Le mythe d'Adonis, un récit vieux comme le monde, est une histoire d'amour légendaire qui associe la tragédie et la mort d'une part, et la joie du retour à la vie d'autre part. L'histoire du très bel Adonis et de son amante, la déesse Aphrodite, remonte à l'origine aux anciennes civilisations du Proche-Orient.
Elle était populaire chez les Cananéens, et très connue des peuples de Mésopotamie et d'Égypte, bien qu'elle soit désignée par des noms différents dans chaque civilisation.
Il s'agit de la légende du dieu de la beauté qui fait face à la mort dans sa jeunesse, mais qui revient à la vie pour l'amour de sa bien-aimée Aphrodite. Le mythe fut une source de grande inspiration pour de nombreux poètes, artistes et historiens, ce qui conduisit à son utilisation généralisée comme thème majeur dans les productions littéraires et intellectuelles.
De l'Adon cananéen à l'Adonis grec
Le dieu Adon était considéré comme l'un des plus importants dieux cananéens : il était le dieu de la beauté, de la fertilité et du renouvellement permanent. Le nom lui-même, "Adon", signifie "Le Seigneur" en cananéen. Dans la mythologie grecque et dans le monde hellénique en général, on l'appelait Adonis, et il était connu sous ce nom parmi ces nations. D'autres adaptations d'Adon dans diverses civilisations incluent le dieu cananéen Baal (adoré à Ugarit) et Tammuz ou Dumuzi (signifiant juillet) nom que lui donnaient les Babyloniens. En Égypte, il était Osiris, le dieu de la résurrection.
Outre le dieu Adonis, le mythe implique sa maîtresse éternelle Astarté, la déesse de l'amour et de la beauté. Elle était connue sous le nom d'Aphrodite dans les mythes grecs, et de Vénus pour les Romains. Leurs histoires étaient si étroitement liées que le mythe d'Adonis serait incomplet sans mentionner Astarté et la légendaire histoire d'amour qui les réunit.
Le rôle que Chypre joua dans le transfert du mythe d'Adonis et d'Astarté des régions cananéennes aux Grecs - et de ces derniers aux Romains - est très important. Cependant, peut-être en raison du manque de sources mésopotamiennes et cananéennes écrites sur cette légende (et souvent de l'ambiguïté de ces sources), les écrits grecs tardifs sont les principales références pour ce conte d'amour éternel. C'est pourquoi le mythe est plus connu sous le nom d'Adonis et Aphrodite, plutôt que sous celui d'Adon et Astarté.
Adonis dans la mythologie grecque
Sur la base des différentes sources grecques (comme Bion de Smyrne) et des autres références romaines (comme les Métamorphoses d'Ovide), un consensus général sur l'histoire d'Adonis et Aphrodite est le suivant :
Un grand roi appelé Cinyras (dans certaines sources connu sous le nom de Theias, le roi d'Assyrie) avait une fille nommée Myrrha, qui était très belle. Le roi avait l'habitude de se vanter que sa fille était plus belle qu'Aphrodite, la déesse de l'amour et de la beauté. Quand Aphrodite entendit cela, elle se mit en colère et décida de se venger. Elle utilisa son fils Éros, le dieu du désir et de l'attraction, pour que Myrrha tombe amoureuse de son père, et trompa également le père jusqu'à ce qu'il ne commette l'inceste. Lorsque Cinyras découvrit la supercherie, il jura de tuer Myrrha, qui s'échappa à son tour de chez son père après avoir réalisé qu'elle était enceinte. Myrrha, honteuse et regrettant son acte odieux, supplia les dieux de la protéger. Ils répondirent à ses prières en la transformant en arbre à myrrhe.
Neuf mois plus tard, l'arbre à myrrhe se scinda en deux, et Adonis vit le jour ; il avait hérité de la beauté de sa mère. Quand Aphrodite vit le garçon, elle fut si émerveillée par sa beauté qu'elle décida de le cacher aux autres déesses et le confia à Perséphone, déesse des enfers. Perséphone commença à s'occuper du garçon, et lorsqu'il grandit et devint de plus en plus séduisant, elle tomba amoureuse de lui.
Un conflit s'éleva alors entre Aphrodite et Perséphone qui refusa de rendre Adonis à Aphrodite. Zeus, le roi des dieux, intervint et décréta qu'Adonis devait passer quatre mois par an avec Perséphone dans l'Hadès, les Enfers, puis quatre mois avec Aphrodite, et les quatre mois restants comme il le souhaitait. Comme Adonis était sous le charme d'Aphrodite, il lui consacra également ses quatre mois libres.
Adonis était réputé pour ses talents de chasseur, et lors d'une de ses parties de chasse dans la forêt d'Afqa (près de Byblos), Adonis fut attaqué par un sanglier et se mit à saigner dans les mains d'Aphrodite qui versa son nectar magique sur ses blessures. Bien qu'Adonis mourût, le sang se mélangea au nectar et coula sur le sol où une fleur poussa, fleur dont l'odeur était la même que celle du nectar d'Aphrodite et de la couleur du sang d'Adonis - la fleur d'anémone. Le sang atteignit la rivière et colora l'eau en rouge, et la rivière devint connue sous le nom de "rivière Adonis" (actuellement connue sous le nom de Nahr Ibrahim ou rivière Abraham), qui se trouve dans le village libanais d'Afqa.
Le culte d'Adonis
Byblos était l'un des principaux endroits du monde antique où l'on observait les rituels d'Adonis, et la pratique de ces cérémonies et de ces rites se perpétua jusque dans les premiers siècles du christianisme. Les écrits de Lucien de Samosate, au deuxième siècle de notre ère, jouèrent un rôle majeur dans la mise en lumière des rituels qui étaient largement pratiqués par les habitants de Byblos. Son livre De Dea Syria ( De la déesse syrienne) relate sa visite au village d'Afqa, où il explique ce qu'il observa.
Selon Lucien, les habitants de Byblos croyaient que l'accident d'Adonis avec le sanglier s'était produit dans leur pays. Pour commémorer cet événement, ils se châtiaient chaque année, portaient le deuil et célébraient des rituels religieux et des orgies tandis qu'un grand deuil régnait sur tout le pays. Lorsque leurs coups et leurs lamentations cessaient, ils célébraient les funérailles d'Adonis, comme s'il était mort depuis peu, puis annonçaient le lendemain qu'il était revenu à la vie et avait été envoyé au ciel.
Une autre des merveilles de la région de Byblos est le fleuve qui part du Mont Liban et se jette dans la mer. On dit que le fleuve Adonis perd sa couleur chaque année et prend une teinte rouge sang, se déverse dans la mer et teint en rouge une grande partie de la plage - un signe pour les habitants de Byblos de commencer leur période de deuil. On pense qu'à cette époque de l'année, Adonis fut blessé au Liban et que son sang coula dans le lit de la rivière. L'une des raisons invoquées par Lucien - qui lui fut rapportée par l'un des sages de Byblos - pour expliquer pourquoi le fleuve devient rouge à cette époque de l'année est le vent fort qui souffle la terre dans le fleuve. La terre du Liban (et de cette région en particulier) est connue pour sa couleur rouge, qui, lorsqu'elle est mélangée à l'eau du fleuve, la rend violette.
Le mythe immortel
La popularité de l'histoire d'Adonis et de sa maîtresse Aphrodite entraîna la reprise de ses rituels dans de nombreuses autres villes phéniciennes. Elle se répandit également dans les mondes grec, hellénistique et romain, mais avec des différences mineures d'adaptation, en fonction des caractéristiques et des particularités de chaque civilisation. L'essence de la légende reste cependant intacte dans toutes les adaptations : un dieu de la beauté et de la jeunesse et sa relation avec la déesse de l'amour, ainsi que la mort et le retour à la vie du jeune dieu, métaphore de la renaissance annuelle de la nature.
Le mythe d'Adonis est étroitement lié au concept de végétation et aux civilisations agricoles, telles que la Mésopotamie ou les régions cananéennes (puisque l'histoire est originaire du Proche-Orient). L'hiver était une saison de morosité et de tristesse pour les habitants de ces régions, tandis que le printemps et l'été leur apportaient la joie d'une nouvelle vie. On pense généralement que ce mythe est l'expression de la pensée, des réflexions et des perceptions psychologiques de son peuple.
Des vestiges du culte d'Adonis sont encore présents de nos jours dans certaines nations du Levant, de la Mésopotamie et même de la Perse/Iran, où il se manifeste dans le cadre des célébrations folkloriques du printemps, comme la fête du Norouz (alias Nowruz).