Les guerres puniques furent une série de conflits entre les forces de l'ancienne Carthage et Rome entre 264 et 146 avant JC. Le nom punique vient du mot Phénicien (Phoinix en grec, Punicus en latin) appliqué aux citoyens de Carthage, qui étaient d'origine phénicienne. Comme l'histoire du conflit fut écrite par des auteurs romains, ils l'appelèrent: Les guerres puniques.
Avant le conflit, vers 260 av. JC Carthage était passée d'un petit port d'escale à la ville la plus riche et la plus puissante de la région méditerranéenne. Elle possédait une flotte puissante, une armée de mercenaires et, grâce à aux tributs, aux droits de douane et au commerce, assez de richesse pour faire tout ce qu'elle voulait. Par le biais d'un traité avec la petite ville de Rome, elle interdit le commerce romain en Méditerranée occidentale et, comme Rome n'avait pas de marine à proprement parler, elle pouvait facilement faire appliquer ce traité. Les commerçants romains capturés dans les eaux carthaginoises étaient noyés et leurs navires saisis.
Première Guerre punique
Tant que Rome demeura la petite ville de commerce près du Tibre, Carthage put régner en toute suprématie; mais l'île de Sicile serait la poudrière du ressentiment romain croissant envers les Carthaginois. La Sicile était en partie sous contrôle carthaginois et en partie sous contrôle romain. Quand Hiéron II de Syracuse affronta les Mamertins de Messine, ces derniers demandèrent d'abord l'aide de Carthage puis celle de Rome. Les Carthaginois avaient déjà accepté de leur venir en aide et se sentirent trahis par ce deuxième appel à l'aide. Ils changèrent de camp et envoyèrent des forces supplémentaires à Hiéron II. Les Romains combattirent aux côtés des Mamertins de Messine et, en 264 av. JC, Rome et Carthage se déclarèrent la guerre pour le contrôle de la Sicile.
Même si Rome n'avait pas de flotte et ne connaissait rien des batailles maritimes, les Romains construisirent et équipèrent rapidement 330 navires. Comme ils étaient beaucoup plus habitués aux batailles terrestres, ils mirent au point le dispositif astucieux du corvus, une passerelle mobile qui pouvait être attachée à un navire ennemi et maintenue en place avec des crochets. En immobilisant l'autre navire et en l'attachant au leur, les Romains pouvaient s'engager dans un bataille maritime en utilisant les stratégies de combat terrestre.
Malgré cela, ils n'avaient pas l'expertise maritime des Carthaginois et, plus important encore, ils leur manquaient un général ayant l'habileté du carthaginois Hamilcar Barca (l. 275-228 av. JC). Hamilcar était surnommé Barca (signifiant « foudre ») en raison de sa rapidité à attaquer n'importe où et de la soudaineté de ses actions. Il attaqua sans sommation les côtes italiennes en détruisant les avant-postes romains et en coupant leur lignes d'approvisionnement.
Si le gouvernement carthaginois avait mieux approvisionné et renforcé les troupes d'Hamilcar, ils auraient probablement gagné la guerre, mais il se contentait d'accumuler ses richesses et faisait confiance à Hamilcar et à ses mercenaires en ce qui concernait la guerre. Hamilcar écrasa les Romains à Drépane en 249 av. JC, mais fut forcé de se retirer en raison d'un manque de soldats et de provisions. Selon l'historien Durant :
Pratiquement aussi épuisée l'une que l'autre, les deux nations se reposèrent pendant neuf ans. Mais alors que Carthage ne fit rien pendant ces années... un certain nombre de citoyens romains présentèrent volontairement à l'État une armée de 200 hommes de guerre, prêts à mener 60 000 soldats.
Les Romains, maintenant plus expérimentés dans les batailles maritimes et mieux équipés et bien commandés, remportèrent une série de victoires décisives sur Carthage et en 241 av. JC les Carthaginois demandèrent la paix.
Cette guerre avait coûté cher aux deux côtés, mais Carthage souffrit plus sérieusement pour diverses raisons: la corruption et l'incompétence de son gouvernement (qui avait détourné des fonds destinés à l'armée et refusait systématiquement d'envoyer des provisions et des renforts indispensables aux généraux sur le terrain), une armée composée en grande partie de mercenaires (qui souvent refusaient tout simplement de se battre), et une dépendance excessive à l'égard du génie d'Hamilcar Barca. En outre, ils sous-estimèrent sérieusement leur ennemi. Alors que Carthage ignorait largement la guerre, laissant les combats à Hamilcar et à ses mercenaires, Rome construisait et équipait davantage de navires et entraînait plus d'hommes. Même si Rome n'avait jamais eu de marine avant la Première Guerre punique, les Romains se présentèrent en 241 av. JC comme les maîtres incontestés de la mer et Carthage était vouée à la défaite.
Pendant la guerre, le gouvernement carthaginois négligea à plusieurs reprises de payer son armée de mercenaires et, également en 241 av. JC, ces mercenaires assiégèrent Carthage. Hamilcar Barca fut appelé à lever le siège et le fit, même si Carthage lui avait refusé les provisions et les renforts dont il avait eu tant besoin pour ses campagnes et qu'il avait mené la plupart de ces mercenaires lui-même dans la bataille.
La guerre mercenaire dura de 241-237 av. JC et, pendant que Carthage était engagée dans ce conflit, Rome occupa les colonies carthaginoises de Sardaigne et de Corse. Bien que Carthage fut furieuse de ce coup déplorable, ils n'y pouvaient pas grand chose. Ils concentrèrent leurs efforts sur la conquête de l'Espagne plutôt que d'essayer de chasser les Romains hors de leurs anciennes colonies.
En 226 av. JC, le Traité de l'Èbre fut signé entre Carthage et Rome, convenant que les Romains détiendraient le territoire espagnol au nord de l'Èbre, Carthage, la zone qu'ils avaient déjà conquise au sud de la rivière, et aucune des deux nations ne traverserait la frontière.
Seconde Guerre Punique
En 228 av. JC., Hamilcar fut tué au combat et le commandement de l'armée carthaginoise passa à son gendre Hasdrubal le Beau (l. c. 270-221 av. JC). Hasdrubal choisit des solutions diplomatiques plutôt que militaires au conflit contre Rome, mais fut assassiné par un serviteur en 221 av. JC, puis le commandement passa à Hannibal Barca (l. 247-183 av. JC, fils aîné de Hamilcar). Au sud de la frontière de l'Èbre se trouvait la ville de Saguntum, alliée des Romains, et, en 218 av. JC, Hannibal assiéga la ville et s'en empara. Les Romains s'opposèrent à cette attaque et demandèrent à Carthage de livrer Hannibal à Rome. Le Sénat carthaginois refusa d'obtempérer et ainsi débuta la Seconde Guerre Punique (218 - 202 JC).
Hannibal, ennemi juré de Rome, reçut des renseignements selon lesquels des armées romaines se dirigeaient contre lui et, dans un pari audacieux, il traversa les Alpes et le nord de l'Italie avec son armée. Hannibal remporta alors chaque bataille contre les Romains, il conquit le nord de l'Italie et rallia les anciens alliés de Rome à ses côtés.
Ayant perdu beaucoup de ses éléphants lors de sa marche dans les montagnes, et manquant cruellement d'engins de siège et de troupes, Hannibal fut pris dans le sud de l'Italie dans un jeu mortel du chat et de la souris avec une armée romaine menée par Quintus Fabius Maximus. Fabius refusa d'engager Hannibal directement en s'appuyant plutôt sur la coupure de ses provisions afin d'affamer son armée.
La stratégie de Fabius aurait pu être efficace si les Romains ne s'étaient pas impatientés de l'inactivité de leurs légions. De plus, Hannibal utilisa le contre-espionnage pour renforcer et diffuser la rumeur selon laquelle Fabius refusait de se battre parce qu'il était à la solde des Carthaginois. Fabius fut remplacé par Varron (Caius Terentius Varro) et Lucius Aemilius Paulus qui ignorèrent toute prudence et conduisirent leurs troupes contre Hannibal dans la région des Pouilles. À la bataille de Cannae (Canne moderna) en 216 av. JC, Hannibal plaça ses Gaulois au centre de ses lignes, s'attendant à ce qu'ils cédent devant les forces romaines. Quand cela se produisit, et que les Romains concentrèrent leurs forces sur ce qu'ils considéraient un avantage et se mirent à leur poursuite, Hannibal les encercla par derrière et sur les côtés, il entoura les forces romaines et les écrasa. 44 000 soldats romains moururent à Cannae contre 6000 des forces d'Hannibal. Hannibal remporta sa plus grande victoire, mais ne put en profiter car Carthage refusa de lui envoyer les renforts et les provisions dont il avait tant besoin.
Peu après cela, le général romain Scipion (Publius Cornelius Scipio, l. 236 - 183 av. JC), plus tard connu sous le nom de Scipion Africain) battit en Espagne les forces carthaginoises guidées par le frère d'Hannibal, Hasdrubal Barca (vers 244-207 av. JC). Hasdrubal avait défendu habilement l'Espagne contre les Romains jusqu'à l'arrivée de Scipion qui l'anéantit complètement en 208 av. JC. Hasdrubal fuit l'Espagne, et partit rejoindre son frère au-delà des Alpes, en Italie, pour unir leurs forces. Il fut arrêté et battu à la bataille du Métaure en 207 av. JC, et il mourut sur le champ de bataille. Hannibal ne savait rien de l'endroit où se trouvait son frère jusqu'à ce que la tête coupée d'Hasdrubal ne soit jetée dans son campement.
Sachant fort bien que l'armée d'Hannibal serait rappelée si Carthage était attaquée, et avec l'Espagne maintenant sous contrôle romain, Scipion prépara une flotte et navigua vers l'Afrique du Nord où il s'empara de la ville carthaginoise d'Utica. Comme prévu, Carthage rappella Hannibal d'Italie afin de sauver leur ville, mais Scipion, grand admirateur d'Hannibal, avait étudié ses tactiques avec beaucoup de soin.
Lors de la bataille de Zama en 202 av. JC, Hannibal fit charger ses éléphants contre les Romains que Scipion, conscient des stratégies d'Hannibal, dévia facilement. Les Romains tuèrent les soldats sur les éléphants et renvoyèrent les animaux dans les rangs carthaginois, puis s'ensuivit une charge combinée de cavalerie et d'avance d'infanterie qui prit l'ennemi en étau et les écrasa. Hannibal s'en retourna à Carthage et annonça au Sénat que Carthage devait immédiatement capituler.
Scipion permit à Carthage de conserver ses colonies en Afrique, mais elle dut céder sa flotte et ne fut pas autorisée à entrer en guerre, pour quelque raison que ce fût, sans l'approbation de Rome. Carthage devait aussi payer à Rome une dette de guerre de 200 talents chaque année pendant cinquante ans. Carthage était, encore une fois, une ville défaite, mais, ayant conservé ses navires de commerce et dix navires de guerre pour sa propre protection, elle se démena tant bien que mal et commença à prospérer de nouveau. Cependant, le gouvernement carthaginois, aussi corrompu et égoïste qu'il l'avait toujours été, imposait lourdement le peuple pour aider à payer la dette de guerre alors qu'il ne contribuait en rien lui-même. Hannibal sortit de sa retraite pour tenter de rectifier cette situation, mais fut dénoncé aux Romains par les riches Carthaginois, et il s'enfuit. Il se donna la mort en buvant du poison, en 184 av. JC, à l'âge de 67 ans.
Troisième guerre punique: Carthage détruite
Carthage continua de payer la dette de guerre à Rome pendant les cinquante ans proscrits et, quand cela fut fait, ils considérèrent que leur traité avec Rome avait lui aussi expiré. Ils déclarèrent la guerre à la Numidie, furent vaincus, et durent payer à cette nation une autre dette de guerre. Puisqu'ils étaient partis en guerre sans l'approbation de Rome, le Sénat romain considéra Carthage une menace pour la paix.
Le sénateur romain Caton l'Ancien prit cette menace tellement au sérieux qu'il mettrait fin à tous ses discours, quel que soit le sujet, par la phrase: « Et, de plus, je pense que Carthage devrait être détruite. » En 149 av. JC, Rome envoya une délégation à Carthage afin de suggérer le programme suivant: démanteler la ville et l'éloigner de la côte, la reconstruisant plus loin dans les terres. Les Carthaginois refusèrent d'obtempérer et ainsi débuta la Troisième Guerre Punique (149-146 JC).
Le général romain Scipio Aemilianus assiégea la ville pendant trois ans et puis, quand elle tomba, la mit à sac et la rasa au sol. Rome s'imposa en tant que puissance prééminente en Méditerranée et Carthage fut en ruine pendant plus de cent ans jusqu'à ce qu'elle ne soit finalement reconstruite après la mort de Jules César. Les guerres puniques offrirent à Rome un entraînement militaire, une flotte et la richesse nécessaire pour passer de petite ville insignifiante (ou presque) à un empire qui régnerait longtemps sur le monde connu.