La dynastie Zhou (1046-256 av. JC) fut l'une des plus importantes des premières dynasties chinoises sur le plan culturel, et la plus longue de toute l'histoire de la Chine. Elle se divise en deux périodes: celles des Zhou de l’Ouest (1046-771 av. JC ) et Zhou de l’Est (771-256 av. JC). Elle suivit la dynastie Shang (vers 1600-1046 av. JC) et précéda la dynastie Qin (prononcé "tchin", 221-206 av. JC), qui donna son nom à la Chine.
Parmi les concepts Shang développés par les Zhou figurait le Mandat du Ciel - croyance en la nomination divine du monarque et de la maison régnante - qui devait imprégner la politique chinoise pendant des siècles, et que la Maison des Zhou invoqua pour déposer et remplacer les Shang.
La période des Zhou de l’Ouest vit l'émergence d'un état décentralisé avec une hiérarchie sociale analogue à celle du féodalisme européen, dans lequel la terre était détenue par un noble, lié par l'honneur au roi qui l'avait octroyée, et travaillée par les paysans. Les Zhou de l’Ouest tombèrent juste avant l'ère connue sous le nom de Période des Printemps et des Automnes (vers 772-476 av. JC), nommée d'après le nom des chroniques d'état de l'époque (les Annales des Printemps et des Automnes). Cette période fut remarquable pour ses progrès en matière de musique, de poésie et de philosophie, en particulier par le développement des écoles de pensée confucéenne, taoïste, moïste et légiste.
Les Zhou de l'Est déplacèrent la capitale à Luoyang. Ils poursuivirent le modèle des Zhou de l'Ouest, mais avec une dégradation de plus en plus marqué du gouvernement impérial, ce qui amena à dire que les Zhou avaient perdu le Mandat du Ciel. La faiblesse de la situation du roi mena à l'ère chaotique connue sous le nom de Période des Royaumes Combattants (vers 481-221 av. JC), au cours de laquelle les sept états séparés de la Chine s’affrontèrent pour gagner la suprématie. Cette période se termina par la victoire de l'état de Qin et l'établissement de la Dynastie Qin, qui s’efforça d'effacer les réalisations des Zhou afin d'établir sa propre primauté.
La Dynastie Zhou apporta d'importantes contributions culturelles à l'agriculture, à l'éducation, à l'organisation militaire, à la littérature, à la musique, aux écoles de pensée philosophiques, à la stratification sociale, ainsi qu'aux innovations politiques et religieuses. Les bases de beaucoup de ces développements avaient été posées par la Dynastie Shang, mais la forme sous laquelle ils furent reconnus est à attribuer entièrement aux Zhou.
La culture qu'ils établirent et maintinrent pendant près de 800 ans permit le développement des arts et de la métallurgie, et l’émergence de certains des noms les plus célèbres de la philosophie chinoise, parmi lesquels Confucius, Mencius, Mozi, Lao Tseu (ou Laozi) et Sun Tzu (ou Sunzi), qui vécurent et écrivirent tous pendant la période connue comme celle des Cent Écoles de Pensée, au cours de laquelle chaque philosophe établit sa propre école. Les contributions de la Dynastie Zhou servirent de base au développement de la culture chinoise par les dynasties suivantes, notamment la Dynastie Han (202 av. JC - 220 ap. JC), qui reconnut pleinement la valeur des contributions des Zhou.
Chute des Shang & Montée des Zhou
Avant les Zhou, la Dynastie Shang renversa la Dynastie Xia (vers 2700-1600 av. JC), disant qu'elle était devenue tyrannique. Le souverain Shang, Tang (dates incertaines), stabilisa ensuite la région et lança des politiques encourageant les progrès économiques et culturels. Les Shang tirèrent le meilleur parti du sol fertile des rives du Fleuve Jaune pour produire d'abondantes récoltes, fournissant des excédents de nourriture qui pouvaient être dirigés vers le commerce. La prospérité qui en résulta permit le développement des villes (certaines à grande échelle, comme Erligang), des arts et de la culture.
Les Shang étaient des maçons, des bijoutiers et des métallurgistes experts, créant des chefs-d'œuvre en bronze et en jade, et produisant des fils de soie de grande qualité. Ils développèrent un calendrier, la divination avec les os oraculaires, l'écriture, la musique et les instruments de musique, le concept du Culte des Ancêtres, le Taoïsme, et le concept religieux du Mandat du Ciel qui signifiait que le monarque gouvernait par la volonté des dieux.
L'approbation d'un roi par les dieux se manifestait par la prospérité du pays et le bien-être général du peuple. Tout déclin de l'un ou l'autre était interprété comme un signe que le monarque avait rompu son contrat avec les dieux et devait être déposé. Le dernier empereur Shang, Zhou (également appelé Xin), devint aussi tyrannique que les précédents rois Xia. Il fut défié par le roi Wen de Zhou (1152-1056 av. JC) et fut renversé par le deuxième fils de Wen, le roi Wu (règne 1046-1043 av. JC), qui devint ainsi premier roi de la Dynastie Zhou.
Les Zhou de l’Ouest
Le roi Wu suivit d'abord le modèle des Shang en établissant un gouvernement central de part et d'autre de la rivière Feng, à Fenghao. Wu mourut peu après, et son frère, Dan, Duc de Zhou (r. 1042-1035 av. JC), prit le contrôle du gouvernement en tant que régent pour le jeune fils de Wu, Cheng (r. 1042-1021 av. JC). Le Duc de Zhou est un personnage légendaire de l'histoire chinoise, poète-guerrier et auteur du célèbre livre de divination, le Yi Jing. Il étendit les territoires vers l'est et gouverna avec respect, abdiquant lorsque le fils de Wu atteignit sa majorité et prit le trône en tant que roi Cheng de Zhou. Cependant, toutes les régions sous le contrôle des Zhou ne soutenaient pas leurs politiques, et des rébellions éclatèrent dans tout le vaste royaume, inspirées par des factions qui souhaitaient se gouverner elles-mêmes.
Un gouvernement centralisé ne pouvait pas maintenir le vaste territoire conquis et la maison régnante envoya donc des généraux de confiance, des membres de la famille et d'autres nobles pour établir des états plus petits qui seraient fidèles au roi. La politique de fengjian ('établissement') fut instituée pour décentraliser le gouvernement et attribuer des terres aux nobles qui reconnaissaient la suprématie du roi Zhou. La politique de fengjian établit un système féodal et une hiérarchie sociale qui s'étendait de haut en bas :
- Roi
- Nobles
- Propriétaires terriens
- Marchands
- Ouvriers
- Paysans
Chaque noble formait son propre état, avec son système juridique, son code fiscal, sa monnaie et sa milice. Les nobles montraient obéissance et payaient des impôts au roi Zhou, ils lui fournissaient en outre des soldats si nécessaire. Le concept du Mandat du Ciel fut plus complètement développé afin de renforcer la position du roi. Le roi faisait des sacrifices à la capitale au nom du peuple, et ce dernier l'honorait par sa loyauté et ses services.
La politique du fengjian fut une telle réussite, produisant une telle abondance de récoltes, que la prospérité qui en résulta confirma que les Zhou possédaient le Mandat du Ciel. La richesse ainsi générée encouragea le système dit des 'puits-champs', c'est à dire une division des terres entre celles cultivées pour la noblesse et le roi, et celles travaillées par et pour la paysannerie. Ce fut l'un des rares moments dans l'histoire de la Chine où les classes supérieures et inférieures travaillèrent ensemble pour le bien commun.
La culture Zhou naturellement prospéra grâce à ce type de coopération. Le travail du bronze devint plus sophistiqué, et la métallurgie des Shang dans son ensemble fut améliorée. L'écriture chinoise fut codifiée et la littérature se développa, comme en témoigne le Shijing (le Livre des Chants, composé du 11ème au 7ème siècle av. JC), l'un des Cinq Classiques de la littérature chinoise. Les poèmes du Shijing devaient être chantés à la cour, ils étaient censés encourager un comportement vertueux et la compassion pour les membres de toutes les classes sociales.
Cette période de prospérité et de paix relative ne put cependant pas durer. L'historienne Patricia Buckley Ebrey commente :
Le régime décentralisé des Zhou de l’Ouest portait en lui dès le début le danger que les seigneurs régionaux deviennent si puissants qu'ils ne répondent plus aux ordres du roi. Au fil des générations, les liens de loyauté et de parenté devinrent plus distants et c'est bien ce qui se produisit. En 771 av. JC, le roi Zhou fut tué par une alliance [de tribus et de vassaux]. (38)
Les Zhou de l’Ouest tombèrent lorsque des invasions, probablement celles de peuples comme les Xirong (ou Rong), déstabilisèrent davantage encore la région. La noblesse déplaça la capitale à Luoyang, à l'est, ce qui donna à la période suivante de l'histoire des Zhou son nom de Zhou de l’Est.
Les Zhou de l’Est
De l'avis général, l'ère des Zhou de l’Est fut chaotique et violente, mais réussit cependant à produire des œuvres littéraires, artistiques et philosophiques d'une originalité et d'un contenu étonnants. La Période des Printemps et des Automnes, qui marque le début de l'ère des Zhou de l'Est, conserva encore un peu de la courtoisie et du décorum de l'époque des Zhou de l'Ouest, mais cela ne devait pas durer. Les états séparés - Chu, Han, Qi, Qin, Wei, Yan et Zhao - avaient tous plus de pouvoir que les Zhou de Luoyang à cette époque. Il était cependant toujours considéré que les Zhou détenaient le Mandat du Ciel, chaque état essayait donc de prouver qu'il était le successeur des Zhou.
Au cours des premières années de la Période des Printemps et des Automnes, les principes de la chevalerie au combat étaient encore observés par tous, et les sept états utilisaient les mêmes tactiques, ce qui mena à une série d'impasses, car chaque fois qu'un état s'engageait dans une bataille contre un autre, aucun ne pouvait prendre l'avantage. Au fil du temps, cette répétition de guerres apparemment sans fin et totalement vaines devint le mode de vie du peuple chinois pendant l'ère appellée aujourd'hui la Période des Royaumes Combattants. C'est à cette époque que fut écrit le célèbre ouvrage L'Art de la Guerre, de Sun Tzu (vers 500 av. JC), dans lequel sont rassemblés les préceptes et les tactiques que l'on pouvait utiliser pour prendre l'avantage sur l'adversaire, gagner la guerre et établir la paix.
On ne sait pas si L'Art de la Guerre fut lu largement à cette époque, mais Sun Tzu ne fut pas le seul à tenter de mettre fin à la violence par des stratagèmes. Le philosophe pacifiste Mozi (ou Mo Tzu, 470-291 av. JC) se rendit dans chaque état, offrant ses connaissances sur le renforcement des défenses des villes ainsi que sur les tactiques offensives au combat. Son idée était de fournir à chaque état exactement les mêmes avantages, les neutralisant ainsi tous, dans l'espoir qu'ils se rendent compte de la vanité de la poursuite la guerre et qu’ils déclarent la paix. Son plan échoua cependant, car chaque état, tel un joueur invétéré, croyait toujours que sa prochaine offensive devait lui rapporter la victoire.
Un homme d'état Qin nommé Shang Yang (vers 390-338 av. JC), suivant l'exemple de Sun Tzu, préconisa, lui, la guerre totale, sans tenir compte des anciennes lois de la chevalerie et insistant sur l'objectif de la victoire par tous les moyens. La philosophie de Shang Yang fut adoptée par le roi Ying Zheng de Qin, qui se lança dans une campagne de carnage brutale, vainquit les autres états et s'imposa en tant que Shi Huangdi, premier empereur de Chine. La dynastie Zhou était tombée, et la Dynastie Qin commençait maintenant son règne sur la Chine.
Apports des Zhou
Les Qin devaient annuler de nombreuses avancées des Zhou, mais ils ne purent pas réécrire complètement l'histoire. De la même façon que les Zhou s'étaient inspirés des réalisations des Shang, les Qin firent de même avec les Zhou. Les progrès réalisés par les Zhou dans le domaine de l'agriculture, par exemple, furent conservés et améliorés, notamment les techniques d'irrigation, la construction de barrages et l'hydraulique, qui devaient jouer un rôle déterminant dans la construction du Grand Canal par Shi Huangdi.
L'utilisation de la cavalerie et des chars dans la guerre chinoise (développée à l'origine par les Shang) fut encore étendue par les Zhou et conservée par les Qin. Les Zhou avaient porté l'équitation à un niveau si élevé qu'elle était considérée comme une forme d'art et une base de l'éducation des princes. Les chevaux étaient considérés comme si importants qu'ils étaient fréquemment enterrés avec leurs maîtres, ou sacrifiés pour le pouvoir spirituel et la protection que leur énergie pouvaient apporter au défunt.
L'exemple le plus célèbre est la tombe du duc Jing de Qi (r. 547-490 av. JC), découverte dans la province du Shandong en 1964. Bien qu'elle n'ait pas encore été entièrement fouillée, on pense qu'elle contient les restes de 600 chevaux sacrifiés pour accompagner le duc dans l'au-delà. Tous les états s’inspirèrent des connaissances des Zhou en matière d'équitation et Ying Zheng utilisa en fait pleinement les unités de chars et de cavalerie développées par les Zhou pour soumettre les autres états.
Les Qin conservèrent également la séparation de l'armée en unités des Zhou, déployées en différentes directions au cours de la bataille, de même que leur métallurgie. Shi Huangdi tira le meilleur parti des techniques de métallurgie des Zhou en forçant les états soumis à lui remettre leurs armes, lesquelles étaient ensuite fondues et transformées en statues célébrant son règne.
Les contributions des Zhou qui furent écartées par les Qin concernaient tous les domaines de l'art et de la culture. La Période des Printemps et des Automnes et l'époque des Cent Écoles de Pensée produisirent certains des penseurs philosophiques les plus importants au monde. Les principales écoles de pensée furent fondées par Confucius (551-479 av. JC) dont les célèbres préceptes continuent d'imprégner la culture chinoise, Lao Tseu (vers 500 av. JC), qui fonda et codifia le Taoïsme formel, et Han Feizi (vers 280-233 av. JC), fondateur de l'école du Légisme.
Il y eut également de nombreux philosophes moins connus mais néanmoins importants, tels que le sophiste Teng Shih (vers 500 av. JC), l'hédoniste Yang Zhu (440-360 av. JC), et le politicien et philosophe Yan Ying (578-500 av. JC). Parmi les philosophes les plus connus, citons le célèbre Mencius (ou Mengzi, 372-289 av. JC) qui codifia les œuvres de Confucius, et Xun Kuang (ou Xunzi, vers 310-235 av. JC) dont l'œuvre, Xunzi, reprenait les idéaux confucéens avec une vision plus pessimiste et pragmatique. À l'exception du Légisme de Han Feizi, que les Qin adoptèrent comme politique nationale, les travaux de tous ces philosophes furent détruits sur ordre; ceux qui survécurent furent cachés par des prêtres et des intellectuels au péril de leur vie.
Les contributions musicales des Zhou furent également sous-estimées par les Qin, bien qu'elles furent pleinement reconnues par la suite par la Dynastie Han. Les concepts de Li (rituel) et de Yue (musique et danse), communément appelés Li-Yue, étaient au cœur des valeurs de la dynastie Zhou. La musique était considérée comme transformatrice, comme l'explique la sinologue Johanna Liu :
Depuis la Dynastie Zhou, la musique était considérée comme une matière importante dans le programme d'études de quatre disciplines pour éduquer les fils de la famille royale et les personnes éminentes de l'état, pour en faire de futurs dirigeants de premier plan. Dans le Livre des Rites, il était dit... "la direction de la musique a donné tout honneur à ses quatre sujets d'instruction, et a arrangé les leçons dans chacun d’eux en suivant de près les poèmes, les histoires, les cérémonies, et la musique des anciens rois, afin de perfectionner ses érudits". (Shen, 65)
À chaque morceau de musique correspondait une danse, et leur combinaison était censée non seulement améliorer le caractère moral de l'individu, mais aussi contribuer à équilibrer la nature du cosmos. Confucius pensait que la musique était essentielle pour cultiver un bon caractère, en particulier pour un dirigeant, et qu'un amateur de musique devait se conduire et mener son administration de manière juste.
Le Livre des Rites auquel Johanna Liu fait référence est l'un des textes classiques chinois produits sous la Dynastie Zhou, à l'époque des Cent Écoles de Pensée. Les Quatre Livres et les Cinq Classiques - qui purent survivre à l'autodafé des Qin - sont devenus les textes standard de l'éducation chinoise. Il s'agit de :
- Le Livre des Rites (ou Livre du Grand Apprentissage)
- La Doctrine de la Voie Médiane
- Les Analectes de Confucius
- Les Œuvres de Mencius
- Le Yi Jing
- Le Classique de la Poésie
- Le Classique des Rites
- Le Classique de l'Histoire
- Les Annales des Printemps et des Automnes
Ces ouvrages sont encore étudiés de nos jours, et pour la même raison: on pense que non seulement ils éduquent l'individu, mais qu'ils élevent aussi son âme et améliorent l’ensemble de sa personne.
[vidéo:6-1221]
Conclusion
Ces œuvres n'ont été rendues possibles que par le développement de l'écriture par les Zhou. Ils firent évoluer l'écriture Shang Jiaguwen en Dashuan, Xiaozhuan et Lishu, qui devaient elles-mêmes mener au développement d'autres écritures. La valorisation du Culte des Ancêtres par les Zhou encouragea le développement de la pensée religieuse, et leur vision du Mandat du Ciel devait continuer à inspirer les dynasties chinoises pendant des millénaires.
Si les Zhou n'avaient produit que des philosophes comme Confucius et les autres, ce serait déjà impressionnant, mais ils firent bien plus. Au cours de la période des Zhou de l’Ouest, ils établirent un état décentralisé mais cohérent, qui honorait et inspirait les gens de toutes classes sociales, et pas seulement les nobles et les riches. Ils améliorèrent constamment ce qu'ils avaient hérité des Shang, et cherchèrent d'autres moyens de rendre meilleure leur vie et celle des autres.
À l'époque des Zhou de l’Ouest, même dans le chaos des guerres permanentes, ils continuèrent à développer les arts, la musique, la littérature et la philosophie de la meilleure qualité. En fait, le règne de près de 800 ans de la Dynastie Zhou eut une influence si profonde à tous les niveaux de la culture que même les politiques destructrices des Qin ne purent l'effacer. Après la chute des Qin au profit de la dynastie Han, les contributions culturelles des Zhou furent relancées, et elles sont aujourd'hui indissociables de la culture chinoise.