Le plus long fleuve du monde, situé en Égypte, le Nil coule sur 6 650 kilomètres vers le nord jusqu'à la mer Méditerranée (une direction très inhabituelle pour un fleuve). Il était considéré comme la source de vie par les anciens Égyptiens et a joué un rôle essentiel dans l'histoire du pays. Le Nil coule de deux sources distinctes : le Nil blanc, qui provient de l'Afrique équatoriale, et le Nil bleu, qui provient des hauts plateaux d'Abyssinie. L'historien Waterson note que "le Nil a joué un rôle essentiel dans la création de l'Égypte, un processus qui a commencé il y a environ cinq millions d'années lorsque le fleuve a commencé à couler vers le nord de l'Égypte" (7-8). Des établissements permanents se sont progressivement implantés le long des rives du fleuve à partir de 6000 environ avant notre ère, ce qui a marqué le début de la civilisation et de la culture égyptiennes qui sont devenues le premier État-nation reconnaissable au monde vers 3150 avant notre ère. Le Nil étant considéré comme la source de toute vie, nombre des mythes les plus importants des Égyptiens concernent le Nil ou y font référence de manière significative ; parmi ceux-ci, l'histoire d'Osiris, d'Isis et de Seth et la manière dont l'ordre a été établi dans le pays.
Le Nil dans le mythe d'Osiris
Parmi les récits les plus populaires de l'Égypte ancienne concernant le Nil figure celui du dieu Osiris, de sa trahison et de son meurtre par son frère Seth. Seth était jaloux du pouvoir et de la popularité d'Osiris et l'a donc poussé à s'allonger dans un sarcophage élaboré en prétendant qu'il le donnerait en cadeau à celui qui s'y adapterait le mieux. Une fois Osiris à l'intérieur, Seth fit claquer le couvercle et jeta Osiris dans le Nil. Isis, l'épouse d'Osiris, partit à la recherche du corps de son mari afin de lui donner une sépulture digne de ce nom et, après avoir cherché dans de nombreux endroits, elle tomba sur des enfants qui jouaient au bord du Nil et lui indiquèrent où trouver le cercueil. De cette histoire découle l'ancienne croyance des Égyptiens selon laquelle les enfants possédaient le don de divination car ils furent capables de dire à la déesse quelque chose qu'elle ne pouvait découvrir elle-même.
Le cercueil flotta sur le Nil jusqu'à ce qu'il ne se loge dans un arbre à Byblos (en Phénicie) qui poussa rapidement autour de lui et l'enferma. Le roi de Byblos, qui admirait cet arbre solide et robuste, le fit apporter à sa cour et l'ériger en pilier. Lorsque au cours de ses recherches Isis arriva à Byblos, elle s'aperçut que le cadavre de son mari se trouvait à l'intérieur de l'arbre et, après s'être rapprochée du roi, elle demanda le pilier en signe d'amitié. Isis ramena ensuite son mari mort en Égypte pour le ramener à la vie. Cette séquence d'événements serait à l'origine du pilier Djed, un symbole qui apparaît dans l'architecture et l'art égyptiens tout au long de l'histoire du pays et qui symbolise la stabilité. Le Djed, selon certaines interprétations, représente la colonne vertébrale d'Osiris lorsqu'il était enfermé dans l'arbre ou, selon d'autres, l'arbre lui-même d'où Isis retira le corps d'Osiris pour le ramener à la vie.
De retour en Égypte, Isis laissa Osiris dans son cercueil au bord du Nil pour préparer les herbes et les potions qui le ramèneraient à la vie. Elle laissa sa sœur, Nepthys, garder le corps contre Seth. Mais Seth, apprenant qu'Isis était partie à la recherche d'Osiris, se mit à la recherche du corps. Il rencontra Nepthys et la força à lui dire où était caché le corps de son frère. Il le trouva, il découpa le cadavre en morceaux et les dispersa dans toute l'Égypte. Lorsqu'Isis revint pour ranimer son mari, Nepthys avoua en larmes ce qui s'était passé et jura d'aider sa sœur à découvrir ce que Seth avait fait du corps d'Osiris.
Isis et Nepthys partirent à la recherche des restes d'Osiris et, chaque fois qu'elles trouvèrent un morceau, elles l'enterrèrent selon les rituels appropriés et érigèrent un sanctuaire. Cela explique les nombreuses tombes d'Osiris disséminées dans toute l'Égypte ancienne. On dit également qu'elles établirent les nomes, les trente-six divisions territoriales de l'Égypte ancienne (semblables à un comté ou une province). Partout où une partie d'Osiris était enterrée, un nome finissait par se développer. Elle parvint à trouver et à enterrer chaque partie, à l'exception de son pénis que Seth avait jeté dans le Nil et qui avait été mangé par un crocodile. C'est pour cette raison que le crocodile en vint à être associé au dieu de la fertilité Sobek, et que toute personne mangée par un crocodile était considérée comme ayant eu la chance d'avoir une mort heureuse.
Puisqu'il était incomplet, Osiris ne pouvait pas revenir à la vie mais devint Seigneur de l'au-delà et Juge des morts. Le Nil, qui avait reçu le pénis d'Osiris, devint fertile grâce à cela et donna la vie aux habitants du pays. Le fils d'Osiris, Horus, vengea son père en battant Seth et en le chassant du pays (dans certaines versions du conte, il le tua), rétablissant ainsi l'équilibre et l'ordre dans la région. Horus et Isis gouvernèrent alors le pays en harmonie.
Importance pour l'Égypte
Grâce à ce mythe et à d'autres semblables, le Nil était considéré par les peuples de l'Antiquité comme la source de toute vie en Égypte et une partie intégrante de la vie des dieux. La Voie lactée était considérée comme le miroir céleste du Nil et l'on croyait que le dieu du soleil, Rê, conduisait son bateau sur le Nil. Les dieux étaient intimement liés à la vie des anciens Égyptiens et l'on pensait qu'ils étaient à l'origine des crues annuelles du fleuve qui déposaient la terre noire fertile le long des rives arides. Selon certains mythes, c'est Isis qui enseigna au peuple les techniques d'agriculture (dans d'autres, c'est Osiris) et, avec le temps, le peuple développa les canaux, l'irrigation et des systèmes sophistiqués pour travailler la terre. Le Nil était également une ressource récréative importante pour les Égyptiens.
En plus de la natation, les gens appréciaient les joutes nautiques dans lesquelles des équipes de deux hommes en canoë, un "combattant" et un "rameur", s'affrontaient en essayant de faire tomber le combattant de l'autre dans le bateau. Un autre sport fluvial populaire était la course de bateaux et les démonstrations d'habileté comme celles décrites par le dramaturge romain Sénèque le Jeune (1er siècle de notre ère) qui possédait des terres en Égypte :
Ils montent à deux une petite barque: l'un la dirige, l'autre, vide l'eau. Puis, longtemps ballottés par la rapidité furieuse du Nil et par ses contre-courants, ils gagnent enfin ses étroits canaux entre des rocs rapprochés qu'ils évitent ; ils glissent avec le fleuve tout entier, gouvernent le canot dans sa chute, et, au grand effroi des spectateurs, plongent la tête en bas : on croit que c'en est fait d'eux, qu'ils sont ensevelis, abîmés sous l'énorme masse, lorsqu'ils reparaissent bien loin de la cataracte, fendant l'onde comme un trait lancé par une machine de guerre. La cataracte ne les noie pas, elle les rend à une onde aplanie.
Le fleuve était connu comme le "Père de la vie" et la "Mère de tous les hommes" et était considéré comme une manifestation du dieu Hapi qui bénissait la terre avec la vie, ainsi que de la déesse Ma'at, qui incarnait les concepts de vérité, d'harmonie et d'équilibre. Le Nil était également lié aux anciennes déesses Hathor et, plus tard, comme nous l'avons vu, à Isis et Osiris. Le dieu Khnoum qui devint le dieu de la renaissance et de la création dans les dynasties ultérieures, était à l'origine le dieu de la source du Nil qui contrôlait son débit et envoyait la crue annuelle nécessaire dont le peuple dépendait pour fertiliser la terre.
Source de vie
Sous le règne du roi Djéser (vers 2670 av. J.-C.), le pays fut frappé par la famine. Djéser fit un rêve dans lequel le dieu Khnoum était venu se plaindre que son sanctuaire sur l'île Éléphantine sur le fleuve était tombé en ruine et qu'il était mécontent de cette négligence. Le vizir de Djéser, Imhotep, suggéra au roi de se rendre à Éléphantine pour voir si le message du rêve était vrai. Djéser trouva le temple en mauvais état et ordonna qu'il soit reconstruit et que le complexe qui l'entoure soit rénové. Après quoi, la famine fut levée et l'Égypte redevint fertile. Cette histoire est racontée sur la stèle de la famine de la dynastie ptolémaïque (332-30 av. J.-C.), longtemps après le règne de Djéser, et témoigne de la grande considération dont jouissait encore le roi à cette époque. Elle illustre également l'importance de longue date du Nil pour les Égyptiens, dans la mesure où le dieu du fleuve, et nul autre, devait être satisfait pour que la famine cesse.
Aujourd'hui encore, le Nil fait partie intégrante de la vie, des traditions et du commerce égyptiens et les Égyptiens affirment que si un visiteur contemple une fois la beauté du Nil, il est assuré de revenir en Égypte (une affirmation faite également dans l'Antiquité). Sénèque a décrit le Nil comme une merveille étonnante et un "spectacle remarquable" et c'est une opinion partagée par de nombreux auteurs anciens qui ont visité cette "mère de tous les hommes" de l'Égypte ; une opinion partagée par beaucoup de ceux qui en font l'expérience encore aujourd'hui.