Héraclius (Hērakleios) fut empereur de l'Empire byzantin de 610 à 641 de notre ère. Il écrasa l'empire perse et ramena la Vraie Croix, qui avait été dérobée, à Jérusalem, mais la seconde moitié de son règne fut marquée par des intrigues et des controverses ecclésiastiques qui divisèrent l'église chrétienne; pire encore, il ne put rien faire pour arrêter la marche implacable des armées du califat arabe. Le règne d'Héraclius fut un règne de type "qu'est-ce qui aurait pu se passer ?", mais au moins il sauva l'empire au plus bas et fonda une dynastie qui apporta une stabilité politique bien nécessaire au 7e siècle.
Avènement en tant qu'empereur
Héraclius vit le jour vers 574, fils du gouverneur de Carthage, également connu sous le nom d'Héraclius. En octobre 610, le futur empereur fut choisi par son père pour répondre à la demande du Sénat de Constantinople de venir les délivrer du tyran sanguinaire Phocas (r. de 602 à 610). Héraclius reçut le commandement d'une flotte qui, lorsqu'elle fut aperçue depuis Constantinople, provoqua une rébellion et le renversement immédiat de Phocas. Héraclius, âgé de 36 ans, fut proclamé nouvel empereur. Avec sa taille, son allure et ses boucles d'or, il en avait très certainement l'air, mais son empire s'effondrait peu à peu - il avait déjà perdu la moitié de sa gloire passée - et, plus important encore, il était en faillite.
Campagnes militaires
Les premières escapades militaires d'Héraclius ne furent rien moins qu'un désastre, avec des défaites face aux Perses, la perte de Jérusalem en 614 et, en 618, d'une partie de l'Égypte, principale source de céréales de l'empire. La tendance aux revers se poursuivrait en Afrique du Nord jusqu'en 629, bien que l'empereur ait acquis les biens de valeur de l'Église afin de financer ses armées en déroute. La situation était si mauvaise qu'Héraclius envisagea sérieusement de rentrer à Carthage et d'y établir sa capitale, mais il fut persuadé de rester par l'évêque de Constantinople, Serge Ier, et par la population, qui savait à quoi s'attendre si Constantinople était abandonnée.
Les choses s'améliorèrent en Orient à partir de 622, lorsque Héraclius passa enfin à l'attaque avec son armée soigneusement constituée et bien entraînée et sa marine encore puissante, remportant plusieurs victoires contre Khosrow II, le roi perse. Pendant que l'empereur était en campagne, la capitale fut assiégée par une force combinée de 80 000 Avars et Perses en 626. Héraclius renvoya un tiers de son armée pour défendre Constantinople mais, surtout, maintint le gros de ses forces en Asie.
La capitale dut résister aux assauts des engins de siège et des missiles, les défenseurs étant organisés par le général Bonus et ralliés dans l'esprit par Serge, qui fit défiler la population de la ville autour des murs en brandissant une icône de la Vierge Marie. Les formidables fortifications de la ville offirent une protection néanmoins plus pratique et en fin de compte plus efficace. La persévérance porta également ses fruits pour les Byzantins à l'étranger, et l'armée perse, affaiblie par la libération de contingents pour attaquer Constantinople, fut détruite lors de la bataille de Ninive, qui dura 11 heures en 627. Héraclius, menant son armée en personne dans sa célèbre armure étincelante, aurait tué son homologue, le général Rhazhadh, en combat singulier, tranchant la tête du Perse d'un seul coup d'épée. En prime, les coffres de l'État byzantin furent renfloués après la mise à sac et le pillage de Ctésiphon juste après la bataille, lorsque les conquérants découvrirent qu'il y avait, littéralement, trop d'or à emporter. Khosrow II fut renversé, une paix fut négociée et, lorsque l'État perse s'effondra en l'an 630, 400 ans de guerres entre les deux empires prirent finalement fin.
Héraclius fut acclamé non seulement pour sa victoire militaire, mais aussi pour avoir retrouvé une relique de la Vraie Croix (que l'on croit être la vraie croix en bois sur laquelle Jésus-Christ avait été crucifié). Les Perses avaient volé le fragment à Jérusalem, mais Héraclius le récupéra et le restitua. Lorsque les Arabes menacèrent Jérusalem en 635, l'empereur la fit transporter à Constantinople pour qu'il repose dans l'église de Sainte-Sophie.
L'Empire byzantin avait acquis une nouvelle confiance - il y avait un empereur compétent sur le trône, et on estimait que le moment était venu de couper certains des anciens liens avec l'Empire romain, mort depuis longtemps. Le grec devint la langue officielle, reléguant enfin au second plan le latin, déjà négligé, qui ne subsistait que dans les lois que peu comprenaient. Même les titres romains d'Auguste et d'Imperator Caesar, longtemps utilisés, furent remplacés par le grec Basileus ("roi").
Malgré cet optimisme, en 636, Héraclius vit sa chance tourner à nouveau lorsque les Arabes remportèrent une victoire décisive à la bataille du Yarmouk. Les Arabes, apparemment sortis de nulle part, étaient dirigés par le brillant général Khalid qui avait forgé une armée formidable et très mobile à l'aide de chameaux. Grâce à la dissension des commandants byzantins et à une tempête de sable survenue au mauvais moment, l'armée byzantine fut massacrée. La défaite du Yarmouk, un affluent du Jourdain, donna aux Arabes le contrôle de la Syrie. Ils ne s'arrêteraient pas là et, à la fin du règne d'Héraclius, quatre ans plus tard, le califat arabe contrôlerait également la Mésopotamie, l'Arménie et l'Égypte. Byzance n'avait ni l'argent ni la main-d'œuvre nécessaires pour empêcher la désintégration de la partie orientale de l'empire.
Disputes ecclésiastiques
Sous le règne d'Héraclius, l'Église continua d'être divisée par des disputes théologiques sans qu'aucune résolution ne soit en vue, notamment le débat sur le monophysisme et le dyophysisme - la première position soutenant que le Christ avait une nature inséparable à la fois divine et humaine (ou seulement divine) et la seconde soutenant qu'il avait deux natures séparées. Serge proposa un compromis, la doctrine du Monoénergisme - selon laquelle le Christ avait une seule énergie - et lorsque celle-ci ne parvint pas à convaincre l'Église des provinces orientales, il proposa, à la suite d'une alternative, l'idée du Monothélétisme - selon laquelle le Christ avait une seule volonté qui unissait ses natures divine et humaine - qui fut proposée pour la première fois par le pape Honorius Ier (625-638). Héraclius tenta de résoudre lui-même certains des débats ecclésiastiques avec son décret de 638, l'Ekthesis, qui soutenait le monothéisme, mais cette idée ne fut pas retenue, elle fut contestée par le nouveau pape Séverin et condamnée par le Conseil œcuménique de 680-681. De toute façon, le plan d'Héraclius visant à pacifier les deux côtés de l'Église devint inutile après la perte par Byzance des parties orientales de l'empire.
Conflit de succession
Comme si Héraclius n'avait pas assez de problèmes avec la défense de l'empire des attaques extérieures, il y avait beaucoup d'intrigues pour remettre en cause le statu quo depuis l'intérieur. La principale cause de perturbation semblait être la propre épouse de l'empereur (sa seconde), Martine, également nièce d'Héraclius. Ce mariage incestueux avait fait l'objet de nombreuses critiques de la part de l'Église et du peuple, mais les succès de l'empereur contre la Perse avaient annulé ces critiques. Cependant, lorsque les choses commencèrent à se gâter et que les armées arabes mirent à sac les villes chrétiennes les unes après les autres, le peuple commença à murmurer que Dieu avait abandonné les Byzantins à cause du péché de leur empereur. Le fait que six des neuf enfants du couple soient nés difformes ou soient morts en bas âge ajouta de l'eau au moulin de la théorie selon laquelle Dieu était mécontent d'Héraclius et que c'était le peuple qui en fin de compte en payait le prix. L'empereur eut sa propre souffrance sous la forme d'une maladie qui le fit vieillir prématurément. Héraclius mourut en février 641 et il fut enterré dans un sarcophage d'onyx blanc dans le mausolée impérial de l'église des Saints-Apôtres de sa capitale.
Martine, quant à elle, conspira pour que son propre fils, Héraclonas, soit désigné comme prochain empereur. Elle ne réussit qu'à moitié, puisque Héraclonas partagea le trône avec son demi-frère Constantin III (fils d'Héraclius et de sa première épouse Fabia Eudocia). Constantin mourut de tuberculose trois mois seulement après son père, ce qui donna à Martine l'occasion de manipuler son fils et de gouverner en tant que régente, bien qu'elle ait eu le titre officiel de co-empereur. Ils étaient tous deux impopulaires et la perte d'Alexandrie au profit des Arabes n'arrangea rien. Valentin Arsakouni les renversa en septembre 641, coupant la langue de Martine, tranchant le nez d'Héraclonas et les exilant tous deux à Rhodes. Les mutilations étaient destinées à marquer de façon permanente l'inaptitude des deux à exercer leurs fonctions, ce qui allait devenir une pratique byzantine courante à partir de ce moment-là. Valentin fut lui-même renversé quelques mois plus tard par Constans II, le fils de Constantin III, qui régna pendant les 27 années suivantes mais ne réussit guère mieux que son grand-père Héraclius à enrayer le déclin territorial de l'Empire byzantin.