Sérapis (ou Sarapis) était un dieu gréco-égyptien de la période ptolémaïque (323-30 av. J.-C.) de l'Égypte, développé par le monarque Ptolémée Ier Sôter (r. de 305 à 282 av. J.-C.) dans le cadre de sa vision d'unir ses sujets égyptiens et grecs. Le culte de Sérapis se répandit ensuite dans l'Empire romain jusqu'à ce qu'il ne soit interdit par le décret de Théodose Ier (r. de 379 à 395 de notre ère).
Une certaine forme du dieu existait avant la période ptolémaïque et pourrait avoir été la divinité protectrice du petit port de pêche et de commerce de Rhakôtis, qui deviendrait plus tard le site de la ville d'Alexandrie, en Égypte. Sérapis est considéré comme le dieu qu'Alexandre le Grand aurait invoqué à sa mort en 323 avant notre ère, mais on se demande toujours si ce dieu - Sarapis - est le même que Sérapis, car il est plus probable que Sarapis ait été une divinité babylonienne.
Sérapis était un mélange des dieux égyptiens Osiris et Apis avec le dieu grec Zeus (et d'autres) pour créer une divinité composite qui résonnerait avec la société multiculturelle que Ptolémée Ier envisageait pour l'Égypte. Sérapis incarnait les pouvoirs de transformation d'Osiris et d'Apis - déjà établis par le culte d'Osirapis, qui avait réuni les deux - et l'autorité céleste de Zeus. Il était donc considéré comme le Seigneur de tout, du monde souterrain au royaume éthéré des dieux dans le ciel.
Le culte de Sérapis se répandit de l'Égypte à la Grèce et était l'un des plus populaires à Rome au 1er siècle de notre ère. Le culte resta une force religieuse puissante jusqu'au 4e siècle de notre ère, lorsque le christianisme prit le dessus. L'empereur romain Théodose Ier proscrit le culte dans ses décrets de 389-391 de notre ère, et le Serapeum, centre de culte de Sérapis à Alexandrie, fut détruit par les chrétiens en 391/392 de notre ère, ce qui mit fin au culte du dieu.
Ptolémée Ier et Sérapis
Après la mort d'Alexandre le Grand en 323 avant notre ère, ses généraux se divisèrent et se disputèrent son empire pendant les guerres des Diadoques. Ptolémée Ier s'empara de l'Égypte et établit la dynastie ptolémaïque, qu'il conçut comme la poursuite de l'œuvre d'Alexandre, à savoir l'unification harmonieuse des différentes cultures. L'Égypte avait été contrôlée par les Perses, sauf pendant de brèves périodes, de 525 avant notre ère jusqu'à ce qu'Alexandre ne s'en empare en 332 avant notre ère, et il fut accueilli comme un libérateur. Alexandre avait espéré mêler les cultures des régions qu'il avait conquises à son propre hellénisme, mais les Grecs et les Égyptiens observaient encore les traditions de leur propre culture au moment de sa mort. Ptolémée Ier fit de la fusion de ces cultures l'une de ses principales priorités et fit de la religion le moyen d'y parvenir.
Les Égyptiens vénéraient toujours les mêmes dieux depuis des milliers d'années et Ptolémée Ier savait qu'il était peu probable qu'ils acceptent une nouvelle divinité. Il prit donc des aspects de deux des dieux les plus populaires - Osiris et Apis - et les mélangea avec le roi des dieux grec, Zeus, en s'appuyant sur le culte égyptien déjà établi d'Osirapis, pour créer Sérapis. L'historien Plutarque (c. 45/46-120/125 de notre ère) décrit la création de Sérapis et l'établissement de son centre de culte à Alexandrie:
Ptolémée Soter vit une nuit, en songe, le colosse de Pluton, qui était à Sinope : il ne l'avait jamais vu et n'en savait pas même la forme. Dans cette vision, le colosse lui ordonna de le faire transporter au plus tôt à Alexandrie. Comme il ignorait en quel lieu il était placé, et qu'il racontait sa vision à ses amis avec une vive perplexité, un homme nommé Sosibius, qui avait beaucoup voyagé, se présente à ce prince et lui dit qu'il avait vu à Sinope un colosse semblable à celui qu'il dépeignait. Ptolémée envoya donc à Sinope Sotelès et Dionysius, qui, après beaucoup de temps et de peines, mais surtout par un effet de la protection divine, parvinrent à enlever le colosse, qu'ils portèrent au roi. Dès que Timothée l'interprète et Manéthon le Sébennite l'eurent vu, ils conjecturèrent, par un cerbère et un dragon qui y étaient représentés, que c'était une statue de Pluton, et ils persuadèrent à Ptolémée que ce ne pouvait être que celle de Sarapis. Ce n'était pas ainsi qu'on l'appelait à Sinope ; mais, arrivé à Alexandrie, il y reçut ce nom, qui est celui que les Égyptiens donnaient à Pluton.. (Morales; Isis et Osiris, 28)
Sérapis était destiné à être, selon les termes de Plutarque, "le dieu de tous les peuples en commun, comme l'est Osiris" et le fait qu'un Grec (Timothée) et un Égyptien (Manéthon) se soient mis d'accord sur l'identité de la statue fut considéré comme un signe de la part du dieu qu'il assumerait ce rôle. Ptolémée Ier construisit un grand temple pour son culte, le Serapeum, qui vint abriter la statue de Sinope. Avec Sérapis au centre de la dévotion religieuse, Ptolémée Ier entama un programme de construction rigoureux qui fut poursuivi par son fils et successeur Ptolémée II Philadelphe (r. de 285 à 246 av. J.-C.), qui avait codirigé le pays avec lui depuis 285 av. J.-C. La grande bibliothèque d'Alexandrie, commencée sous Ptolémée Ier, fut achevée par Ptolémée II, qui agrandit également le Serapeum et termina la construction du phare d'Alexandrie, l'une des sept merveilles du monde antique.
Dieu composite
L'histoire de Plutarque concernant le vol de la statue de Pluton a été contestée, et certains chercheurs affirment qu'il s'agissait déjà d'une statue de Sérapis prise dans le Serapeum de Memphis. Quoi qu'il en soit, la statue est considérée comme la représentation d'une divinité du monde souterrain, soit l'Hadès/Pluton gréco-romain, soit Sérapis qui, en tant que mélange d'Osiris et d'Apis, était également associé au monde souterrain.
Osiris était la figure divine morte et ressuscitée qui avait été tuée par son frère Seth et ranimée par sa sœur-épouse Isis et sa sœur Nephthys. Cependant, une fois revenu à la vie, il s'avéra incomplet et fut donc descendu dans l'autre monde où il régna en tant que roi et juge des morts tandis que son fils, Horus, régnait sur terre. Osiris était donc associé à la mort et à l'au-delà, mais aussi à la régénération, à la renaissance et à la transformation. Osiris était un dieu populaire en Égypte depuis l'époque de l'Ancien Empire (c. 2613-2181 av. J.-C.) et, avec le temps, il fut associé à Apis.
Apis était l'une des divinités les plus importantes et les plus appréciées d'Égypte, vénérée depuis la première dynastie d'Égypte (c. 3150 - c. 2890 av. J.-C.) jusqu'à la fin de la période ptolémaïque, en 30 avant notre ère. Il était à l'origine un dieu de la fertilité qui devint ensuite le héraut du grand dieu Ptah, puis Ptah incarné. On pensait qu'Apis s'incarnait dans un taureau (le taureau d'Apis) qui était soigné et vénéré, comme toute incarnation du divin, pendant 25 ans, puis, s'il n'était pas malade ou n'avait pas subi d'accident grave, était sacrifié de manière cérémoniale. Pendant sa vie, il avait incarné Ptah et, à sa mort, il était lié à Osiris, et cette croyance conduisit au développement du culte d'Osirapis.
Ptolémée Ier reprit ce culte établi et y ajouta le dieu grec Zeus. Zeus était le roi des dieux de l'Olympe, souvent appelé Père, et considéré comme le dieu du tonnerre et de la justice cosmique. Zeus était reconnu comme la divinité qui avait établi l'ordre et le maintenait tant pour les humains que pour les immortels. Il était également le père de nombreuses divinités parmi les plus connues du panthéon grec ancien, telles qu'Apollon et Artémis, Hermès, Perséphone et les Neuf Muses, entre autres. Sérapis n'incarnait pas seulement ces trois dieux, mais s'inspirait d'autres associés au soleil, à l'au-delà, à l'énergie de la terre et à la guérison. Le spécialiste Richard H. Wilkinson commente:
Le dieu hybride Sérapis était un composé de plusieurs divinités égyptiennes et hellénistiques introduites au début de la période ptolémaïque, sous le règne de Ptolémée Ier. Le dieu répondait ainsi aux besoins d'une nouvelle ère dans laquelle les religions grecque et égyptienne étaient confrontées et la nouvelle divinité était créée pour former un pont entre les deux cultures. Du point de vue linguistique, le nom du dieu est une fusion d'Osiris et d'Apis, et un culte d'Osirapis existait en fait en Égypte avant le règne des Ptolémées, mais à ce noyau égyptien se sont ajoutées un certain nombre de divinités hellénistiques qui ont prédominé dans la forme finale du dieu. Zeus, Hélios, Dionysos, Hadès et Asclépios ont tous ajouté des aspects de leurs cultes respectifs, de sorte que Sérapis est apparu comme une divinité totalement égypto-hellénistique qui personnifiait les aspects de la majesté divine, du soleil, de la fertilité, du monde souterrain et de la vie après la mort, ainsi que de la guérison. La mythologie de Sérapis était donc celle de ses divinités sous-jacentes, mais les aspects de l'au-delà et de la fertilité étaient toujours primordiaux dans sa nature. La compagne de Sérapis était Isis, la plus grande déesse égyptienne de l'époque hellénistique. (127-128)
Isis n'était pas seulement considérée comme la plus grande déesse dans les dernières périodes de l'histoire égyptienne, mais l'avait été pendant des milliers d'années auparavant. L'association d'Isis avec Sérapis n'était qu'un développement du lien déjà établi avec son mari-frère Osiris mais, politiquement et culturellement, elle contribua à renforcer la position de Sérapis. Isis était si populaire qu'à l'époque du Nouvel Empire d'Égypte (c. 1570 - c. 1069 av. J.-C.), elle était la seule divinité vénérée par l'ensemble du peuple égyptien, les autres dieux étant considérés comme des aspects de la déesse unique.
Culte et iconographie
Des temples dédiés à Sérapis furent construits dans toute l'Égypte, tous apparemment basés sur son centre de culte central, le Serapeum d'Alexandrie. Le Serapeum d'Alexandrie s'inspirait du Serapeum de Memphis, d'où provenait peut-être la statue originale, et les autres temples construits étaient des versions plus petites de celui d'Alexandrie. La spécialiste Geraldine Pinch commente:
Les Ptolémées ont entrepris de vastes programmes de reconstruction de temples pour légitimer leur règne aux yeux des Égyptiens et de leurs dieux. La société égyptienne autochtone était plus que jamais centrée sur les temples, et les prêtres sont devenus les gardiens de la culture égyptienne. Travailler pour un temple était pratiquement la seule forme d'avancement disponible pour les Égyptiens talentueux... Pourtant, il ne s'agissait pas d'une période de décadence. L'art, la littérature et la théologie égyptiens ont continué à s'épanouir et à se développer. (37)
Les prêtres concentraient le type de dévotion précédemment manifesté à l'égard de nombreuses divinités - telles qu'Amon, Râ, Osiris, Isis, Hathor et Bastet - sur le seul Sérapis qui incarnait le même pouvoir, la même grâce et les mêmes responsabilités que ces autres divinités. La zone des temples connue sous le nom de mammisi (maison de naissance), autrefois associée à la déesse Hathor et au dieu Bès mais faisant désormais partie d'un Serapeum, en est un exemple. Elle était décorée d'images et de textes relatifs au dieu Horus qui, dans ce contexte, était un aspect de Sérapis.
Les gens venaient dans ces temples comme ils l'avaient toujours fait dans les maisons des dieux et offraient des sacrifices dans l'espoir d'obtenir des réponses à leurs prières ou en remerciement de celles qui avaient été entendues. Les prêtres transmettaient les sacrifices à la statue du dieu, comme l'avait toujours fait le clergé égyptien, et assuraient aux gens que leurs prières avaient été entendues. Contrairement aux divinités égyptiennes antérieures, souvent représentées avec des têtes d'animaux, Sérapis était entièrement anthropomorphe, comme le note Wilkinson:
Les éléments hellénistiques de Sérapis dominent l'iconographie et les attributs du dieu. Il était représenté sous la forme anthropomorphique d'un homme portant une robe de style grec, une coiffure grecque et une barbe fournie, et portant généralement un grand modius ou mesure de maïs sur la tête. Dans certaines représentations, Sérapis est également doté de cornes de bélier recourbées. Parfois, en raison des aspects chtoniques et de fertilité du dieu et de son épouse Isis, les deux divinités étaient représentées en tant que serpents - l'un, avec une barbe, représentant Sérapis. (128)
Le récipient sur la tête du dieu représentait l'abondance et la fertilité qui, combinées à ses associations avec l'au-delà, associaient Sérapis à la transformation dans la vie et après la mort. Depuis le Serapeum d'Alexandrie, les Ptolémées encouragèrent le culte de Sérapis dans toute l'Égypte, mais dans la pratique, il ne fut jamais aussi populaire que les dieux qui l'inspiraient. Le culte d'Isis, lié à celui d'Osiris, conserva sa place et les rituels associés à Apis restèrent inchangés jusqu'à la fin de la période ptolémaïque. Sérapis était beaucoup plus populaire en dehors de l'Égypte, son culte s'étant répandu depuis le centre de commerce de Naucratis jusqu'en Grèce et, plus tard, à Rome, dans le cadre du culte d'Isis.
Pouvoir politique du culte
Avant l'annexion de l'Égypte par Rome, Sérapis avait conservé des fidèles en Égypte sous le règne de Cléopâtre VII (51-30 av. J.-C.), dernier monarque de la dynastie ptolémaïque. Même s'il n'était pas le dieu le plus populaire en Égypte, il exerçait encore un pouvoir considérable, notamment en tant que force unificatrice parmi la population qui reconnaissait dans la divinité les attributs qu'elle vénérait dans le dieu de son choix. Son culte était encouragé par la dynastie qui l'avait créé et qui avait compris le pouvoir de la religion pour unifier le peuple de manière beaucoup plus profonde que n'importe quel programme politique. À cette fin, le gouvernement autorisa les prêtres de Sérapis à œuvrer pour renforcer son culte et gagner davantage d'adeptes. Le chercheur Alan B. Lloyd commente:
Les prêtres jouissaient d'un pouvoir politique considérable, notamment parce que les Ptolémées considéraient leur bonne volonté comme la clé de l'assentiment de la population égyptienne, et certains d'entre eux, comme Manéthon de Sebennytus, ont joué un rôle majeur dans la politique culturelle ptolémaïque. Les grands prêtres de Memphis étaient particulièrement importants de ce point de vue, à la fois parce qu'ils étaient les personnages les plus significatifs de la deuxième ville du royaume et parce qu'ils étaient les pontifes suprêmes de l'Égypte de l'époque, avec des contacts et une influence étendus à l'ensemble du pays. Les Ptolémées ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour s'assurer ce soutien. (Shaw, 407)
Après la mort de Cléopâtre VII et l'annexion de l'Égypte par Rome, le culte de Sérapis resta une force puissante et voyagea, par le biais du commerce et des mouvements militaires, jusqu'à Rome.
Conclusion
De Rome, le culte se répandit dans tout l'Empire romain, jusqu'au nord de la Grande-Bretagne, où l'on a retrouvé des traces du culte des dieux à Londres et à York, en Afrique du Nord, à Sabratha et dans les villes environnantes, ainsi qu'en Asie Mineure, notamment à Éphèse. Comme il était lié à la vie après la mort et à la transformation, Sérapis devint un dieu rédempteur et un sauveur qui accordait aux croyants la vie éternelle. La correspondance de l'époque d'Hadrien (117-138 de notre ère) semble confondre les références à Sérapis avec celles du nouveau messie Jésus-Christ.
Certains écrivains et historiens anciens semblent avoir confondu, dans une lettre de l'empereur Hadrien, une référence aux dévots de Sérapis qui s'appelaient eux-mêmes "évêques du Christ" avec les adeptes qui se désignaient en fait comme "évêques du Sauveur", Sérapis, car les chrétiens n'avaient rien à voir avec le culte de Sérapis. Il est également possible qu'Hadrien lui-même ait mal compris ou confondu le culte de Sérapis avec celui du Christ, les deux étant axés sur un rédempteur et le don de la vie éternelle après la mort.
Le culte était encore populaire à la fin du IVe siècle de notre ère lorsque l'empereur chrétien Théodose Ier commença à persécuter les cultes païens par le biais d'une série de décrets. En 381, il interdit certains types de divination, mais les temples païens furent toujours autorisés à fonctionner plus ou moins comme avant. Entre 389 et 391 de notre ère, Théodose Ier déploya toutefois des efforts plus concertés pour éradiquer le paganisme en adoptant les décrets de Théodose, qui rendirent de plus en plus indéfendable la pratique de rituels non chrétiens.
En 391, ces décrets encouragèrent les émeutes anti-païennes d'Alexandrie au cours desquelles les images de Sérapis sur les maisons et les bâtiments publics furent enlevées de force et remplacées par la croix chrétienne, malgré l'opposition des propriétaires ou des habitants. La même année, ou peut-être en 392, une foule chrétienne inspirée par le patriarche Théophile détruisit le Serapeum d'Alexandrie, mettant fin au culte de Sérapis; les temples survivants furent ensuite transformés en églises, et Sérapis fut oublié avec les autres dieux remplacés par le christianisme.