L'empereur byzantin régnait en tant que monarque absolu dans une institution qui dura du 4e au 15e siècle. Assisté de ministres, de nobles de haut rang et de personnalités ecclésiastiques clés, l'empereur (et parfois l'impératrice) était commandant en chef de l'armée, chef de l'Église et du gouvernement, contrôlait les finances de l'État et nommait ou révoquait les nobles à sa guise. Le poste était traditionnellement héréditaire, mais de nouvelles dynasties furent fondées tout au long de la période médiévale.
Vivant dans le somptueux Grand Palais de Constantinople, les empereurs jouissaient d'une richesse fabuleuse, mais aussi d'un grand risque : en période de troubles, ils pouvaient être destitués par un usurpateur, emprisonnés, rendus aveugles ou assassinés. De nombreux empereurs fondèrent des dynasties durables ou acquirent une renommée encore plus solide en tant que grands souverains, notamment Constantin Ier, Justinien Ier, Basile Ier, Basile II, Alexis Ier Comnène, Jean II Comnène, Constantin VII et Léon III. D'autres encore devinrent tristement célèbres pour leur mauvaise gestion, leur incompétence militaire et leurs règnes sanglants : L'impératrice Irène, Nicéphore Ier, Anastase Ier, Constant II Héraclius, Constantin V et Léon Ier.
Couronnement
La cérémonie de couronnement de Byzance se développa à partir de la cérémonie plus simple de la Rome antique, au cours de laquelle l'empereur nouvellement couronné était acclamé par l'armée qui levait son bouclier en signe de salut. La saveur militaire de la cérémonie se maintint jusqu'au 6e siècle, mais le rôle joué par le patriarche de Constantinople à partir du 5e siècle constitua un ajout important et durable. L'évêque priait sur le diadème ou la couronne, bénissait les insignes impériaux et oignait la tête de l'empereur avec de la myrrhe. Par convention, les empereurs couronnaient leur héritier alors qu'ils étaient encore sur le trône. Dans ce cas, ils couronnaient leur fils, mais si le père du nouvel empereur était déjà mort (ou si le trône avait été usurpé), l'évêque posait la couronne sur la tête du nouveau monarque et l'oignait du signe de la croix. Lorsqu'il était proclamé empereur, la noblesse byzantine réunie s'inclinait alors en signe d'hommage, la proskynèse.
En quelques siècles, et peut-être pour souligner le rôle de l'empereur en tant que tout-puissant, l'évêque fut déchargé de cette tâche et l'empereur se couronna lui-même. Cela coïncida avec le déplacement de la cérémonie de l'hippodrome de Constantinople à l'église Sainte-Sophie à partir du milieu du VIIe siècle (bien que les impératrices aient été couronnées dans l'Augustaion et l'église Saint-Étienne). Grâce à ces deux changements, il devint plus évident pour tous que l'empereur était nommé par Dieu. Un troisième lien entre le souverain et l'Église était la programmation souvent délibérée d'un couronnement le jour d'une importante fête chrétienne. En effet, l'ensemble du couronnement devenait une cérémonie religieuse avec la prise de la Sainte Communion et les prières de bénédiction.
Outre la couronne, l'empereur portait une robe spéciale pour l'occasion, la longue cape (chlamyde) qui était attachée à l'épaule droite du porteur. La chlamyde sera finalement remplacée par le mandyas, une longue cape attachée à l'avant du cou et plus étroitement liée aux costumes ecclésiastiques.
Titres, insignes et vêtements
L'empereur a été connu sous plusieurs titres au cours des siècles. Comme Byzance était, en fait, l'Empire romain d'Orient, le titre latin d'imperator fut converti en autokrator grec. À partir du 7e siècle, le titre de basileus, qui signifie empereur, fut adopté à la place, en fait volé aux souverains perses. L'équivalent féminin était basilissa. Les empereurs byzantins conservaient jalousement leurs titres et interdisaient aux souverains étrangers d'en adopter de semblables. Charlemagne, le roi des Francs du 8e siècle, ne put malheureusement pas être empêché d'adopter le basileus, et les empereurs byzantins se distinguèrent donc en étendant leur propre titre à basileus ton romaion (empereur des Romains).
Outre son diadème incrusté de joyaux et la parure de ses robes brodées, l'empereur portait également une magnifique broche ornée de bijoux pour attacher son manteau. Ce bijou se composait d'une grande pierre centrale enchâssée dans un cercle de pierres plus petites, à laquelle étaient suspendus trois joyaux. La broche est clairement visible sur le panneau de mosaïque du VIe siècle représentant Justinien dans l'église de San Vitale à Ravenne, en Italie. Une autre pièce des insignes impériaux était une ceinture en or étincelante de pierres précieuses.
La noblesse devenant de plus en plus tape-à-l'oeil dans sa tenue et son équipement, les empereurs firent leur possible pour ne pas être éclipsés en public. Justinien Ier (r. de 527 à 565) publia même un décret stipulant que personne, à l'exception de lui-même, ne pouvait embellir sa ceinture ou la bride et la selle de son cheval avec des perles, des émeraudes ou des jacinthes. Pour s'assurer que tout le monde se conforme aux nouvelles règles de la mode, la punition était la mort et une amende de 100 livres d'or. L'empereur se distinguait également dans un autre domaine : la couleur de ses vêtements. Le pourpre de Tyr était une teinture produite à partir du murex, et il fallait tellement de coquillages pour produire une quantité décente de teinture qu'elle était extrêmement chère.
La pourpre devint encore plus étroitement associée aux empereurs lorsque Constantin V (r. de 741 à 775) ajouta une nouvelle chambre à la résidence impériale dans le Grand Palais de Constantinople, chambre revêtue de porphyre, un marbre rare teinté de pourpre. Cette chambre fut utilisée par la suite pour les naissances royales et donna naissance à l'expression porphyrogennetos ou "naître dans la pourpre", qui signifie que la personne avait un droit légitime au trône. Enfin, même dans la mort, l'empereur se distinguait en étant la seule personne à être enterrée dans un sarcophage de porphyre pourpre.
La résidence impériale
Pendant la majeure partie de l'histoire de l'empire, la résidence officielle de l'empereur, de sa famille et de sa cour était le Grand Palais de Constantinople. Situé le long des murailles de la ville et construit à l'origine par Constantin Ier, le palais allait devenir au fil des siècles une magnificence tentaculaire comprenant une salle du trône en or, des salles de réception dotées d'ingénieux automates représentant des animaux et des oiseaux, des chapelles, une caserne, des trésors contenant le butin de toutes les guerres et conquêtes de l'empire, des reliques sacrées, des thermes romains et des jardins à fontaines. Une aile communicante reliait le complexe à l'hippodrome et il y avait une immense porte monumentale surmontée de la plus grande icône de la ville, une figure dorée du Christ. Aménagé avec du marbre exotique, de fines mosaïques et de magnifiques statues, le palais était conçu pour impressionner les habitants et les visiteurs étrangers.
Une figure lointaine
Le couronnement était le premier des nombreux événements publics au cours desquels l'empereur serait vu par le peuple, mais la plupart de ceux qui suivraient seraient tout aussi soigneusement orchestrés, qu'il s'agisse d'apparitions à l'Hippodrome ou d'audiences accordées aux ambassadeurs en visite. En effet, l'accessibilité des empereurs serait réduite par ce faste et ces circonstances, renforçant ainsi leur image d'individu unique choisi par Dieu pour gouverner l'empire. Ce retrait avait également des conséquences pour le gouvernement, comme le décrit ici l'historien T. E. Gregory :
À mesure que l'empereur se retirait dans les limites étroites du palais et de la cour, ceux qui étaient proches de lui acquéraient naturellement un pouvoir réel considérable, mais pas toujours le prestige qui l'accompagnait. Ainsi, les membres de la famille de l'empereur, en particulier sa femme et sa mère, ainsi que les chambellans et autres domestiques (qui étaient souvent des eunuques) acquirent un pouvoir appréciable. Ils contrôlaient souvent l'accès à l'empereur, et les personnes qui souhaitaient présenter des pétitions ou solliciter l'oreille de l'empereur devaient d'abord s'assurer les faveurs de ces personnes influentes (41).
Très peu de sujets pouvaient voir l'empereur en personne, mais une chose que la plupart des gens voyaient à travers l'empire était son image. Sur les pièces de monnaie, les médaillons, les poids, les plaques, les mosaïques et les sculptures, l'image de l'empereur était partout. Un autre aspect visible du règne d'un empereur était le soutien qu'il apportait aux arts et le parrainage des érudits. Des bâtiments nouveaux étaient construits, des strcutures anciennes étaient rénovées, de nouveaux manuscrits étaient produits et des terres furent données à l'église et aux monastères. La meilleure chance pour les gens du peuple d'apercevoir leur empereur était lorsqu'il se rendait à l'église, en particulier lors de fêtes importantes comme Pâques, où traditionnellement le souverain lançait des pièces d'or dans la foule.
Gouvernement
L'empereur était assisté par différents ministres et conseillers :
- le quaestor ou chef des affaires juridiques
- le magister officiorum, qui s'occupait de l'administration générale du palais, de l'armée et de son approvisionnement, ainsi que des affaires étrangères
- le cursus publicus qui supervisait la fonction publique
- le comes sacrarum largitionum qui contrôlait l'hôtel des monnaies de l'État et supervisait les douanes et les mines
- le comes rei privatae, qui s'occupait des domaines impériaux
- le préfet urbain qui était, pour l'essentiel, le maire de Constantinople
- et les nombreux inspecteurs impériaux qui étaient envoyés dans les provinces pour s'assurer que les lois et les politiques y étaient respectées.
Le personnage le plus haut placé dans l'empire, outre l'empereur et le patriarche, était sans doute le préfet prétorien d'Orient, auquel tous les gouverneurs régionaux de l'empire devaient rendre des comptes. Les gouverneurs régionaux supervisaient les conseils municipaux individuels ou curae, mais ceux-ci pouvaient adresser des pétitions directement à l'empereur, de sorte qu'il existait une chaîne d'autorité à la fois directe et indirecte par laquelle la politique impériale était transmise aux gens ordinaires.
Le principal outil de gouvernement de l'empereur, outre les fonctionnaires individuels mentionnés ci-dessus, était le Sénat de Constantinople et en particulier le petit groupe d'aristocrates d'élite qui constituait le sacrum consistorium du Sénat. L'empereur était, en théorie du moins, censé consulter le consistoire sur les questions d'importance nationale.
Au VIIe siècle, alors que l'empire était de plus en plus menacé par ses voisins, l'empereur Héraclius (r. de 610 à 641 de notre ère) modifia définitivement ce système afin que les gouverneurs régionaux - devenus en fait des commandants militaires provinciaux (strategoi) - soient directement responsables devant l'empereur et lui rendent compte, et que le préfet prétorien soit aboli.
Changements d'empereur
L'empereur byzantin était considéré comme ayant été choisi par Dieu pour diriger l'empire et avait donc le droit de transmettre le rôle à ses fils (ou même ses filles), mais il y eut de nombreux cas où des militaires ambitieux profitèrent de conflits économiques ou d'une série de défaites militaires aux mains de puissances étrangères pour s'emparer du trône par la violence. Avec le soutien de l'armée ou d'une grande partie de celle-ci, ces hommes avaient le pouvoir d'arrêter la lignée dynastique et d'en créer une nouvelle. Comme le résume ici l'historien C. Mango, l'empereur, et particulièrement ceux inefficaces, devait toujours être à l'affût des usurpateurs :
Sur les trente-neuf empereurs qui régnèrent entre 780 et 1204, dix-neuf furent déposés par la force, six par un meurtre pur et simple, et deux autres sont morts des suites d'un aveuglement, la méthode standard de disqualification. On soupçonna un acte criminel dans au moins trois autres décès impériaux, et sur les centaines de conspirations et de révoltes qui échouèrent, au moins huit presentèrent des défis militaires majeurs pour le régime en place. (201)
Il y avait donc une séparation idéologique claire entre l'institution de l'empereur et la personne qui occupait réellement cette fonction. Les visages pouvaient changer, mais le plus important était la continuité du gouvernement et, surtout, le succès économique et militaire. Les empereurs utilisaient souvent des noms qui rappelaient d'illustres prédécesseurs, "Constantin" ayant été adopté par onze souverains, par exemple. Les coutumes et les traditions étaient également maintenues, comme les bains romains, l'architecture, la sculpture monumentale, les courses de chars, l'utilisation du latin et du grec attique, qui contribuaient à créer l'illusion d'une continuité remontant aux premiers empereurs romains d'Occident. En outre, même ceux qui usurpaient le trône par la violence étaient presque toujours des militaires de haut rang, proches de l'empereur et familiers des rouages du gouvernement. Une fois sur le trône, les usurpateurs cherchaient très souvent à légitimer leur position en épousant un membre de la famille de leur prédécesseur et en rénovant somptueusement les monuments anciens de leur capitale. Grâce à cette continuité soigneusement orchestrée, la position d'empereur byzantin put résister aux rébellions, aux invasions et aux sièges, si bien que l'institution dura 12 siècles avant que l'empire ne tombe aux mains des Ottomans en 1453.