L'architecture phénicienne se caractérise par de grands temples aux façades à double colonne auxquels on accède par un court escalier, des espaces sacrés fermés contenant des sanctuaires cubiques et à façade ouverte, et des projets d'ingénierie à grande échelle tels que des barrages et des ports artificiels. Les hauts murs de fortification comprenaient des tours carrées et des portes, et étaient construits en briques crues et en calcaire, tout comme les bâtiments domestiques plus modestes. La rareté des vestiges archéologiques de la période où les villes phéniciennes étaient à leur apogée rend les déclarations de portée générale dangereuses, mais il est possible de dire que les architectes phéniciens étaient relativement austères et économes dans l'utilisation d'éléments décoratifs à l'intérieur et à l'extérieur de leurs bâtiments.
Sources
L'étude de l'architecture phénicienne se heurte d'emblée à deux problèmes. Tout d'abord, ayant accès à d'abondantes forêts de cèdres, il est probable que les Phéniciens ont utilisé le bois pour la plupart de leurs bâtiments, un choix malheureux pour la postérité car le bois, bien évidemment, ne survit pas aussi bien que la pierre. Le deuxième problème pour les historiens est que les villes phéniciennes ont été constamment occupées tout au long de leur histoire, ce qui rend les fouilles archéologiques problématiques. Bien que très peu de vestiges aient survécu des bâtiments phéniciens et que nous sachions très peu de choses sur les structures plus modestes telles que les habitations ordinaires, nous disposons cependant de descriptions de bâtiments publics plus importants provenant de sources telles qu'Hérodote, Strabon, Arrien et la Bible, ainsi que de quelques preuves archéologiques de sanctuaires plus petits en Phénicie et dans ses colonies à travers toute la Méditerranée.
Une autre aide importante dans la reconstitution de l'architecture des Phéniciens est le fait que leurs villes étaient parfois représentées dans l'art assyrien contemporain, typiquement des scènes de conquête, bien que l'architecture puisse être schématique, bien sûr. Citons par exemple les portes en bronze de Salmanazar III (859-824 av. J.-C.) à Balawat et les reliefs de Sennachérib (705-681 avant J.-C.) qui montrent des scènes d'attaques contre Tyr. Une autre source est une pièce de monnaie du IVe siècle avant J.-C. provenant de Sidon. Dans ces formes d'art, les villes sont représentées par d'impressionnants murs de fortification avec des tours surmontées de sculptures de palmiers décoratifs, et les maisons ont plusieurs étages (peut-être jusqu'à six) avec deux colonnes à l'extérieur de leurs entrées.
Le temple de Salomon à Jérusalem
Une source d'information utile sur l'architecture phénicienne est la description du temple du roi Salomon dans la Bible (I Rois 6-7). Celui-ci fut bien sûr construit à Jérusalem au Xe siècle avant J.-C., mais les architectes et les artistes qui participèrent à sa construction étaient phéniciens et sa disposition correspond aux descriptions de temples sur les sites phéniciens et dans la région. Sa conception générale montre une influence significative de l'architecture égyptienne.
Le temple rectangulaire comportait trois chambres intérieures, chacune sur des niveaux de plus en plus élevés, les deux dernières étant reliées par une courte volée de marches. La troisième pièce carrée à l'arrière était l'endroit où l'Arche d'Alliance était censée être conservée. La porte du temple était accessible par une volée de marches et flanquée de deux colonnes, décrites dans la Bible comme étant en bronze, par Hérodote comme étant en or et une autre en émeraude. Devant le temple, dans une cour sacrée, se trouvaient une énorme coupe de bronze décrite comme une "mer en fusion" en raison de sa taille prodigieuse et un autel pour les sacrifices et les offrandes. Détruit par Nabuchodonosor II au VIe siècle avant J.-C., il ne reste aucun vestige archéologique du temple.
Le temple de Melqart à Tyr
Le temple de Melqart à Tyr, dont aucun vestige n'a été retrouvé, fut construit sous le règne d'Hiram au Xe siècle avant J.-C. (le roi fit également construire des temples similaires dédiés à Astarté et Baal Shamem). Il a été décrit par Hérodote dans le livre 2:44 de ses Histoires. L'historien grec du Ve siècle avant J.-C. nous apprend qu'il y avait deux colonnes à l'entrée, faites du même matériau que celles du temple de Salomon. Il est possible que chacune des colonnes ait été surmontée d'un chapiteau proto-éolien (ancêtre du chapiteau ionique, lui-même influencé par des motifs architecturaux égyptiens) dont on a retrouvé des exemples à Chypre et dans d'autres sites du Levant et qui est considéré comme une invention phénicienne. Le sol du temple utilisait probablement des dalles d'albâtre pour créer des motifs décoratifs. Hérodote raconte que le dieu et fondateur mythique de Tyr, Melqart, avait son tombeau à l'intérieur du temple qui servait également de trésor à la ville.
Contrairement aux temples grecs et romains ultérieurs, les Phéniciens ne semblent pas avoir créé de grandes sculptures à l'effigie de leurs dieux ; cette pratique était peut-être même interdite. Au contraire, dans ses temples, Melqart était représenté par un feu éternel, symbole de régénération. À l'extérieur du temple se trouvait un autel spécialement construit où l'on rendait un culte à Melqart en priant, en brûlant de l'encens, en versant des libations et en offrant au dieu des sacrifices d'animaux, des aliments et des biens précieux. On pense que le temple de Melqart à Carthage, la colonie phénicienne la plus prospère, était de conception très similaire. Un autre temple à Gadès (Cadix) avait également deux colonnes à l'entrée, cette fois-ci en bronze.
Le tophet et les tombes
Le tophet était une grande enceinte avec un autel sacrificiel et des tombes pour les restes incinérés des victimes. Il ne reste aucun vestige archéologique d'un tophet en Phénicie, mais les références dans les sources anciennes et leur présence dans plusieurs colonies phéniciennes suggèrent qu'il y avait probablement un tel endroit dans chacune des villes phéniciennes. Les tophets étaient situés à l'extérieur et au nord des villes. Outre le sacrifice occasionnel d'enfants, pour lequel les Phéniciens sont devenus tristement célèbres, des animaux étaient sacrifiés et des denrées alimentaires étaient offertes. Des colonnes votives en bois (aserah) ou en pierre (betyl) étaient également placées sur les autels sacrificiels. Elles portaient des prières et étaient décorées de fleurs et de branches d'arbres lors des fêtes.
Les cendres des sacrifices effectués au tophet étaient placées dans une urne. Des pierres étaient ensuite placées sur les urnes funéraires pour les sceller et elles étaient alors placées dans le tophet, parfois dans des tombes à puits ou des tombes à dromos construites dans une colline basse et accessibles par des marches. Les tombes à puits, qui n'étaient pas décorées, pouvaient être assez grandes - plusieurs mètres de profondeur - et accessibles par un puits vertical ou un couloir. C'est le cas de la tombe d'Ahiram à Byblos, qui comporte un puits d'entrée, une galerie et une chambre pour le sarcophage. Plus tard, à l'époque de la domination perse, des monuments furent construits au-dessus du sol pour marquer les tombes. Ils sont connus sous le nom de meghazils et consistent en un ou deux cylindres surmontés d'un dôme ou d'une pyramide et de quatre lions à la base. À partir du VIe siècle avant J.-C., les stèles étaient dédiées à Baal ou à Tanit et placées au sommet des urnes funéraires à la place des pierres. De nombreuses stèles portent une inscription qui décrit un sacrifice de sang humain ou la substitution d'un mouton à un enfant.
Sanctuaires
Contrairement aux grands bâtiments des Phéniciens, de nombreux petits sanctuaires ont survécu sur des sites tels que Sidon et Amrit. Le sanctuaire d'Amrit, datant du Ve siècle avant J.-C., se trouvait dans une grande enceinte sacrée, fermée sur trois côtés par un portique à piliers carrés. Dans l'enceinte se trouvait un très grand bassin en pierre rempli d'eau, au centre duquel était placée la chapelle cubique à la façade ouverte, qui contenait probablement une figure ou un symbole cultuel. La chapelle reposait sur une courte colonne de blocs et une plate-forme et était peut-être surmontée d'un disque solaire. Un deuxième type de sanctuaire phénicien se trouvait sur les "hauts lieux" mentionnés dans la Bible, qui n'étaient que des stèles dédicatoires posées sur une base basse et que l'on trouvait sur les sommets des montagnes.
Fortifications et ports
Les autres structures connues construites par les architectes phéniciens, outre celles mentionnées ci-dessus, comprennent les grands barrages et les ponts. Pour ces structures, ils utilisaient d'énormes blocs de pierre et leurs vestiges peuvent encore être trouvés sur les sites de Sidon, Tyr et Arouad. Comme ils dépendaient du commerce maritime, les Phéniciens construisirent également des ports artificiels (cothons) constitués de quais rectangulaires creusés dans la roche naturelle et accessibles par d'étroits canaux, dont les meilleurs exemples sont visibles sur les sites des colonies, notamment Carthage.
Les fortifications de la ville vues dans l'art assyrien sont confirmées par les fouilles de Byblos qui ont révélé des remparts massifs ponctués de tours et de portes. Datant de l'âge du bronze moyen, ces murs étaient construits avec des fondations en pierre et des superstructures en briques crues. Il y avait également des portes en forme de couloir qui menaient à la mer, grâce à des rampes en escalier. Des fondations de fortifications similaires ont été fouillées à Beyrouth et, à plus petite échelle, à Tel Kabri.
Habitat urbain
Les exemples survivants de logements urbains sont rares. Au début de l'âge du bronze, Byblos possédait des maisons ovales et des maisons rectangulaires aux angles arrondis. À l'âge du bronze moyen, on trouve de grands bâtiments rectangulaires disséminés dans les rues étroites de la ville, sans schéma apparent. Ils ne comportaient pas de cloisons intérieures et leur fonction est inconnue. En outre, il y avait des silos en forme de bouteille. D'autres bâtiments plus petits montrent qu'ils avaient été pavés avec de la pierre calcaire et avaient des canaux en pierre en dessous pour le drainage. Dans ces habitations domestiques se trouvaient des fours et des pierres de basalte pour moudre le blé. Les bâtiments étaient construits avec des pierres taillées et du bois (olivier, chêne et fraise) ou utilisaient des briques de terre soutenues par des pierres taillées placées aux angles. Il y a peu de preuves d'urbanisme plannifié sur les sites phéniciens: la topographie locale dictait généralement l'orientation des bâtiments.