La comédie grecque antique était une forme de théâtre populaire et influente jouée dans toute la Grèce antique à partir du 6e siècle avant notre ère. Les dramaturges les plus célèbres du genre étaient Aristophane et Ménandre. Leurs œuvres et celles de leurs contemporains se moquaient des politiciens, des philosophes et de leurs collègues artistes. En plus de conserver leur touche comique, les pièces donnent un aperçu indirect mais précieux de la société grecque en général et fournissent des détails sur le fonctionnement du gouvernement grec, des institutions politiques, des systèmes juridiques, des pratiques religieuses, de l'éducation et de la guerre dans le monde hellénique. De manière unique, les pièces nous révèlent également l'identité du public et montrent ce qui faisait rire les Grecs. Enfin, la comédie grecque et son prédécesseur immédiat, la tragédie grecque, formeront ensemble la base sur laquelle repose tout le théâtre moderne.
Les origines des pièces comiques
Les origines précises des pièces comiques grecques se perdent dans les brumes de la préhistoire, mais l'activité des hommes qui se déguisent et imitent les autres doit certainement remonter à bien avant les documents écrits. Les premières indications d'une telle activité dans le monde grec proviennent de poteries dont la décoration, au VIe siècle avant notre ère, représente fréquemment des acteurs déguisés en chevaux, en satyres et en danseurs aux costumes exagérés. Une autre source précoce de comédie est constituée par les poèmes d'Archiloque (7e siècle avant J.-C.) et d'Hipponax (6e siècle avant J.-C.) qui contiennent un humour sexuel grossier et explicite. Une troisième origine, citée comme telle par Aristote, réside dans les chants phalliques qui étaient chantés lors des fêtes dionysiaques.
La pièce comique
Bien qu'il y ait eu des innovations, une pièce comique suivait une structure conventionnelle. La première partie était le parados où le chœur, qui pouvait compter jusqu'à 24 interprètes, entrait en scène et exécutait un certain nombre de numéros de chant et de danse. Leurs superbes costumes excentriques pouvaient représenter n'importe quoi, des abeilles géantes avec d'énormes dards aux chevaliers chevauchant un autre homme imitant un cheval ou même une variété d'ustensiles de cuisine. Dans de nombreux cas, la pièce portait en fait le nom du chœur, par exemple Les guêpes d'Aristophane.
La deuxième phase du spectacle était l'agon, qui consistait souvent en une joute verbale ou un débat plein d'esprit entre les acteurs principaux, avec des éléments d'intrigue fantastiques et un changement rapide des scènes qui pouvait comporter une part d'improvisation (si les références à des membres spécifiques du public sont considérées comme des individus réellement présents dans le théâtre). La troisième partie de la pièce était la parabasis, lorsque le chœur s'adressait directement au public et parlait même directement au nom du poète. L'exodos était le point culminant d'une pièce comique, lorsque le chœur se proposait un nouveau numéro enflammé de chant et de danse.
Tous les interprètes étaient des acteurs, chanteurs et danseurs professionnels masculins, aidés dans leurs efforts pour représenter une grande variété de personnages humains et non humains par de magnifiques costumes et des masques hautement décorés. Les acteurs principaux - un protagoniste (qui se taillait la part du lion sous les feux de la rampe) et deux autres acteurs - jouaient tous les rôles parlés. À l'occasion, un quatrième acteur était autorisé, mais uniquement s'il n'était pas indispensable à l'intrigue. Ces restrictions visaient à garantir l'égalité dans la compétition et à limiter les coûts pour l'État qui finançait les acteurs professionnels. Le chœur, les costumes, les musiciens et le temps passé à répéter étaient financés par un citoyen privé désigné, un khorēgos, dont le rôle était porteur d'un grand prestige.
En raison du nombre restreint d'acteurs à l'époque, chaque interprète devait endosser plusieurs rôles, ce qui impliquait des changements rapides de costume et l'utilisation de masques de personnages reconnaissables, comme ceux des esclaves ou des dieux comme Hercule et Hermès. En outre, certains masques peuvent avoir été décorés pour représenter de manière caricaturale certaines figures contemporaines dont le poète souhaitait se moquer. Les masques privaient cependant l'acteur de l'usage des expressions faciales et, par conséquent, l'utilisation de la voix et du geste devenait extrêmement importante. Les costumes étaient une autre partie visuelle importante de la représentation, et les plus courants étaient rembourrés avec des collants et une tunique courte qui révélait un phallus faux et exagéré (lié au rituel dionysiaque) - un détail clairement visible sur de nombreuses scènes comiques représentées sur la poterie grecque.
Les pièces de théâtre étaient jouées dans un théâtre en plein air (theatron) comme celui de Dionysos à Athènes et apparemment ouvert à toute la population masculine (la présence de femmes est contestée). La présence de théâtres dans les villes du monde grec et les découvertes de masques de théâtre en terre cuite suggèrent également que les comédies (et bien sûr les tragédies) étaient jouées un peu partout. Dans un théâtre grec, le demi-cercle de sièges créait une zone centrale appelée l'orchestra et c'est là que le chœur se produisait. Les acteurs principaux se produisaient sur une scène surélevée avec un arrière-plan fourni par la skēne - une structure à deux étages qui offrait également divers points d'entrée pour les acteurs et permettait de changer de costume sans être vu par le public. Il y avait un certain mouvement entre ces zones car le Chœur pouvait occasionnellement monter sur la scène, et les acteurs pouvaient également entrer dans l'orchestra par les entrées publiques ou parodoi de chaque côté du théâtre.
La comédie en compétition
Au cours du Ve siècle avant J.-C., lors des grandes fêtes religieuses telles que les Dionysies urbaines et les Lénéennes, des comédies étaient jouées, en compétition, pendant trois jours. D'abord cinq, puis trois comédies étaient présentées en compétition, une pièce comique étant jouée à la fin de la journée après les tragédies et les satyres. Les pièces étaient jugées par un jury de dix juges tirés au sort qui votaient en plaçant des cailloux dans une urne. Cinq urnes étaient ensuite choisies au hasard pour désigner le vainqueur final.
Comédie ancienne
O Jupiter ! fais gronder ton tonnerre, et change-moi subitement en fumée ; ou bien fais que je ressemble à Proxénide ou au fils de Sellos, ce grand hâbleur.
(60, Acte 1, Scène 1, Les Guêpes d'Aristophane)
La comédie ancienne désigne les pièces écrites au 5e siècle avant notre ère. La pièce complète la plus ancienne est celle d'Aristophane, les Acharniens, jouée pour la première fois en 425 avant notre ère, et les citations de fragments de pièces antérieures ne peuvent être datées d'avant 450 avant notre ère.
L'intrigue des comédies étire généralement la réalité en termes de temps et de lieu, en faisant sauter des distances géographiques incroyables et en changeant rapidement de scène. Des éléments fantastiques tels que des créatures géantes et des déguisements improbables sont mêlés à des références au public, ce qui donne lieu à un tour de montagnes russes de satire, de parodie, de jeux de mots, d'exagération, de langage coloré et de blagues grossières. En effet, les pièces étant des divertissements populaires, elles révèlent une partie du langage populaire utilisé par les Grecs, langage que l'on ne trouve généralement pas dans les écrits plus sérieux. Il semble que tout personnage public était permis, et même la mythologie et la religion grecques pouvaient être tournées en dérision. Cependant, malgré cette grande liberté d'expression, certains aspects de la religion, comme les mystères et les dieux supérieurs tels que Zeus et Athéna, semblent avoir été interdits au poète comique.
La comédie nouvelle
À la fin du IVe siècle avant J.-C., un nouveau style de comédie grecque fit son apparition, bien que la transition de l'ancienne comédie ait été plus graduelle que ne le suggèrent les pièces qui subsistent, et certains spécialistes proposent une étape intermédiaire appelée comédie moyenne. Il est certain que les deux dernières pièces d'Aristophane diffèrent en termes de style par rapport à ses autres pièces et constituent une transition vers un nouveau style de présentation. Cette nouvelle comédie se concentrait davantage sur l'intrigue de la pièce et utilisait souvent des personnages récurrents tels que les cuisiniers, les soldats, les proxénètes et l'esclave rusé. Le chœur devint moins important pour l'intrigue (il ne fournit que des interludes musicaux entre les actes) et les pièces semblent s'être établies sur une structure en cinq actes. Une autre différence est qu'il semble y avoir eu moins d'attaques personnelles (ou est-ce seulement l'impression donnée par le fait d'avoir trop peu de sources avec lesquelles comparer ?), ce qui peut être dû à une législation faite spécifiquement pour limiter cette pratique. Le sujet de la comédie nouvelle diffère également et s'intéresse davantage aux personnages fictifs du quotidien et à leurs relations avec la famille, les autres classes sociales et les étrangers.
Les auteurs comiques
[Sur les poètes modernes]
Ce sont de frêles rejetons, babillards, orchestres d'hirondelles, gâte-métier, promptement épuisés, dès qu'ils ont obtenu un chœur et pissé contre la Muse tragique. Mais un poète de génie, tu n'en trouveras pas un, en cherchant bien, qui produise de généreux accents. (159, Acte 1, Scène 1, Les Grenouilles
trad, Remacle)
Le géant de la comédie grecque est Aristophane. On sait peu de choses sur lui, mais d'après les dates de ses pièces, on peut supposer qu'il vécut entre 460 et 380 avant Jésus-Christ et qu'il était originaire d'Athènes. Onze de ses pièces ont été conservées dans leur intégralité, et ce sont les seuls exemples qui subsistent du genre de la comédie ancienne. Considérées par certains (notamment Aristote) comme plutôt grossières, les pièces révèlent néanmoins l'esprit vif d'Aristophane et commentent souvent les incohérences et les aspects ridicules de la société et des personnages publics. Le politicien Cléon, le philosophe Socrate et le dramaturge de tragédie Euripide sont les trois personnages que l'on retrouve le plus souvent dans les vues comiques d'Aristophane.
Parmi les autres dramaturges importants de la comédie ancienne, citons Cratinos (dont les œuvres comprennent Cheimazomenae 426 av. J.-C., Satyres 424 av. J.-C et Pytine 423 av. J.-C) et Eupolis (Numeniae 425 BCE, Maricas 421 av. J.-C, Les Flatteurs 421 av. J.-C et Autolycus 420 av. J.-C.), tous deux lauréats des festivals les plus prestigieux.
Nous en savons beaucoup plus sur les auteurs de la comédie nouvelle, dont beaucoup étaient prolifiques et écrivirent parfois plus de 300 pièces. Parmi les plus importants, citons Philémon (vers 368/60 - 267/3 avant J.-C.), auteur de 97 comédies, Diphile qui fut l'auteur d'une centaine de pièces, et Philippidès. Cependant, l'auteur de ce genre dont l'œuvre survécut le plus longtemps est Ménandre (vers 342-291 av. J.-C.). Philémon remporta en fait plus de victoires aux festivals que Ménandre, mais c'est ce dernier qui était considéré comme le grand poète de la comédie nouvelle. Il écrivit une centaine de pièces, dont beaucoup survécurent jusqu'au VIIe siècle de notre ère, date à laquelle elles furent malheureusement perdues. Le Dyskolos (joué à l'origine en 316 av. J.-C.) est la pièce la plus complète qui subsiste et des parties importantes de six autres pièces ont également survécu.
La popularité de Ménandre est attestée par plus de 900 citations conservées dans des sources secondaires et ses œuvres furent fréquemment adaptées par des dramaturges latins ultérieurs. Célèbre pour ses situations imaginatives, ses dialogues rapides, son suspense et l'attention qu'il portait aux drames domestiques privés, il incluait souvent un personnage romantique, généralement un jeune homme célibataire (contrairement aux héros d'Aristophane qui étaient généralement d'âge moyen et mariés). En outre, la comédie de Ménandre laissait souvent entrevoir l'importance que l'auteur accordait à la tolérance et à la compréhension dans nos relations sociales.
L'héritage de la comédie
La comédie grecque resta populaire tout au long de l'époque hellénistique et romaine, et de nombreuses pièces classiques furent rejouées à maintes reprises. Les comédies latines furent écrites surtout par Plaute et Terence, et le genre se diversifia en diverses autres formes de théâtre comique comme la pantomime et la togata.