Véies (nom moderne: Isola Farnese, en étrusque: Vei) était une importante ville étrusque située près de la côte ouest de l'Italie centrale. Située à seulement 16 km au nord de Rome, elle était la plus méridionale des principales colonies étrusques. La prospérité de Véies aux VIe et Ve siècles avant notre ère est attestée par la construction d'un grand temple étrusque, le Sanctuaire de Portonaccio, décoré de grandes sculptures en terre cuite, dont l'une, un Apollon marchant d'un pas assuré, est considérée comme un chef-d'œuvre de l'art étrusque. Véies était une rivale de longue date de la ville voisine de Rome et subit un siège légendaire de 10 ans à partir de 406 avant notre ère. Lorsqu'elle finit par tomber, la ville fut détruite, mais pas anéantie, et elle connut une seconde vie, plus modeste, en tant que petite ville romaine pendant une bonne partie de l'Antiquité tardive.
Colonisation précoce
Les traces d'habitation sur le site remontent à l'âge du bronze et indiquent que Véies était un important établissement de la culture de Villanova (1000-750 av. J.-C.), précurseur de la culture étrusque. Les preuves archéologiques montrent que ces personnes vivaient dans des huttes circulaires en bois construites sur une tranchée peu profonde et avec des toits de chaume. Il n'existait pas encore de centres de production spécialisés, mais chaque ménage devait produire ses propres textiles à partir de la laine, comme l'attestent les fréquentes découvertes d'objets tels que des bobines et des poids de métier à tisser. Les grands cimetières de cette période présentent des fosses creusées dans la roche, dans lesquelles étaient déposées une urne funéraire et d'autres offrandes votives. Certaines tombes plus récentes comportent des tranchées ou des bancs où le corps était déposé. Les tombes étaient riches en poteries, y compris les céramiques géométriques produites localement et un grand nombre de récipients grecs, provenant peut-être de la Grèce à proprement parler ou des colonies de la Grande-Grèce.
Une ville étrusque prospère
Un grand nombre de vases grecs témoignent des contacts de Véies avec le reste du monde et de son rôle, comme celui d'autres centres étrusques, en tant qu'importante ville de commerce. Les vases grecs les plus anciens proviennent du cimetière de Fontalini et datent du 8e siècle avant notre ère. Ils montrent que les premiers contacts eurent lieu avec les Eubéens de Grèce. On trouve également des exemples de poterie phénicienne. Véies possédait ses propres ateliers qui produisaient des sculptures, des objets en bronze (par exemple des mors de chevaux, des braseros, des armes et des éventails rectangulaires) et des poteries telles que les poteries étrusques bucchero à la finition noire et brillante. Les artistes locaux acquirent une certaine renommée, notamment un certain Vulca, qui fut chargé de réaliser des sculptures pour le temple de Jupiter à Rome.
Les tombes des VIIe et VIe siècles avant notre ère sont constituées de marches qui descendent vers une zone ouverte entourée de niches. Cette conception, connue sous le nom d'area scoperta, est unique à Véies. Les objets trouvés dans les tombes de cette période sont plus modestes que ceux des sites étrusques côtiers contemporains, ce qui indique peut-être que ces derniers étaient plus prospères grâce à leurs meilleures relations commerciales. Véies possède cependant certaines des plus anciennes peintures murales étrusques, notamment la Tomba delle Anatre, nommée ainsi en raison des cinq canards peints sur l'un des murs. La tombe date d'entre 680 et 660 avant notre ère et est peinte, comme d'autres tombes étrusques, pour ressembler à l'intérieur d'une tente, une pratique funéraire ancienne de cette culture.
À la fin du VIe siècle avant notre ère, Véies commença à s'imposer en tant que ville régionale importante, comme en témoignent l'augmentation de sa taille, l'agrandissement des bâtiments décorés de terre cuite et une plus grande attention portée à l'urbanisme. Deux temples remarquables étaient dédiés à Vei/Ceres et à Juno Regina, la déesse patronne de Véies. Une large avenue centrale dominait le tracé régulier des rues secondaires. L'approvisionnement en eau était régulé par des canaux et des tunnels (cuniculi), dont le plus grand est le Ponte Sodo, long de 70 mètres. La prospérité de la ville provenait de la production de sel dans les marais situés à l'embouchure du Tibre, de l'agriculture et du contrôle de la navigation remontant le fleuve vers l'intérieur de l'Étrurie.
Véies était membre de la Ligue étrusque, une confédération souple de 12 (ou peut-être 15) villes étrusques. Elles comprenaient Cerveteri (Cisra ou Caere), Chiusi, Populonia, Tarquinia (Tarchuna), Vulci (Velch) et Volterra. On sait très peu de choses sur cette ligue, si ce n'est que ses membres avaient des liens religieux communs et que les dirigeants se réunissaient chaque année au sanctuaire Fanum Voltumnae, près d'Orvieto (lieu exact encore inconnu).
Le Sanctuaire de Portonaccio
Juste à l'extérieur de la ville se trouvait le sanctuaire de Portonaccio avec son grand temple, ses bâtiments subsidiaires du trésor, son autel isolé, son drain tubulaire en pierre pour verser les libations et sa piscine sacrée rectangulaire tapissée d'argile. Tous ces éléments datent d'environ 510 avant notre ère. Peut-être dédié à Menrva (la version étrusque d'Athéna/Minerve), le temple était de conception étrusque avec une entrée latérale typique et des marches à l'avant. Il avait été construit sur une base presque carrée de blocs de tuf volcanique mesurant 18,5 m de côté. La façade comportait des colonnes qui créaient une véranda devant le temple. Les extrémités du toit portaient des antéfixes en terre cuite représentant des gorgones, des ménades et des dieux fluviaux, tandis que de grandes statues en terre cuite se dressaient sur des tuiles le long de la crête centrale du toit. Parmi elles, Léto portant son jeune fils Apollon, Hermès et Hercule luttant contre la biche de Cérynie.
L'une des statues du toit du temple, une belle figure debout grandeur nature d'Apollon portant une robe fluide et s'avançant d'un pas décidé, se trouve aujourd'hui au Musée national étrusque de la Villa Giulia à Rome. L'intérieur du temple était décoré de panneaux en relief en terre cuite peinte représentant des scènes de la mythologie. Les offrandes votives inscrites sur le site indiquent que le sanctuaire était visité par des pèlerins de toute l'Italie centrale qui cherchaient à y consulter l'oracle.
Déclin et conquête romaine
Véies connut une période de déclin à partir du milieu du Ve siècle avant notre ère, lorsque le contrôle des routes commerciales locales lucratives tomba entre les mains de Syracuse, la puissance montante de la Sicile. Le pire était à venir, cependant, lorsque les voisins méridionaux des Étrusques commencèrent à manifester une plus grande ambition territoriale: les Romains arrivaient, et Véies devait être leur première victime. C'est aussi à cette époque que la ville construisit des murs de fortification ponctués de plusieurs portes, dont les routes reliaient Véies à d'autres villes étrusques.
Les Romains allaient exploiter le manque d'unité politique et militaire entre les membres de la Ligue étrusque et finir par s'emparer de toutes les villes étrusques. Véies, particulièrement proche, fut la première à subir le poids de la puissance romaine, alors que la Ville éternelle s'engageait sur la voie de la conquête de la Méditerranée. Pas moins de 14 guerres sont répertoriées entre les deux villes, et les relations se détériorèrent davantage encore vers 437 avant notre ère lorsque Lars Tolumnius, le roi de Véies, assassina quatre ambassadeurs romains. Véies demanda l'aide de la Ligue, mais peut-être parce que la ville était encore une monarchie alors que la plupart des autres villes étrusques étaient désormais dirigées par une aristocratie, les membres les plus puissants refusèrent d'envoyer de l'aide pour combattre les Romains. Lors de la deuxième guerre de Véies qui s'ensuivit (437-435 av. J.-C.), Lars fut tué en combat singulier par le consul Aulus Cornelius Cossus.
Enfin, en 406 avant notre ère, Véies fut assiégée (un incroyable siège de 10 ans), puis mise à sac lorsque les Romains creusèrent un tunnel dans la ville, et elle fut incorporée aux terres romaines en 396 avant notre ère. La statue de Juno Regina fut enlevée de son temple par le général M. Furius Camillus et installée dans une nouvelle demeure à Rome. Les Romains doublèrent immédiatement leur territoire et les Étrusques regretteraient le jour où ils ne s'étaient pas unis pour faire face à cet ennemi commun et impitoyable. Entre-temps, les habitants de Véies qui avaient échappé au terrible sort de l'esclavage furent autorisés à former une petite ville qui devint finalement un modeste municipium romain en l'an 2 avant notre ère, sous le nom de municipium Augustum Veiens. Bien qu'elle n'ait jamais retrouvé sa gloire d'antan, Véies continua à fonctionner comme une ville de résidents romains raisonnablement aisés jusqu'au troisième siècle de notre ère et au-delà.