
Lorsqu'Alexandre le Grand mourut en 323 avant notre ère, il laissa derrière lui un empire dépourvu de dirigeants. Sans successeur ou héritier désigné, les anciens commandants se partagèrent tout simplement le royaume. Au cours des trois décennies suivantes, ils menèrent une longue série de guerres - les guerres des Diadoques ou guerres des Successeurs - dans une tentative vaine de restaurer le royaume en lambeaux. Bien que l'âge hellénistique ait vu la langue, l'art et la philosophie grecs s'épanouir dans toute l'Asie, les tactiques militaires ne firent guère de progrès. Au contraire, c'était l'époque des "royaumes et de leurs armées". Les successeurs héritèrent d'une armée issue des réformes de Philippe II de Macédoine. C'était un innovateur, le premier Grec à maîtriser la guerre de siège, et avec son fils Alexandre, ils firent de la Macédoine la première puissance de Grèce et d'Asie. Ensemble, Alexandre et son père allaient créer une armée comme le monde antique n'en avait jamais vu.
Les réformes militaires de Philippe
De son père Amyntas III et de son frère Perdiccas III, Philippe avait acquis une armée qui avait grand besoin d'être restructurée. Lorsqu'il monta sur le trône en 359 avant notre ère, il se rendit compte que les anciennes méthodes n'étaient plus fiables. Il entreprit immédiatement une série de réformes militaires majeures. Tout d'abord, il augmenta la taille de l'armée de 10 000 à 24 000 hommes et fit passer la cavalerie de 600 à 3 500 hommes. Pour unifier l'armée, il créa de nouveaux uniformes et fit prêter serment au roi à chaque soldat. Un soldat n'était plus fidèle à sa ville ou à sa province d'origine, mais au roi et à la Macédoine. Tout en conservant la phalange traditionnelle - dont la nature même exigeait un entraînement et une obéissance constants - il y apporta un certain nombre d'améliorations, en ajoutant un bouclier plus efficace et en remplaçant l'ancien casque corinthien par un casque qui offrait une meilleure audition et une meilleure visibilité.
Parmi les nombreux changements apportés à l'armement, Philippe ajouta la sinistre sarisse de 18 pieds qui avait l'avantage de pouvoir prendre le dessus sur les lances beaucoup plus courtes de l'adversaire. En plus de la sarisse, une épée à double tranchant plus petite, ou xiphos, pour les combats au corps à corps, fut créée. Enfin, il créa un corps d'ingénieurs chargé de mettre au point des armes de siège. En fin de compte, Philippe transforma un groupe d'hommes peu disciplinés en une armée redoutable et plus professionnelle. Ce n'était plus une armée de citoyens-guerriers, mais une force militaire efficace, qui finit par soumettre les territoires autour de la Macédoine ainsi que la plus grande partie de la Grèce. C'est cette armée qui aida Alexandre à traverser l'Asie et à conquérir l'Empire perse, mais c'est aussi la même armée, avec relativement peu de changements, que les successeurs utilisèrent tout au long de leurs trois décennies de guerre.
Les guerres des Diadoques
Les années qui suivirent la mort d'Alexandre furent des années sans paix; c'était une période de guerre permanente ou, comme le dit un historien, "une période de rivalités à grande échelle". Contrairement aux armées de Macédoine qui s'étaient battues pour Philippe et Alexandre par loyauté, les soldats qui combattaient pour les successeurs étaient pour la plupart des mercenaires - beaucoup n'étaient ni grecs ni macédoniens - sans allégeance à qui que ce soit ni à aucun lieu en particulier. Ils se battaient souvent pour le plus offrant. Par exemple, le commandant Eumène, allié de Perdiccas, envoya des gens dans toute l'Asie mineure pour recruter des agents avant sa bataille contre Antigone. En 306 avant notre ère, Ptolémée, le régent d'Égypte, soudoya l'armée d'Antigone et son fils Démétrios pour qu'ils fassent défection.
Contrairement à la guerre contre les Perses où les hommes se battaient pour un idéal et un dévouement à leur roi, ces mercenaires se battaient dans des "nations sans frontières" dans des guerres pour simplement résoudre des différends politiques. Ces soldats ne se battaient pas pour défendre leur patrie et les successeurs eux-mêmes n'étaient guère loyaux. Ils faisaient et défaisaient constamment des alliances. Cette guerre constante et le manque de loyauté au sein de l'armée facilitèrent le recours aux manœuvres militaires traditionnelles (la phalange). Pendant les trois décennies de guerre, les véritables centres de pouvoir étaient les villes fortifiées le long de la côte orientale de la mer Méditerranée. Les successeurs s'appuyèrent sur les innovations en matière de siège développées à l'époque de Philippe et d'Alexandre, tout en améliorant leur taille, leur portée et leur précision. Bien que Démétrios Ier de Macédoine (Démétrios Ier Poliorcète) ait apporté quelques changements, comme en témoigne son attaque sur Rhodes, la technologie de siège grecque atteindrait finalement son apogée au IIe siècle avant notre ère.
La guerre de siège
La technologie de siège n'était pas nouvelle, elle existait des siècles avant d'atteindre la Grèce. Au VIIIe siècle avant notre ère, les Assyriens étaient devenus les maîtres de la guerre de siège, maintenant leur vaste empire grâce à des stratégies de siège et de terreur - le fait d'empaler un captif en faisait hésiter plus d'un à se rendre. Ces tactiques, mises au point par leur corps d'ingénieurs, consistaient à saper les murs, à allumer des feux sous les portes en bois, à utiliser des rampes pour percer les murs, des échelles mobiles et des archers pour se mettre à l'abri. Mais surtout, ils mirent au point la machine de siège, une tour en bois à plusieurs étages, surmontée d'une tourelle et munie de béliers à la base. Certaines de ces tours étaient même dotées d'un pont-levis permettant de déposer des hommes au sommet des murailles d'une ville.
Au départ, les Grecs n'eurent guère de succès avec les tactiques de siège parce que leur infanterie, l'hoplite lourdement blindé, était considérée comme inadaptée à leur utilisation. Cependant, vers le IVe siècle avant notre ère, les tactiques de siège de base furent finalement introduites en Grèce. Les premières guerres grecques, comme la guerre du Péloponnèse (460-445 av. J.-C.), avaient été essentiellement défensives. Sparte n'avait pas réussi à prendre Athènes à cause de ses murs. N'oubliez pas qu'il fallut plus de dix ans pour que la ville de Troie (selon Homère) tombe enfin, et ce à cause d'une trahison - un cheval de bois. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de grandes batailles offensives - Marathon et les Thermopyles en sont d'excellents exemples - mais la plupart du temps, les villes évitaient de telles tactiques. Dans l'un des rares affrontements utilisant la technologie du siège, l'homme d'État et commandant Périclès d'Athènes utilisa des béliers et des tortues (des abris pour protéger le sapement des murs) pour vaincre Samos (440 - 339 av. J.-C.). Plus tard, Sparte s'empara de Platée (429 - 427 av. J.-C.) en utilisant des remparts (talus en terre), des monticules de siège et des béliers. Malheureusement pour les assiégés, ils utilisèrent la plus ancienne des tactiques, la famine. Finalement, Sparte l'emporta et vendit les femmes en esclavage, exécuta les hommes et brûla la ville.
En 375 avant notre ère, les Grecs étaient pleinement conscients de l'importance des armes de siège telles que les tours sur roues, les échelles, les béliers et les tunnels. Grâce aux réformes de Philippe, les Macédoniens constituaient désormais la force la plus puissante de Grèce et se tournèrent vers l'est, vers l'Empire perse. Grâce à son corps d'ingénieurs, il mit au point des catapultes, qui tiraient des flèches, ainsi que des tours de siège. Sous Alexandre, les engins de siège devinrent l'une des principales armes pour vaincre le roi Darius. Les victoires d'Alexandre à Halicarnasse, Tyr et Gaza témoignent de son utilisation des armes de siège. Sur le terrain, non seulement il ajouta une cavalerie plus mobile et plus légère, armée de javelots, mais il fit également un meilleur usage de la cavalerie (les Compagnons ou hétaïres), en l'armant de sarisses. Sous ses successeurs, les progrès les plus importants seraient l'adoption de chars à socs (utilisés par les Perses à Gaugamèles) et l'utilisation d'éléphants indiens - Séleucos, Antigone et Eumène utilisèrent tous des éléphants.
La guerre lamiaque
Il ne fallut pas attendre longtemps après la mort d'Alexandre pour que les successeurs ne commencent à se quereller entre eux. La guerre éclata presque immédiatement. En Grèce, un Athénien du nom de Léosthène, après avoir appris la mort du roi, convainquit ses compatriotes athéniens et les Étoliens voisins d'entrer en guerre contre la Macédoine. Le régent Antipater réagit immédiatement et la guerre hellénique ou guerre lamiaque commença (323 -322 av. J.-C.). Malheureusement, Antipater fut assiégé à Lamia jusqu'à ce que Cratère n'arrive avec des troupes supplémentaires. La guerre se termina par la mort de Léosthène lors de la bataille de Crannon en 322 avant notre ère. Plus au sud, en Égypte, la tension monta entre Perdiccas et Ptolémée. Perdiccas avait le contrôle du corps d'Alexandre et prévoyait de le ramener en Macédoine où l'attendait un tombeau nouvellement préparé. Malheureusement, le corps fut volé par Ptolémée et emmené à Memphis. Perdiccas exigea qu'on le lui rende et, comme ce ne fut pas le cas, il déclara la guerre. Trois tentatives de passage en Égypte échouèrent, ce qui obligea malheureusement ses hommes à se rebeller et à tuer Perdiccas en 321 avant notre ère (de toute façon, personne ne l'aimait vraiment).
Antigone contre Eumène
L'un des principaux sujets de discorde se situait entre Antigone Ier Monophthalmos (Antigone le Borgne) et Eumène, régent de Cappadoce et chef des forces de Perdiccas en Asie Mineure. En 321 avant notre ère, lors des accords de Triparadisos, où les anciennes divisions de l'empire formulées lors du partage de Babylone furent réaffirmées, Antigone se vit confier la lourde tâche de tuer Eumène (le traité l'avait condamné à mort). Perdiccas étant mort, Eumène se retrouva sans allié; il s'associa plus tard à Polyphéron et à Olympias, la mère d'Alexandre.
En 317 avant notre ère, Eumène, le commandant des Boucliers d'argent (argyraspides), rencontra Antigone en Parétacène. Appelés à l'origine les Porteurs de boucliers, les Boucliers d'argent étaient un groupe d'élite d'hypaspistes créé par Philippe II. Après leurs exploits à la bataille de l'Hydaspe, Alexandre peignit leurs boucliers en argent, d'où le changement de nom. Bien qu'Eumène ait subi de plus lourdes pertes, Antigone est considéré comme le vainqueur pour des raisons techniques. Après la bataille, Eumène choisit de retourner sur le champ de bataille, de camper et d'enterrer les morts. Ses hommes refusèrent de quitter leur train de bagages. Antigone, saisissant l'occasion, campa sur place et incinéra ses morts, ce qui était la prérogative du vainqueur. Eumène en fut furieux. Les deux hommes se firent à nouveau face en Gabiène où Eumène fut finalement vaincu et trouva la mort (lorsque ses propres hommes le trahirent). Antigone aurait laissé l'ancien commandant mourir de faim pendant trois jours avant d'envoyer quelqu'un pour l'assassiner. À ce moment-là, Antigone et son fils contrôlaient la majeure partie du territoire allant de l'Hindou Kouch à la mer Égée.
Les royaumes hellénistiques
Cependant, les guerres pour le territoire asiatique se poursuivirent. Séleucos finit par s'établir à Babylone. En Grèce, Cassandre, le fils d'Antipater, prit le contrôle de la Macédoine, forçant le régent Polyphéron à partir. Comme Antigone contrôlait une grande partie de la Méditerranée orientale, il marcha avec ses forces sur Babylone, ce qui poussa Séleucos à fuir en Égypte et à s'allier avec Ptolémée. Après avoir assiégé l'île de Tyr, Antigone déplaça son armée en Syrie, mais sa progression fut stoppée. Son vif désir de réunifier le royaume d'Alexandre amena Antigone à affronter les forces combinées de Ptolémée, Lysimaque, Cassandre et Séleucos. Après la défaite de Démétrios face à Ptolémée lors de la bataille de Gaza en 312 avant notre ère, Séleucos reprit Babylone. Après cette défaite, une paix très limitée fut déclarée.
Démétrios le Poliorcète
Le seul successeur à avoir fait preuve d'une utilisation efficace des tactiques de siège fut Démétrios, le "Preneur de villes". Lors de son attaque contre la ville de Rhodes, capitale de l'île de Rhodes en Méditerranée orientale (305-303 av. J.-C.), Démétrios utilisa un certain nombre de moyens pour tenter d'abattre la ville: mines, artillerie, hélépole (une tour de siège), catapultes, échelles et béliers. Le siège de Rhodes s'inscrivait en fait dans le cadre d'une guerre en cours contre Ptolémée. Tous deux voyaient dans la situation de Rhodes et ses cinq ports un centre de commerce idéal. Dans un premier temps, Démétrios tenta de prendre la ville par la mer lors d'un assaut nocturne à l'aide de navires (les traditionnelles trières) dotés d'une artillerie de jet de pierres et d'archers. Les Rhodiens ripostèrent en détruisant par le feu l'une des tours de siège du navire. Lors d'une autre attaque, la ville coula deux autres navires de Démétrios. Constatant qu'une attaque par la mer ne serait pas couronnée de succès, Démétrios se retira. Il attaqua ensuite par la terre, imposant un blocus dans l'espoir d'utiliser la bonne vieille méthode de la famine.
C'est à cette époque que Rhodes reçut l'aide de Ptolémée qui approvisionna la ville en vivres. Pour riposter, Démétrios utilisa une tour de 114 pieds - l'hélépole - qui nécessitait 200 hommes pour fonctionner. Bien qu'il ait abattu le mur extérieur, à sa grande surprise, la ville avait construit un mur intérieur. N'ayant guère le choix, une paix temporaire fut conclue. Pendant l'accalmie, Rhodes reconstruisit la muraille extérieure et y ajouta un fossé. Démétrios tenta un second assaut, mais la ville résista. Après un siège de 15 mois, il finit par capituler et abandonna son assaut. En utilisant le métal récupéré des tours de siège abandonnées, les habitants de Rhodes construisirent alors le Colosse de Rhodes, l'une des sept merveilles du monde antique.
Les successeurs continuèrent à se battre entre eux, mais le siège de Rhodes marqua le point culminant de la guerre de siège hellénistique. Bien que les sièges se soient poursuivis, les tours de siège massives employées à Rhodes ne seraient plus jamais utilisées. Enfin, Démétrios se rendit compte de sa défaite. Lysimaque, régent de Thrace, s'allia aux régents Séleucos et Cassandre contre les vieux Antigone et Démétrios lors de la bataille d'Ipsos en 301 avant notre ère; une bataille qui entraînerait la défaite et la mort d'Antigone. Lysimaque franchit la frontière thrace pour entrer en Macédoine et forcer Démétrios à partir. Démétrios et son armée traversèrent l'Hellespont pour se rendre en Asie Mineure et affronter les forces de Séleucos. Malheureusement pour l'assiégeant, il fut immédiatement capturé et mourut en captivité en 283 avant notre ère. En 281 avant notre ère, tous les anciens successeurs avaient disparu: Antigone, Démétrios, Séleucos, Lysimaque et Ptolémée étaient morts. Cassandre exécuta la femme d'Alexandre, Roxanne, son fils Alexandre IV et sa mère. Au dire de tous, les guerres étaient terminées. Il ne restait que trois dynasties qui tomberaient un jour aux mains des Romains.
Conclusion
La guerre avait toujours été un élément essentiel de l'histoire grecque. Depuis Homère et ses récits du siège de Troie dans L'Iliade, la guerre avait toujours été une source de gloire ou d'arête. Les hommes qui avaient combattu pour Philippe et Alexandre l'avaient fait par loyauté envers leur roi et envers la Macédoine. Les successeurs n'avaient combattu que pour gagner des territoires, utilisant des mercenaires pour mener leurs batailles. Ils avaient conservé un grand nombre des tactiques traditionnelles d'Alexandre, avec peu d'avancées significatives. La guerre hellénistique n'était, au mieux, que la continuation de stratégies et d'armes éprouvées.
La véritable chute des successeurs et de leurs royaumes surviendrait avec la croissance de Rome. Lors de la conquête de la Grèce au cours des guerres macédoniennes du IIe siècle avant notre ère, la phalange grecque affronta la légion romaine. La phalange avait toujours été efficace dans l'histoire de la Grèce, ne serait-ce qu'en tant qu'unité terrifiante, mais pour réussir, elle devait se battre sur un terrain plat et rester une unité solide - elle ne réussissait pas dans les combats individuels au corps à corps. Malheureusement, la phalange se révéla également inflexible. La légion romaine était bien plus efficace. Les guerres de Macédoine mirent fin à la Macédoine et à la Grèce, ainsi qu'aux dynasties des successeurs. Rome conquit non seulement la Grèce, mais aussi l'Asie mineure, la Syrie, la Mésopotamie et l'Égypte, de sorte qu'il ne restait plus rien du grand empire d'Alexandre.