Le trésor de l'Oxus est une collection de 180 objets en métal précieux datant de l'Empire achéménide (c. 550-330 av. J.-C.), découverts sur la rive nord du fleuve Oxus, près de la ville de Takht-i Sangin, au Tadjikistan, entre 1876 et 1880 (généralement daté de 1877). La majeure partie de la collection est actuellement conservée au British Museum, à Londres.
Le trésor aurait appartenu à un temple - très probablement un temple voisin - qui aurait été pillé et le magot aurait été enterré pour être récupéré plus tard. A contrario, il est possible que le trésor ait été enlevé à un temple et caché pour éviter un tel pillage. La provenance originale de la collection est inconnue, tout comme l'endroit exact où elle a été trouvée, qui l'a trouvée et ce qu'elle contenait à l'origine.
Le lien du trésor avec un temple est suggéré par les 51 plaques votives recouvertes d'or qui font partie de la collection et par certaines figurines/statuettes qui suggèrent des figures de dévotion placées dans des lieux saints. Il est possible - mais loin d'être prouvé - que le trésor ait été pillé dans un temple par le roi séleucide Antiochos III (Antiochos le Grand, r. de 233 à 187 av. J.-C.) après sa défaite contre Rome à la bataille de Magnésie en 190 av. J.-C..
À la suite de cet événement et du traité d'Apamée de 188 avant notre ère, Rome imposa aux Séleucides une lourde indemnité de guerre qu'Antiochos III eut du mal à payer, ce qui l'amena à piller les temples de leurs trésors. Antiochos III fut d'ailleurs tué en 187 avant notre ère alors qu'il se livrait à ce genre d'activité. Le trésor de l'Oxus pourrait avoir fait partie du butin pris à cette époque et enterré près du fort de Takht-i Kuwad sur l'Oxus, à proximité de la ville de Takht-i Sangin - qui était une gare maritime reconnue et aurait été facilement mémorisée par celui qui aurait enterré le magot - mais il ne s'agit là que d'une hypothèse.
Bien que certains chercheurs aient contesté la découverte en la qualifiant de fausse - notamment le chercheur américain Oscar Muscarella en 2003 - le consensus général est que le trésor est authentique, qu'il date de la période achéménide et qu'il est représentatif de l'un des plus beaux arts de la métallurgie de cette époque.
Le trésor et l'association achéménide
Le trésor de l'Oxus comprend, entre autres, les éléments suivants:
- 2 maquettes de chars en or avec chevaux et figurines
- 1 fourreau pour une épée courte (l'akinakès) orné d'une scène de chasse au lion
- Figurines/statuettes d'êtres humains - de nature dévotionnelle
- Figurines/statuettes d'êtres humains - non dévotionnelles
- Figurines d'animaux
- Récipients à boire en or et en argent avec attaches (poignées)
- Autres récipients en or et en argent
- Appliques pour vêtements (ornements/attaches pour vêtements)
- Torques (colliers ornementaux)
- Bagues et sceaux
- 2 bracelets en or avec des extrémités de griffon, autrefois incrustés de pierres précieuses
- 51 feuilles de plaques votives en or finement pressées
- Pièces d'or et d'argent assorties
- 1 récipient à pommade/parfum en or en forme de poisson
D'autres objets sont mentionnés dans les rapports de la première découverte qui commencèrent à circuler dans la correspondance en 1879. Une figurine de tigre en or, par exemple, est mentionnée dans ces premiers rapports, mais cet objet n'a jamais été catalogué et semble avoir disparu très tôt. D'autres objets mentionnés initialement furent peut-être subtilisés par des voleurs ou fondus par celui qui avait trouvé le lot à l'origine, et l'on sait que certaines pièces de monnaie et d'autres artefacts furent achetés par des soldats britanniques postés dans la région.
Le trésor est lié à la période achéménide car de nombreux objets similaires sont représentés dans l'art achéménide, en particulier dans les bas-reliefs de Persépolis, et des découvertes similaires ont été faites lors de fouilles à Suse et ailleurs. Le fourreau, par exemple, est en tout point semblable à celui représenté sur les bas-reliefs de Persépolis. On ne sait pas qui aurait fabriqué ces objets, ni où, mais on pense qu'ils appartenaient à la royauté achéménide qui les portaient. Françoise Tallon écrit à propos des découvertes de la tombe de Suse et du trésor de l'Oxus:
La charte du palais de Darius indique que les orfèvres égyptiens et mèdes, considérés à l'époque comme les artisans les plus qualifiés, avaient travaillé à la décoration du palais. Cependant, il existait certainement de nombreux centres de production d'objets précieux. Sur les reliefs de l'apadana de Persépolis, on voit plusieurs délégations apporter des bracelets (les Mèdes, les Scythes, et peut-être les Sogdiens) ou des vases d'argent et d'or (les Lydiens et les Arméniens). En revanche, les textes de Persépolis mentionnent des orfèvres cariens. Il est donc difficile d'attribuer la fabrication de ces bijoux à une région précise car leur style et leurs motifs iconographiques sont communs à tout l'empire et ils sont réalisés selon des techniques maîtrisées depuis longtemps dans tout le Proche-Orient. (Harper, 242)
Après la découverte du trésor de l'Oxus, l'archéologue français Jacques de Morgan mit au jour la tombe d'un noble achéménide sur l'acropole de Suse en février 1901. La tombe contenait un squelette orné de bijoux en or et en argent, accompagné d'un bol en argent, de récipients en albâtre et d'autres objets funéraires. Cette découverte aurait été déjà impressionnante en soi, mais elle étaya l'affirmation de certains érudits de l'époque selon laquelle le trésor de l'Oxus était également achéménide en raison des similitudes entre les objets funéraires de la tombe de Suse et le trésor trouvé au bord de la rivière.
Le trésor en détail
Parmi les pièces les plus impressionnantes figurent les maquettes de chars, les bracelets aux griffons, le fourreau et le poisson d'or, mais d'autres pièces sont tout aussi remarquables. Les figurines et les plaques votives, par exemple, même si elles présentent une forme d'exécution beaucoup plus grossière, n'en sont pas moins impressionnantes.
Maquettes de chars
Il y a deux maquettes de chars, toutes deux en or, dont l'une est incomplète. Les chars sont tirés par des chevaux minutieusement modelés et le chariot contient deux personnages - un conducteur et un passager - tous deux représentés en détail, jusqu'à l'expression de leur visage. La posture et la démarche des chevaux sont également détaillées. L'attelage est orné d'une image du dieu égyptien de la fertilité, Bès, sur le devant et de motifs sur les deux côtés, tandis que les roues sont à rayons et perlées le long des jantes. Les rênes tenues par le conducteur semblent créer l'illusion du mouvement.
Les bracelets aux Griffons
Les bracelets aux griffons sont tout aussi impressionnants. Autrefois incrustés de pierres précieuses, ils sont toujours évocateurs malgré leur état déplorable. Les bracelets étaient autrefois ornés d'incrustations de pierres précieuses et de pierres colorées qui sont tombées et ont été perdues. La spécialiste Edith Porada, entre autres, note que les bracelets "conservent des motifs achéménides et d'autres motifs employés selon le goût de la région" qui favorisait les "couleurs vives" et la "stylisation abstraite", caractéristiques de l'art scythe mais favorisées par les Achéménides (174). Il est donc possible que les bracelets - et d'autres pièces du trésor de l'Oxus - soient d'origine scythe, mais, comme le note Tallon ci-dessus, il n'est pas possible d'identifier avec certitude l'origine de ces objets en raison de la compétence assez répandue des artisans travaillant l'or dans la région.
Fourreau
Le fourreau est souvent appelé "fourreau de poignard", mais cette désignation confond l'épée courte persane (l'akinakes) avec un poignard. Le fourreau est décoré d'une scène de chasse au lion et correspond à celui des reliefs de Persépolis où le porteur d'armure de Darius Ier (r. de 522 à 486 av. J.-C.) en porte un. Porada, ainsi que d'autres chercheurs, identifient le design du fourreau comme étant d'origine mède, ce qui soutient l'affirmation selon laquelle le trésor de l'Oxus serait achéménide, puisque Cyrus le Grand s'était régulièrement inspiré de l'exemple mède lors de la formation de son propre empire.
Poisson d'or
Le poisson d'or mesure 24,2 cm de long et pèse 370 grammes. Il est creux, avec une bouche ouverte et une boucle par laquelle il aurait été suspendu. On pense que cette pièce contenait de l'huile ou du parfum. Le poisson était généralement identifié comme une carpe mais, en 2016, l'écrivain et passionné de pêche Adrian Burton a identifié l'objet comme représentant le barbeau du Turkestan, un poisson endémique de la rivière Oxus et un modèle beaucoup plus évident pour le poisson d'or.
Figurines
Un certain nombre de figurines humaines sont dévotionnelles, c'est-à-dire qu'elles avaient été fabriquées pour représenter des personnes en attitude de prière dans un temple, tandis que d'autres semblent simplement décoratives ou, peut-être, représentatives d'un individu. Les figurines de dévotion font partie des éléments qui permettent d'identifier le trésor de l'Oxus avec le trésor d'un temple. Cette pratique apparut en Mésopotamie au début de la période dynastique (2900-2334 av. J.-C.) parmi l'élite qui commandait des statuettes à leur image, faites de gypse ou de calcaire, pour les mettre en présence d'un dieu dans un temple donné.
Les rituels religieux mésopotamiens n'étaient pas de nature congrégationaliste - un prêtre/prêtresse seul ou un groupe de membres du clergé s'occupait de la statue de la divinité dans le temple - et des figurines étaient donc créées pour représenter un individu et étaient placées dans un sanctuaire pour adresser une requête directe à un dieu. Les figurines de dévotion (votives) du Trésor de l'Oxus suivent le même modèle de base que les figurines votives mésopotamiennes, mais elles sont en or ou en argent. Elles étaient très probablement utilisées dans le même but que dans les temples mésopotamiens. La fonction des figurines non votives du trésor de l'Oxus est inconnue. Il est possible qu'il s'agisse de figures commémoratives de défunts.
Les figures animales, comme les chevaux, étaient très probablement des pendentifs/amulettes et s'inscrivent dans une tradition d'utilisation de motifs animaliers dans l'art qui débuta à la période proto-élamite dans la région de l'Iran. L'image d'un chien, par exemple, éloignait les mauvais esprits tandis que celle d'un cheval encourageait la vitesse ou l'endurance.
Plaques votives
Les 51 plaques votives constituent l'autre élément important du trésor qui le relie à un site religieux. Ces plaques sont des feuilles d'or rectangulaires représentant des figures humaines portant un barsom, une offrande aux dieux qui représentait la terre et sa générosité et était associée à des divinités telles que la déesse de la fertilité, de l'eau et de la sagesse, Anahita. Certaines plaques montrent des animaux au lieu d'humains, ce qui renvoie à la coutume proto-élamite de représenter des animaux dans l'art qui symbolise un concept/une caractéristique ou un autre. Dans l'art élamite, les animaux remplaçaient parfois les êtres humains et ceux représentés sur les plaques pouvaient représenter une requête spécifique de force, de santé ou de courage.
L'art élamite influença l'art scythe et l'art mède qui, à leur tour, influencèrent le travail des artisans perses. Porada note:
De même que les Mèdes ont probablement transmis aux Perses les éléments de l'art scythe qu'ils avaient absorbés ou obtenus indépendamment grâce à des relations orientales, ils ont également dû servir d'intermédiaires pour la continuation dans l'art achéménide d'autres traditions stylistiques qui prévalaient en Iran à l'époque mède. (146)
Les plaques ont généralement été identifiées comme étant de style mède, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'elles furent créées par des Mèdes. Elles furent très probablement commandées par de riches Perses pour représenter leurs requêtes aux dieux. Certaines plaques furent manifestement réalisées par des amateurs travaillant dans un materiau qu'ils ne connaissaient pas, car elles témoignent d'un faible niveau d'habileté. Elles furent peut-être créées par des personnes qui ne voulaient pas payer un artisan pour faire un travail qu'elles estimaient pouvoir faire elles-mêmes.
Bijoux et vases
Outre les bracelets aux griffons, il existe un certain nombre de bijoux et d'appliques en or et en argent. Certains d'entre eux représentent le dieu égyptien de la fertilité Bès, d'autres s'inspirent du motif animalier. L'un des plus intéressants est une bague en or ornée d'une créature souvent identifiée comme un félin, mais qui est plus probablement une image de l'oiseau à tête de chien Simurgh, une entité bienveillante de la religion iranienne primitive que l'on invoquait en cas de besoin. Porter une bague à l'effigie de Simurgh aurait été comparable à porter un porte-bonheur de nos jours. Parmi les bijoux, on trouve également des torques qui, d'un point de vue stylistique, correspondent au torque à tête de lion de Suse et témoignent du même haut niveau d'exécution.
Les récipients à boire sont des bols et des cruches, très probablement utilisés pour le vin, et dont le style est similaire à celui des bols trouvés dans la tombe achéménide de Suse. Une différence importante est que les récipients de l'Oxus semblent avoir été fabriqués un à un, à la main et fabriqués en or, alors que les récipients de Suse ont été coulés (comme en témoigne un motif floral standard sur le fond extérieur, qui n'est pas répété à l'intérieur). Ces objets, comme beaucoup d'autres, auraient été offerts au temple en remerciement d'une prière exaucée ou en supplication d'une requête.
En plus des objets ci-dessus, il y a un assortiment de breloques, d'amulettes et de boutons en or et en argent. Au départ, on pensait que 1 500 pièces d'or faisaient également partie de la découverte initiale, mais cette affirmation a été contestée et, aujourd'hui, on pense que les pièces auraient été ajoutées à la collection plus tard.
La découverte
Aucune personne ayant participé à la découverte initiale n'est identifiée comme ayant participé à l'histoire du trésor par la suite, et les archives ne mentionnent pas qui ou combien de personnes étaient impliquées, ni quelles avaient été les circonstances qui avaient conduit à la découverte. Les récits ultérieurs font état de la découverte du trésor par des villageois dans le lit du fleuve, de la révélation du trésor lors d'une sécheresse ou d'une saison sèche qui aurait fait baissé le niveau du fleuve, ou encore d'un glissement de terrain qui se serait détaché de la berge et aurait révélé le trésor. On ne saura probablement jamais comment ni où le trésor de l'Oxus fut trouvé.
Selon le spécialiste John Curtis, la première mention du trésor apparaît dans le volume 19 de la Chronique numismatique de 1879, dans lequel Percy Gardener mentionne la découverte d'un "grand trésor de pièces d'or et d'argent" "à huit marches au-delà de l'Oxus, dans un ancien fort, sur la langue de terre formée par les rivières qui se rejoignent" (295). Cette découverte fut tout d'abord identifiée comme étant séleucide, datant de l'Empire séleucide (312-63 av. J.-C.), l'entité fondée après la chute de l'Empire achéménide aux mains d'Alexandre le Grand en 330 avant notre ère.
Plus tard, en 1879, le major-général russe N. A. Mayev rapporta qu'il avait fouillé un site sur l'Oxus, près de l'ancien fort de Takht-i Kuwad, et qu'il avait parlé aux habitants locaux qui l'avaient informé que des trésors avaient été trouvés à cet endroit dans le passé, y compris un grand tigre d'or, qui avaient tous été vendus à des "marchands indiens" (Curtis, 296). En 1880, la Lahore Civil and Military Gazette du 24 juin fait état d'un vol de sommes importantes d'or à des marchands indiens à Kaboul, en Afghanistan. Un officier britannique en poste dans la région, le capitaine Francis Charles Burton, poursuivit les voleurs et récupéra la plus grande partie du trésor, qu'il rendit aux marchands, qui lui vendirent l'un des bracelets de la collection. Cette découverte attira l'attention des autorités britanniques et, notamment, de Sir Alexander Cunningham (1814-1893), qui avait été nommé inspecteur archéologique de l'Inde et possédait de vastes connaissances historiques et archéologiques de la région.
Cunningham acheta un certain nombre de pièces aux marchands, et l'antiquaire britannique Sir A. W. Franks (1826-1897) acheta la plupart ou la totalité des autres pièces. Franks finit par acheter les pièces de Cunningham et, en tant qu'administrateur du British Museum, légua sa collection à cette institution. En effet, Percy Gardener note dans un autre volume de la Chronique numismatique (Volume 1, 1881) que les pièces que l'on pensait à l'origine faire partie de la découverte originale ne correspondaient pas au reste du magot, car elles provenaient de Cilicie et d'ailleurs. Gardener émit l'hypothèse que les marchands avaient ajouté ces pièces au magot original pour en augmenter la valeur (Curtis, 297). Cunningham n'était pas d'accord, affirmant que la majorité des pièces appartenaient à la découverte originale. L'origine des 1 500 pièces d'or est aujourd'hui communément admise dans le sens de la théorie de Gardener et n'est pas considérée comme faisant partie du trésor de l'Oxus.
Conclusion
La controverse sur l'unité, voire l'authenticité, de la collection s'est poursuivie jusqu'au 21e siècle. Le conflit le plus célèbre a été initié par le spécialiste Oscar W. Muscarella, bien connu pour ses efforts visant à empêcher le pillage des sites archéologiques et, également, pour son travail d'identification des faux modernes. Muscarella a affirmé que l'unité du trésor de l'Oxus ne pouvait être prouvée - citant la provenance inconnue de la découverte et l'itinéraire confus qu'elle avait suivi entre les mains de Cunningham et de Franks - et que, de plus, de nombreuses pièces (comme un certain nombre de plaques votives d'amateur) étaient des faux modernes. Malgré sa réputation dans le domaine, ses affirmations ont été rejetées et le trésor est considéré comme une collection authentique d'œuvres d'art de la période achéménide qui fut découverte et achetée légalement à la fin du XIXe siècle, conformément aux rapports de Cunningham et Franks.
En 2007, le président du Tadjikistan, Emomalii Rahmon, a demandé le retour du trésor de l'Oxus dans son pays, mais sa demande a été rejetée au motif que les artefacts avaient été achetés légalement par le British Museum. En 2011, le musée a accepté d'envoyer des répliques des objets au Tadjikistan pour qu'ils soient exposés dans leur musée national, et cet accord a été conclu en 2013. La plus grande partie de la découverte reste au British Museum, certains artefacts étant exposés par d'autres institutions. Les récits de la découverte initiale, de l'unité de la collection et de son acquisition par Cunningham et Franks ayant tous été acceptés comme valides, ils sont devenus l'histoire officielle du trésor de l'Oxus à l'ère moderne; il est désormais impossible de déterminer si ces récits sont exacts.