Les Hourrites (alias Hurrites ou Khurrites) étaient un peuple de l'âge du bronze qui prospéra au Proche-Orient du 4ème au 1er millénaire av. J.-C. L'hourrite est également le nom de la langue que ce peuple parlait. C'est en fait la seule caractéristique constante et identifiable de cette culture à travers le temps et la géographie. Les Hourrites constituaient le principal élément culturel du royaume de Mitanni à l'âge du bronze, et ils se mélangèrent à la culture des Hittites, voisins puis conquérants. À la fin de l'âge du bronze, les Hourrites furent assimilés aux cultures environnantes du Proche-Orient, mais nombre de leurs dieux et de leurs mythes perdurèrent dans des cultures ultérieures, notamment dans la civilisation urartéenne, et ils inspirèrent même des éléments de mythes trouvés dans la Grèce archaïque.
Difficultés de Définition
Les difficultés pour définir précisément qui étaient les Hourrites, et où et quand ils existaient, sont résumées dans l'entrée correspondante de l'Encyclopedia of Ancient History:
Le terme de Hurri était probablement à l'origine le nom porté par le groupe de population, et il fut ensuite appliqué au territoire qu'il habitait et à la langue qu'il parlait. Cependant, cette population et ce territoire n'étaient pas précisément délimités en termes généalogiques; seule la langue hourrite, que chacun pouvait acquérir, constituait un élément distinct et constant. (3345)
En outre, la langue elle-même présente aussi des difficultés d'interprétation. Le hourrite n'est apparenté qu'à une seule autre langue ancienne, l'urartéen, et leur lien avec toute langue vivante est incertain. Le hourrite était écrit en écriture cunéiforme, bien que certains textes survivants d'Ougarit utilisaient l'alphabet ougaritique.
L'Encyclopédie d'Histoire Ancienne donne la description concise suivante des caractéristiques de la langue hourrite:
Typologiquement, le hourrite est une langue agglutinante à grammaire ergative, contrairement aux langues indo-européennes et sémitiques, mais comme la langue sumérienne. Malgré leur absence de relation généalogique, le hourrite et d'autres langues anciennes du Proche-Orient partageaient des modèles onomastiques ainsi que de nombreux lexèmes. (3345)
À l’heure actuelle, les Hourrites et leur langue restent l'une des cultures les plus énigmatiques du monde antique, comme le résume succinctement l'historien Pr. Holger Gzella, "l'origine des Hourrites... est inconnue, tout comme beaucoup de leur culture et de leur société" (in Steiner, 26). On peut espérer que les fouilles en cours dans les villes hourrites comme à Urkesh, dans le nord-est de la Syrie, permettront d'obtenir davantage d'information et de clarification. Il est au moins possible de reconstituer une histoire limitée à partir de l’étude des cultures voisines et contemporaines des Hourrites.
Enfin, les Hourrites ont été pris dans la controverse de la 'question aryenne' - c'est-à-dire la proposition selon laquelle les Aryens d'Asie centrale auraient envahi le Proche-Orient et s’y seraient installés. Mais on dispose de peu de preuve pour affirmer la présence des Aryens au Mitanni (voir ci-dessous) ou au Proche-Orient en général, à part quelques termes linguistiques d'origine indo-aryenne (qui ont été, de toute façon, 'hourritisés'). L'argument selon lequel les chevaux et les chars auraient été introduits par des migrants aryens n'est pas non plus convaincant, car ceux-ci étaient déjà présents dans la région avant la migration supposée. Quelques rares dieux étrangers du panthéon hourrite portent des noms d'origine indienne, mais ils sont si peu nombreux qu'ils ne constituent qu'un faible argument en faveur d'une invasion culturelle; et ceci d'autant plus que, lorsqu'ils apparaissent, c'est dans des traités conclus aux derniers stades de l'Empire mitanni, alors qu'il était en déclin, et non comme on pourrait s'y attendre, lors de sa fondation.
Aperçu Historique
4ème-3ème millénaire av. J.-C.
Les locuteurs hourrites habitaient une zone centrale, c'est-à-dire le cours supérieur de l'Habur et du Tigre jusqu'aux monts Taurus et Zagros, en particulier autour du lac Van. Les preuves textuelles de l'existence des Hourrites remontent au milieu du 3ème millénaire av. J.-C. mais, sur la base des données archéologiques, il est probable que la culture remontait au moins jusqu'au milieu du 4ème millénaire av. J.-C. Généralement connus dans les sources anciennes sous le nom de Hurri, la culture et la langue pourraient également les désigner comme les Subartu ou Subaréens, tandis que dans les textes bibliques, ils sont les Horites (à proprement parler les descendants des Hourrites en Canaan).
L'un des sites hourrites les plus anciens et les plus importants était Urkesh, c'est là qu'ont été découvertes les premières inscriptions connues de cette langue. D'autres cités-états mésopotamiennes présentent des preuves du culte des dieux et des noms de personne hourrites, notamment Kharbe et Nagar. À partir du 4ème millénaire av. J-C., les Hourrites prospérèrent donc et s’étendirent à toute la Haute-Mésopotamie. Et là, la culture présente une autre difficulté de définition et d'identification, comme l'explique l'historien Pr. W. J. Hamblin :
Il est probable que la conquête de cette région par les Hourrites ait été un phénomène complexe comprenant des migrations pacifiques, l'infiltration de bandes de mercenaires à la solde des cités-états locales, suivie de la montée en puissance de chefs de guerre mercenaires... pour aboutir finalement à une migration à grande échelle de tribus de bergers hourrites des montagnes vers les vallées fluviales plus fertiles. (304)
En outre, les Hourrites semblent souvent avoir adopté la culture des cités-états qu'ils conquirent, ce qui les rend moins visibles que jamais dans les archives historiques. Par exemple, "nous n'avons aucune preuve d'un système militaire hourrite distinctif" (ibid). Il semble que s'il fut un peuple qui était à la fois partout et nulle part, c'était bien les Hourrites.
Leur expansion fut parfois stoppée par d'autres puissances régionales, notamment l'Assyrie. Sous les règnes de Sargon le Grand (r. de 2334 à 2279 av. J.-C.) et de Naram-Sin (r. de 2261 à 2224 av. J.-C.) en particulier, les souverains d'Akkad menèrent avec succès une guerre d'expansion dans le nord de la Mésopotamie, qui les amena probablement à vaincre plusieurs cités-états hourrites, dont Nagar, qui devint une capitale régionale akkadienne.
2190-1900 av. J.-C.
Lorsque le royaume d'Akkad tomba vers 2190 av. J.-C., les Hourrites (et d'autres) exploitèrent le vide de pouvoir qui en résulta en Mésopotamie. Il n'y eut pas d'empire hourrite à proprement parler, mais certaines des cités-états indépendantes dirigées par des rois hourrites purent se regrouper en une confédération lâche. D'autres encore étaient en conflit les unes avec les autres. Urkesh et Nagar restèrent d'importants centres hourrites au cours de cette période, qui n'est connue que par des fragments d'inscriptions épars. Au cours du dernier siècle du 3ème millénaire av. J.-C., les villes hourrites furent attaquées et conquises par Sumer, notamment sous le règne des rois Utu-hegal d'Uruk (r. de 2117 à 2111 av. J.-C.) et Shulgi d'Ur (r. de 2029 à 1982 av. J.-C.). Malgré cette nouvelle menace, le pays des Hourrites et leur capitale Urkesh restèrent intacts. En effet, sous le roi Tish-atal (r. vers 2010 av. J.-C.), Ninive était sous contrôle hourrite, et peut-être même aussi Harhar, dans l'ouest de l'Iran.
1900-1200 av. J.-C.
Au deuxième quart du 2ème millénaire av. J.-C., les Hourrites migrèrent vers le nord de la Syrie et l'est de l'Anatolie, se déplaçant vers l'ouest et le sud. Une fois encore, la conquête militaire se mêla à la migration pacifique de marchands, agriculteurs, artisans et nomades hourrites. Le Hanigalbat, région de la haute Mésopotamie, devint le cœur du royaume du Mitanni (vers 1500-1240 av. J.-C.), dont la culture était essentiellement hourrite.
Du 16ème au 15ème siècle av. J.-C., il y eut un antagonisme croissant entre l'Empire hittite (vers 1700-1200 av. J.-C.) et le Mitanni. C’était la continuation des hostilités qui régnaient déjà au 17ème siècle av. J.-C entre Hittites et Hourrites - la Syrie étant un sujet de dispute particulier. Cependant, de plus en plus de Hourrites passant sous la domination hittite, une conséquence de l'expansion hittite fut qu’il y eut une nouvelle propagation d’éléments culturels hourrites vers l'ouest. Il s’agit en particulier de divinités, qui furent empruntées et prêtées entre les deux cultures et d'autres encore dans la région. Par exemple, le dieu hourrite de la tempête, Teshub, fut identifié au dieu anatolien de la même fonction, Tarhunza. Une fois de plus, la culture hourrite devenait assimilée par les amis et les ennemis de la région.
Après la conquête et la division du Mitanni par l'Assyrie et le Hatti au milieu du 13ème siècle av. J.-C., la langue et la culture hourrites restèrent sous le contrôle politique des Hittites et des Assyriens. Au 1er millénaire av. J.-C., les Hourrites avaient été absorbés par les autres cultures de la région mais, comme précédemment, des éléments de leur culture se mélangèrent à celle de leurs successeurs. Par exemple, le dieu Teshub devint Teisheba dans la religion de la civilisation Urartu qui se répandit dans l'ancienne Turquie orientale, l'Arménie et l'Iran occidental du 9ème au 6ème siècle av. J.-C. De même, des éléments de la mythologie et de la littérature hourrite devaient être traduits et préservés par des scribes hittites qui finiraient par traverser la mer Égée et inspirer des éléments de la mythologie de la Grèce archaïque.
This article was made possible with generous support from the National Association for Armenian Studies and Research and the Knights of Vartan Fund for Armenian Studies.