Hamaxia (aujourd'hui connue sous le nom de Sinek Kalesi, près de l'actuelle Alanya) était une ville de la Cilicie occidentale, dans le sud de la Turquie, connue pour ses paysages luxuriants, ses forêts de cèdres et son commerce florissant d'exportation de bois. Elle était située sur une haute colline près de la ville de Coracésium (Alanya moderne) et son port était Aunesis sur la côte de la Méditerranée. On ne sait pas quand la ville fut fondée, comment elle se développa et quand elle fut abandonnée. Au début de son histoire, elle fut gouvernée par une série d'empires (Akkadiens, Hittites, Assyriens et autres) avant de devenir une province de Rome.
Avant son développement sous Rome, Hamaxia était probablement déjà impliquée dans l'industrie du bois, fournissant du bois à l'Égypte. La Cilicie était un partenaire commercial connu de l'Égypte, et il est raisonnable de supposer que Hamaxia, l'un des principaux exportateurs de bois, était l'une des villes ciliciennes concernées. Elle était déjà associée à la construction navale à l'époque de Marc Antoine (83-30 av. J.-C.) et de Cléopâtre VII (69-30 av. J.-C.).
Hamaxia est mentionnée pour la première fois en tant que ville au IIIe siècle avant notre ère, après quoi la région n'est citée que deux fois, une fois par Strabon (64 av. J.-C. - 24 de notre ère) et une fois dans le guide Stadiasmus Maris Magni du IIIe siècle de notre ère, pour sa beauté naturelle et l'abondance de ses ressources.
Strabon mentionne la ville dans sa Géographie, notant qu'elle faisait partie de la parcelle de Cilicie qu'Antoine avait donnée à Cléopâtre spécialement pour la construction de sa marine:
Tout de suite après Coracésium, nous relevons une ville [Arsinoé] et une localité de moindre importance, Hamaxia, bâtie sur un monticule, avec une anse au-dessous d'elle qui lui sert de port, et vers laquelle on dirige de l'intérieur tout le bois destiné aux constructions navales. C'est surtout du cèdre que l'on expédie ainsi, car les cantons circonvoisins semblent être particulièrement riches en essences de cèdre. Antoine le savait, et c'est pour cela qu'il avait attribué ces cantons à Cléopâtre, jugeant avec raison qu'elle en tirerait de précieuses ressources pour l'entretien de sa flotte.
(14.5.3, trad. A. Tardieu, Remacle)
Hamaxia est également mentionnée dans le guide romain Stadiasmus Maris Magni, section 208. Cet ouvrage était une ressource importante pour les marins, car il décrivait les ports de la mer Méditerranée, les distances entre chacun d'eux et les directions à suivre pour les atteindre. La ville continua à prospérer au début de l'Empire romain, mais elle épuisa ses ressources et s'appauvrit. À une date inconnue, elle fut abandonnée, probablement parce qu'elle n'était plus économiquement viable en raison de la déforestation.
Histoire ancienne et piraterie
La Cilicie fut habitée dès le néolithique, avec des preuves de développement antérieures à 9 000 ans avant notre ère. Les peuples connus sous le nom de Louvites et Hatti vivaient dans la région vers 2500 avant notre ère, avant qu'elle ne soit prise par l'empire akkadien qui la détenait vers 2334-2083 avant notre ère, puis par les Hittites qui la contrôlaient vers 1700-1200 avant notre ère. Dès sa première mention, la Cilicie est considérée comme comprenant deux régions distinctes : La "Cilicie lisse", aux basses terres fertiles, et la "Cilicie rugueuse", aux montagnes et à la côte rocheuse.
À l'époque des Hittites, la future Hamaxia était une petite ville du pays indépendant connu plus tard sous le nom de Pamphylie. On ne sait pas quel était son nom sous les Hittites, mais elle faisait partie d'un État vassal sur la côte. La ville était située sur une haute colline en amont de la côte et était probablement associée à l'époque à l'industrie du bois. Les Hittites avaient établi des relations commerciales avec l'Égypte après la bataille de Qadesh en 1274 avant notre ère et, bien que le Liban ait été la principale source de bois de l'Égypte, la Cilicie fournissait également du bois, et il est probable qu'une grande partie de celui-ci provenait des environs d'Hamaxia.
Après la chute de l'empire hittite, la région retourna sous la domination des Hatti jusqu'à ce que l'empire assyrien s'en empare vers 700-612 avant notre ère, puis les Perses entre 547-333 avant notre ère, lorsqu'Alexandre le Grand s'empara de la Cilicie. Après sa mort en 323 avant notre ère, la région fut partagée entre deux de ses généraux qui fondèrent les empires séleucide et ptolémaïque. Rome fit la guerre au roi séleucide Antiochos III (r. de 222 à 187 av. J.-C.), le vainquit en 190 av. J.-C. et fixa des conditions dans le célèbre traité d'Apamée (188 av. J.-C.), mais ne tira pas pleinement parti de la Cilicie.
Alors que les Séleucides continuaient à perdre du pouvoir dans la région, la piraterie se développa au sein de la population comme la principale économie de la "Cilicie rugueuse" (bien qu'elle ait probablement été pratiquée des décennies, voire des siècles auparavant). Les pirates ciliciens (qui n'étaient pas tous de nationalité cilicienne) prospérèrent dans leurs raids contre les navires et les ports de la Méditerranée et trouvèrent refuge dans les nombreux ports cachés et dissimulés le long de la côte de la Cilicie, y compris le port d'Aunesis à Hamaxia.
Rome s'intéressa pour la première fois à la région en 103 avant notre ère, lorsqu'elle lança une campagne de lutte contre la piraterie dans la Cilicie profonde, puis tenta à nouveau de le faire entre 78 et 74 avant notre ère. Ces deux campagnes établirent fermement la présence romaine dans la région, mais ne contribuèrent guère à réduire la piraterie. Pompée le Grand (c. 108-48 av. J.-C.) les vainquit finalement en 67 av. J.-C. lors de la bataille navale de Korakesion (également connue sous le nom de Coracésium), juste au large de la côte de Hamaxia. Les pirates qui ne s'étaient pas rendus furent repoussés sur le rivage et se rendirent plus tard à Coracésium. Pompée déplaça alors un grand nombre d'entre eux vers la plaine et divisa la Cilicie en six districts. À cette époque, les basses terres furent connues sous le nom de Cilicia Campestris et la "Cilicie rugueuse" devint Cilicia Aspera, ce qui signifie à peu près la même chose.
L'Égypte, Rome et le bois
La Cilicie Campestris exportait de nombreux produits sous l'égide de Rome (comme auparavant), notamment des haricots, des céréales, du poisson, du sésame, du blé et de l'orge, du raisin et du vin, mais la principale exportation de la Cilicie Aspera était le bois. Le bois était utilisé dans la fabrication de navires, de petits bateaux, de cercueils (sarcophages), de meubles, d'œuvres d'art, d'objets d'ameublement (tels que des coffres et des boîtes à bijoux) et de tonneaux, entre autres objets.
Le commerce avec l'Égypte était sans doute lucratif, car l'Égypte, dépourvue de forêts, devait importer tout son bois et en demandait régulièrement une quantité importante. Le commerce égyptien avec le Levant était déjà établi à l'époque de l'Ancien Empire (c. 2613-2181 av. J.-C.), et il est possible que des accords commerciaux aient été conclus avec les Hatti de Cilicie à la même époque, mais cela n'est pas certain. À l'époque du Nouvel Empire (c. 1570 - c. 1069 av. J.-C.), cependant, le commerce égyptien avec la Cilicie était bien établi et l'Empire égyptien avait besoin de plus de bois que jamais. Au Moyen Empire (2040-1782 av. J.-C.), les bateaux du pharaon Sésostris III (r. d'environ 1878 à environ 1860 av. J.-C.) nécessitaient "6 à 8 tonnes de bois brut, soit environ 20 arbres chacun" (Creasman, 160). À l'époque du Nouvel Empire, les bateaux étaient plus grands et, outre les vaisseaux fonctionnels, il fallait encore plus de bois pour les vaisseaux cérémoniels connus sous le nom de barques des dieux. La barque d'Amon et la barque d'Osiris étaient deux énormes bateaux des dieux que l'on sortait lors des fêtes. Travailler à la remise en état de ces navires chaque année était considéré comme l'un des plus grands honneurs que l'on pouvait recevoir dans sa vie.
Néanmoins, à l'exception du travail sur les bateaux des dieux, les Égyptiens étaient connus pour leurs efforts en matière de recyclage. Dès l'Ancien Empire, il est prouvé que les Égyptiens réutilisaient le bois pour consolider les tombes, comme base pour les œuvres d'art, et même pour réparer ou construire des navires. Le bois recyclé est apparent dans le célèbre bateau du pharaon Khéops (r. de 2589 à 2566 av. J.-C.), et ce paradigme se poursuivit tout au long de l'histoire de l'Égypte. Ainsi, même si l'Égypte avait besoin de grandes quantités de bois, elle en importait beaucoup moins que nécessaire grâce à ses efforts de recyclage.
Rome n'adhérait pas à ce même modèle et avait besoin de beaucoup plus de bois que l'Égypte pendant la durée de son empire. Lorsque Marc Antoine et Cléopâtre firent face Octave à la bataille d'Actium en 31 avant notre ère, les navires de Cléopâtre étaient fabriqués à partir du bois d'Hamaxia (Life in the Truck Lane, Rauh, et. al., 264) et il est probable qu'un grand nombre des navires d'Octave l'étaient également. Après Actium, Octave devint Auguste César (r. de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.) de l'Empire romain et Rome eut besoin d'encore plus de bois pour les usages domestiques tels que les jardins des villas, les œuvres d'art, les tonneaux, les seaux et autres objets de ce genre, ainsi que pour les navires marchands, les navires de guerre, les remorqueurs et les bateaux de pêche. Tout navire endommagé ou coulé devait être réparé ou remplacé, et les Romains n'étaient pas aussi enclins au recyclage que les Égyptiens. Hamaxia aurait été l'un des principaux fournisseurs de bois en Cilicie, et la récolte et l'exportation du bois ont fait la richesse de la ville.
Hamaxia et l'industrie du bois
Le site de l'ancienne Hamaxia n'a jamais fait l'objet de fouilles et la littérature n'y fait que très peu référence. Il s'agissait probablement déjà d'une ville d'exportation de bois prospère, comme l'avait noté Strabon, et les ruines actuelles suggèrent une ville d'une richesse considérable. On y trouve une citerne impressionnante, un grand bassin public et une fontaine, un temple et une exèdre avec des sièges où l'on s'asseyait pour admirer la Méditerranée. On trouve également des traces d'une agora (place de marché) de bonne taille, d'une nécropole, d'inscriptions sur des pavés en pierre à la gloire du dieu Hermès et de portions d'épaisses murailles. Le champ de débris suggère que la ville fut détruite par un tremblement de terre.
Hamaxia, et d'autres villes comme elle, prospérèrent grâce au commerce du bois, mais au détriment de l'environnement dont elles dépendaient. Le chercheur Nicholas K. Rauh de l'université de Perdue, dans son ouvrage Landscape Ecology and the End of Antiquity : The Archaeology of Deforestation in South Coastal Turkey, note que sous les Romains, la Cilicie s'industrialisa à un rythme jamais atteint auparavant dans la région et que l'environnement eut du mal à suivre. Rauh commente :
Le développement urbain de la Cilicie rugueuse au début de l'ère romaine fut rapide et vigoureux. La région entra dans l'ère romaine dans un état relativement arriéré, avec peu de preuves d'activités de production alimentées par le feu. Néanmoins, pendant la Pax Romana, les habitants de la région s'adaptèrent rapidement adaptés aux systèmes de production courants et transformèrent leur paysage en une mosaïque de petits environnements bâtis entourés de parcelles luxuriantes de vignobles en terrasses et de bosquets d'oliviers, d'arbres fruitiers et d'arbres à noix. Les habitants remplacèrent la couverture forestière naturelle de la région par des maisons et des bâtiments publics construits artificiellement, avec une telle permanence que leurs caractéristiques subsistent encore aujourd'hui. L'essentiel de ce développement était basé sur des technologies de combustion et des systèmes de production qui nécessitaient d'énormes quantités de combustible. La source de combustible la plus probable était les forêts de la région. (5)
Outre l'exportation de bois vers Rome, Hamaxia aurait également fourni du bois aux villes de toute la Cilicie. Des villes comme Iotapa (l'actuelle Aytap), située non loin de la côte du port d'Hamaxia, devaient avoir besoin de combustible pour chauffer leurs bains. Iotapa fut construite en 52 de notre ère par Antiochos IV, roi de Commagène (r. de 38 à 72 de notre ère), qui la nomma en l'honneur de sa défunte sœur. Antiochos IV était bien connu comme architecte et bâtisseur d'une autre ville côtière plus célèbre dans le district voisin de Gazipasa, Antiochia ad Cragum, qui possédait l'un des plus grands complexes de bains de toute la Cilicie. Le combustible nécessaire pour chauffer le Grand Bain d'Antiochia ad Cragum à lui seul aurait été considérable, sans compter tous les autres bains dans toutes les autres villes. Les maisons de Cilicie utilisaient du bois, qui était également nécessaire aux artisans et aux charpentiers navals ciliciens, de sorte que la déforestation autour de villes comme Hamaxia put être très importante.
Conclusion
Vers l'an 100 de notre ère, Hamaxia épuisa ses réserves de bois et semble s'être appauvrie. Elle fut reprise par la ville voisine de Coracésium avant l'an 200 de notre ère. L'empereur romain Hadrien (r. de 117 à 138 de notre ère) imposa des contrôles environnementaux dans la région pendant son règne, interdisant la déforestation et autorisant la croissance de nouvelles forêts. On pense que les empereurs qui lui succédèrent adhérèrent à la même politique puisque, selon Rauh, la déforestation de la région semble s'être poursuivie à la fin de l'ère romaine et byzantine et après, lorsque la Cilicie faisait partie de l'Empire ottoman. Il n'existe aucune trace d'un engagement militaire qui aurait pu détruire la ville et donc, comme indiqué, elle fut probablement renversée par un tremblement de terre et abandonnée par la suite.
Aujourd'hui, les ruines de la ville reposent tranquillement au sommet d'une colline située à 400 mètres au-dessus du village d'Elikesik. Sans Strabon et le Stadiasmus Maris Magni, personne ne connaîtrait aujourd'hui son ancien nom mais, à l'époque, Hamaxia était l'une des principales villes de la côte méridionale de la Cilicie avant d'épuiser les ressources qui avaient fait de son nom un souvenir digne d'intérêt.