Un censeur était l'un des deux grands magistrats de la ville de la Rome antique qui supervisaient la morale publique, maintenaient la liste des citoyens et leurs obligations fiscales connue sous le nom de recensement, et distribuaient des contrats publics lucratifs et des droits de perception fiscale. Le titre est à l'origine des termes modernes «censeur» et «censure», car les censeurs pouvaient noter et retirer des personnes de la liste des citoyens. La fonction fut résiliée vers 22 avant notre ère, ses pouvoirs redistribués soit à l'empereur soit à d'autres fonctionnaires.
Position et évolution
La position de censeur fut, selon Tite-Live, établie en 443 avant JC. Ils étaient élus tous les quatre ou cinq ans par la comitia centuriata, l'assemblée de Rome dont les membres étaient choisis en fonction de leur richesse. Ils avaient un mandat de 18 mois. En 339 av. JC, après un siècle de tradition où seuls ceux de la classe patricienne aristocratique pouvaient occuper cette fonction, les Leges Publiliae décrétèrent que l'un des deux censeurs devait appartenir à la classe plébienne inférieure. En 131 av. JC, deux plébéiens occupèrent les deux fonctions pour la première fois. Suite aux réformes de Sulla, en 81 av. JC, l'importance du poste fut réduite et leur élection devint moins régulière. Pendant la période impériale, l'empereur reprit nombre des pouvoirs qui étaient entre les mains des censeurs et aucun censeur ne fut élu après 22 avant notre ère.
Bien que le pouvoir politique des censeurs, tel que défini par la loi, ait été en réalité limité - ils n'avaient pas le droit d'imperium (droit d'interpréter et d'exécuter la loi ou de commander en guerre) - et ils n'avaient pas d'escorte de licteurs portant les fasces symboliques comme les autres magistrats, leurs points de vue et les actions eurent souvent beaucoup de poids en raison de l'expérience du titulaire en charge et du prestige attaché au rôle lui-même. En effet, le titre de censeur était considéré comme le plus élevé du cursus honorum ou du parcours professionnel public romain. Une convention fut développée par laquelle seuls les anciens consuls étaient éligibles à ce rôle. À titre d'exemple des figures puissantes qui occupèrent le poste, Caton l'Ancien fut censeur en 184 av. JC, et Marcus Licinius Crassus, probablement l'homme le plus riche de Rome de tous les temps, fut fait censeur en 65 av. JC entre ses deux passages comme consul.
Le recensement
Les censeurs étaient chargés d'effectuer, tous les quatre ou cinq ans, le recensement national qui était une liste de tous les citoyens de Rome et des villes provinciales, et de quelles étaient leurs obligations fiscales et leurs obligations militaires. Auparavant, c'était le devoir des tribunaux. Le recensement d'un individu comprenait son nom complet, son âge, le nom de son père, l'endroit où il vivait, son emploi et la quantité de biens qu'il possédait. Les femmes et les enfants n'étaient pas inclus, sauf en tant que personnes à charge. Les censeurs organisaient les noms en tribus et en centuries selon cinq classes différentes en fonction de la classe de chevaliers (equites), du niveau de propriété ou d'absence de propriété.
Le censeur pouvait marquer (avec une nota) n'importe quel nom sur la liste ce qui exclurait cette personne de sa tribu et lui interdirait de voter, c'est-à-dire: la censurer. Un individu marqué de cette façon devenait un Aerarius et devait encore payer des impôts même s'il ne pouvait désormais plus voter. Une des raisons pour lesquelles un censeur pourrait le faire est qu'un citoyen avait fait quelque chose d'immoral dans sa vie publique ou privée et donc le rôle du censeur fut associé au maintien des normes morales ou du regimen morum au sein de la communauté.
Une fois le recensement terminé, l'un des censeurs (choisis au sort) organisait une cérémonie religieuse connue sous le nom de lustratio sur le Campus Martius (Champs de Mars) de Rome. Là, les prières, les sacrifices d'animaux et la purification par le feu empêchaient le mal et assuraient le succès de l'année à venir.
Autres fonctions
Il incombait également au censeur de s'assurer que la composition du Sénat romain était en ordre. En plus de sélectionner des sénateurs, ils pouvaient également exclure des individus, encore une fois pour comportement répréhensible. Avec les réformes de Sulla, le processus de sélection du Sénat fut modifié et tout citoyen détenant le grade de quaestor était automatiquement qualifié. Une autre des fonctions du censeur consistait à enregistrer qui des equites détenait un cheval public, et encore une fois, pour toute personne qu'ils jugeaient inappropriée, leur cheval pouvait être confisqué et l'individu interdit.
Les autres fonctions des censeurs comprenaient la location de biens publics, y compris les mines, les forêts et les rivières susceptibles de générer des revenus, la supervision de projets de travaux publics tels que la construction de routes, les bibliothèques et les bains romains; et la conclusion de contrats avec les entrepreneurs publics (publicani) qui collectaient les les taxes provinciales et portuaires (portoria) et tout revenu provenant de biens publics (vectigal). Il y avait parfois des problèmes avec ce système, car les censeurs avaient un énorme pouvoir fiscal pour vendre des contrats au plus offrant, parfois, en mettant aux enchères le droit de percevoir des impôts pour des provinces entières. Cela entraîna des conflits d'intérêts, une concurrence entre les censeurs et un abus général de pouvoir.
Il existait également des pouvoirs moins définis, tels que l'octroi de la citoyenneté à des étrangers. Dans un exemple de ce dernier cas, nous savons que Crassus, en tant que censeur, accorda la citoyenneté aux Transpadanes en Gaule cisalpine, un geste impopulaire et l'une des raisons de sa destitution. Caton l'Ancien, qui devint généralement connu sous le nom de «Caton le Censeur», introduisit une taxe sur le luxe afin de réprimer le déclin de la moralité qu'il voyait dans la Rome républicaine du IIe siècle avant notre ère.
Héritage
Bien que le rôlede censeur ait été supprimé pendant la période impériale, le recensement se poursuivit bien après. Auguste en effectua trois durant son long règne, et le dernier recensement connu en Italie fut effectué vers 80 après JC, après quoi les statistiques sur les droits d'impôt et de vote n'étaient plus pertinentes puisque le premier provenait des provinces où les gouverneurs étaient désormais responsables de les mettre à jour. L'Égypte romaine était célèbre pour son recensement tous les 14 ans, et plusieurs exemples de recensements réalisés à travers l'empire sont conservés sur papyrus. Comme le note l'historien Peter Fibiger Bang, «c'était loin d'être un instrument négligeable du pouvoir de l'État et il continua à provoquer des résistances à toutes les époques» (Barchieis, 676). La pratique du contrôle par le biais des statistiques a également survécu aux Romains eux-mêmes, car de nombreux États modernes continuent à effectuer un recensement à intervalles réguliers afin de recueillir des chiffres sur leurs populations en constante évolution.