La période Kofun (env. 250 – 538 ap. J.-C.) suit la période Yayoi, pendant laquelle les techniques d’agriculture et de métallurgie du continent asiatique furent introduites au Japon. Les kofun, ces tumuli emblématiques, ont donné leur nom à cette période longue de huit siècles qui fut marquée par l’émergence de la religion shintō, basée sur les croyances des ères précédentes, ainsi que par l’ascension au pouvoir du clan Yamato, la future famille impériale.
Tertres funéraires
La période Kofun se caractérise par les tertres funéraires éponymes qui étaient érigés pour les membres de l’élite dans des tailles et des formes très variées, allant des tertres circulaires ou quadrangulaires de quelques mètres de long à ceux en forme de trou de serrure mesurant plusieurs centaines de mètres. Les premières sépultures étaient simples et renfermaient seulement le cercueil, enterré dans la partie supérieure du tertre ou déposé dans une chambre funéraire en pierres; tandis que, plus tard au cours de cette même période, les tombes contenaient également des dépôts funéraires, comme des armes, des bijoux ou des effets personnels, en fonction du statut du défunt. Les personnes les plus puissantes se faisaient inhumer avec des milliers d’artefacts placés dans des tertres distincts et construits spécialement dans ce but. Une partie des kofun les plus anciens était érigée à la faveur de collines naturelles, mais, à partir des premières années du Ve siècle, on édifia de plus en plus souvent les tertres, enceints d’un fossé, sur un terrain plat. À la fin de la période Kofun, les tumuli se firent plus petits et étaient plus fréquemment utilisés par des personnes de rang inférieur, au point que l’on voit apparaître des regroupements de tertres de quinze mètres formant des nécropoles. Les tout premiers kofun se trouvent au centre de l’île de Honshū, près des préfectures actuelles de Kyōto, Nara et Ōsaka. Ces nécropoles datent du début du IVe siècle ap. J.-C., mais elles se diffusèrent plus tard jusqu’à Kyūshū au sud, ainsi que dans les régions orientales et septentrionales de Honshū au cours de la seconde moitié du IVe siècle. Les tertres funéraires possèdent des attributs différents selon le statut du défunt et la région où ils se trouvent.
Céramique
L’une des innovations les plus impressionnantes de la poterie de la période Kofun est la création des figures funéraires ornementées haniwa, qui représentaient des chevaux, des guerriers en armure complète, des nobles élégamment vêtus, des paysans et des danseurs. Elles étaient déposées comme offrandes à l’intérieur des tumuli et des tombes en général.
Les objets en terre cuite destinés à un usage quotidien appartenaient au style sueki, qui représentait un grand progrès par rapport aux styles des précédentes époques Yayoi et Jōmon. En effet, ces poteries étaient fabriquées avec une argile bleu-vert, façonnées sur un tour de potier et cuites dans un four entre 1000 et 1200 degrés Celsius – c’est-à-dire à des températures utilisées en poterie moderne.
Technique
Bien que les techniques employées à cette époque aient été, pour la plupart, identiques à celles de la période précédente, c’est à partir de ce moment-là qu’elles commencèrent à devenir plus élaborées. Les rizières s’installèrent de plus en plus haut en altitude, les systèmes d’irrigation se firent plus sophistiqués et le travail du fer commença à se généraliser et à se complexifier. L’étain nécessaire à la production du bronze, déjà difficile à obtenir auparavant, s’était considérablement raréfié à cette période. C’est pourquoi le fer, que l’on trouvait en abondance, finit par se substituer au bronze pour la fabrication des outils et des armes. Plus tard, il deviendrait l’acier, ce métal bien plus résistant que l’on utilise encore aujourd’hui.
Shintō
Bien que le shintō ait émergé à cette période, ses racines plongent dans les ères précédentes, comme à l’époque Yayoi où l’on commença à vénérer les divinités. «Shintō» se traduit par «la voie des dieux» et le shintoïsme se concentre sur la pratique assidue de rites destinés à préserver un certain mode de vie ainsi qu’à entretenir un lien avec les dieux, appelés kami en japonais. Les kami sont des divinités ou des esprits qui incarnent soit des puissances naturelles, telles que l’océan, le soleil, le vent, la tempête, la lune, soit des concepts, comme la guerre ou les Enfers. Même si la plupart d’entre eux sont généralement associés à des éléments naturels, certains peuvent être des personnes, vivantes ou non, voire même des objets. Les personnes devaient toutefois posséder les qualités nécessaires, ainsi qu’il en allait des empereurs, des guerriers et d’autres personnages notables. À l’origine, rendre un culte aux divinités ne nécessitait aucun édifice spécial – temple ou sanctuaire –, et toute personne désirant adresser des prières ou rendre hommage à un kami le faisait soit en extérieur soit près d’un lieu sacré, tel qu’une forêt. C’est plus tardivement que les chefs de clan et les prêtres se mirent à rendre un culte aux kami dans des temples ou des sanctuaires dédiés. L’entrée des sanctuaires shintoïstes est généralement marquée par une porte «torii». Dans la croyance shintoïste, les kami ne vivent pas dans le sanctuaire, le temple ou le lieu sacré qui leur est dédié: ils ne font, au contraire, que visiter ces endroits en occupant une statue ou une idole qui les représente.
Ascension des Yamato
Avant la domination des Yamato, les clans se disputaient sans cesse le pouvoir. Ils pouvaient aussi bien s’opposer en rivaux que former des alliances, en employant diverses tactiques pour essayer d’atteindre leurs objectifs. Néanmoins, les forces politiques des différents clans ou regroupements de clans ne parvinrent jamais à s’équilibrer. Au cours du Ve siècle, une famille de clans allait cependant imposer sa domination sur les îles japonaises de Honshū et Kyūshū. À l’origine, le pouvoir de ce clan était concentré dans les préfectures actuelles de Kyōto, Nara et Ōsaka. Chaque clan était dirigé par l’un des aînés, qui accomplissait les cérémonies pour honorer et apaiser les kami, veillait à la prospérité du clan et garantissait la pérennité de sa domination. À la fin de la période Kofun, les membres de ces clans, qui appartenaient à l’aristocratie, finiraient par imposer leur suprématie et fonder la famille impériale.
Les Yamato devinrent une puissance militaire efficiente grâce à leurs alliances avec d’autres clans, tribus et confédérations, mais aussi grâce à l'utilisation du fer qu'ils généralisèrent, ainsi qu’à leur efficacité à mobiliser les membres du clan. Bien qu’ils fussent réputés pour posséder la supériorité militaire à cette période, les Yamato faisaient leur possible pour éviter la guerre et s’efforçaient plutôt de créer des alliances avec d’autres clans en leur offrant un rôle au sein du système politique. Quand cette stratégie échouait, ils se tournaient alors vers les menaces et forçaient les autres clans à se rallier. Les principaux clans qui soutenaient les Yamato, tels que les Soga, les Mononobe, les Nakatomi, les Kasuga, les Ki, les Ōtomo et les Haji, s’appelaient les «uji» et ils obtenaient leur rang ou leur titre en fonction de leur degré de parenté ou de leur niveau de service. Sous les uji se trouvaient les be, des groupes professionnels composés, entre autres, de papetiers, de scribes ou de forgerons. Au sein des uji comme des be se trouvaient des immigrés chinois et coréens doués dans des professions recherchées, telles que la métallurgie ou la papeterie. Au bas de la pyramide sociale, se trouvait le groupe des esclaves, constitué de prisonniers de guerre ou de membres nés dans ce groupe.
Les relations avec la Chine et la Corée
On pense que les clans japonais Yamato auraient instauré des relations diplomatiques avec le royaume coréen de Paikche en 366 et qu’ils possédaient un avant-poste dans le sud, jusqu’à ce que le royaume de Silla ne les en chasse en 562. D’après des sources chinoises, cinq rois japonais auraient envoyé neuf ambassadeurs en Chine, entre 413 et 478 ap. J.-C., pour porter des tributs dans le but d’obtenir du soutien dans la péninsule coréenne. Pendant que la Chine recevait des tributs du Japon via la Corée, le Japon, quant à lui, accueillait des immigrés venus de Chine et de Corée. Ceux-ci apportèrent leurs savoir-faire et leurs connaissances aux Japonais, qui les conservèrent précieusement dans l’objectif de favoriser le progrès de leur civilisation.
Transition vers la période Asuka
À la fin de la période Kofun, la cour de Yamato avait gagné en puissance et était devenue la maison impériale du Japon. Les contacts avec la Chine et la Corée s’étaient intensifiés et le shintoïsme était né. La transition vers la période suivante, l’époque Asuka (538-710), fut marquée par l’introduction du bouddhisme, l’adoption des caractères chinois comme système d’écriture – puisque les Japonais ne possédaient pas de système d’écriture propre –, ainsi que de bien d’autres aspects de la culture chinoise, que les Japonais percevaient comme un modèle de civilisation et de modernité.