L'Arthashâstra est un traité indien sur la politique, l'économie, la stratégie militaire, la fonction de l'État et l'organisation sociale, attribué au philosophe et premier ministre Kautilya (également connu sous le nom de Vishnugupta Chânakya, vers 350-275 avant notre ère). Ce dernier a contribué à établir le règne du grand roi Chandragupta Maurya (r. vers 321-297 av. J.-C), fondateur de l'Empire maurya (322-185 av. J.-C.).
L'Arthashâstra aurait été rédigé par Kautilya comme un manuel destiné à Chandragupta, l'instruisant sur la manière de régner sur un royaume et encourageant l'action directe pour répondre aux préoccupations politiques sans tenir compte des considérations éthiques. Le nom de l'ouvrage vient des mots sanskrits Artha («but» ou «objectif») et Shastra («traité» ou «livre») et l'objectif de l'ouvrage est une compréhension globale de l'art de gouverner qui permet à un monarque de régner efficacement. Le titre a donc été traduit par «La science de la politique», «La science de l'économie politique» et «La science du gain matériel», car l'hindouisme considère Artha comme l'un des objectifs fondamentaux de l'être humain dans sa quête de richesse et de statut social.
L'Arthashâstra s'inspire à la fois de l'hindouisme et de l'esprit pratique de l'école philosophique de Charvaka, qui rejette les éléments surnaturels de la foi en faveur d'une vision totalement matérialiste de l'univers et de l'existence humaine. Charvaka affirmait que seule la perception directe d'un phénomène donné pouvait établir la vérité et encourageait donc une approche pratique de la vie qui incluait des actions logiques fondées sur la raison, en réponse aux circonstances. L'Arthashâstra suit la même voie en traitant de sujets tels que le moment et la manière dont un dirigeant doit assassiner les membres de sa famille ou ses rivaux et la manière dont il doit considérer les États étrangers comme des ennemis qui se disputent les mêmes ressources et le même pouvoir que lui et la manière de les neutraliser le plus efficacement possible.
L'ouvrage était connu grâce à des références ultérieures dans d'autres œuvres, mais il était considéré comme perdu jusqu'à ce qu'un exemplaire ultérieur ne soit découvert en 1905 par le sanscritiste Rudrapatna Shamasastry (1868-1944), qui l'a ensuite publié en 1909 et l'a traduit en anglais en 1915. L'Arthashâstra jouit depuis lors d'une renommée internationale en tant que l'un des plus grands traités politiques jamais écrits et est souvent comparé au Prince publié en 1532 du célèbre philosophe politique Niccolò Machiavelli (1469-1527), lié à la Renaissance italienne.
L'Arthashâstra, composé quelque 1500 ans avant Le Prince, est encore étudié de nos jours pour sa présentation rationnelle de l'art de gouverner et pour l'efficacité avec laquelle il défend l'idée que l'État est une entité organique servie idéalement par un dirigeant fort dont le devoir et l'objectif le plus important doit être le bien du peuple.
Paternité, origine et influences
Bien que l'ouvrage soit généralement attribué à Kautilya, cette affirmation est contestée. Le texte lui-même fait allusion à trois auteurs: Chânakya, Kautilya et Vishnugupta. Certains spécialistes pensent que ce sont trois personnes distinctes, tandis que d'autres soutiennent qu'il s'agisse d'une seule et même personne. Ce dernier point de vue affirme que Kautilya/Chânakya était son nom de famille et Vishnugupta son nom personnel. Les spécialistes s'accordent à reconnaître la validité de cette affirmation en notant que, bien que chaque nom apparait séparément à différents moments, les trois font clairement référence à la même personne dans l'un des livres.
Les concepts exprimés dans l'Arthashâstra, du moins en partie, dérivent de textes plus anciens qui ont été perdus, sur la base de références à des arthashastras (pluriel) dans d'autres œuvres telles que le Mahabharata. Il n'y a cependant pas de consensus entre les spécialistes sur cette affirmation, car il n'existe aucun moyen de comparer l'œuvre existante avec les versions antérieures supposées. En outre, comme nous l'avons indiqué, le concept d'Artha ne se réfère pas uniquement à la politique, à la stratégie militaire, à l'économie, à l'élevage, au mariage ou à tout autre sujet abordé dans les quinze livres de l'Arthashâstra. L'artha fait référence à la poursuite des biens matériels, à la réussite personnelle, à la stabilité et au statut social. Ces supposés premiers arthashastras peuvent donc traiter d'un grand nombre de sujets de ce type, y compris très probablement de la politique, mais il n'y a aucune raison de conclure que l'ouvrage existant n'est qu'une simple révision d'ouvrages plus anciens.
L'influence la plus directe sur la composition de l'Arthashâstra est l'école philosophique de Charvaka, qui s'est développée vers 600 avant notre ère et qui est attribuée à un réformateur religieux nommé Brhaspati (qui n'est pas le même sage que celui du Dharma Shastra). L'école de Charvaka rejette toute autorité religieuse et toute écriture pour se concentrer sur la perception individuelle pour l'établissement de la vérité. Elle nie l'existence de tout ce qui ne peut être perçu par les sens et encourage la recherche du plaisir comme le bien suprême de la vie. Cette philosophie, bien qu'elle ne se soit jamais développée en une école formelle, a exercé une influence considérable dans l'établissement d'un paysage intellectuel de pragmatisme et de réponse objective et rationnelle aux phénomènes, loin du point de vue surnaturel de la pensée religieuse. Ce climat a permis le développement de la vision exprimée dans l'Arthashâstra, mais il est communément admis que cette perception était spécifique à Kautilya/Chânakya dans le cadre de ses efforts pour forger un empire panindien dirigé par le monarque puissant qu'il a modelé avec Chandragupta.
Chânakya, Chandragupta et le paysage politique
Au IVe siècle av. J.-C., l'Inde était composée d'un certain nombre de royaumes et d'états différents qui rivalisaient les uns avec les autres pour mieux contrôler les ressources. Le plus puissant d'entre eux était le royaume de Magadha, à l'est, dont la suprématie avait été établie par son roi Bimbisâra (r. de 543 à 492 av. J.-C.). Bimbisâra a étendu le territoire de son royaume aux régions du nord et du centre du pays et ce contrôle a été maintenu par ses successeurs jusqu'à l'invasion d'Alexandre le Grand en 326 av. J.-C..
Le roi de Magadha à cette époque était Dhanananda (r. de 329 à 322/321 av. J.-C.), également connu sous le nom de Dhana Nanda, connu des Grecs macédoniens sous le nom de Xandrames ou Agrammes. La puissance militaire de ce roi aurait été légendaire, selon l'historien romain Quinte-Curce (Ier siècle ap. J.-C.) qui décrit une armée permanente de 200 000 fantassins et 20 000 cavaliers, en plus des forces auxiliaires.
Les récits de l'écrasante puissance des forces de Dhanananda ont contribué à la mutinerie des soldats d'Alexandre qui l'ont forcé à abandonner sa conquête de l'Inde et à retourner en Mésopotamie. Alexandre avait déjà déstabilisé la région par son invasion, la soumission de plusieurs tribus et royaumes hostiles et son affrontement avec le roi Poros de Pauravas (r. vers 326-315 av. J.-C.) à la bataille de la rivière Hydaspe en 326 av. J.-C..
Poros aurait dit à Alexandre qu'il pouvait facilement renverser Magadha parce que Dhanananda était si impopulaire que le peuple soutiendrait la cause d'Alexandre. Que Poros ait réellement dit cela ou non, l'arrogance de Dhanananda et son mépris pour son peuple sont bien établis, mais personne ne contestait son règne jusqu'à ce qu'il commit l'erreur d'insulter le brahmane Chânakya (que l'érudit Chirag Patel identifie comme l'un des conseillers du roi) lors d'une cérémonie de remise d'aumônes. Chânakya jura de se venger.
Il s'est adressé à Pabbata, le fils de Dhanananda, en l'encourageant à déposer son père, mais s'intéressait également à un jeune homme qui pourrait avoir fait partie de la famille royale ou avoir été un roturier, Chandragupta, identifié par Patel comme «un orphelin de dix ans, valet de ferme» (7). Pour tester leur caractère, il leur donna à chacun une amulette qu'ils devaient porter étroitement autour du cou sur un fil de laine. Chânakya demanda ensuite à Pabbata de se rendre dans la chambre de Chandragupta pendant qu'il dormait et de rapporter son amulette sans rompre le fil de laine. Pabbata n'y parvenant pas, Chânakya fit la même demande à Chandragupta plus tard alors que Pabbata était assoupi.
Chandragupta trancha la tête de Pabbata sans hésiter et apporta l'amulette à son maître. Par cette action, Chandragupta s'est montré le candidat idéal à la royauté telle que l'envisageait Chânakya: quelqu'un qui voyait ce qu'il fallait faire et qui était capable de le faire. Chânakya a concentré son énergie sur la formation de Chandragupta pour qu'il devienne roi et l'Arthashâstra peut être considéré comme son manuel. Une fois que Chânakya estima que Chandragupta était correctement formé, tous deux montèrent une offensive contre Dhanananda, le déposèrent et le tuèrent, puis Chandragupta monta sur le trône.
Rôle et responsabilités du roi
Les sections politiques de l'Arthashâstra sont principalement consacrées à la définition de la royauté et à la manière dont un souverain doit se comporter. La véritable royauté est donné comme la subordination par un souverain de ses propres désirs et ambitions au bien de son peuple :
C'est dans le bonheur de ses sujets que réside le bonheur du roi, dans leur bien-être, son bien-être. Il ne doit pas considérer comme bon uniquement ce qui lui plaît, mais considérer comme bénéfique pour lui tout ce qui plaît à ses sujets. (Arthashastra, I.19.34)
Cela ne signifie pas que le roi ne doit pas diriger ni qu'il doit soumettre ses décisions à un quelconque consentement de la majorité, mais plutôt que la politique d'un roi doit refléter le souci du plus grand bien pour le plus grand nombre de ses sujets. La préservation et la promotion de ce bien se composent de sept éléments vitaux :
- Roi : au service du peuple ;
- Ministres/Conseillers : au service du roi ;
- Les terres agricoles et les campagnes : fournissent les ressources ;
- Forteresses : protègent les ressources et étendent le contrôle ;
- Le Trésor : assure le fonctionnement du gouvernement et finance l'expansion ;
- L'armée : défend l'État et son expansion ;
- Alliés : ennemis potentiels dont on peut faire des amis pour atteindre des objectifs communs.
Un roi faible - comme Dhanananda - fera passer ses désirs en premier et se comportera de manière égoïste pour satisfaire son propre sens de l'importance. Ce type de roi ignorera probablement les sages conseils de ses ministres s'ils viennent à contredire sa vision personnelle, fera un mauvais usage des terres agricoles et du trésor, n'accordera de valeur aux forteresses et à l'armée qu'en temps de crise et négligera les alliances à moins qu'elles ne flattent son ego. À l'inverse, un roi sage reconnaîtra qu'il a reçu une grande responsabilité (celle de prendre soin de ses sujets), acceptera des conseils avisés et tirera le meilleur parti des autres aspects de l'État. Les alliés seront courtisés indépendamment des sentiments personnels du roi à leur égard et des forteresses seront construites, non pas simplement comme des avant-postes pour dissuader les invasions, mais comme des extensions du territoire du roi et des symboles de sa force.
La guerre comme élément politique
La force et le commandement du roi sont considérés comme l'aspect le plus important de son image publique et cela s'exprime à travers le concept de la guerre, vue comme extension de son pouvoir politique. L'Arthashâstra suggère au roi de mener des guerres d'expansion lorsque l'économie est forte et la nation prospère, afin de disposer d'une réserve de ressources durant les périodes de disettes. Le trésor de l'Etat doit être maintenu à un niveau confortable en permanence et les campagnes militaires ne doivent pas être lancées, quelle que soit la provocation, si l'on ne peut pas se permettre un engagement prolongé. La paix est préférable à la guerre, affirme le texte, car les périodes de paix sont productives et mènent à l'abondance, tandis que les guerres sont destructrices et épuisent les ressources. Néanmoins, la guerre est une réalité et l'auteur définit trois types de guerre qu'un roi doit à la fois pratiquer et dont il doit se méfier:
- Guerre ouverte: engagement total de l'armée ;
- Guerre clandestine: engagement par le biais de manipulations politiques ;
- Guerre silencieuse: attaques économiques/personnelles, y compris l'espionnage et l'assassinat.
Dans tous ces types de guerre, Kautilya insiste sur l'importance des espions, car l'intelligence est un pouvoir et plus on connaît les motivations, les forces et les faiblesses de l'ennemi, plus on est en position de force. Le roi doit employer comme espions les personnes exerçant les professions les plus courantes, qui peuvent s'insinuer facilement à tous les niveaux de la structure sociale de l'ennemi afin de recueillir le plus d'informations possible.
Les marchands qui se déplaçaient avec leurs marchandises d'une région à l'autre étaient considérés comme de bons espions, tout comme les troupes vagabondes d'amuseurs, de prostituées, de danseurs, de cuisiniers, de serviteurs et d'autres personnes des classes inférieures qui fournissaient des services. Les femmes étaient considérées comme des espionnes particulièrement habiles, car Kautilya note leur capacité à soutirer des informations à leurs amants avec une telle désinvolture que personne ne soupçonne d'arrière-pensée et, en outre, à semer la discorde parmi les membres d'une cour étrangère en feignant l'affection pour l'un puis l'autre des courtisans masculins. En ce qui concerne les femmes espionnes, la description que fait Kautilya des professions ouvertes aux femmes à cette époque est impressionnante: il note que les femmes servaient de gardes du corps d'élite pour le roi, qu'elles pouvaient posséder et cultiver des terres et travailler en tant qu'artisanes.
Société et économie
L'économie était basée sur l'agriculture, comme dans la plupart, voire la totalité des civilisations antiques, et Kautilya insiste sur l'importance d'initiatives agricoles vigoureuses pour obtenir une récolte abondante qui servira à remplir le trésor de l'État. Les impôts doivent cependant être équitables pour tous et compréhensibles par les sujets du roi. Certaines entreprises appartenaient à l'État et étaient gérées par lui, d'autres étaient privées, mais toutes étaient soumises aux mêmes lois fiscales. Kautilya écrit que personne ne doit être considéré comme étant au-dessus ou en dehors de la loi, que ce soit en matière de fiscalité ou de tout autre aspect de la société, afin que les gens puissent avoir la certitude que les lois sont justes et qu'ils sont protégés et pris en compte.
Ce paradigme apparaît clairement dans le code juridique de l'Arthashâstra, où il est stipulé que la punition doit être adaptée au crime; trop indulgente, elle n'a aucun effet dissuasif, mais trop sévère, elle paraît injuste. Le châtiment doit donc être administré conformément à une loi et à une coutume claires et établies, de sorte qu'il soit compris comme la juste conséquence des actes commis au mépris de cette loi et en pleine connaissance de ce à quoi il faut s'attendre pour l'avoir enfreinte. Le livre III du texte décrit le droit civil, tandis que le livre IV traite du droit pénal. Toute infraction relevant du droit pénal était poursuivie avec l'État comme partie plaignante, puisque ces crimes étaient considérés comme des injustices perpétrées à l'encontre de l'État (et donc du peuple dans son ensemble), les représentants de l'État faisant office de partie civile.
Les coutumes sociales abordées adhéraient aux traditions hindoues, mais l'Arthashâstra va jusqu'à stipuler comment les mariages devraient se dérouler. Selon la coutume hindoue traditionnelle, les parents d'une jeune fille arrangent un mariage avec un garçon acceptable de la même caste qui promet une stabilité financière et un avenir brillant. Kautilya, dans les livres II, III et IV, affirme qu'une fille doit être libre d'épouser qui elle veut tant qu'elle respecte les droits de propriété de ses parents. Si les parents approuvent ou arrangent le mariage, la jeune fille peut prendre dans la maison de ses parents tout ce qu'elle a reçu d'eux; dans le cas contraire, elle ne peut rien prendre. Les couples qui se marient par amour, avec l'approbation de leurs parents, doivent être considérés comme les plus chanceux et recevoir le maximum de biens, de droits et de cadeaux de la part de leurs parents.
Le texte stipule également que les gens doivent exercer un travail en fonction de leur caste (varna):
- Brahmana varna: caste la plus élevée, enseignants, prêtres, intellectuels ;
- Kshatriya varna: guerriers, policiers, protecteurs, gardiens et roi ;
- Vaishya varna: marchands, fermiers, banquiers, administrateurs ;
- Shudra varna: caste la plus basse, serviteurs, ouvriers, travailleurs non qualifiés.
Ces castes n'ont été légalement codifiées qu'au IIe siècle avant notre ère par le traité Manusmṛiti (Lois de Manu), mais elles existaient auparavant sous forme de coutumes. L'adhésion au système des varna était censée encourager la poursuite de ce qui était considéré comme des objectifs humains :
- Artha: acquisition de richesses matérielles, poursuite d'une carrière, vie de famille;
- Kama: plaisir sensuel, amour, sexualité;
- Moksha: réalisation de soi, libération, illumination.
Le comportement adéquat d'un roi fort et juste garantissait la stabilité de ses sujets, qui pouvaient poursuivre ces objectifs dans le respect des règles de leurs castes respectives. Tout au long de l'Arthashâstra, il est clairement établi que le roi est le seul responsable du bon fonctionnement du royaume et qu'il doit donc être prêt et capable de suivre n'importe quelle ligne de conduite, même si elle est apparemment discutable ou personnellement déplaisante, pour assurer la stabilité et le succès de l'État.
Conclusion
On pense que l'Arthashâstra a ouvert la voie au succès de Chandragupta et de son petit-fils Ashoka le Grand (r. de 268 à 232 av. J.-C.). L'ouvrage était considéré comme perdu, son existence n'étant connue que par les références qui y étaient faites dans des ouvrages ultérieurs, jusqu'à ce qu'il soit découvert par Shamasastry en 1905. Shamasastry a publié l'ouvrage en 1909, puis l'a traduit dans une version anglaise publiée en 1915, ce qui a permis à l'Arthashâstra d'attirer l'attention d'un public international. Depuis, il est reconnu comme l'un des ouvrages les plus importants sur l'art de gouverner dans le domaine de la philosophie politique. Les chercheurs Margaret et James Stutley le commentent ainsi:
L'objectif de l'Artha est évident. Il visait à établir une relation à la fois sociale et économique entre les différents groupes composant l'État et entre l'État et ses voisins; un idéal souvent atteint initialement de manière pacifique, mais les ambitions des princes et les exigences de l'économie, en particulier celles qui dépendent du commerce extérieur, ont conduit à des guerres pour protéger les routes commerciales, et à l'acquisition de territoires pour fournir de nouvelles sources d'alimentation et de matières premières. (19)
On pourrait dire que l'idée maîtresse de l'œuvre est inspirée de l'épisode - réel ou légendaire - où Chânakya a envoyé Chandragupta retirer le fil de laine et l'amulette du cou de Pabbata. En tranchant la tête du prince pour atteindre son objectif, Chandragupta a prouvé à son mentor qu'il était prêt à tout pour réussir.
Ce concept du dirigeant donné comme celui qui voit ce qui doit être fait et qui est prêt à le faire, même si c'est déplaisant ou moralement discutable, constituera plus tard la base du Prince de Machiavel qui, à des degrés plus ou moins importants, influencera les traités européens ultérieurs sur l'art de gouverner. L'Arthashâstra continue d'être étudié aujourd'hui en conjonction avec Le Prince et d'autres traités politiques, non seulement dans les cours de sciences politiques des universités, mais aussi par tous ceux qui souhaitent apprendre les principes qui régissent le fonctionnement d'un État et le rôle qu'un véritable dirigeant doit jouer dans la protection et l'épanouissement des personnes qui ont placé leur confiance dans les promesses de leur gouvernement.