Éleusis était un dème d'Athènes, surtout célèbre pour son festival annuel des Mystères en l'honneur de Déméter et Perséphone. Le site était également une importante forteresse qui protégeait l'Attique et organisait plusieurs autres festivals importants, notamment les Thesmophories, sujet et titre d'une pièce comique d'Aristophane. Le site resta un centre religieux important à l'époque hellénistique et romaine, où il fut considérablement agrandi par plusieurs empereurs romains qui y ajoutèrent une architecture monumentale.
Éleusis dans la mythologie
Dans la mythologie grecque, lorsque Déméter était à la recherche de sa fille Perséphone, enlevée par Hadès, elle décida de se reposer à Éleusis. Les filles du roi Céléos proposèrent leur aide à la déesse déguisée en vieille femme. En convalescence dans le palais royal, Déméter se prit d'affection pour le fils en bas âge de Céléos, Démophon (ou Triptolème), à qui elle donna de l'ambroisie et, chaque nuit en secret, elle plaçait le jeune homme au-dessus d'un feu afin de le rendre immortel. La mère de Démophon en fut témoin une nuit et, se méprenant sur les intentions de la déesse, bannit la vieille femme du palais. Véxée, Déméter révéla sa véritable identité et ordonna à Céléos de lui construire un temple. La déesse se retira à l'intérieur et provoqua une terrible sécheresse et une grande famine, jusqu'à ce que les autres dieux de l'Olympe ne révèlent où se trouvait Perséphone et acceptèrent de la libérer du monde souterrain pendant la moitié de l'année. En remerciement envers Éleusis, la déesse bénit la terre et enseigna aux habitants les rites sacrés afin que les Éleusiniens puissent prospérer moralement et physiquement. C'est ainsi que naquirent les Mystères d'Éleusis.
Aperçu historique
Le peuplement de la baie et de la plaine d'Éleusis commença à l'âge du bronze, vers 1900 avant notre ère, dans la plaine thriasienne, plus précisément sur les pentes de la colline orientale dans l'angle sud-ouest. Depuis le XVIe siècle avant notre ère, le sommet était habité et, au XVe siècle avant notre ère, un temple à Déméter fut construit pour la première fois, ce qui coïncidait avec le règne du légendaire roi Céléos, qui fut le premier à fonder un sanctuaire à la déesse dans la tradition homérique. Le nom de la ville dérive du héros mythique Éleusis, dont le père était Ogygès, roi de Thèbes.
Au VIIe siècle avant notre ère, Éleusis, toujours stratégiquement importante sur la route du Péloponnèse, fusionna avec Athènes et devint le dème de la tribu (phyle) d'Hippothontis. Au VIe siècle avant notre ère, des fortifications furent construites pour entourer la colline d'Akris et le sanctuaire de Déméter et Perséphone (Coré). La forteresse était, avec Panakton et Phylé, l'une des plus importantes de l'Attique. Un important théâtre de Dionysos fut également construit sur le site. Le festival le plus important d'Éleusis était les Mystères annuels, qui étaient célèbres dans tout le monde grec et qui, vers 600 avant notre ère, devinrent une cérémonie officielle du calendrier athénien. Solon fit également agrandir le site en ajoutant un nouveau temple, le Telestêrion (également connu sous le nom de Solonian ou Anaktoron pour la salle intérieure, la plus sacrée), et en agrandissant l'enceinte sacrée. Sous le règne de Pisistrate (550-510 av. J.-C.), Éleusis bénéficia du mur de fortification de Pisistrate avec des tours et un Telestêrion beaucoup plus grand pour mieux accueillir le nombre toujours croissant d'initiés aux Mystères.
Le site fut détruit lors de l'invasion perse de 479 avant notre ère, mais fut reconstruit sous Cimon. Une autre série de reconstructions eut lieu au Ve siècle avant notre ère sous Périclès, permettant à Éleusis de s'enorgueillir d'avoir le plus grand bâtiment de Grèce lorsque le Telestêrion fut reconstruit à une échelle encore plus grande. Après avoir échappé à la guerre du Péloponnèse, le site fut à nouveau agrandi vers 360 avant notre ère, ce qui nécessita la construction d'un mur de protection plus grand, la muraille de Lycurgue. À la même époque, le bâtiment du Plutonéion, datant du VIe siècle avant notre ère, fut remplacé par une structure plus grande et le portique de Philon fut ajouté.
Outre les Mystères (voir ci-dessous), d'autres festivals importants se déroulaient à Éleusis durant les périodes archaïque et classique, notamment les Éleusinies (jeux biannuels importants dont les prix étaient des céréales sacrées), les Thesmophories (festival d'automne exclusivement féminin en l'honneur de Déméter au cours duquel des porcs étaient jetés dans des fosses et laissés en putréfaction; leurs restes étaient ensuite mélangés à des graines avant d'être semés), les Halôa (autre festival d'hiver essentiellement féminin en l'honneur de Déméter et de Dionysos), les Kalamaia, et les Proerosia.
À l'époque hellénistique, une garnison macédonienne était stationnée à Éleusis, et les Romains, à commencer par Hadrien, réaménagèrent le sanctuaire à partir du début du IIe siècle de notre ère et y ajoutèrent un arc de triomphe. Le temple fut reconstruit sous le règne de Marc Aurèle (161-180 de notre ère), et l'empereur romain supervisa également la construction d'une porte monumentale, copie exacte des Propylées de l'acropole athénienne. D'autres ajouts romains comprenaient un gymnase, des auberges et des bains. La fortune du sanctuaire déclina considérablement à la suite du décret de Théodose Ier visant à fermer tous les sites païens en 379 de notre ère, et Éleusis fut détruite vers 395 de notre ère à la suite de l'invasion des Wisigoths. La ville continua d'exister pendant quelques siècles encore, mais les jours de gloire où elle jouissait d'une stature panhellénique ne seraient jamais rétablis.
Les mystères d'Éleusis
Les célèbres Mystères de Déméter et Perséphone qui se déroulaient à Éleusis sont justement un mystère, car il était interdit aux initiés de révéler les détails des cérémonies. Nous savons qu'à partir du VIe siècle avant notre ère, les cérémonies avaient lieu deux fois par an. La première étape du processus d'initiation était connue sous le nom de "Petits Mystères" et se déroulait au printemps. Les "Grands Mystères", plus importants, se déroulaient à l'automne pendant neuf jours. Seuls les Grecs pouvaient être initiés, mais cette pratique fut ensuite étendue aux citoyens romains.
Nous connaissons également les détails de certaines activités en plein air et savons que les cérémonies se déroulaient à la lueur des torches. Il y avait une procession conduite par la prêtresse de Déméter le long de la Voie sacrée d'Éleusis jusqu'à l'agora d'Athènes et une autre procession de retour guidée par un char symbolisant le char d'Iacchos. Il y avait des cérémonies rituelles et communautaires de nettoyage et de purification dans la mer à Phalère, la représentation ou la reconstitution des mythes impliquant les deux déesses, des sacrifices d'animaux (porcs) et l'interprétation de textes sacrés par des prêtres, les mystagōgoi. La boisson, la musique, la danse et les réjouissances générales étaient probablement aussi de la partie (comme dans beaucoup d'autres cultes de ce type dans la religion grecque), comme l'attestent les scènes de rites sur poterie qui montrent les initiés tenant le "thyrse" ou bâton sacré. Étroitement associés à la fertilité et à l'agriculture, les Mystères apportaient probablement aux fidèles la bonne fortune et la promesse d'une vie meilleure après la mort.
Vestiges archéologiques
Le site est aujourd'hui dominé par la grande cour romaine trapézoïdale (56 x 54,5 mètres), dont le pavement est constitué de dalles de marbre et qui était la structure la plus importante du site, le Telestêrion. Construit pour la première fois à l'époque mycénienne, le bâtiment fut reconstruit à de nombreuses reprises. Les vestiges actuels datent du Ve siècle avant notre ère et furent modifiés par les Romains à la suite de l'incendie destructeur de 170 de notre ère. Nous savons qu'il y avait six entrées, un portique et une stoa à 14 colonnes, et que l'étage supérieur comptait à l'origine 42 colonnes. Les huit niveaux de sièges et les bases de colonnes qui entourent le bâtiment ont été conservés et donnent une bonne idée du plan d'origine.
Les Grands Propylées d'Éleusis étaient une copie de la partie centrale de l'entrée monumentale de l'acropole d'Athènes. Situées sur le côté sud du sanctuaire, elles comportaient cinq portes et constituaient l'entrée principale. Elle comportait une volée de six marches menant à deux porches avec une façade de six colonnes doriques de chaque côté et un vestibule intérieur avec six colonnes ioniques. La décoration était assurée par une frise de triglyphes et de métopes et un fronton représentant le buste d'un empereur (Hadrien, Antonin ou Marc Aurèle, mais l'usure du temps ne permet pas de l'identifier avec certitude) que l'on peut encore voir sur le site.
De la stoa nord-est, il ne reste que les fondations et les parties restaurées du portique à dix colonnes. De l'arc de triomphe oriental, construit en marbre pentélique, subsistent quelques pièces importantes. Cet arc, qui mesurait 16 mètres de haut et 4,85 mètres de large, était une réplique de l'arc d'Hadrien à Athènes. De l'arc opposé, sur le côté ouest, il ne reste que la base et quelques fragments. Les fondations des autres structures encore présentes comprennent la stoa nord-ouest, deux exèdres, le temple d'Artémis et de Poséidon, les autels extérieurs d'Artémis et de Poséidon, des salles de stockage et des silos, des bâtiments du trésor et le puits polygonal en pierre de Kallichoron. Des parties du mur de Pisistrate ont également survécu, montrant des fondations, une section de pierres plates, une couche de blocs polygonaux de pierre d'Éleusis bleu-gris, et une couche supérieure de briques.
Parmi les œuvres d'art et les sculptures conservées sur le site figurent des panneaux en relief représentant Déméter et Perséphone, des plaques votives en argile illustrant les rites des Mystères, une statue de Perséphone en fuite datant du Ve siècle avant notre ère et provenant du fronton de la Maison sacrée, une cariatide des Petites Propylées, une statue grandeur nature d'Antinoüs datant du IIe siècle après J.-C. et un cochon votif en marbre, tous exposés au musée d'Éleusis.