Le second triumvirat

Définition

Donald L. Wasson
de , traduit par Yves Palisse
publié le 18 avril 2016
Disponible dans ces autres langues: anglais, portugais
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Division of the Second Triumvirate (by ColdEl, CC BY-SA)
Répartition territoriale du second triumvirat
ColdEl (CC BY-SA)

Le second triumvirat était une alliance politique de circonstance scéllée entre trois des personnages les plus puissants de Rome : Marc-Antoine, Lépide et Octave au premier siècle avant notre ère.

Suite à l'assassinat de Jules César, les trois hommes jurèrent de le venger de ses assassins et tentèrent de stabiliser la république romaine dans ce qui allait pourtant être ses derniers soubressauts. Cependant, les egos de ces trois hommes ne tardèrent pas à entrer en conflit et ils finirent immanquablement par se combattre jusqu'à ce que le vainqueur se soit emparé du titre d'empereur.

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La mort de Jules César

Jules César est mort. Le dictateur à vie a rendu son dernier soupir aux Ides de mars 44 avant notre ère. Au fil des ans, César avait commencé à faire peur à de nombreuses personnalités, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Sénat romain, au point que certains de ses propres amis se transformèrent rapidement en ennemis jurés. Ils estimaient n'avoir plus voix au chapitre tandis que Rome tombait rapidement sous la coupe d'un tyran en puissance. Après la mort de Jules César, la république sombra dans la guerre civile et de ses cendres ont émergé trois hommes qui formèrent une union exceptionnelle - le second triumvirat - dans le seul but de sauver le gouvernement.

Le complot visant à assassiner Jules César avait été bien préparé. Pour les assassins, sa mort ne manquerait pas de ressusciter le vieil esprit romain et la foi en la république serait rétablie. Malheureusement pour eux, si la conspiration avait été bien conçue, ce n'était pas le cas de la stratégie de sortie de crise. Ainsi, l'un des principaux conspirateurs, Marcus Junius Brutus (le fameux 'Et tu, Brute !' de la pièce de William Shakespeare) se précipita du théâtre de Pompée, où se réunissait le Sénat, vers le temple de Jupiter, sur le Capitole, pour s'adresser à une foule de citoyens en colère. Au lieu de l'accueil chaleureux anticipé, le peuple de Rome lui reserva une réception hostile et malgré les appels du sénat en faveur d'un compromis et d'une amnistie - une idée proposée par Marc-Antoine - les conspirateurs durent finalement fuir la ville. Deux d'entre eux, Brutus et Cassius (que certains considèrent comme les instigateurs du complot), s'enfuirent vers l'est.

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MARC-ANTOINE ET OCTAVE SE CONSIDÉRAIENT CHACUN COMME LE SEUL SUCCESSEUR LÉGITIME À LA TÊTE DU GOUVERNEMENT APRÈS L'ASSASSINAT DE CÉSAR.

Une alliance de circonstance

Dans le meilleur des cas, le nouveau triumvirat n'était qu'une coalition à la stabilité des plus relatives. Marcus Antonius (Marc-Antoine), Marcus Aemilius Lepidus et, enfin, le petit-neveu et fils adoptif de César, Gaius Julius Caesar Octavianus (Octave), étaient tous des hommes de premier plan au caractère bien trempé. Bien que Marc-Antoine et Octave aient rapidement mis fin à leurs différends, ils avaient toutes les raisons de ne pas se faire confiance, ayant mené plusieurs campagnes militaires les uns contres les autres dans le nord de l'Italie. Ils se considéraient chacun comme le seul successeur légitime à la tête du gouvernement après l'assassinat de César. Marc-Antoine souffla encore sur les braises de la discorde en empêchant Octave d'avoir accès à la fortune de son beau-père. En outre, Marc-Antoine avait nommé Lépide, le troisième et le plus incompétent des trois, au poste de Pontifex Maximus (grand prêtre), alors qu'il avait été prévu qu'il revienne à Octave. Le sénat voyait en Marc-Antoine un autre tyran plus dangereux encore et ses tentatives répétées de prise du contrôle du gouvernement après la mort de César lui avaient valu la rancune du sénat, qui le déclara ennemi public. Lépide sera également déclaré ennemi public par le sénat en raison de son soutien à Marc-Antoine.

Bust of Mark Antony
Buste de Marc-Antoine (Musées du Vatican)
Tataryn77 (Public Domain)

En raison de son comportement, Marc-Antoine avait irrité un certain nombre de citoyens romains influents. Marcus Tullius Cicero, homme d'État et poète romain, rédigea plusieurs essais cinglants contre lui. S'adressant au sénat, Cicéron a déclaré à son propos :

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Écoutez, je vous en prie, ô sénateurs, je ne parle pas des scandales personnels et domestiques créés par les inconvenances répugnantes de Marc-Antoine, mais de la manière diabolique et impie dont il nous a tous rabaissés, ainsi que nos fortunes et notre pays tout entier. (124)

Curieusement, le trio allait bientôt forger une improbable alliance et, malgré une forte mésentente, les trois hommes étaient unis dans leur désir de venger la mort de César. Cependant, malgré leurs efforts (ou à cause d'eux), la république devait finalement plonger dans deux décennies de guerre civile - ce que, de l'avis de beaucoup, César avait prédit.

Malgré ses dix-neuf ans, le jeune Octave bénéficie du soutien d'une grande partie de l'armée, en particulier de ceux qui étaient restés fidèles à César. En 43 avant notre ère, alors qu'il campait aux portes de Rome avec son armée, il demanda au sénat de lui accorder l'autorité politique dont il avait besoin, c'est-à-dire un poste de consul. Bien entendu, il n'avait pas l'âge minimum requis de 33 ans (l'âge avait même été récemment abaissé par rapport aux 43 ans requis précédemment). Cependant lorsque des soldats d'Octave entrèrent au sénat glaive en main, celui-ci revint sagement sur une ancienne coutume et lui accorda le poste de consul, son cousin Quintus Pedius lui servant de co-consul. Immédiatement, la Lex Pedia est promulguée : un décret qui annule une décision antérieure accordant l'immunité aux conspirateurs. Cette nouvelle loi établit un tribunal spécial qui condamne immédiatement toutes les personnes impliquées dans la mort de César, y compris Sextus Pompée qui n'avait pourtant pas pris part à l'assassinat.

Marcus Aemilius Lepidus
Marcus Aemilius Lepidus
Sailko (CC BY-SA)

Formation du Triumvirat

En octobre 43 avant notre ère, Lépide et Marc-Antoine rencontrent Octave près de Bologne pour former un triumvirat - une commission constitutionnelle - doté de pouvoirs similaires à ceux d'un consul. Bien que les fonctions quotidiennes du gouvernement soient maintenues, leur seul objectif est de restaurer la stabilité de la république. Cette nouvelle autorité leur permet de promulguer des lois sans l'approbation du sénat romain. Par la Lex Titia de novembre 43 avant notre ère, le sénat reconnaît officiellement le triumvirat en lui accordant l'autorité suprême pour cinq ans (jusqu'au 1er janvier 37 avant notre ère) et en lui confiant l'importante mission de traquer les conspirateurs, en particulier Brutus et Cassius. Les triumvirs ne sont guère d'humeur à pardonner aux conspirateurs et un décret public est bientôt publié, condamnant 300 sénateurs et plus de 2 000 chevaliers ou equites romains. Des bourreaux sont immédiatement expédiés à leur poursuite. Beaucoup de ceux qui figurent sur la liste des ennemis à abattre choisissent de fuir la ville, abandonnant tous leurs biens. La vente des biens ainsi confisqués aux condamnés devait par la suite servir à financer leur traque.

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Les Vengeurs

Bien qu'il ne soit pas directement impliqué dans l'assassinat de César, Cicéron fait partie de ceux qui sont destinés à être exécutés. Selon certains historiens, Octave aurait tenté d'exclure son nom de la liste, mais il ne s'était guère fait d'amis avec ses écrits (en particulier ses Philippiques condamnant Marc-Antoine). Cicéron avait toujours vécu conformément à son propre code moral : la vertu suprême était de vivre au service de l'État et de s'opposer à tous ceux qui le menaçaient. Il était fermement convaincu que Marc-Antoine était un ennemi de l'État et qu'il aurait fallu l'exécuter en même temps que César. Or, Marc-Antoine n'avait jamais été homme à pardonner les affronts et encore moins à tolérer le franc-parler de Cicéron. Celui-ci devint donc l'une des premières victimes du triumvirat. Il est arrêté alors qu'il tente de s'échapper de sa villa située à l'extérieur de Naples. On lui trancha symboliquement les mains, coupables d'avoir écrit les textes injurieux, tandis que sa tête fut envoyée à Rome afin d'être clouée sur l'estrade des orateurs dans le Forum. Outre Cicéron, Decimus, un autre membre important de la conspiration, trouva la mort après avoir échoué dans sa tentative de rejoindre Brutus en Macédoine. C'est Decimus qui avait convaincu César, pourtant malade, de se présenter au temple de Pompée où il serait assassiné. Capturé en Gaule il est décapité, et sa tête envoyée à Marc-Antoine.

Cicero
Cicéron
Mary Harrsch (Photographed at the Capitoline Museum) (CC BY-NC-SA)

Une fois la plupart des personnages figurant sur la liste des ennemis éliminés, les triumvirs tournent leur attention vers Brutus, Cassius et Sextus Pompée. En juin 42 avant notre ère, Brutus et Cassius se rencontrent à Sardes, en Anatolie occidentale. Alors que Lépide est en Sicile, Octave et Marc-Antoine traversent la mer Adriatique et affrontent les deux conspirateurs lors de la bataille de Philippes, dans l'est de la Macédoine. La maladie d'Octave n'empêche pas Marc-Antoine de l'emporter facilement ; Cassius, craignant d'être capturé, se fait décapiter, mais Brutus le fait enterrer en secret. Brutus parvient à s'échapper et se suicide un peu plus tard. Sextus Pompée, fils du légendaire chef de guerre Pompée, avait quant à lui été mis hors la loi par la Lex Pedia. Il s'enfuit vers la Sicile et finit par conclure un pacte avec le triumvirat. Plus tard, Octave devait revenir sur ce pacte, estimant que Pompée l'avait trahi. Il fit capturer et exécuter le jeune commandant.

Bien que la plupart des récits de la bataille de Philippes fassent état de la maladie d'Octave et de sa non-participation au combat, l'historien romain Suétone, dans son ouvrage Les douze Césars, raconte une histoire différente.

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En tant que membre du triumvirat composé de Marc-Antoine, de Lépide et de lui-même, Auguste (Octave) a vaincu Brutus et Cassius à Philippes, bien qu'il ait alors été en mauvaise santé. Lors de la première des deux batailles, il fut chassé de son camp et parvint à s'enfuir... Après la seconde bataille, qui fut décisive, il ne fit preuve d'aucune clémence à l'égard de ses ennemis vaincus... (56)

Selon le récit de Suétone, la tête de Brutus est envoyée à Rome et jetée aux pieds de 'l'image divine de César'.

Colossal portrait of Augustus
Portrait géant d'Auguste
Carole Raddato (CC BY-SA)

Fin du triumvirat

Malgré sa série de victoires en Orient, les jours du triumvirat sont comptés. En 37 avant notre ère, Lépide est tenu à l'écart du renouvellement de la coalition. Bien qu'il ait participé à la lutte contre Pompée, ses échecs répétés au combat lui valent d'être relégué à vie par Octave près du mont Circé l'année suivante. Suétone écrit à ce propos :

Lépide, le troisième membre du triumvirat, qu'Auguste avait fait venir d'Afrique pour le soutenir, se croyait si important en tant que commandant de vingt légions qu'il réclama avec véhémence la plus haute place dans le gouvernement. Auguste le priva de ses légions et, après avoir plaidé avec succès pour sa vie, Lépide passa le reste de ses jours en exil permanent à Circé. (58)

Lépide en exil, l'empire est divisé à parts égales entre Octave et Marc-Antoine - Octave à l'ouest et Marc-Antoine à l'est. Cette division marque la fin du partenariat. C'est alors que Marc-Antoine rencontre Cléopâtre VII d'Égypte, l'ancienne maîtresse de César. De leur amour va naître une guerre.

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Comme les membres survivants du premier triumvirat avant eux, Marc-Antoine et Octave se laissent rattraper par leur antipathie mutuelle. Cette rancœur était en grande partie due à la personne de Cléopâtre. En effet, après la mort de sa première femme, Fulvie, Marc-Antoine avait épousé Octavie, la sœur d'Octave. Or, depuis qu'il avait rencontré Cléopâtre, Marc-Antoine ne s'intéressait plus à Octavie, mais n'avait d'yeux que pour la reine d'Égypte. Il était par ailleurs convaincu que la fortune de Cléopâtre l'aiderait à financer une guerre contre Octave. Ensuite, Alexandrie deviendrait la nouvelle capitale de l'empire à la place de Rome. Octave quant à lui n'avait jamais apprécié Cléopâtre, principalement en raison de sa relation avec César et de la naissance de son fils Césarion. Il considérait que Marc-Antoine, désormais éperdu d'amour était devenu incompétent, déplorant l'influence de la reine sur lui. C'est pourquoi, au lieu d'une guerre contre Marc-Antoine, Octave demanda au sénat de déclarer la guerre à Cléopâtre.

La bataille d'Actium

Les deux forces finissent par se rencontrer en 31 avant notre ère. Le plan d'Antoine consistait à piéger Octave et sa flotte à Actium, dans le golfe d'Ambracie, sur la côte occidentale de la Grèce. Or, ce plan devait se révéler désastreux. Non seulement Antoine n'était pas un commandant naval compétent, mais un grand nombre de ses officiers était mécontent de la participation de Cléopâtre aux réunions du conseil. Ce comportement allait à l'encontre des préceptes romains régissant le rôle des femmes dans la vie politique. En effet, si les femmes étaient reconnues comme des citoyennes à Rome, elles n'étaient pas autorisées à participer aux affaires gouvernementales pour autant. S'appuyant sur cette conviction, Octave se lance dans une campagne de propagande inédite visant à déstabiliser l'entourage de Marc-Antoine, contestant l'influence de la reine sur son processus de prise de décision. Marc-Antoine apparaissant désormais comme un indécis, le moral des troupes ne tarda pas à s'effondrer et les désertions se multiplièrent.

En dépit de sa supériorité numérique sur les troupes d'Octave, le plan de Marc-Antoine est un échec total. Marc-Antoine et Cléopâtre sont pris au piège, les vivres viennent à manquer et l'hiver s'annonce. Ils parviennent à s'échapper de justesse, Marc-Antoine se réfugie en Libye, tandis que Cléopâtre se rend en Égypte. Ils espèrent ainsi lever des troupes supplémentaires, mais ce nouveau plan, comme le précédent, échoue lui aussi. Dès lors, acculé, Marc-Antoine n'a d'autre recours que le suicide, et lorsqu'une ultime tentative pour parvenir à un compromis avec Octave échoue, Cléopâtre met, elle aussi, fin à ses jours. Octave reviendra finalement à Rome en héros. À son retour, le sénat le récompense en lui octroyant un nouveau titre et un nouveau nom. Il devient Auguste, le premier empereur du nouvel Empire romain. Il assumera une autorité qui dépassera largement les intentions du sénat. En tant qu'empereur, Auguste préparera le terrain pour tous ceux qui viendront après lui.

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Traducteur

Yves Palisse
Linguiste passionné d'Histoire, Yves P Palisse est un traducteur indépendant possédant des années d’expérience dans les domaines de la traduction, de l’analyse des médias et du service à la clientèle. Après avoir beaucoup voyagé dans toute l'Europe, Il a fini par poser ses bagages à londres en 1999. Il a une passion pour les sciences humaines, le droit et la justice sociale.

Auteur

Donald L. Wasson
Donald a enseigné l’histoire antique et médiévale ainsi que l’histoire des États-Unis à Lincoln College (Illinois). Éternel étudiant en Histoire depuis qu’il a découvert Alexandre le Grand, il met toute son énergie à transmettre son savoir à ses étudiants.

Citer cette ressource

Style APA

Wasson, D. L. (2016, avril 18). Le second triumvirat [Second Triumvirate]. (Y. Palisse, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-14692/le-second-triumvirat/

Style Chicago

Wasson, Donald L.. "Le second triumvirat." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. modifié le avril 18, 2016. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-14692/le-second-triumvirat/.

Style MLA

Wasson, Donald L.. "Le second triumvirat." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 avril 2016. Web. 20 nov. 2024.

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