Attila le Hun (r. de 434 à 453 de notre ère) était le chef de l'ancien peuple nomade connu sous le nom de Huns et le souverain de l'Empire hunnique qu'il avait établi. Son nom signifie "Petit Père" et, selon certains historiens, il pourrait ne pas avoir été son nom de naissance mais "un terme d'affection et de respect conféré lors de son avènement" (Man, 159). Ce nom était synonyme de terreur parmi ses ennemis et la population générale des territoires que ses armées balayaient.
Les incursions d'Attila dans les régions de Germanie poussèrent les populations à franchir les frontières de l'Empire romain d'Occident et contribuèrent à son déclin à la fin du Ve siècle. L'afflux des Wisigoths, en particulier, et leur révolte ultérieure contre Rome, sont considérés comme un facteur important de la chute de Rome. La victoire des Wisigoths sur les Romains à la bataille d'Andrinople en 378 de notre ère est un événement dont l'armée romaine ne se remit jamais complètement. De plus, cette victoire encouragea les Huns à se joindre aux Wisigoths (leurs anciens adversaires) pour piller les territoires romains. L'apparente faiblesse de Rome encouragea Attila, une fois devenu chef des Huns, à conclure et à rompre des traités (comme le traité de Margus en 439 de notre ère) sans craindre les conséquences, et ses destructions à grande échelle de villes romaines ne rencontrèrent que peu ou pas de résistance pour la plupart, montrant clairement que l'armée romaine n'était plus la force de combat invincible qu'elle avait été.
La capacité d'Attila à commander une vaste armée de guerriers (souvent composée de différentes tribus telles que les Alains, les Alamans et les Ostrogoths) contrastait également avec celle des généraux romains de son époque qui avaient du mal à contrôler leurs contingents non romains (comme en témoigne la campagne du général romain Litorius contre les Goths en 439 de notre ère, au cours de laquelle il ne put empêcher ses alliés huns de faire des raids dans les régions qu'ils traversaient). Attila était un cavalier et un chef militaire brillant, il possédait une présence imposante et maintenait son empire par la force de sa personnalité. Non seulement il fit des Huns la force de combat la plus efficace de l'époque, mais il construisit également un vaste empire à partir de presque rien en moins de dix ans. À son apogée, cet empire s'étendait de l'Asie centrale à la France actuelle, en passant par la vallée du Danube. Après sa mort en 453 de notre ère, ses fils tentèrent de maintenir l'empire, mais ils échouèrent et celui-ci s'effondra en l'an 469.
Enfance et avènement
On ne sait rien de la date ni du lieu de naissance d'Attila. L'historien Peter Heather écrit :
Notre ignorance des Huns est stupéfiante. On ne sait même pas quelle langue ils parlaient. La plupart des preuves linguistiques dont nous disposons se présentent sous la forme de noms de personnes - les souverains hunniques et leurs sbires - à partir de l'époque d'Attila. Mais à cette époque, le germanique était devenu la lingua franca de l'empire hunnique et de nombreux noms enregistrés sont certainement ou probablement germaniques. L'iranien, le turc et le finno-ougrien (comme les Magyars ultérieurs) ont tous eu leurs partisans [pour la langue des Huns], mais la vérité est que nous ne savons pas quelle langue parlaient les Huns et que nous ne le saurons probablement jamais. Les preuves directes dont nous disposons sur les motivations et les formes de la migration des Huns sont tout aussi limitées. Selon [l'écrivain antique] Ammien, rien n'explique "l'origine et le germe de tous les maux : le peuple des Huns qui habite au-delà de la mer d'Azov, près de l'océan gelé, et qui est tout à fait anormalement sauvage". Ils étaient si féroces qu'il était naturel pour eux de frapper les gens. On trouve des images similaires de la férocité des Huns dans d'autres sources (209).
Bien que de nos jours, le nom de sa mère soit parfois donné comme Hungysung Vladdysurf, son nom n'est en réalité pas connu, et ce nom est considéré comme une fabrication récente. Son père s'appelait Mundzuk, et son oncle, Rugila (également connu sous les noms de Rua et Ruga), était le roi des Huns. Dans sa jeunesse, Attila et son frère aîné Bleda (également connu sous le nom de Buda) apprirent à tirer à l'arc, à monter et à soigner les chevaux, et à se battre. On leur apprit également le latin et le gothique pour leur permettre de faire des affaires avec les Romains et les Goths. Les historiens sont cependant divisés sur la question de savoir ce que l'on peut dire avec certitude des premières années d'Attila, et certains (comme John Man) affirment que l'on ne sait rien de ses débuts, pas même son nom de naissance, et que l'on ne doit rien déduire de ses réalisations ultérieures.
]On ne sait pas si Rugila eut des fils pour lui succéder, et Mundzuk semble être mort alors que les garçons étaient encore jeunes; il semble donc que Bleda ou Attila aurit été l'héritier de Rugila et lui succéderait comme roi ; Par conséquent, leur éducation et leur instruction à la guerre les auraient préparés aux responsabilités de la gouvernance (bien que certains historiens, comme Christopher Kelly, suggèrent qu'Attila et Bleda auraient assassiné les fils de Rugila en campagne pour prendre le pouvoir et, là encore, Man affirme qu'il ne faut pas faire de telles suppositions). On pense que les deux garçons étaient présents dès leur plus jeune âge aux conseils de guerre et aux négociations des Huns. Avant même qu'Attila ne devienne roi, les Huns constituaient une formidable force de combat, même s'ils le deviendraient plus tard sous son règne. C'étaient d'excellents cavaliers dont les chevaux, selon des rapports anciens, se battaient pour eux au combat avec leurs dents et leurs sabots. L'historien et ancien lieutenant-colonel de l'armée américaine Michael Lee Lanning décrit ainsi l'armée des Huns :
Les soldats hunniques s'habillaient de plusieurs couches de cuir épais graissé avec de généreuses applications de graisse animale, ce qui rendait leur tenue de combat à la fois souple et résistante à la pluie. Des casques recouverts de cuir et doublés d'acier, ainsi qu'une cotte de mailles autour du cou et des épaules, protégeaient les cavaliers des flèches et des coups d'épée. Les guerriers hunniques portaient des bottes en cuir souple qui étaient excellentes pour monter à cheval mais assez inutiles pour se déplacer à pied. Cela convenait aux soldats, car ils étaient beaucoup plus à l'aise en selle que sur le sol. (62)
Lorsque Rugila mourut en campagne contre Constantinople en 433 de notre ère, le commandement passe à Attila et Bleda. Lanning écrit ,
Attila hérita d'une armée qui avait fait la guerre contre ses voisins, en particulier l'Empire romain d'Orient, pendant des centaines d'années. Les opérations de Ruga contre les Romains avaient été si fructueuses que Rome payait aux Huns un tribut annuel pour maintenir la paix, (61)
Les frères gouvernaient conjointement - chacun contrôlant sa région et sa population - et, comme le note Lanning, traitaient fréquemment avec l'Empire romain d'Orient, qui avait auparavant payé les Huns comme mercenaires pour s'occuper des autres tribus qui harcelaient les frontières de Rome, mais qui découvrait maintenant qu'ils payaient pour empêcher les Huns d'envahir.
Attila et Bleda négocièrent ensemble le traité de Margus avec Rome en 439 de notre ère. Ce traité perpétuait le précédent selon lequel Rome payait les Huns en échange de la paix, ce qui serait une stipulation plus ou moins constante dans les relations entre les Romains et les Huns jusqu'à la mort d'Attila. Un accord entre les Huns et les Romains avait déjà été négocié en 435 de notre ère par le général romain Flavius Aetius (391-454 de notre ère), qui avait vécu parmi les Huns comme otage dans sa jeunesse, parlait leur langue et les utilisait à son avantage dans ses diverses luttes de pouvoir dans l'empire. Le traité de Margus développait le traité d'Aetius : les Romains promettaient de renvoyer tous les réfugiés huns qui s'étaient enfuis dans les territoires romains, de ne pas conclure de pactes ou de traités avec les ennemis des Huns, d'établir des droits commerciaux équitables et, bien sûr, de "faire un paiement annuel de sept cents livres d'or directement à Attila et Bleda" (Kelly, 118). De leur côté, les Huns promettaient de ne pas attaquer Rome, de ne pas conclure de pactes ou de traités avec les ennemis de Rome, et de défendre la frontière du Danube et les provinces de l'Empire romain.
Le traité conclu, les Romains purent retirer leurs troupes de la région du Danube et les envoyer contre les Vandales qui menaçaient les provinces de Rome en Sicile et en Afrique du Nord. Les Huns tournèrent leur attention vers l'est après le traité du Margus et firent la guerre à l'Empire sassanide, mais ils furent repoussés vers la grande plaine hongroise, qui était leur base arrière. Les troupes romaines qui gardaient la frontière étant désormais déployées en Sicile, les Huns y virent une occasion de pillage facile. Kelly écrit : "Dès qu'Attila et Bleda reçurent des renseignements fiables sur le départ de la flotte pour la Sicile, ils ouvrirent leur offensive sur le Danube" (122). Ils prétendirent que les Romains avaient violé le traité de Margus en ne renvoyant pas tous les réfugiés huns présents sur le territoire romain et, en outre, qu'un évêque romain avait fait un voyage secret en territoire hun pour profaner des tombes hunniques et voler des objets funéraires de valeur - et ils voulaient que cet évêque leur soit livré.
Théodose envoya son général Flavius Aspar pour tenter de négocier avec Attila et Bleda, mais cela ne servit à rien. Attila montra à Aspar des tombes récemment dérangées, mais il n'y avait aucun moyen de savoir à qui elles appartenaient, qui les avait dérangées, ou ce qui avait pu y être pris. Sans preuve de crime, Aspar refusa de livrer l'évêque aux Huns et, de plus, prétendit qu'il n'avait pas connaissance de réfugiés Huns se cachant d'Attila et de Bleda sur le sol romain. Les Huns insistèrent, Aspar ne put obtempérer et les négociations entrèrent dans une impasse. Aspar retourna à Constantinople pour faire part de ces développements à Théodose, mais il ne semble pas avoir ressenti une menace imminente d'invasion par les Huns. Les réfugiés en question étaient des Huns qui avaient fui le régime d'Attila et qu'il voulait voir revenir avant qu'ils ne se rebellent contre lui. Il s'avéra qu'un certain nombre de réfugiés vivaient bel et bien encore en territoire romain (qui allaient plus tard être livrés), et l'évêque recherché par Attila avait très probablement pillé les tombes et allait plus tard trahir la ville de Margus aux mains des Huns, de sorte qu'il aurait été préférable qu'Aspar le livre, lui et les réfugiés, dès le départ.
Il ne le fit pas, cependant, et considérant que le traité était rompu, Attila se mobilisa pour la guerre. Alors qu'Aspar se dirigeait vers Constantinople au cours de l'été 441 de notre ère, Attila et Bleda conduisirent leurs armées à travers les régions frontalières et mirent à sac les villes de la province d'Illyricum, qui étaient des centres de commerce romain très rentables. Ils violèrent ensuite le traité de Margus en pénétrant dans cette ville et en la détruisant (avec l'aide de l'évêque qui leur avait ouvert les portes). Théodose II (401-450) déclara alors que le traité était rompu et rappela ses armées des provinces pour mettre fin au déchaînement des Huns. Attila et Bleda répondirent par une invasion à grande échelle, mettant à sac et détruisant les villes romaines jusqu'à une distance de 30 km de la capitale romaine de Constantinople. La ville de Naissus (Niš moderne), lieu de naissance de l'empereur romain Constantin le Grand, fut rasée et ne serait reconstruite qu'un siècle plus tard. Les Huns, qui avaient beaucoup appris sur la guerre de siège romaine lors de leur service dans l'armée romaine, mirent à profit leurs connaissances en rayant littéralement de la carte des villes entières, comme Naissus. Leur offensive fut d'autant plus réussie qu'elle était totalement inattendue. Théodose II était tellement convaincu que les Huns respecteraient le traité qu'il avait refusé d'écouter tout conseil qui aurait suggéré le contraire. Lanning commente ce point en écrivant :
Attila et son frère accordaient peu de valeur aux accords et encore moins à la paix. Dès leur accession au trône, ils reprirent l'offensive des Huns contre Rome et tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin. Au cours des dix années suivantes, les Huns envahirent des territoires qui englobent aujourd'hui la Hongrie, la Grèce, l'Espagne et l'Italie. Attila renvoyait les richesses capturées dans son pays et enrôlait des soldats dans sa propre armée, tout en brûlant souvent les villes envahies et en tuant leurs occupants civils. La guerre s' avéra lucrative pour les Huns, mais la richesse n'était apparemment pas leur seul objectif. Attila et son armée semblaient véritablement aimer la guerre, les rigueurs et les récompenses de la vie militaire les attiraient davantage que l'agriculture ou l'élevage. (61)
Theodose II, réalisant qu'il était vaincu mais ne voulant pas admettre une défaite totale, demanda des conditions ; la somme que Rome devait maintenant payer pour empêcher les Huns de continuer à les détruire fut plus que triplée. L'historien Will Durant écrit : "Théodose II de l'Empire d'Orient et Valentinien III de l'Empire d'Occident, lui payèrent tous deux un tribut comme pot-de-vin à la paix, le déguisant aux yeux de leurs peuples en paiements pour services rendus par un roi client" (39). Après leur offensive sur le Danube, Attila et Bleda ramenèrent leurs troupes chez eux, dans la grande plaine hongroise, où Bleda disparut ensuite des archives historiques. Kelly cite "le récit romain le plus fiable", Priscus, qui écrit que trois ans après l'offensive, "Bleda, roi des Huns, fut assassiné à la suite des complots de son frère Attila" (129). D'autres chercheurs ont suggéré que Bleda a pu être tué en campagne mais, quelle qu'ait été sa mort, en 445 de notre ère, Attila devint le seul chef des Huns et le plus puissant commandant militaire d'Europe.
Débuts du règne d'Attila et proposition d'Honoria
L'historien Jordanès (VIe siècle), qui a écrit le seul récit ancien des Goths encore existant, inclut leurs interactions avec les Huns, décrivant Attila en détail :
C'était un homme né dans le monde pour ébranler les nations, le fléau de tous les pays, qui d'une certaine manière terrifiait toute l'humanité par les rumeurs qui couraient à son sujet. Il était hautain dans sa démarche, roulant les yeux de-ci de-là, de sorte que la puissance de son esprit orgueilleux apparaissait dans le mouvement de son corps. Il aimait la guerre, mais il était modéré dans ses actes ; il était puissant dans ses conseils, bienveillant envers ses partisans et indulgent envers ceux qui avaient été accueillis sous sa protection. Il était de petite taille, avec une large poitrine et une grosse tête ; ses yeux étaient petits, sa barbe était fine et parsemée de gris. Il avait un nez plat et un teint basané, révélant son origine. (Jordanès, 102)
Bien qu'Attila soit presque toujours représenté comme un vicieux guerrier à cheval, massacrant des multitudes, il était en réalité un individu plus complexe, comme le présente l'écrivain romain Priscus, qui avait effectivement rencontré et dîné avec Attila. L'historien Will Durant (suivant les descriptions des récits antiques comme ceux de Priscus) écrit à propos d'Attila :
Il se distinguait des autres conquérants barbares en faisant confiance à la ruse plutôt qu'à la force. Il gouvernait en utilisant les superstitions païennes de son peuple pour sanctifier sa majesté ; ses victoires étaient préparées par les histoires exagérées de sa cruauté dont il était peut-être lui-même à l'origine ; enfin, même ses ennemis chrétiens l'appelaient le "fléau de Dieu" et étaient si terrifiés par sa ruse que seuls les Goths pouvaient les sauver. Il ne savait ni lire ni écrire, mais cela n'enlevait rien à son intelligence. Ce n'était pas un sauvage, il avait le sens de l'honneur et de la justice, et se montrait souvent plus magnanime que les Romains. Il vivait et s'habillait simplement, mangeait et buvait modérément, et laissait le luxe à ses inférieurs, qui aimaient à exhiber leurs ustensiles d'or et d'argent, leurs harnais et leurs épées, ainsi que les broderies délicates qui attestaient les doigts habiles de leurs épouses. Attila avait de nombreuses épouses, mais dédaignait ce mélange de monogamie et de débauche qui était populaire dans certains milieux de Ravenne et de Rome. Son palais était une immense maison en rondins de bois, dont le plancher et les murs étaient faits de planches rabotées, mais qui était ornée de bois élégamment sculpté ou poli, et renforcée par des tapis et des peaux pour protéger du froid. (39)
Parmi les "superstitions païennes", Durant note l'épée de guerre qu'Attila portait et qui, selon lui, lui avait été léguée par le dieu romain de la guerre, Mars. Cette épée, selon Jordanès, avait été découverte par accident :
Un certain berger, voyant qu'une génisse de son troupeau boitait et ne trouvant aucune cause à cette blessure, suivit avec anxiété la trace de sang et arriva finalement à une épée qu'elle avait involontairement piétinée en grignotant l'herbe. Il la déterra et l'apporta directement à Attila. Celui-ci se réjouit de ce cadeau et, ambitieux, pensa qu'il avait été nommé maître du monde entier et que, grâce à l'épée de Mars, la suprématie dans toutes les guerres lui était assurée. (102)
Attila considérait Rome comme un faible adversaire et, à partir de 446 ou 447 de notre ère, il envahit de nouveau la région de la Mésie (la région des Balkans), détruisant plus de 70 villes, prenant les survivants comme esclaves et renvoyant le butin dans sa forteresse de la ville de Buda (peut-être Budapest, dans l'actuelle Hongrie, bien que cette affirmation ait été contestée par certains historiens). Il était considéré comme invincible et, selon les mots de Durant, "après avoir saigné l'Orient à blanc, Attila se tourna vers l'Occident et trouva une excuse inhabituelle pour faire la guerre" (40). En 450 de notre ère, la sœur de Valentinien, Honoria, cherchait à échapper à un mariage arrangé avec un sénateur romain et envoya un message à Attila, accompagné de sa bague de fiançailles, pour lui demander son aide. Bien qu'elle n'ait peut-être jamais eu l'intention de se marier, Attila choisit d'interpréter son message et sa bague comme des fiançailles et lui renvoya ses conditions, à savoir la moitié de l'Empire d'Occident, en échange de sa dot. Lorsqu'il découvrit ce que sa sœur avait fait, Valentinien envoya des messagers à Attila pour lui dire que tout cela était une erreur, qu'il n'y avait pas de fiançailles, pas de mariage et pas de dot à négocier. Attila affirma que la demande en mariage était légitime, qu'il avait accepté et qu'il réclamerait son épouse, et mobilisa son armée pour marcher sur Rome.
Gaule et bataille des champs catalauniques
En 451 de notre ère, il commença ses conquêtes avec une armée d'environ 200 000 hommes, bien que certaines sources, comme Jordanès, avancent le chiffre d'un demi-million. Il s'empara facilement de la province de Gallia Belgica (l'actuelle Belgique) et continua à ravager le pays. La seule fois où Attila avait été repoussé d'une conquête, c'était par les Sassanides, et sa réputation de massacre et d'invincibilité le précédait dans sa progression en Gaule. Durant écrit ,
Toute la Gaule était terrifiée ; ce n'était pas un guerrier civilisé comme César, ce n'était pas un chrétien... c'était l'affreux et hideux Hun, le flagellum dei [Fléau de Dieu], venu pour punir le chrétien et le païen de l'énorme distance entre leurs professions et leurs vies. (40)
La réputation de brutalité et de massacre aveugle des Huns était bien connue et poussait les habitants du pays à fuir pour sauver leur vie avec tout ce qu'ils pouvaient porter. L'écrivain romain Ammien Marcellin (330-391 de notre ère) parle des Huns dans son Histoire de Rome
La nation des Huns surpasse tous les autres barbares par la sauvagerie de sa vie. Et bien que [les Huns] aient tout juste la ressemblance avec les hommes (d'un modèle très laid), ils sont si peu avancés dans la civilisation qu'ils n'utilisent pas le feu, ni aucune sorte de délectation, dans la préparation de leur nourriture, mais se nourrissent de racines qu'ils trouvent dans les champs, et de la chair à moitié crue de toute sorte d'animaux. Je dis à moitié crue, parce qu'ils lui donnent une sorte de cuisson en la plaçant entre leurs propres cuisses et le dos de leurs chevaux. Lorsqu'ils sont attaqués, ils engagent parfois un combat en règle. Alors, allant au combat en ordre de colonnes, ils remplissent l'air de cris variés et discordants. Le plus souvent, cependant, ils ne combattent pas en ordre de bataille régulier, mais en étant extrêmement rapides et soudains dans leurs mouvements, ils se dispersent, puis se rassemblent rapidement en rangs lâches, répandent le chaos dans de vastes plaines, et volant au-dessus du rempart, ils pillent le camp de leur ennemi presque avant qu'il ne se rende compte de leur approche. Il faut reconnaître qu'ils sont les plus terribles des guerriers, car ils se battent à distance avec des armes à projectiles dont les os aiguisés sont admirablement fixés au manche. En combat rapproché à l'épée, ils se battent sans se soucier de leur propre sécurité, et tandis que leur ennemi s'efforce de parer les coups d'épée, ils jettent un filet sur lui et enchevêtrent ses membres de telle sorte qu'il perd toute possibilité de marcher ou de monter à cheval. (XXXI.ii.1-9)
L'armée des Huns était une énorme unité de cavalerie qui frappait rapidement ses adversaires, sans demander ni offrir aucune pitié. Lanning écrit :
Misant sur la mobilité et l'effet de choc, Attila engageait rarement ses soldats dans des combats rapprochés et soutenus. Il préférait approcher son ennemi en utilisant le terrain pour cacher ses troupes jusqu'à ce qu'il soit à portée de flèche. Tandis qu'un rang tirait à des angles élevés pour amener les défenseurs à lever leurs boucliers, un autre tirait directement sur les lignes ennemies. Une fois qu'ils avaient infligé suffisamment de pertes, les Huns se rapprochaient pour achever les survivants. (62)
Il n'est pas étonnant qu'aucun général n'ait été particulièrement désireux d'engager les forces des Huns sous Attila. Kelly note comment les Huns "sont apparus comme s'ils venaient de nulle part et ont fondu, ne laissant que la destruction derrière eux. Il était impossible d'établir un système d'alerte efficace" (38). Attila s'empara de Trèves et de Metz sans opposition, massacra les citoyens, puis poursuivit sa route en détruisant tout sur son passage. Il fut finalement rencontré au combat par les forces combinées des Romains de Flavius Aetius, qui comprenait la stratégie et les tactiques des Huns, et des Wisigoths de Théodoric Ier (418-451) dans les plaines de Champagne. Cet engagement est connu sous le nom de bataille des champs catalauniques ou bataille de Châlons et fut décrit comme l'un des conflits militaires les plus sanglants de l'histoire et la première fois que les forces d'Attila furent freinés dans une invasion de l'Europe. L'historien Jack Watkins décrit la bataille :
Les Romains, qui occupaient les hauteurs, réussirent rapidement à repousser les Huns dans la confusion, et Attila dut les haranguer pour qu'ils reprennent le combat. Au cours d'un féroce combat au corps à corps, le roi Théodoric des Wisigoths fut tué. Mais au lieu de décourager les Wisigoths, la mort de leur roi les rendit furieux et ils se battirent avec tant d'ardeur que les Huns furent repoussés dans leur camp à la nuit tombée. Pendant plusieurs jours, les Huns ne bougèrent pas de leur campement, mais leurs archers réussirent à tenir les Romains à distance. La désertion des Visigoths frustrés permit à Attila de retirer son armée du champ de bataille, avec ses chariots de butin intacts. Les Romains ne le poursuivirent pas, mais son aura d'invincibilité avait été brisée. (85)
La campagne en Italie
Bien qu'Attila ait été stoppé dans son invasion, il n'avait guère été vaincu. Les Romains revendiquèrent cependant la victoire et rentrèrent chez eux dans l'espoir qu'Attila harcèle désormais quelqu'un d'autre. En 452 de notre ère, cependant, il revint envahir l'Italie et réclamer la fiancée qui lui avait promis sa main. Ici, comme en Gaule, il sema la destruction et saccagea la ville d'Aquilée à un tel point que non seulement elle ne se relèvera jamais, mais que plus personne ne savait où elle se trouvait. Les habitants de l'Italie, comme ceux de la Gaule avant eux, furent terrifiés par l'invasion des Huns mais, contrairement à l'année précédente, Aetius ne disposait pas d'une armée suffisamment puissante pour arrêter Attila. Des populations entières fuirent leurs villes et villages pour des régions plus sûres et, en fait, c'est ainsi que la ville de Venise naquit des marais pour devenir la "ville des ponts" (entre autres noms), nom sous lequel elle est connue de nos jours. Fuyant l'armée d'Attila, les gens se réfugièrent sur les quelques terres solides qu'ils purent trouver dans les régions aquatiques en pensant qu'Attila allait contourner. Ils avaient fait là un choix judicieux, car les forces d'Attila évitèrent les lagunes et se dirigèrent vers des terres plus attrayantes.
Pour des raisons que personne ne connaît, les Huns s'arrêtèrent au bord du Pô. Une famine sévissait en Italie depuis près de deux ans, et il est fort possible qu'Attila ait tout simplement épuisé ses réserves. Il a également été suggéré que la peste s'était déclarée dans l'armée d'Attila, ce qui l'aurait contraint à abandonner ses plans. En outre, il semblerait que ses hommes l'aient mis en garde contre la poursuite du sac de Rome. Le commandant gothique Alaric Ier (r. de 394 à 410 de l'ère chrétienne) avait mis Rome à sac en l'an 410 et était mort peu après ; la superstition voulait que la mort d'Alaric ait été la conséquence directe de son assaut contre une ville aussi prestigieuse. Il est également possible qu'une sorte de paix ait été conclue entre Attila et Rome. Valentinien envoya le pape Léon Ier avec une délégation pour obtenir des conditions de la part d'Attila, mais les détails de cette rencontre sont inconnus. Tout ce qui est sûr, c'est qu'après la rencontre avec Léon Ier et ses délégués, Attila fit demi-tour et se retira dans sa forteresse en Hongrie.
Mort et héritage
On ne sait pas s'il garda en mémoire Honoria et sa dot (Durant et d'autres affirment qu'il aurait menacé de retourner en Italie pour Honoria à moins qu'elle ne lui soit envoyée, mais les sources primaires ne le disent pas clairement), mais il prit rapidement une nouvelle et jeune épouse nommée Ildico en 453 de notre ère. Durant écrit : "Il célébra le mariage avec des excès inhabituels en nourriture et en boisson. Le lendemain, on le trouva mort dans son lit à côté de sa jeune épouse ; il avait fait éclater un vaisseau sanguin et le sang dans sa gorge l'avait étouffé" (40-41). Comme pour Alexandre le Grand, d'autres versions de la mort d'Attila ont été proposées, mais la version de Durant suit celle de Priscus qui est la première donnée et considérée comme la plus fiable. D'autres versions font état d'un assassinat par Ildico, d'une conspiration impliquant l'empereur d'Orient, Marcien (450-457 de notre ère), qui aurait fait tuer Attila, et d'une mort accidentelle par empoisonnement à l'alcool ou hémorragie œsophagienne due à une consommation excessive d'alcool.
Toute l'armée fut plongée dans un chagrin intense suite à la perte de son chef. Les cavaliers d'Attila s'enduirent le visage de sang et se mirent à tourner lentement, en cercle régulier, autour de la tente où se trouvait son corps. Kelly décrit les suites de la mort d'Attila :
Selon l'historien romain Priscus de Panium, ils [les hommes de l'armée] avaient coupé leurs longs cheveux et s'étaient tailladé les joues "afin que le plus grand de tous les guerriers soit pleuré non pas avec des larmes ou des gémissements de femmes mais avec le sang des hommes". S'ensuivit une journée de deuil, de festins et de jeux funéraires ; une combinaison de célébration et de lamentation qui avait une longue histoire dans le monde antique. Cette nuit-là, bien au-delà des frontières de l'empire romain, Attila fut enterré. Son corps fut enfermé dans trois cercueils, le plus intérieur étant recouvert d'or, le deuxième d'argent et le troisième de fer. L'or et l'argent symbolisaient le pillage dont Attila s'était emparé tandis que le fer gris et dur rappelait ses victoires à la guerre (6).
Selon la légende, une rivière fut détournée, Attila fut enterré dans le lit de la rivière, et les eaux furent ensuite libérées pour lui couler dessus et recouvrir l'endroit à jamais. Ceux qui avaient participé aux funérailles furent tués afin que le lieu de l'enterrement ne soit jamais révélé. Selon Kelly, "il s'agissait là aussi de morts honorables", dans la mesure où elles faisaient partie des honneurs funéraires pour le grand guerrier qui avait amené ses disciples si loin et accompli tant de choses pour eux.
Après ses funérailles, son empire fut divisé entre ses fils qui se battirent entre eux pour obtenir la plus grande part, dilapidèrent leurs ressources et laissèrent le royaume s'effondrer. En 469 de notre ère, soit 16 ans seulement après la mort d'Attila, l'empire avait complètement disparu. Le souvenir d'Attila reste cependant vivace, comme l'un des plus grands chefs militaires de tous les temps. Depuis sa mort, il a été dépeint comme l'incarnation du roi-guerrier, et les représentations récentes suivent cette image traditionnelle. Les longs métrages dramatiques qui y font référence, même en passant, le présentent comme un puissant guerrier, et même dans la comédie hollywoodienne La nuit au musée, datant de 2006, Attila le Hun est dépeint comme une force formidable. Lanning écrit :
Attila le Hun était le plus grand capitaine de guerre de son époque, sa réputation semant la terreur chez ses ennemis qui craignaient et respectaient le Fléau de Dieu. Plus de mille cinq cents ans plus tard, son nom reste synonyme de cavalerie agressive et d'éthique guerrière. (63)
En mars 2014, il a été signalé que la tombe d'Attila avait été découverte à Budapest, en Hongrie, dont on pense qu'elle comprend aujourd'hui une partie de Buda, la capitale d'Attila. La découverte a suscité un grand intérêt, et l'un des chercheurs a même été cité dans des rapports comme disant : "En fait, cela semble définitivement être le lieu de repos du tout-puissant Attila, mais des analyses supplémentaires doivent être faites pour le confirmer." D'autres analyses - effectuées par d'autres personnes ne faisant pas partie de l'équipe qui aurait découvert la tombe - ont révélé que cette affirmation était un canular. Bien que les chercheurs aient souvent été sceptiques quant à l'histoire d'Attila enterré sous une rivière, il existe des précédents. Le roi mésopotamien Gilgamesh aurait lui aussi été enterré sous une rivière, l'Euphrate, ce qui a longtemps été considéré comme un mythe. Cependant, en avril 2003, une équipe d'archéologues allemands a affirmé avoir découvert la tombe de Gilgamesh à l'endroit précis où les textes anciens la situaient.
Les fouilles archéologiques, menées grâce à une technologie moderne impliquant la magnétisation dans et autour de l'ancien lit de l'Euphrate, ont révélé des enclos de jardins, des bâtiments spécifiques et des structures décrites dans l'Épopée de Gilgamesh, y compris la tombe du grand roi. Selon la légende, Gilgamesh fut enterré au fond de l'Euphrate lorsque les eaux se séparèrent à sa mort. Beaucoup plus proche de l'époque d'Attila, Alaric Ier aurait été enterré sous les eaux du fleuve Busento en Italie après sa mort en 410, les eaux ayant été détournées puis retournées dans leur lit. Selon les sources anciennes concernant les funérailles d'Attila, celui-ci fut également enterré sous une rivière détournée qui aurait repris son cours pour recouvrir la tombe. Il semblerait imprudent, compte tenu du précédent de l'histoire de la tombe de Gilgamesh et du rapport de l'enterrement d'Alaric, de rejeter les histoires entourant la dernière demeure du grand guerrier Attila le Hun et de prétendre qu'il aurait été enterré ailleurs. L'endroit où se trouve sa tombe, et les trésors qu'elle contient, restent inconnus. L'intérêt que suscite dans le monde entier l'histoire de la découverte de sa tombe témoigne cependant de l'emprise qu'Attila exerce encore sur l'imaginaire collectif. Il reste à ce jour l'un des personnages les plus intéressants et les plus attachants de l'histoire ancienne, et son nom est toujours associé à l'idée d'une force irrésistible.