Athanaric (mort vers 381 de notre ère) était un roi des Goths Tervinges (plus connus sous le nom de Wisigoths) et, selon certaines sources, le premier et le plus grand de leurs rois. Il appartenait à la noble famille des Balti de la tribu des Tervinges et était un parent du futur roi des Wisigoths Alaric Ier (r.de 395 à 410 de notre ère), surtout connu pour le sac de Rome. En tant que juge de sa tribu, Athanaric avait la responsabilité d'entretenir et d'encourager l'ancienne foi païenne de son peuple qui était à la base de son identité culturelle. Pour cette raison, il persécuta violemment les Goths qui avaient embrassé le christianisme au IVe siècle de notre ère.
Selon la légende, il avait juré à son père, Aoric, de ne jamais poser le pied sur le sol romain et de rester un ennemi de Rome. Cette histoire a été modifiée par des études récentes pour suggérer que la position de juge d'Athanaric l'empêchait de quitter ses terres tribales ou d'encourager les échanges interculturels, ce qui est corroboré par le fait que, une fois qu'il ne fut plus juge, il fut reçu à Constantinople en tant qu'invité d'honneur de l'empereur romain d'Orient Théodose Ier vers 381 de notre ère, et c'est là qu'il mourut. Sa guerre civile avec le chef gothique Fritigern divisa les Goths, mais son habileté militaire dans ce conflit, ainsi que ses engagements contre l'empereur romain Valens, firent de lui un héros parmi son peuple.
Athanaric le Juge
Le roi des Goths était connu sous le nom de reiks (prononcé "rix" ou "rex" et traduit par "juge") et, selon l'ouvrage connu sous le nom d'Origo, il régnait conjointement avec un autre qui portait le titre de dux (un mot qui signifie "chef" ou "général" et qui deviendra plus tard "duc"). Le reiks était chargé de gouverner le peuple et de maintenir les coutumes et les croyances tribales, tandis que le dux était un commandant militaire chargé de l'armée.
Le grand-père d'Athanaric, Ariaric, semble avoir occupé les deux fonctions ou, du moins, était un juge qui faisait également la guerre. Selon l'historien Herwig Wolfram, Ariaric "était le plus éminent Goth de son temps" et "a peut-être été le commandant suprême de la guerre défensive contre les Romains" (Athanaric le Wisigoth, 264). Le père d'Athanaric était Aoric, qui héritera du titre de juge mais pourrait avoir été à l'origine général de l'armée (le dux des reiks de son propre père) et qui combattit les incursions romaines en territoire gothique.
En 332 de notre ère, Aoric fut envoyé (ou se rendit volontairement) à Constantinople en tant qu'otage pour garantir le respect par les Goths d'un traité de paix récemment signé avec Rome. Il était si bien respecté que l'empereur Constantin le Grand (272-337 de notre ère) fit ériger une statue en son honneur, et il fut bien traité pendant son séjour chez les Romains.
On ne sait pas ce qu'il vécut à Constantinople mais, quoi qu'il en soit et quels que soient les honneurs qui lui furent rendus, rien ne lui fit aimer la culture romaine plus que lorsqu'il l'avait combattue sous son père Ariaric. Wolfram écrit à ce sujet
Le père d'Athanaric ne surmonta jamais sa haine de tout ce qui était romain, ou alors il finit par croire que le monde romain représentait une menace extrême pour la structure tribale traditionnelle des Goths. À un moment donné, probablement après être rentré chez lui après la mort de Constantin en 337, le prince goth entreprit d'inculquer à son fils, Athanaric, une vision politique anti-romaine. On sait qu'Athanaric comprit non seulement que cela impliquait de repousser les Romains dans une de leurs guerres offensives, mais qu'il chercha également à contrer la romanisation et la crise interne des Goths qui l'accompagnait en persécutant de manière sanglante les chrétiens parmi eux en 369-372. (Athanaric le Wisigoth, 265)
Après la mort d'Aoric, Athanaric devint juge à sa place et pourrait avoir nommé un général ou avoir gouverné seul. On ignore à quelle date il prit le pouvoir, mais il était reconnu comme roi de son peuple en 365 de notre ère, lorsque l'usurpateur romain Procope se rebella contre Valens, rallia à sa cause une partie importante de l'armée et prit le contrôle de Constantinople pendant que Valens était en campagne en Asie Mineure. Conformément au traité conclu entre les Goths et les Romains en 332, Procope (qui prétendait avoir une relation directe avec Constantin) insista pour qu'Athanaric envoie des troupes pour l'aider à maintenir sa position si Valens revenait. Trois mille soldats furent envoyés mais arrivèrent à Constantinople en mai 366 pour découvrir que Procope avait été assassiné.
Ils firent demi-tour et marchèrent en direction de leur pays, mais furent maîtrisés par l'armée romaine sous l'autorité de Valens en tant qu'ennemis de l'État ayant rejoint le camp de Procope. Les 3 000 Goths furent emprisonnés en attendant de décider de leur sort. Athanaric écrit à Valens pour demander leur libération et Valens répondit en envoyant des ambassadeurs pour entendre la version du roi.
Bien qu'Athanaric ait apporté la preuve que Procope s'était présenté comme le souverain légitime de l'Empire romain d'Orient, rien ne fut fait pour le retour des troupes. Wolfram écrit : "Valens, qui prenait une vengeance sanglante sur les partisans de son ennemi, n'avait pas la moindre intention d'épargner les barbares et ne remit pas les captifs. On n'entendit plus parler d'eux" (Histoire des Goths, 66). Le rôle d'Athanaric en tant que juge, et son vœu à son père, avaient garanti une position anti-romaine avant cet événement mais, par la suite, sa politique se durcit davantage: on ne pouvait pas faire confiance à Rome et on ne devait pas la tolérer.
Athanaric et Valens
L'empereur Valens (r. de 364 à 378 de notre ère) était un homme vaniteux et fier qui recherchait le genre de gloire au combat qui avait consacré les empereurs précédents comme César ou Pompée. L'officier et historien romain Ammien Marcellin (330-395 de notre ère) a écrit à son sujet :
Il convoitait immodérément de grandes richesses ; impatient de travailler, il faisait preuve d'une extrême sévérité et était trop enclin à la cruauté ; son comportement était grossier et rude ; il était peu doué pour la guerre ou les arts libéraux. Il cherchait volontiers le profit et l'avantage dans les misères d'autrui, et il était plus que jamais intolérable en transformant des délits ordinaires en sédition ou en trahison. (618)
Les Goths, craignant que Valens n'étende à leurs territoires ses représailles contre les alliés de Procope, se placèrent fermement sous la direction d'Athanaric et formèrent une confédération de différentes tribus pour se défendre. Valens interpréta leur mobilisation comme un acte de guerre et, en 367 de notre ère, il lança son offensive. Les Romains marchèrent dans les territoires tervingiens pour soumettre l'ennemi barbare, mais ils ne semblaient les trouver nulle part. Les forces d'Athanaric étaient extrêmement mobiles et connaissaient bien la région, ce qui leur permettait d'échapper facilement aux Romains.
Valens, quant à lui, semble avoir cru qu'il avait l'élément de surprise de son côté et que les Goths n'avaient aucune idée de son invasion. Athanaric attira les forces romaines de plus en plus profondément dans son territoire et s'engagea ensuite dans une tactique de guérilla, frappant les Romains sans avertissement de tous les côtés, puis disparaissant aussi vite qu'ils étaient venus. Les Romains parvinrent à tuer certains des Goths et à détruire les champs et les cultures qu'ils rencontraient, mais ne purent obtenir aucun avantage contre un ennemi invisible qui n'apparaissait que pour frapper. Valens avait envahi la région au printemps 367 et, comme le note Ammien, était revenu à l'automne "sans avoir infligé de dommages sérieux à l'ennemi ni en avoir souffert lui-même". Il décida que la prochaine fois, il essaierait une tactique différente et écraserait complètement les Goths.
Les pluies furent abondantes tout au long de la première partie de l'année 368, le Danube connut une grande crue et inonda les plaines et les forêts qui l'entouraient; Valens ne put monter une autre campagne contre Athanaric simplement parce qu'il ne pouvait pas traverser le fleuve. Les inondations causèrent également des problèmes aux Goths dont les cultures furent emportées par les eaux ce qui engendra une mauvaise récolte à l'automne. Le commerce avec les Romains, bien sûr, avait cessé et la nourriture était rare. Athanaric refusa néanmoins de négocier avec Valens et, en 369, les Romains franchirent à nouveau le Danube et envahirent son territoire.
Athanaric utilisa la même stratégie que deux ans auparavant et attira à nouveau les troupes romaines sur un terrain qui favorisait la force de combat mobile des Goths et entravait les formations de combat romaines. Les Romains rencontrèrent une résistance plus importante qu'en 367, avec notamment l'arrivée de la cavalerie greuthinge qui s'était alliée aux tribus d'Athanaric. Les tactiques de guérilla des Goths se poursuivirent alors que les Romains s'enfoncèrent de plus en plus dans leur territoire jusqu'à ce que, finalement, Athanaric ne décide de prendre position et de les engager dans la bataille.
Les Romains tentèrent de diviser leurs forces pour encercler la petite armée des Goths, mais sans succès. Athanaric dirigea ses hommes vers le centre de la ligne romaine mais fut repoussé. Les Romains se regroupèrent alors et lancèrent un assaut direct qui chassa les Goths du champ de bataille. Les Goths furent vaincus, mais il ne s'agissait en aucun cas d'une victoire romaine décisive, car l'armée "vaincue" s'évanouit tout simplement dans la forêt environnante.
Il est possible qu'Athanaric ait envisagé de prolonger le conflit et d'inviter Valens à revenir une autre fois pour un troisième tour, mais son peuple était affamé et les Romains avaient détruit une quantité importante de terres arables lors de leurs invasions. Athanaric fit donc savoir à Valens qu'il souhaitait ouvrir des négociations de paix. Valens lui répondit qu'Athanaric devait se rendre à Constantinople pour les pourparlers de paix mais, bien sûr, Athanaric ne pouvait pas le faire car il avait juré à son père de ne jamais poser le pied sur le sol romain et, de plus, en tant que juge, il ne pouvait pas quitter sa région. Wolfram écrit :
Ce juge n'était pas autorisé à quitter le territoire tribal, ce qui faisait de lui le chef le moins adapté à une guerre offensive. Il était plutôt responsable de la défense du territoire des Goths contre les ennemis intérieurs et étrangers. (Histoire des Goths, 67)
Valens refusa de compromettre sa position d'empereur et de rencontrer un chef barbare qui dictait les conditions selon les superstitions barbares, en territoire barbare. Cependant, Valens se rendait compte que la guerre était coûteuse et qu'après trois ans, il n'avait pas remporté une seule victoire décisive. Il fut négocié que les deux chefs se rencontreraient sur un terrain neutre acceptable pour les deux et ainsi, comme l'écrit Wolfram:
En septembre 369, Valens dut faire la paix avec Athanaric d'égal à égal ; il dut reconnaître le refus d'Athanaric (pour des raisons religieuses) de poser le pied sur le sol romain et il dut négocier pendant une journée entière sur un bateau ancré à un " endroit approprié " au milieu du Danube. La manière dont la paix fut conclue suscita un mécontentement durable chez les Romains. (Histoire des Goths, 68)
L'irritation mentionnée par Wolfram n'était pas seulement due au compromis de l'empereur de rencontrer un chef barbare sur un bateau au lieu de l'écraser avec la puissance militaire romaine, mais aussi aux termes de la paix. Le type de commerce ouvert qui existait entre les Romains et les Goths fut limité à deux points sur le Danube (afin de contrôler les incursions gothiques à Rome), et les Goths durent remettre tous les otages romains qu'ils détenaient.
En contrepartie, les Romains promirent de ne pas intervenir dans la région et de s'abstenir de toute nouvelle incursion militaire. De plus, Valens donna à Athanaric la liberté d'agir à sa guise avec les chrétiens qui causaient des problèmes dans son propre royaume, à condition qu'il n'en poursuive aucun au-delà de la frontière. Cette clause, sur laquelle Athanaric aurait insisté, permit une augmentation de la persécution des chrétiens gothiques.
Comme l'Empire romain, un État qui avait adopté le christianisme sous Constantin, soutenait le travail des missionnaires dans la région gothique, cela aurait été considéré comme une trop grande concession. Wolfram écrit : "On ne peut guère parler d'une victoire romaine dans cette paix ou d'une défaite gothique au sens militaire" (History of the Goths, 68). Cela n'empêcha pas Valens de retourner à Constantinople et de revendiquer une grande victoire sur les problématiques Goths.
La persécution des chrétiens par Athanaric
Le travail missionnaire des chrétiens parmi les Goths fut principalement accompli par un homme nommé Ulfilas (également connu sous le nom de Wulfila, qui signifie "petit loup") qui vécut vers 311-383 de notre ère. Ulfilas était un Goth et un chrétien arien qui avait traduit la Bible du grec à la langue des Goths et prêchait sa version du christianisme (par opposition au christianisme trinitaire) dans les régions gothiques.
L'historien Noel Lenski note que l'empereur Constance II (r. de 337 à 361 de notre ère) "était d'une certaine manière activement impliqué dans le travail d'Ulfilas" (79). Des sources anciennes telles que Sozomen indiquent que les Goths commencèrent à se convertir au christianisme, en petit nombre, sous le règne de Constantin le Grand, et qu'il y eut peut-être d'autres missionnaires à l'œuvre dans la région avant Ulfilas. Si tel est le cas, leurs noms ne furent pas enregistrés, alors que le travail missionnaire d'Ulfilas, lui, est bien documenté. On dit qu'il convertit tant de Goths au christianisme - qui était considéré comme une religion romaine par les Goths - que les chefs craignaient de perdre leur culture et leur mode de vie. Lenski écrit :
Le christianisme en territoire gothique au cours du quatrième siècle était commun et bien organisé et atteignait même les échelons supérieurs de la société gothique. La conversion était le résultat d'efforts évangéliques passifs et actifs entrepris par les chrétiens à l'intérieur et à l'extérieur du territoire gothique, avec l'encouragement non seulement des autorités ecclésiastiques romaines mais aussi de l'administration impériale. Enfin, les dirigeants centraux gothiques considéraient le christianisme comme une menace réelle et actuelle de la part de Rome et ont agi en fonction de leurs perceptions en instituant deux persécutions antichrétiennes. (83)
La première de ces persécutions avait peut-être commencé sous Aoric mais pourrait être sous Athanaric en 348 de notre ère. Après la signature du traité de paix avec Valens, la deuxième vague de persécutions (369-372 de notre ère) fit de nombreux martyrs parmi les chrétiens gothiques, dont le plus célèbre est Saba (également connu sous le nom de Sabbas), exécuté par noyade en 372 de notre ère et élevé au rang de saint par l'Église primitive. Wolfram écrit :
La deuxième persécution gothique des chrétiens fut menée de manière beaucoup plus systématique que la première en 348. Les persécuteurs gothiques ne se contentèrent pas d'actions isolées ou de l'exil de tribus chrétiennes, mais visèrent l'extermination complète. La persécution était dirigée par Athanaric qui la conduisit de la même manière qu'il dirigeait la confédération danubienne-gothique depuis 365. (69)
Un certain nombre d'historiens, dont Wolfram, notent que l'histoire de ces persécutions (comme l'histoire des Goths eux-mêmes) fut écrite par des Romains chrétiens ayant un programme spécifique à l'esprit, et que les détails des persécutions purent donc être modifiés pour mieux correspondre à l'histoire qu'ils souhaitaient raconter. Ulfilas est généralement présenté comme le héros de la foi qui combattit Athanaric, l'ennemi de Dieu. Si certains détails diffèrent légèrement, les sources anciennes s'accordent sur la façon dont les persécutions divisèrent les Goths sous Athanaric, certaines familles cachant et sauvant leurs parents chrétiens et d'autres se retournant contre eux pour avoir trahi leur héritage.
Comme pour les persécutions chrétiennes ailleurs, avant et après cette période, les autorités ordonnèrent que les images sacrées de leur propre foi soient transportées de village en village afin que les gens puissent honorer et faire des sacrifices à leurs dieux ancestraux. Comme le note Wolfram, "celui qui refusait de le faire était brûlé avec son habitation ; en d'autres termes, il subissait le châtiment de celui qui avait violé la "loi divine" de la tribu" (69). Ulfilas avait déjà fui la région avec un certain nombre de ses partisans pour se réfugier à Rome ; les Goths chrétiens qui restaient étaient soit systématiquement exécutés sous les ordres d'Athanaric, soit avaient appris à cacher leur foi d'une manière ou d'une autre. Athanaric ne cherchait pas à entraver la liberté de son peuple, mais plutôt à le sauver de ce qu'il considérait comme l'influence corruptrice de la religion romaine. Wolfram commente :
Les politiques conservatrices d'Athanaric étaient dirigées non pas tant contre les choses gréco-romaines que contre le christianisme médiatisé par les Romains. Il craignait que le christianisme ne dissolve l'ordre social traditionnel de son peuple. Pourtant, la persécution brutale ne put guérir les différences au sein de la tribu. (69)
Les persécutions chrétiennes montèrent les Goths d'Athanaric les uns contre les autres dans toute la région et finirent par contribuer à les diviser en deux camps distincts : l'un sous la direction d'Athanaric et l'autre dirigé par le prince gothique Fritigern.
Athanaric et Fritigern
Fritigern est connu comme le chef des Goths qui vainquit Valens à la bataille d'Andrinople en 378 de notre ère et qui s'était converti publiquement au christianisme deux ans auparavant afin d'être admis dans l'Empire romain. On pense toutefois qu'il était devenu chrétien des années auparavant. Fritigern était lui-même un reiks de sa tribu qui avait accepté de se laisser conduire, lui et son peuple, par Athanaric afin de repousser les Romains.
La réaction de Fritigern au traité de paix avec les Romains n'est pas connue, pas plus que sa réaction aux persécutions chrétiennes des deux premières années, mais vers 372 de notre ère, il dirigea ses forces contre Athanaric et déclencha la guerre civile gothique. On ne sait pas exactement pourquoi il agit ainsi, car on ignore à quelle date Fritigern embrassa le christianisme. Il est possible que Fritigern ait voulu mettre fin aux persécutions, mais il est tout aussi probable que, sans la menace d'une invasion romaine, il se soit simplement retiré de l'alliance et ait tenté un coup d'État. Cependant, on pense généralement qu'il était déjà chrétien ou sympathisant de la cause chrétienne avant le déclenchement des hostilités entre lui et Athanaric.
Une autre possibilité suggérée par Wolfram est que Fritigern "a dû réaliser la possibilité de profiter politiquement de la persécution chrétienne en changeant de camp" (70). Il aurait donc abandonné son héritage gothique dans l'espoir qu'en devenant chrétien, il gagnerait le soutien de Rome. Lenski note la manière dont Rome utilisa le christianisme comme un outil politique, écrivant :
Le christianisme fournissait un lien diplomatique entre Rome et les territoires orientaux indépendants sur lesquels elle revendiquait une certaine influence. Dans ce contexte, le soutien de Valens aux chrétiens au nord du Danube est parfaitement logique. Malgré l'absence de preuves solides qu'il ait activement parrainé les efforts missionnaires en Gothie, tout porte à croire que, comme ailleurs, il a soutenu et encouragé les chrétiens gothiques... C'était clairement le cas de Fritigern, qui était favorable aux chrétiens avant de gagner le soutien de Valen et qui se convertit avec ses partisans pour renforcer ses liens avec Rome. Dans son cas, comme dans tant d'autres, les dirigeants romains utilisèrent le christianisme comme une télécommande pour étendre l'influence romaine parmi les non-Romains et pour manipuler les affaires au-delà de l'emprise romaine. (81)
Au début de la guerre civile, Athanaric battit Fritigern et son allié, Alaviv, dans tous les combats. Il ne semble y avoir aucune trace de dates ou de batailles dans ce conflit mais, à un moment donné, Fritigern demanda l'aide de Valens pour vaincre son rival. Les sources anciennes semblent indiquer que, avec l'aide de Valens, Fritigern fit quelques avancées contre Athanaric mais il semble qu'il ait finalement perdu la guerre.
Après sa défaite, et alors que les Huns effectuaient des raids sur les terres gothiques et détruisaient de vastes ressources, Fritigern demanda à Valens l'autorisation de s'installer avec ses partisans en Thrace romaine en 376. Valens accepta à la condition que Fritigern et son peuple se convertissent au christianisme arien et servent dans l'armée romaine.
Il semble qu'Athanaric ait également envisagé de conduire son peuple à Rome mais ait craint des représailles de la part de Valens pour leur conflit antérieur. De plus, l'accord de Valens autorisant les Goths à s'installer en terres romaines ne fut proposé qu'à Fritigern et à ses partisans, et non à tous les Goths. Athanaric conserva donc sa position de juge/roi des Tervinges et, avec le départ de Fritigern pour Rome, mobilisa ses forces pour faire face à la nouvelle menace des Huns.
Les Huns et la migration des Goths
Les Goths d'Athanaric étaient en guerre, par intermittence, depuis près de dix ans lorsque les Huns commencèrent à faire des incursions dans leur région vers 376. Athanaric monta une défense entre les fleuves Prut et Danube en construisant la fortification connue plus tard sous le nom de Mur d'Athanaric (également connu sous le nom de Mur de Trajan du Sud, bien que les historiens soient loin d'être d'accord sur le fait qu'Athanaric ait eu quelque chose à voir avec sa construction). Les Huns envahirent sa position mais, comme il l'avait fait avec les Romains, Athanaric s'enfila discrètement dans les forêts et s'échappa.
Les Huns établirent ensuite une forteresse juste au nord de l'ancienne position d'Athanaric, d'où ils menèrent des raids sur ses territoires. Selon les sources anciennes, les Huns semblaient pouvoir frapper n'importe où et à n'importe quel moment. Les cultures et les champs des Goths furent détruits et, comme la région se remettait encore de la guerre entre Athanaric et Fritigern, l'approvisionnement en nourriture fut mis à rude épreuve. Les lignes de ravitaillement des forces d'Athanaric s'effondrèrent car les raids hunniques étaient de plus en plus inattendus. De nombreux Goths tentèrent, et réussirent, à traverser le Danube et à suivre l'exemple de Fritigern en s'installant avec leurs familles en territoire romain, tandis que d'autres restèrent et tentèrent de s'accrocher à leurs terres et à leur culture ancestrales, mais cela ne servit à rien. Wolfram écrit:
Les Tervinges n'avaient aucun espoir de survivre dans une terre ravagée qu'un nouveau type d'ennemi pouvait détruire à volonté, pratiquement sans avertissement préalable. Personne ne savait comment se défendre contre les Huns, pas même Athanaric qui, en son temps, avait déjoué les plans des Romains. À ce moment critique, les chefs de l'opposition - les amis de Rome et les chrétiens, c'est-à-dire les anciens ennemis du juge tervingien - proposèrent une alternative crédible... et promirent la fuite dans l'Empire romain comme seul moyen de salut. La majorité des Tervinges abandonnèrent alors Athanaric, mettant ainsi fin à la fonction de juge tervingien. (72)
Les Huns poursuivirent leur invasion de la région et, comme l'écrit Wolfram, citant la source antique d'Ambroise, le chaos que cela provoqua fut généralisé : "Les Huns tombèrent sur les Alains, les Alains sur les Goths, et les Goths sur les [tribus] des Taïfales et des Sarmates" (73). Ces populations fuirent à travers le Danube pour se mettre à l'abri dans l'Empire romain. Athanaric, avec les Tervinges qui le suivaient encore, emmena son peuple dans une autre direction et conquit la tribu sarmate du Caucase dans la vallée de l'Alutus (ou Olt, en Transylvanie). Athanaric installa son peuple dans sa nouvelle demeure et tenta de reprendre son ancienne position de roi mais, pour des raisons inconnues, la tribu le rejetta et le chassa de son nouveau territoire vers 380 de notre ère.
Constantinople et la mort d'Athanaric
N'étant plus juge des Tervinges et n'ayant plus de partisans, Athanaric n'avait nulle part où aller, sauf chez son vieil ennemi : l'Empire romain. Oubliant le vœu qu'il avait fait à son père et n'étant plus contraint par des principes religieux et culturels, il se rendit à Constantinople où il fut bien accueilli en 381 par le nouvel empereur Théodose Ier (r. de 379 à 395), Valens ayant été tué à la bataille d'Andrinople en 378.
Certains historiens ont émis l'hypothèse que, puisque Athanaric put traverser sans encombre un territoire hostile patrouillé par les troupes romaines, de la vallée de l'Alutus à Constantinople, un accord avait été conclu au préalable avec Théodose Ier. Si tel était le cas, un tel accord aurait pu être considéré comme une trahison par son peuple et entraîner son expulsion de la tribu. Le ressentiment des Goths à l'égard de Rome était élevé à cette époque, et une collaboration apparente avec l'ennemi n'aurait guère été tolérée. Il convient toutefois de noter que cette théorie est spéculative et qu'il n'existe aucun moyen de la prouver de manière définitive.
Les Goths, sous la direction de Fritigern, s'étaient rebellés contre Rome en raison du mauvais traitement qu'ils recevaient des administrateurs provinciaux romains et, au moment où Athanaric arriva à Constantinople, ils avaient gagné du terrain dans leur guerre pendant trois années consécutives. Théodose Ier souhaitait pacifier les Goths et jugea donc prudent de recevoir leur ancien roi avec tous les honneurs. Cette idée avait peut-être été suggérée par un conseiller de l'empereur, Thémistios (317-390 de notre ère), qui avait été aux côtés de Valens lorsque celui-ci avait signé le traité de paix avec Athanaric sur le Danube en 369. Le récit de cette rencontre par Thémistios montre clairement qu'il tenait Athanaric en haute estime et qu'il avait donc estimé que l'ancien roi devait recevoir les honneurs qui lui étaient dus.
Le 11 janvier 381, Athanaric fut reçu à une grande réception où il s'assit avec l'empereur et la classe supérieure distinguée de Constantinople ; deux semaines plus tard, il était mort. La cause de sa mort est inconnue, mais il semble qu'elle ait été inattendue. Wolfram écrit : "La mort d'Athanaric avait été quelque peu surprenante ; il y avait même des rumeurs d'une fin violente, ce qui signifie que l'ancien juge gothique n'était probablement pas un vieil homme" (74). Théodose Ier insista pour que des funérailles grandioses, avec tout le protocole impérial, fussent organisées pour le roi mort afin de pacifier davantage les Goths en rébellion.
On dit que la tombe d'Athanaric était si ornée qu'elle stupéfia ceux qui assistèrent aux funérailles. Théodose avait l'intention de montrer qu'il respectait les Goths, leurs dirigeants et leur culture, en veillant personnellement à ce que leur roi déchu soit enterré avec tous les honneurs. Il eut peut-être raison ; l'année suivante, en 382 de notre ère, les Goths signèrent le traité de paix mettant fin au conflit et restèrent en paix avec l'Empire romain jusqu'à la mort de Théodose en 395 de notre ère. Bien que les funérailles grandioses d'Athanaric n'aient pas été la seule cause de la paix, pas plus que la mort de Théodose ne fut la cause de la reprise des hostilités, on pense que les deux contribuèrent à ces événements. Wolfram écrit :
L'histoire tervingienne durant la décennie précédant l'invasion des Huns est dominée par la figure d'Athanaric qui fascina la postérité tout comme ses contemporains. Les Wisigoths du VIIe siècle se souvenaient encore d'Athanaric comme de leur "roi fondateur". (64)
Athanaric régna sur son peuple pendant l'une des périodes les plus critiques de son histoire et, bien qu'il puisse être tenu responsable de certaines erreurs de jugement concernant ses politiques chrétiennes et les effets qu'elles eurent sur son peuple, il semble avoir toujours essayé de faire ce qu'il pensait être dans leur meilleur intérêt. Bien qu'il ait capitulé devant Rome à la fin et qu'il ait eu droit à des funérailles romaines, son combat contre l'Empire romain et les injustices qu'il estimait qu'il pratiquait serait repris plus tard par son descendant, Alaric Ier, qui, en 410 de notre ère, mit à sac la ville de Rome.