étaient probablement leurs résidences. L'un des nombreux aspects intrigants des ruines de Persépolis pour les archéologues a été de déterminer précisément quelle était la fonction de la ville et qui vivait où. Il semble toutefois que la classe supérieure vivait sur la terrasse surélevée et les gens du peuple en dessous dans des maisons en briques crues qui, selon Diodore, étaient encore tout à fait respectables.
À l'est de la ville se trouve une tombe royale, dont on ne sait pas à qui elle appartient, et à 4 kilomètres au nord-est se trouvent les tombes de Darius Ier et de ses successeurs immédiats, creusées dans la roche. Ceux qui ne furent pas enterrés dans ces tombes le furent à Persépolis, probablement dans la zone entourant la tombe orientale.
Destruction de Persépolis
Après sa victoire sur Darius III (r. 336-330 av. J.-C.) à la bataille de Gaugamèles en 331 av. J.-C., Alexandre le Grand marcha sur la ville de Suse, qui se rendit sans résistance. Après avoir quitté Suse pour Persépolis, il reçut une lettre d'un certain Tiridate, satrape de Persépolis, lui disant que les Perses fidèles à Darius III étaient en route vers Persépolis pour la fortifier contre son attaque et que, s'il arrivait le premier, Tiridate lui céderait la ville, mais que, dans le cas contraire, il devrait se battre pour la défendre. Alexandre ordonna à ses hommes une marche forcée, traversa le fleuve Araxe et s'approchait de la ville lorsque, selon Diodore de Sicile, ils furent accueillis par une foule d'environ 800 artisans grecs de Persépolis.
Presque tous étaient âgés et avaient été faits prisonniers puis mutilés par les Perses, expliquaient-ils (certains avaient perdu une main, un autre un pied), de sorte qu'ils pouvaient encore exercer les compétences qui leur étaient demandées mais étaient handicapés et ne pouvaient donc pas s'échapper facilement. Alexandre leur donna des vêtements et un salaire et on dit qu'il fut très ému, ainsi que son personnel supérieur, par cette rencontre. Bien que Diodore ne le dise pas, cette rencontre avec les artisans grecs influença peut-être l'attitude d'Alexandre à l'égard de la ville car, contrairement à Suse, lorsqu'il y arriva, il donna carte blanche à ses hommes pour piller la ville - à l'exception des palais - et prendre ce qu'ils voulaient. Diodore décrit la scène :
Persépolis était alors la ville la plus riche qu'il y eut sous le soleil. Les Macédoniens entrant de force dans les maisons des particuliers, qu'une longue suite d'années avait pourvues de tout les ameublements qui pouvaient les embellir, y tuèrent tous les hommes et emportèrent tous les ornements et toutes les richesses dont ils les trouvèrent remplies, [3] sans parler d'une très grande quantité d'or et d'argent monnayé, des habits somptueux teints en pourpre ou des étoffes tissues d'or et de soie furent là le prix du vainqueur. (17.70.2-3)
Après la prise de la ville, Alexandre et ses hommes firent la fête jusque tard dans la nuit, buvant et festoyant, jusqu'à ce qu'ils soient tous - ou presque - ivres. À un moment donné, une femme du groupe, nommée Thais, suggéra à Alexandre de mettre le feu à la ville. Diodore décrit la destruction de Persépolis :
Alexandre fit offrir là aux dieux des sacrifices de victoire pour leur rendre grâce de ses succès, et il y traita magnifiquement ses amis et ses officiers. Enfin tous les conviés étant rassasiés et le vin ayant pris le dessus dans toutes les têtes, on en vint jusqu'à la fureur et à la rage. On exécute au sortir d'une débauche de table le projet de mettre le feu au palais de Persépolis.
Une des courtisanes qui avaient été de leur repas, nommée Thaïs, et Athénienne de naissance, s'avisa de dire que la plus belle chose qu'Alexandre pût faire en Asie était qu'a la fin d'un repas où il avait admis des femmes à sa table, il fit brûler et disparaître par leurs mains en un moment le plus fameux édifice de la Perse. Cette proposition présentée à de jeunes gens à qui le vin avait déjà fait perdre la tête, leur fit demander des flambeaux allumés pour venger, disaient-ils, l'impiété commise auparavant par les Perses à l'égard des temples de la Grèce. Ils vinrent même à dire que c'était à Alexandre lui-même à commencer cette expédition. Le roi, flatté de ce discours, les fit tous lever de table et se mit à leur tête : ils disaient entre eux qu'ils allaient offrir à Bacchus une libation de victoire. En un moment un grand nombre de flambeaux furent allumés, les femmes tinrent lieu de musiciens : et le roi guidé par la courtisane Thaïs, marcha au son des fifres et des flûtes comme à une Bacchanale. Thaïs jeta d'abord après le roi son flambeau dans le palais, et tout le reste de la troupe ayant suivi son exemple, le palais entier fut bientôt embrasé par l'étendue qu'on avait donnée à cet incendie volontaire. Ainsi par un événement remarquable, une femme de la plus vile profession conduite uniquement par un esprit de débauche vengea la ville d'Athènes où elle était née, du sacrilège commis autrefois et bien des années auparavant, par le roi Xerxès dans le temple de Minerve. (Histoire universelle, 17.72.1-6, remacle)
Diodore n'est pas le seul historien antique à faire cette affirmation, qui est généralement acceptée comme exacte. L'historien romain Plutarque (c. 45 - c. 125 de notre ère) relate une histoire similaire, affirmant en outre qu'Alexandre emporta les trésors de Persépolis sur le dos de 20 000 mules et 5 000 chameaux.
L'incendie, qui consuma Persépolis au point qu'il ne restait plus des grands palais et des salles que des colonnes, des fragments de murs, des escaliers et des portes, détruisit également les ouvrages religieux des Perses écrits sur parchemin ainsi que leurs œuvres d'art. Le palais de Xerxès, qui avait planifié et exécuté l'invasion de la Grèce en 480 av. J.-C., reçut un traitement particulièrement brutal lors de la destruction du complexe.
Conclusion
La ville s'effondra sous le poids de sa propre ruine (bien que, pendant un certain temps, elle ait été la capitale de l'empire vaincu) et fut perdue dans le temps. Les habitants de la région ne la connaissaient que sous le nom de "lieu des quarante colonnes", en raison des colonnes encore debout parmi les décombres. Avec le temps, le site fut associé à des entités surnaturelles, fut considéré comme hanté et fut généralement évité.
En 1618, les ruines furent identifiées comme étant celles de Persépolis, mais à part les fouilles amateurs des chasseurs de trésors, aucun effort ne fut fait pour fouiller le site. Ce n'est qu'en 1931 que des fouilles professionnelles ont commencé et que Persépolis est à nouveau sortie des sables. Ces fouilles ont confirmé les rapports des historiens de l'Antiquité concernant l'incendie de Persépolis, car les ruines contenaient de nombreuses preuves que la ville avait été détruite par un grand incendie.
Bien que le feu ait détruit tout ce qui était écrit sur du parchemin, les tablettes d'argile du texte cunéiforme furent cuites puis enterrées par les gravats, ce qui les préserva. Parmi celles-ci, on trouve les Tablettes des fortifications (environ 8 000 documents sur l'économie de l'empire sous Darius Ier), les Textes du Trésor (travaux administratifs du règne d'Artaxerxès Ier) et les Textes dits de voyage, qui consignent les paiements et les rations accordés aux voyageurs et à leurs bêtes de somme.
Depuis 1931, à l'exception des périodes où les conflits dans la région l'empêchaient, les fouilles se sont poursuivies sur le site. Aujourd'hui, il s'agit d'un parc archéologique situé au nord-ouest de la ville moderne de Shiraz, en Iran, dans la province de Fars. Il a été déclaré site du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1979 et attire des visiteurs du monde entier qui viennent découvrir la merveille qu'était la grande ville de Persépolis.