Lamia est une femme ou un démon hermaphrodite présent dans la mythologie grecque qui dévorait les enfants et séduisait les hommes. Elle apparaît dans la littérature dès le 6e siècle avant J.-C. et est soi-disant épouvantable à regarder car elle avait un visage laid, le haut du corps d'une femme et le bas du corps d'un serpent.
Son nom vient du grec laimos ("gosier") et lamyros ("glouton"), qui décrit parfaitement sa soif de sang et sa faim de chair humaine. À l'époque classique, elle devint l'un des premiers vampires, séduisant les hommes par sa beauté et buvant ensuite leur sang. Au fil des ans, elle devint un célèbre croquemitaine en Grèce et l'on racontait son histoire aux enfants pour qu'ils se comportent bien.
Lamia et Zeus
Selon la plupart des sources, Lamia était la belle fille du roi Bélos de Libye. Cependant, le poète lyrique grec Stésichore (c. 630 à vers 555 av. J.-C.) mentionne qu'elle était la fille de Poséidon, le dieu de la mer, et la mère du monstre marin Scylla. La beauté de Lamia aurait, sans surprise, attiré l'attention de Zeus, qui la séduisit, et ils eurent plusieurs enfants ensemble. Cependant, Héra, furieuse de l'infidélité de son mari, tua tous leurs enfants, sauf un - Scylla. Selon d'autres sources, Héra aurait cruellement obligé Lamia à tuer ses propres enfants. Rendue folle de chagrin, Lamia se mit à tuer d'autres enfants dans une forme perverse de vengeance.
Sa beauté extérieure refléta très vite sa haine et sa colère, et elle se transforma de belle femme en une créature d'apparence démoniaque. Dans une tentative désespérée de l'apaiser, Zeus lui donna le don de prophétie et la capacité plutôt étrange de s'arracher les yeux et de les remettre en place, afin qu'elle n'ait pas à se regarder en face.
Apparence et nature
Lamia était une créature mi-humaine, mi-serpent avec un visage démoniaque terrifiant qui vivait dans une grotte et sentait horriblement mauvais. Selon le dramaturge Aristophane (460 - 380 av. J.-C.), Lamia était hermaphrodite : "il avait la voix d'un torrent destructeur, l'odeur d'un phoque, les cuisses hideuses d'une Lamie, et le derrière d'un chameau.". (Guêpes, 1 : 1035, Remacle). L'idée que Lamia soit hermaphrodite a peut-être été inventée pour faire paraître Lamia encore plus perverse et monstrueuse.
Elle se glissait fréquemment dans les maisons à la tombée de la nuit, volait les enfants dans leurs berceaux et tourmentait les personnes endormies. L'acte horrible de Lamia, qui consistait à tuer des bébés et à les arracher du ventre de leur mère, garantissait que les autres mères ressentiraient sa propre douleur en les privant de leurs devoirs et de leurs joies maternels.
Dans la littérature classique tardive, Lamia s'associe aux Empouses, un groupe de démons qui étaient les filles de la déesse Hécate ou qui travaillaient sous ses ordres. Elle commença à être dépeinte comme une femme ayant le pouvoir de se transformer en une belle femme, d'attirer les jeunes hommes, de les séduire et de coucher avec eux, puis de boire leur sang. Son penchant pour la consommation de sang fit d'elle l'une des plus anciennes figures de la mythologie qui partage les caractéristiques du vampire moderne.
Voulez-vous que je me fasse mieux comprendre? La charmante épousée est une de ces « empouses » , que le peuple appelle « Lamies » ou « Mormolyces » . Elles aiment beaucoup l'amour, mais encore plus la chair humaine : elles allèchent par la volupté ceux qu'elles veulent dévorer.
(Philostrate, Vie d'Apollonios, 4.21-25).
Représentations
Une créature que l'on croit être Lamia est représentée sur d'anciens vases grecs. Sur deux de ces vases - tous deux des vases noirs attiques (c. 500 av. J.-C.), elle est représentée comme une figure poilue et menaçante avec d'énormes seins, de grandes serres et des crocs proéminents. Sa représentation sur le second vase a suscité un certain débat : une Lamia nue est attachée à un palmier (symbolisant ses liens avec la Libye) et est torturée par cinq satyres. L'historien de l'art John Boardman affirme qu'un satyre est représenté en train de brûler ses poils pubiens. En revanche, l'historienne Monique Halm-Tisserant affirme que le vase endommagé montre que le personnage a un phallus en érection, ce qui accrédite l'idée que la créature sur le vase est bien Lamia, car la description d'Aristophane en tant qu'hermaphrodite était largement connue à l'époque.
L'une des représentations les plus modernes et les plus célèbres de Lamia se trouve dans le poème narratif Lamia (1819), écrit par le poète anglais John Keats (1795-1821). Dans Lamia, le dieu grec Hermès se met à la recherche d'une nymphe qui, selon la rumeur, est plus belle que toutes les autres nymphes. N'ayant pas réussi à trouver cette fameuse nymphe, Hermès s'assied pour se reposer mais entend bientôt une voix. Se levant pour enquêter, il tombe sur Lamia qui est piégée dans le corps d'un serpent. Lamia promet de révéler à Hermès l'emplacement de la nymphe insaisissable s'il la retransforme en femme humaine, car un jeune Corinthien du nom de Lycius a attiré son attention. Hermès accepte et la transforme en une belle femme.
Lycius passe à côté de Lamia sur le chemin de Corinthe, et dès qu'il la voit, il en tombe passionnément amoureux. Ils vivent isolés à Corinthe jusqu'à ce que Lycius ne leur propose de se marier et d'inviter leurs proches à la célébration. Lamia s'y oppose mais finit par accepter à une condition : que le philosophe Apollonios de Tyane ne soit pas invité. Sans surprise, Apollonios de Tyane se présente sans être invité. Fixant Lamia, Lycius remarque son malaise et demande à Apollonios d'arrêter de la fixer. Apollonios répond :
— Fou ! » dit le sophiste, à demi-voix
D 'un ton brusque et méprisant. Ce fut par une plainte d'agonisant que Lycius répondit, comme, frappé au cœur, éperdu,
Ils s'assit sans force auprès du douloureux fantôme. Fou 1 Fou! » répétait Apollonius, les yeux toujours implacables et fixes : — De tout mal de la vie je t'ai préservé jusqu'à ce jour,
faut-il te voir maintenant la proie d'un serpent?»
A ce moment Lamia exhala un soupir de mourante ; le regard du sophiste telle une lance affilée, la traversa de part en part,
Aigu, cruel, acéré, pénétrant : elle, autant
que sa main débile pouvait exprimer une intention, le supplia de se taire ; mais vainement!
Il regaida encore et encore fixement — Non !
Un serpent ! » reprit-il en écho. Il n'eut pas plus tôt dit, que, poussant un effroyable cri, elle disparut : et les bras de Lycius furent vidés (1) de leur bonheur comme ses membres de leur vie, à partir de cette même nuit.
(John Keats, Lamia, 2e partie, trad Gallimard Paul )
Dès que Lamia disparaît de la fête de mariage, Lycius meurt d'un cœur brisé.
Le peintre anglais John William Waterhouse (1849-1917) trouva également l'inspiration dans l'histoire de Lamia. Dans Lamia et le soldat (1905), John William Waterhouse s'inspire du Lamia de John Keats. Il montre Lamia comme une belle femme avec un soldat (Lycius) qui la regarde avec admiration. Cependant, si vous regardez attentivement, vous verrez une peau de serpent accrochée à son bras et une queue de serpent, symbolisant sa nature monstrueuse à l'affût. Dans Lamia (1909), Lamia est assise et contemple son beau reflet dans une piscine d'eau. Le seul indice de sa véritable forme est le tissu brodé bleu foncé qui l'entoure, censé symboliser la peau de serpent. D'autres artistes de la même époque ont également utilisé cette méthode: ils ont peint Lamia comme une jeune femme enchanteresse, mais ont toujours inclus un indice de sa véritable nature, généralement sous la forme d'une peau de serpent présente quelque part dans le tableau.
Similitudes avec d'autres démons
Le poète et historien britannique Robert Graves (1895-1985) a décrit Lamia comme étant la forme démoniaque de Neith (également appelée Anatha et Athéna), la déesse libyenne de la guerre et de l'amour dont le culte était interdit par les Achéens. Il existe également des parallèles entre Lamia et les Lamme sumériens, des créatures qui se nourrissaient de la chair des enfants.
Elle a également été comparée à la Lilith biblique, le nom de Lilith-Lamia ayant été inventé pour désigner les deux démons. Elles partagent une apparence similaire et sont considérées comme une menace pour les nouveau-nés et les enfants. En outre, elles ont toutes deux des connotations sexuelles malsaines et sucent le sang de leurs amants. Ensemble, elles sont appelées "sorcière de la nuit", "monstre de la nuit" et "fée de la nuit".
Lamia dans l'histoire
Dans la société grecque, Lamia était considérée comme un avertissement de ce que les femmes devenaient lorsqu'elles perdaient leur sens moral. Les bonnes femmes grecques étaient censées se marier et s'accoupler avec des jeunes hommes, et non les tuer, et leur devoir était de produire et de prendre soin des enfants, et non de les dévorer. Les philosophes l'utilisaient comme un exemple négatif du désir et de l'avidité ; ce qui peut sembler attrayant et séduisant se termine toujours par la ruine et la corruption. L'histoire de Lamia était également utilisée pour effrayer les enfants afin qu'ils se comportent bien. Elle était le croque-mitaine de la Grèce antique.
Aristote (384-322 av. J.-C.) et le philosophe de la nature Albert le Grand (mort en 1280) tentèrent tous deux d'interpréter Lamia en la comparant à un animal, donnant un sens au monde naturel. Dans son Histoire des animaux, Aristote fait référence à un grand poisson connu sous le nom de "lamia-requin", une idée qui perdura, puisque les Grecs ultérieurs ont une Lamia de la mer - une dangereuse créature ressemblant à une sirène.
Dans son De animalibus (Sur les animaux), Albert le Grand fait référence à la Lamia comme à un grand hybride animal-femme qui allaite ses petits et leur est dévoué. Le fait que la Lamia soit dévouée à ses petits est plus logique qu'une femme qui tue et mange cruellement des enfants, car cela va à l'encontre de tout ce qu'une femme est censée représenter.
La nature cruelle et torturée de Lamia est restée reconnaissable à travers l'histoire. Elle a été utilisée pour effrayer les enfants afin qu'ils se comportent bien, et comme leçon de morale, elle a inspiré les poètes et les artistes et a contribué à rétablir l'importance des sciences naturelles.