La médecine romaine antique fut largement influencée par la médecine et la littérature grecques, mais elle apporta également sa propre contribution à l'histoire de la médecine grâce aux travaux d'experts célèbres tels que Galien et Celse. Même si des médecins professionnels étaient attachés à l'armée romaine, pour le reste de la population, la médecine restait une affaire privée. Néanmoins, de nombreux grands foyers romains comptaient leur propre médecin spécialiste parmi leur personnel et, avec la diffusion de la littérature sur le sujet, l'accès aux connaissances médicales s'élargit, les traitements devinrent plus connus et la chirurgie plus sophistiquée.
Sources
La source la plus riche dont nous disposons est sans aucun doute la littérature romaine consacrée spécifiquement au sujet de la médecine. Beaucoup d'entre eux ont été perdus, mais certains des textes médicaux de plusieurs des plus grands experts médicaux de l'époque romaine ont survécu parce qu'ils étaient suffisamment populaires, à la fois à leur époque et pendant des siècles après, pour être copiés à la main de nombreuses fois, augmentant ainsi les chances de survie depuis l'antiquité. Les archives des hôpitaux militaires (valetuduniaria) peuvent également donner un aperçu des affections auxquelles les médecins de camp (medici) et leurs assistants (capsarii) devaient faire face. Il s'agit évidemment des blessés (volnerati), mais aussi des malades (aegri) et des personnes souffrant de problèmes oculaires (lippientes). À partir du IIe siècle, il existe également des ouvrages illustrés qui montrent exactement quelles plantes et herbes étaient utiles pour tel ou tel problème médical.
Les tombes constituent une autre source d'informations sur la médecine antique. Ainsi, dans un cimetière de Rome, la tombe d'une sage-femme réputée, une certaine Scribonia Attice, comporte des plaques décoratives en terre cuite qui montrent des scènes médicales telles qu'un accouchement où la patiente est assise sur une chaise spécialement conçue pour que le bébé puisse tomber à travers le siège pendant l'accouchement. La chaise est légèrement inclinée vers l'arrière, dispose de poignées à saisir et d'un siège perforé. Ces reliefs peuvent également montrer des instruments médicaux (instrumentaria) tels que des scalpels, des sondes et des crochets, mais des centaines de ces instruments ont en fait survécu eux-mêmes, généralement excavés sur les sites d'hôpitaux dans les camps militaires, les cimetières et des sites comme Pompéi. Des pinces, des brucelles, des écarteurs de plaies, des gobelets, des aiguilles et des scalpels de différentes tailles, souvent joliment fabriqués avec des lames en acier, ont survécu pour illustrer les détails de la médecine romaine.
L'influence grecque
Au IIe siècle avant J.-C., les médecins grecs étaient bien établis à Rome, mais les premières traces de l'influence de la médecine grecque sur la pratique médicale romaine remontent à bien plus loin. La première preuve de ce processus est la construction du temple d'Apollo Medicus à Rome en 431 av. J.-C. en réponse aux fléaux dévastateurs qui balayaient l'Italie à cette époque, car on attribuait à Apollon un pouvoir de guérison. Pour les mêmes raisons, Asclépios (ou Esculape) fut adopté en 292 av. J.-C. après que les Romains eurent pris le serpent sacré du dieu à Épidaure, peut-être le plus célèbre des sanctuaires de guérison grecs. Le serpent s'échappa pendant le transport, une fois dans le port d'Antium (Anzio moderne) et une autre fois à son arrivée à Rome, mais il refit surface sur l'île du Tibre, où un sanctuaire dédié au dieu fut établi. Tout comme à Épidaure, les patients se rendaient sur le site dans l'espoir de recevoir des instructions et des remèdes divins.
Le premier médecin grec connu à exercer son métier à Rome est sans doute Archagathos de Sparte, arrivé en 219 av. J.-C., à qui l'on attribue la première introduction de la pratique médicale grecque aux Romains. Spécialisé dans la guérison des blessures de guerre, il acquit également la réputation de résoudre les problèmes de peau. Pline l'Ancien, au 1er siècle de notre ère, traita de la médecine dans son Histoire naturelle, mais il critiqua vivement les médecins grecs, se plaignant de leurs honoraires élevés, de leur comportement immoral avec les patients et de leurs fautes professionnelles en général. Pline avait davantage confiance dans la médecine romaine traditionnelle administrée par le chef de chaque famille. Ces remèdes doux contrastaient fortement avec la taille et la coupe d'hommes pratiqués par Archagathos, qu'il appellait le carnifex ou "bourreau".
Approche générale
Malgré les critiques dont ils faisaient l'objet, les médecins grecs étaient extrêmement populaires et de nombreux foyers romains en comptaient un dans leur personnel. De plus, les Grecs purent apporter leur connaissance du Corpus d'Hippocrate, datant du 5-4e siècle av. J.-C., avec sa division classique du traitement médical en régime alimentaire, protocole et chirurgie. Les Grecs apportèrent également les dernières tendances d'Alexandrie, où les praticiens approfondissaient considérablement leur connaissance du corps humain par la dissection et la vivisection de criminels condamnés. Les médecins grecs les plus avisés étaient également capables d'adapter leur approche aux goûts des Romains. Par exemple, Asclépiade de Bithynie (mort en 90 av. J.-C.) était célèbre pour ses traitements thérapeutiques "doux" tels que les massages, les bains et les exercices doux, associés à une prescription d'eau et de vin.
L'ouvrage le plus influent sur les médicaments est Materia medica de Dioscoride d'Anazarbe, écrit au 1er siècle de notre ère. Dioscoride y mentionne un grand nombre de remèdes à base de plantes et d'herbes, ainsi que des classiques de la médecine comme le jus de pavot et le crocus d'automne, qui contiennent respectivement de la morphine et de la colchicine. Il décrit également les propriétés utiles de certaines pierres lorsqu'elles sont portées en amulette. Par exemple, le jaspe vert était considéré comme bon pour les problèmes d'estomac et les pierres okytokia étaient particulièrement populaires auprès des femmes enceintes qui espéraient un accouchement rapide. Le grand médecin romain Galien s'inspira de cet ouvrage qui resta une référence importante jusqu'au Ve siècle de notre ère et au-delà.
Les pilules (pastilli) étaient généralement fabriquées à partir d'herbes et de plantes avec un certain type d'ingrédient métallique. Celse, un autre des grands hommes de médecine romains, décrit par exemple les ingrédients d'une pilule utilisée pour traiter une mauvaise toux : safran, myrrhe, poivre, romarin, galbanum, cannelle, castoréum et larmes de pavot. Cela illustre l'amour des ingrédients exotiques, mais aussi l'énorme confiance accordée aux produits du quotidien. Par exemple, Caton croyait fermement aux propriétés médicinales du chou (brassica). Il considérait qu'il facilitait la digestion, que le fait de baigner un patient ou un bébé dans l'urine de quelqu'un qui avait mangé beaucoup de chou était extrêmement bénéfique pour la constitution, et que les fumées du chou bouilli, si elles étaient dirigées vers l'utérus, pouvaient augmenter la fertilité d'une femme.
Comme c'était le cas dans d'autres cultures anciennes, la chirurgie, en raison des risques qu'elle comportait, n'était généralement utilisée qu'en dernier recours. On se souciait également du confort du patient et on se rendait compte de l'inutilité de provoquer une douleur supplémentaire lorsque la guérison était improbable. La chirurgie se limitait donc généralement à la surface du corps, mais grâce à des instruments chirurgicaux spécialisés, des opérations plus sophistiquées pouvaient être réalisées, comme l'ablation de cataractes, le drainage de fluides, la trépanation et même l'inversion de la circoncision. Les plaies étaient cousues après l'opération à l'aide de chanvre, de fil de lin ou d'épingles métalliques. Les pansements étaient constitués de bandes de lin ou d'éponges et étaient soit secs soit humides, c'est-à-dire trempés dans du vin, de l'huile, du vinaigre ou de l'eau et maintenus humides avec une couverture de feuilles fraîches. Les chirurgiens les plus importants étaient Héliodore et Antyllus, mais très peu de leurs travaux écrits ont survécu.
Les médecins reconnaissaient également qu'en cas de blessures au cerveau, au cœur, au foie, à la colonne vertébrale, aux intestins, aux reins et aux artères, il n'y avait pas grand-chose à faire, même pour le praticien le plus compétent. Par conséquent, il était conseillé de ne pas s'impliquer dans ces cas et de ne pas nuire à sa réputation médicale. Les cas qui étaient le plus souvent portés à l'attention des médecins étaient des affections telles que les problèmes de peau, de digestion et de fertilité, les fractures osseuses, la goutte (podagra), la dépression (melancholia), l'hydropisie ou la rétention d'eau (leukophlegmasia) et même l'épilepsie (comitialis).
Spécialistes célèbres
Aulus Cornelius Celsus (ou Celse, c. 25 av. J.-C. - c. 50 ap. J.-C.) écrivit au 1er siècle une encyclopédie qui comprenait une partie sur la médecine, dont seul le septième livre De medicina subsiste. Il y mentionne et évalue de manière critique des remèdes traditionnels tels que la vieille pratique grecque du bain de vapeur parfumé avec une herbe de la famille de la menthe qui favorisait la transpiration et revitalisait le corps, l'ingestion de serpents pour se débarrasser des abcès ou, plus étrange encore, la croyance selon laquelle boire le sang d'un gladiateur tué guérissait l'épilepsie. Il préconisait des emplâtres chauds de racines de mauve (hibiscum, malva) bouillies dans du vin pour traiter la goutte. Pour Celse, la diététique était la plus importante des trois branches de la médecine. Il soulignait que la mort imminente du patient était indiquée par la pointe du nez, les tempes et les yeux enfoncés, les oreilles froides et la peau du front tendue et dure. Il confondait la fièvre et la diarrhée avec des maladies et non des symptômes et avait un penchant pour les saignées, mais il reconnaissait aussi la valeur des massages et de la transpiration. Il divisait les aliments en deux catégories : ceux qui rafraîchissaient le patient (par exemple, la laitue, le concombre, les cerises et le vinaigre) et ceux qui apportaient de la chaleur (par exemple, le poivre, le sel, les oignons et le vin). D'une manière générale, Celse est plutôt peu compatissant à l'égard de ceux qui cherchent à se faire soigner et souligne l'importance d'un mode de vie sain en plein air pour garder le médecin loin de chez soi.
Scribonius Largus (c. 1 - 50 de notre ère), originaire de Sicile, était un médecin de l'entourage de l'empereur Claude qui visita la Grande-Bretagne en l'an 43. De l'école empiriste, il écrivit ses Compositiones sur les médicaments de l'époque, qui comprenaient une pommade pour l'arthrite, une recommandation d'utiliser le trèfle contre les morsures de serpent, et le sang de tortue ou de colombe comme remède contre l'épilepsie. Comme beaucoup d'autres auteurs, Largus utilisait les termes grecs pour désigner la médecine et les plantes et il soutenait également les principes essentiels du serment d'Hippocrate.
Dans sa Gynécologie, Soranos d'Ephèse (c. 60-130 de notre ère) donne des conseils aux sages-femmes et aux nourrices, en précisant qu'elles doivent être lettrées, sobres, discrètes, connaître la théorie et la pratique et ne pas être influencées par la superstition. Il étudia à Alexandrie, exerça à Rome et faisait partie de l'approche méthodiste populaire où l'on accordait de l'importance à la correction d'un corps trop "contraint" ou trop "détendu". Dans son œuvre, il réitéra également les conseils courants pour éviter la grossesse comme retenir sa respiration pendant un rapport sexuel ou éternuer peu après.
Galien de Pergame (129 - c. 216 de notre ère) était un érudit et un médecin polyvalent qui voyagea beaucoup en Méditerranée, apprit son métier dans une école de gladiateurs et devint un auteur prolifique de traités médicaux qui furent traduits dans de nombreuses autres langues comme l'hébreu et l'arménien. Par exemple, il donna des conseils aux jeunes mères dans son Prognosis, expliqua le bien-fondé de tremper les bandages dans du vin pour les stériliser dans ses commentaires prolifiques sur le Corpus hippocratique et donna des conseils utiles sur la façon de choisir un bon médecin dans son œuvre Le médecin. Il était l'un des favoris de la maison impériale, de Marc Aurèle à Septime Sévère, et l'on raconte même que le premier, après avoir résolu un problème d'estomac, dit de lui : "Nous n'avons qu'un seul médecin, et c'est un gentilhomme accompli". Galien travaillait sans relâche en utilisant la dissection pour étendre ses connaissances et il soutenait également l'idée du Corpus hippocratique selon laquelle le déséquilibre des quatre fluides corporels (ou humeurs) que sont le flegme, la bile jaune, la bile noire et le sang était à l'origine des maladies. Cette idée était associée aux quatre qualités de chaleur, de froid, d'humidité et de sécheresse qui sous-tendaient tous les traitements et qui allaient rester influentes pendant les 1500 années suivantes.
Conclusion
Tout comme les Grecs, les Romains n'avaient pas de formation ou de qualifications médicales officielles et il n'y avait pas d'approche médicale orthodoxe. Les méthodes et les matériaux étaient laissés à la discrétion de chaque praticien qui gagnait la confiance de ses patients grâce à la précision de son diagnostic et de son pronostic au cas par cas. Les spécialistes médicaux romains suivirent les traces de leurs prédécesseurs grecs, documentèrent cette tradition antérieure pour le bien de la postérité et firent des progrès, notamment en matière de chirurgie et de connaissances anatomiques. Il y avait encore de nombreuses lacunes dans les connaissances et plus d'une croyance inexacte, mais les médecins romains et les spécialistes de la médecine avaient fait de tels progrès que leur approche allait rester dominante pendant un autre millénaire.