Alamans

Définition

Joshua J. Mark
par , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié sur 10 septembre 2014
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Central Europe 5th century CE (by Varoon Arya, CC BY)
L'Europe Centrale au Ve Siècle Ap. JC
Varoon Arya (CC BY)

Les Alamans (également connus sous le nom d'Alémans ou Alamannen en allemand qui signifie "Tous les hommes" ou "gens de toutes sortes") étaient une confédération de peuples germanophones qui occupaient les régions situées au sud du Main et à l'est du Rhin dans l'actuelle Allemagne. De nombreux historiens affirment que les Alamans apparaissent pour la première fois dans l'histoire en 213 de notre ère, lorsque Dion Cassius relate les campagnes de Caracalla et sa duplicité envers eux. Il est vrai que le nom "Alamans" apparaît pour la première fois dans Dion Cassius mais, si l'on admet que les Alamans et les Suèves (qui apparaissent dans des documents antérieurs) ne faisaient qu'un (ce qui n'est pas le cas de tous), leur première mention apparut en 98 de notre ère dans la Mœurs des Germains de Tacite. Ils constituèrent une menace constante pour l'Empire romain à partir de 213 de notre ère jusqu'à ce qu'ils ne soient vaincus par Julien à la bataille de Strasbourg en 357 de notre ère, puis à nouveau par Valentinien Ier en 367 de notre ère. Après la bataille de Strasbourg, Julien conclut des traités avec les Francs de Gaule qui furent alors laissés en paix. Ils parvinrent à stabiliser leurs communautés et à accroître leur puissance jusqu'à ce que, en 496 de notre ère, le roi franc Clovis ne conquière ces tribus germaniques et ne les absorbe dans son royaume. Par la suite, leur nom perdura dans la langue de la région qu'ils avaient autrefois habitée et dans le nom donné à l'Allemagne en français et dans d'autres langues.

Les Alamans étaient encore une force redoutable lorsqu'ils s'unirent aux forces d'Attila le Hun pour se battre contre les Romains en 451 de notre ère.

Apparence et religion

Le sénateur et historien romain Tacite (56-117 de notre ère) écrivit sur les Suèves au 1er siècle de notre ère, affirmant qu'ils contrôlaient la majeure partie de la région connue sous le nom de Germanie. Il associait les Alamans aux Hermundures, une autre tribu germanique, mais cette affirmation fut contestée par les chercheurs modernes. Les Suèves décrits par Tacite ressemblent beaucoup aux Alamans ultérieurs, en ce sens qu'ils étaient une confédération de différentes tribus, qui pouvaient même inclure les Chérusques (célèbres pour la destruction par leur chef Arminius des trois légions de Varus lors de la bataille de Teutoburg en 9 de notre ère). Tacite fut le premier écrivain à noter les coiffures et les pratiques religieuses spécifiques aux Suèves. Il écrit :

Il faut parler maintenant des Suèves (1), qui ne sont pas, comme les Cattes ou les Tenctères, une seule et unique peuplade. Ils occupent la plus grande partie de la Germanie, et sont divisés en plusieurs nations, dont chacune a conservé son nom, quoiqu'elles reçoivent toutes le nom commun de Suèves.

Une coutume particulière à ces peuples, c'est de retrousser leurs cheveux et de les attacher avec un noeud : ainsi se distinguent les Suèves des autres Germains, et, parmi les autres Suèves, l'homme libre de l'esclave. Si des liaisons de famille avec eux, et souvent le seul esprit d'imitation, ont propagé cet usage dans les autres cités, il y est rare et cesse avec la jeunesse.

Chez les Suèves, on continue jusqu'à la vieillesse de ramener cette chevelure hérissée, que souvent on lie tout entière au sommet de la tête. Les chefs y mettent quelque recherche ; c'est la seule qu'ils connaissent, et celle-la est innocente ; leur pensée n'est point d'aimer ou d'être aimés ; ils ne veulent que se donner une taille plus haute et un air plus terrible : avant d'aller en guerre, ils se parent comme pour les yeux de l'ennemi.

(Mœurs des Germains, 38, trad. Remacle)

En ce qui concerne la religion, Tacite écrit que les Suèves étaient païens et semblent avoir pratiqué une forme de druidisme. Leurs chefs étaient issus d'une tribu de la confédération connue sous le nom de Semnons qui faisaient également office de grands prêtres :

Les Semnons se disent les plus anciens et les plus nobles des Suèves. La religion du pays fait foi de leur antiquité. Ils ont une forêt consacrée dès longtemps par les augures de leurs pères et une pieuse terreur ; c'est là qu'à des époques marquées tous les peuples du même sang se réunissent par députations, et ouvrent, en immolant un homme, les horribles cérémonies d'un culte barbare. Une autre pratique atteste encore leur vénération pour ce bois. Personne n'y entre sans être attaché par un lien, symbole de sa dépendance et hommage public à la puissance du dieu. S'il arrive que l'on tombe, il n'est pas permis de se relever ; on sort en se roulant par terre. Tout, dans les superstitions dont ce lieu est l'objet, se rapporte à l'idée que c'est le berceau de la nation, que là réside la divinité souveraine, que hors de là tout est subordonné et fait pour obéir. La fortune des Semnones donne de l'autorité à cette prétention : ils occupent cent cantons, et cette masse de forces leur persuade qu'ils sont la tête de la nation des Suèves.(Mœurs des Germains, 39, trad. Remacle)

Les pratiques religieuses étaient donc centrées sur des lieux chthoniens, où une divinité centrale exerçait son autorité. Les rivières, les ruisseaux, les clairières et les vallées étaient souvent choisis comme terres sacrées pour les énergies qui se manifestaient dans ces lieux. Comme beaucoup d'autres civilisations anciennes, les Suèves croyaient que l'âme devait traverser une étendue d'eau pour atteindre l'au-delà et que l'âme continuait à vivre après la mort. Les fouilles des tombes des Suèves/Alamans ont révélé qu'ils étaient enterrés entièrement vêtus et avec des objets personnels dont ils auraient besoin dans l'autre monde. Ces pratiques funéraires se sont poursuivies après la conversion au christianisme, entre le 6e et le 8e siècle, même si, bien sûr, leurs pratiques religieuses avaient radicalement changé.

Les Alamans et Rome

Bien que les Suèves aient été associés aux Alamans, les historiens mettent en garde contre l'assimilation des deux groupes sans reconnaître leurs différences au cours des siècles qui séparent le récit de Tacite (98 de notre ère) de celui de Dion Cassius (vers 229 de notre ère). Le spécialiste Guy Halsall écrit : "Il est peu probable que la situation qui prévalait au milieu du premier siècle ait été tout à fait pertinente pour la période romaine tardive. Les Mœurs des Germains de Tacite est un champ de mines qu'il vaut mieux éviter [à cet égard]" (121). L'expert Peter Heather fait également des commentaires à ce sujet, soulignant à quel point les Alamans apparaissent unifiés dans l'œuvre d'Ammien Marcellin (vers 325-391 de notre ère), alors que "l'un des points centraux mis en évidence par la lecture même la plus rapide des Mœurs des Germains de Tacite est à quel point le monde germanique était fragmenté, en termes politiques, à cette date" (36). C'est pour cette raison que les historiens citent habituellement le récit de Dion Cassius comme la première mention des Alamans et ignorent la description antérieure des Suèves par Tacite.

À l'époque du récit de Dion Cassius, les Alamans étaient largement romanisés du fait de leur longue fréquentation des Romains. Halsall écrit comment, dans la région frontalière du Danube et de l'Empire romain,

certains des Alamans, dont on a suggéré qu'ils avaient été formés au moins en partie par les Romains eux-mêmes à partir des habitants des agri decumates [un terme qui pourrait signifier 10 régions agricoles] et des colons barbares autorisés, occupaient d'anciens sites de villas romaines, comme à Wurmlingen dans le Bade-Wurtemberg (128).

Caracalla, Capitoline Museums
Caracalla, Musées du Capitole
Mary Harrsch (Photographed at the Capotoline Museum, Rome) (CC BY-NC-SA)

À cette époque, les Alamans portaient des vêtements romains et imitaient les coutumes sociales romaines. Malgré cela, ils n'étaient pas "romains" au sens où on l'entendait et conservaient leur propre langue et leur propre culture. Par conséquent, lorsqu'ils demandèrent l'aide de l'empereur Caracalla contre une tribu voisine en 213 de notre ère, celui-ci ne vit aucune raison de ne pas les conquérir. Dion Cassius écrit :

Antonin [Caracalla] fit une campagne contre les Alamans et chaque fois qu'il voyait un endroit propice à l'habitation, il ordonnait : "Qu'on érige là un fort. Qu'on y construise une ville." Et il donnait à ces lieux des noms qui lui étaient propres, bien que les désignations locales ne fussent pas modifiées ; car une partie du peuple ignorait les nouveaux noms et d'autres pensaient qu'il plaisantait. Il en vint à mépriser ces gens et ne voulut même pas les épargner, mais accorda un traitement digne des plus grands ennemis à ceux-là mêmes qu'il prétendait être venu aider. Il convoqua leurs hommes d'âge militaire, prétendant qu'ils devaient servir comme mercenaires, puis, à un signal donné - en levant son propre bouclier - il les fit tous encercler et abattre, puis il envoya des cavaliers autour d'eux et arrêta tous les autres. (78.13.4)

On ne sait pas si les Alamans étaient particulièrement hostiles à Rome avant cela, mais ils devinrent par la suite l'un des ennemis les plus acharnés de Rome.

Engagements contre Rome

  • 256 de notre ère: Grégoire de Tours (c. 538-594 de notre ère) écrivit un article célèbre sur l'invasion de la Gaule par les Alamans en 256 de notre ère, sous la direction de leur roi Chrocus. Chrocus mena son armée à travers le pays, détruisant les villes, les églises, les villages, et massacrant les habitants jusqu'à ce qu'il soit vaincu à Arles et exécuté. Les membres survivants de son armée furent ensuite tués ou absorbés dans les rangs romains en tant que mercenaires.
  • 259 de notre ère : Les Alamans envahirent l'Italie, ravageant la fertile vallée du Pô, jusqu'à ce qu'ils ne soient vaincus à la bataille de Mediolanum par une force romaine dirigée par l'empereur Gallien.
  • 268 de notre ère : La bataille de Benacus se déroula en 268/269 de notre ère entre l'empereur Claude II (soutenu par le futur empereur Aurélien) et les Alamans. Les Alamans, alliés aux Juthunges, envahirent le nord de l'Italie et firent face aux forces romaines à Benacus. Les Romains battirent à nouveau les Alamans de façon décisive, tuant la plupart d'entre eux et dispersant les autres.
  • 271 de notre ère : Les Alamans et les Juthunges envahirent à nouveau l'Italie, tandis que l'empereur Aurélien était occupé à repousser les Vandales sur la frontière du Danube. Il fit marcher ses forces pour faire face à la menace alamane mais tomba dans une embuscade et fut vaincu à la bataille de Placentia. Cette défaite entraîna une panique générale dans Rome, car les Juthunges marchèrent vers la ville qui n'avait pas de force importante pour la protéger. Aurélien se regroupa cependant et poursuivit les Juthunges qu'il finit par rencontrer à la bataille de Fano où il les écrasa, les poussant dans le fleuve Métaure où beaucoup d'entre eux se noyèrent. Les Juthunges survivants demandèrent alors une paix qu'Aurélien rejeta. Il les poursuivit, ainsi que leurs alliés alamans, et détruisit la plupart de leurs forces à la bataille de Pavie. Les Alamans qui survécurent furent traqués et tués alors qu'ils tentèrent de s'enfuir en passant par la province de Raetia. Bien qu'il ait arrêté l'invasion et détruit l'ennemi, Aurélien reconnut la nécessité de mieux défendre Rome et ordonna la construction d'un nouveau mur plus solide autour de la ville.
  • 298 de notre ère : L'empereur Constance battit les Alamans à deux reprises, lors de la bataille de Lingones (ou bataille de Langres), puis à nouveau lors de la bataille de Vindonissa.
  • 356 de notre ère : Julien, à la tête de sa première force militaire (avant de devenir empereur), fut surpris et vaincu par les Alamans à la bataille de Reims.
  • 357 de notre ère : Julien battit les Alamans à la bataille de Strasbourg, écrasant complètement leurs forces et capturant l'un de leurs plus importants chefs, Chnodomar (également connu sous le nom de Chnodomarius), qui avait mobilisé les Alamans pour la bataille et les dirigeait depuis le front. Bien que la victoire de Julien ait soumis les Alamans et lui ait permis de marcher en Germanie, de reconstruire et de garnir les forts romains, et d'imposer un tribut aux tribus, elle ne détruisit pas les Alamans ni ne les dispersa. Peter Heather écrit :

La défaite de Chnodomarius n'a pas signifié la destruction totale de l'alliance à la tête de laquelle il se tenait, comme l'avaient fait trois siècles plus tôt les défaites de ses homologues du premier siècle comme Arminius et Maroboduus. Non seulement la diplomatie de Julien laissa en place un grand nombre des rois alamans de moindre importance qui avaient participé à la bataille, mais, dans la décennie qui suivit la bataille, un nouveau chef prééminent, Vadomarius, inquiétait les Romains. Il fut habilement écarté par un assassinat, mais un troisième apparut à sa place: Macrinus. Ammien rapporte trois tentatives distinctes de l'un des successeurs de Julien, Valentinien Ier, pour éliminer Macrinus par la capture et/ou l'assassinat, mais finalement, pressé par les événements plus à l'est, l'empereur céda. Romains et Alamans se rencontrèrent au milieu du Rhin pour un sommet sur l'eau, où l'empereur reconnut la prééminence de Macrinus parmi les Alamans. Contrairement au premier siècle, même une défaite militaire majeure ne suffit pas à détruire la grande confédération alamannique. (40-41)

La "défaite militaire majeure" à laquelle Heather fait référence n'est pas seulement la bataille de Strasbourg, mais aussi la bataille de Solicinium en 367 de notre ère, au cours de laquelle Valentinien Ier vainquit les Alamans dans la région sud-ouest de l'Allemagne. Même s'il fut victorieux, les Alamans ne furent pas brisés et constituaient toujours une force redoutable quelque 80 ans plus tard lorsqu'ils rejoignirent les forces d'Attila le Hun et prirent part à la bataille des champs Catalauniques contre les Romains de Flavius Aetius en 451 de notre ère. Malgré tout, la bataille de Strasbourg limita sérieusement leur capacité à menacer Rome pendant les années suivantes. L'historien Roger Collins écrit:

Cette seule bataille changea vraiment la donne en ce qui concerne la pénétration des Alamans en Gaule. Elle brisa la confédération alamane de tribus qui avait été en grande partie construite et maintenue ensemble par la crédibilité militaire de Chnodomar, et permit pour la première fois aux Romains de prendre l'initiative... Menacés d'une invasion romaine de leur propre territoire, les Alamans demandèrent une trêve. (35)

Une fois encore, cependant, il faut noter que la confédération ne fut pas dissoute et que les Alamans ne semblaient pas se considérer comme un peuple conquis.

Map of the Frankish Kingdoms AD 511
Carte des royaumes francs AD 511
Peter Kessler (Copyright)

La conquête franque des Alamans

Julien, puis Valentinien Ier, conclurent des traités avec la confédération des peuples connus sous le nom de Francs ("le peuple féroce"). Dans un effort pour maintenir la ville romaine de Cologne, récemment restaurée, Julien bloqua le territoire des Francs, les privant de biens commerciaux indispensables, jusqu'à ce qu'ils acceptent ses conditions. Collins commente ce point en écrivant :

Il est remarquable que Julien n'ait fait aucune tentative pour pénétrer dans les terres marécageuses au nord de la Meuse que les Francs avaient occupées, et leur occupation continue de cette région fut tacitement acceptée par les Romains. C'est à partir de ce petit départ que l'occupation franque de toute la Gaule allait se développer. On pourrait dire que ce fut la "naissance de la France". En 357/8, cependant, ce fut un traité de fédération qui fut conclu : L'occupation du territoire romain par les francs fut acceptée en échange de leur participation à la défense de la région. (35)

Cet arrangement était bon pour les Francs qui commençaient à prospérer, mais pas aussi bénéfique pour les Alamans. Lorsque les Alamans combattirent aux côtés des Huns en 451 de notre ère dans les champs Catalauniques, les Francs étaient devenus suffisamment puissants pour être considérés comme des alliés des Romains sous Aetius. Les Francs s'unirent sous le règne de leur premier roi, Clovis Ier (466-511 de notre ère), qui étendit ensuite les frontières de la Gaule pour conquérir l'Europe occidentale. Les Alamans continuèrent à habiter la région de Germanie jusqu'à ce qu'ils ne soient vaincus par Clovis Ier à la bataille de Tolbiac en 496 de notre ère et qu'ils soient soumis par les Francs. Par la suite, certains furent assimilés à la culture franque et s'installèrent en Gaule, tandis que d'autres continuèrent à vivre dans leur ancienne région sous domination franque. Leur nom est conservé aujourd'hui dans le dialecte alémanique, et le mot "Allemagne" (Allemagne, Alemania) dans de nombreuses langues modernes.

À propos du traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

A propos de l'auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

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Style APA

Mark, J. J. (2014, septembre 10). Alamans [Alemanni]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Récupéré de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-12100/alamans/

Le style Chicago

Mark, Joshua J.. "Alamans." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. Dernière modification septembre 10, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-12100/alamans/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Alamans." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 10 sept. 2014. Web. 20 nov. 2024.

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