Bastet est la déesse égyptienne du foyer, de la domesticité, des secrets des femmes, des chats, de la fertilité et de l'accouchement. Elle protégeait le foyer des mauvais esprits et des maladies, en particulier des maladies associées aux femmes et aux enfants. Comme de nombreuses divinités de la religion égyptienne, elle jouait également un rôle dans l'au-delà.
Elle est parfois représentée comme un guide et une aide pour les morts, bien que ce ne soit pas l'une de ses tâches principales. Fille du dieu soleil Râ, elle est associée au concept de l'Œil de Râ (l'œil qui voit tout) et de la Déesse lointaine (une divinité féminine qui quitte Râ et revient pour apporter la transfromation). Bastet était l'une des divinités les plus populaires de l'Égypte ancienne car elle était la protectrice du foyer et de la famille de chacun.
Signification du nom Bastet
Son nom était à l'origine B'sst qui devint Ubaste, puis Bast, puis Bastet; la signification de ce nom n'est pas connue ou, du moins, n'est pas universellement reconnue. Geraldine Pinch affirme que "son nom signifie probablement Celle du pot à onguent" car elle était associée à la protection et aux onguents protecteurs (115). Les Grecs l'associaient étroitement à leur déesse Artémis et pensaient que, comme Artémis avait un frère jumeau (Apollon), Bast devait en faire autant. Ils associaient Apollon à Horus, le fils d'Isis (Heru-sa-Aset) et appelaient donc la déesse Bast ba'Aset (âme d'Isis), ce qui serait la traduction littérale de son nom avec l'ajout du second "T" pour désigner le féminin (Aset étant l'un des noms égyptiens d'Isis).
Cependant, Bastet était aussi parfois liée au dieu du parfum et des odeurs douces, Nefertum, qui était considéré comme son fils, ce qui renforce le lien entre la signification de son nom et le pot à onguent. La compréhension la plus évidente serait qu'à l'origine, le nom signifiait quelque chose comme Elle du pot à onguent (Ubaste) et que les Grecs changèrent la signification en Âme d'Isis, car ils l'associaient à la déesse la plus populaire d'Égypte. Malgré cela, les spécialistes ne se sont pas encore mis d'accord sur la signification de son nom.
Associations
Bastet était extrêmement populaire dans toute l'Égypte, tant auprès des hommes que des femmes, à partir de la deuxième dynastie d'Égypte (c. 2890 - c. 2670 av. JC). Son culte était centré sur la ville de Bubastis depuis au moins le Ve siècle av. JC. Elle fut d'abord représentée comme une femme à tête de lionne et étroitement associée à la déesse Sekhmet mais, comme l'iconographie la dépeignait de façon de plus en plus agressive, les images de Bastet s'adoucirent au fil du temps pour la présenter davantage une compagne et une aide au quotidien que ses formes antérieures de vengeresse sauvage. L'experte Geraldine Pinch écrit :
À partir des Textes des Pyramides, Bastet présente un double aspect de mère nourricière et de vengeresse terrifiante. C'est l'aspect démoniaque qui apparaît principalement dans les Textes des cercueils et le Livre des morts, ainsi que dans les sorts médicaux. Les "abatteurs de Bastet" étaient censés infliger peste et autres désastres à l'humanité. Un sort conseille de se faire passer pour le "fils de Bastet" afin d'éviter d'attraper la peste. (115)
Bien qu'elle ait été très vénérée, elle était également redoutée, comme le montrent deux de ses titres: La Dame de la terreur et La Dame du massacre. Elle est associée à la fois à Mau, le chat divin qui est un aspect de Râ, et à Mafdet, déesse de la justice et première divinité féline de l'histoire égyptienne.
C'est à Mafdet que Bastet et Sekhmet doivent leurs premières formes de défenseurs félines des innocents et de vengeresses des malheureux. Cette association se perpétua dans les représentations du fils de Bastet, Myisis, protecteur des innocents, qui est représenté comme un homme à tête de lion portant un long couteau ou comme un lion.
Dans le cadre de l'association de Bastet avec Mau, on la voit parfois détruire l'ennemi de Râ, Apophis, en lui tranchant la tête avec un couteau dans sa patte; une image qui fit la renommée de Mau. Avec le temps, alors que Bastet devint une compagne familiale, elle perdit toute trace de sa forme lionne et fut régulièrement représentée comme un chat domestique ou une femme à tête de chat tenant souvent un sistre. Elle est parfois représentée dans l'art avec une portée de chatons à ses pieds, mais sa représentation la plus populaire est celle d'un chat assis au regard fixe.
Rôle dans la religion et l'iconographie
Bastet apparaît au début du IIIe millénaire avant notre ère sous la forme d'une lionne vengeresse en Basse-Égypte. À l'époque des Textes des Pyramides (c. 2400-2300 av. JC), elle était associée au roi d'Égypte en tant que nourrice dans sa jeunesse et protectrice pendant sa croissance. Dans les Textes des cercueils (c. 2134-2040 av. JC), elle conserve ce rôle mais est également considérée comme la protectrice des morts. L'expert Richard H. Wilkinson commente ce point:
Dans sa forme la plus ancienne connue, représentée sur des récipients en pierre de la 2e dynastie, Bastet était représentée comme une femme avec la tête d'une lionne. L'iconographie de la déesse changea cependant, peut-être parce que sa nature commença à être considérée comme plus douce que celle des autres divinités lionnes. (178)
Son centre de culte à Bubastis, en Basse-Égypte, devint l'une des villes les plus riches et les plus luxuriantes d'Égypte, car des gens de tout le pays s'y rendaient pour rendre hommage à la déesse et faire enterrer les corps de leurs chats morts dans la ville. Dans l'art égyptien, son iconographie emprunte à la déesse précédente Mafdet et aussi à Hathor, une déesse associée à Sekhmet qui était aussi étroitement liée à Bastet.
L'apparition du sistre dans la main de Bastet sur certaines statues est un lien évident avec Hathor qui est traditionnellement vue portant l'instrument. Hathor est une autre déesse qui subit un changement radical, passant du statut de destructrice sanguinaire à celui de douce amie de l'humanité, puisqu'elle était à l'origine la déesse lionne Sekhmet que Rê avait envoyée sur terre pour détruire les humains à cause de leurs péchés. Dans le cas de Bastet, bien qu'elle soit devenue plus douce, elle n'en était pas moins dangereuse pour ceux qui enfreignaient la loi ou abusaient des autres.
Le conte de Setna et Taboubu
Le Conte de Setna et Taboubu (partie de l'œuvre connue sous le nom de Première Setna ou Setna I) est la section médiane d'une œuvre de la littérature égyptienne composée dans l'histoire de l'Égypte romaine et actuellement détenue par le Musée du Caire en Égypte. Le personnage principal des contes de Setna est le prince Setna Khaemwas qui est basé sur le prince réel et Grand Prêtre Ptah Khâemouaset (c. 1281 - c. 1225 av. JC), le fils de Ramsès II (r. 1279-1213 BCE). Khâemouaset, connu sous le nom de "premier égyptologue", était célèbre pour ses efforts de restauration et de préservation des anciens monuments égyptiens et, à l'époque de la dynastie ptolémaïque, il était très respecté en tant que sage et magicien. Bien que l'histoire puisse être interprétée de nombreuses façons différentes, Geraldine Pinch soutient que cette section du conte peut être plus clairement comprise comme une illustration de la façon dont Bastet punit les transgresseurs.
Dans cette histoire, le jeune prince Setna vole un livre dans une tombe, même après que les habitants de la tombe l'aient supplié de ne pas le faire. Peu de temps après, il se trouve à Memphis, près du temple de Ptah, lorsqu'il voit une belle femme accompagnée de ses serviteurs et la convoite. Il se renseigne sur elle et apprend qu'elle s'appelle Taboubu, fille d'un prêtre de Bastet. Il n'avait jamais vu de femme aussi belle de toute sa vie et lui envoie un mot lui demandant de venir dans son lit pour dix pièces d'or, mais elle lui retourne une contre-offre lui disant de la rencontrer au temple de Bastet à Saqqara où elle vit et il aura alors tout ce qu'il désire.
Setna se rend dans sa villa où il est impatient de se mettre au travail, mais Taboubu a quelques exigences. D'abord, elle lui dit qu'il doit lui céder tous ses biens et possessions. Il est tellement dévoré par le désir qu'il accepte et s'apprête à l'embrasser. Mais elle le retient et lui dit qu'il faut faire venir ses enfants et qu'ils doivent aussi signer les documents d'accord pour qu'il n'y ait pas de problème avec le transfert légal. Setna accepte également et fait venir ses enfants. Pendant qu'ils signent les documents, Taboubu disparaît dans une autre pièce et revient vêtu d'une robe de lin si transparente qu'il peut voir "chaque partie de son corps à travers elle" et son désir pour elle devient presque incontrôlable.
Une fois les documents signés, il s'approche à nouveau d'elle, mais non, elle a une troisième exigence: ses enfants doivent être tués afin qu'ils ne tentent pas de revenir sur l'accord et de l'entraîner dans une longue bataille judiciaire. Setna accepte immédiatement; ses enfants sont assassinés et leurs corps jetés dans la rue. Setna se déshabille alors, prend Taboubu et la conduit rapidement dans la chambre. Alors qu'il l'embrasse, elle hurle soudain et disparaît - tout comme la pièce et la villa qui les entourent - et Setna se retrouve nu dans la rue, son pénis enfoncé dans un pot d'argile.
Le pharaon arrive à ce moment-là et le prince Setna est complètement humilié. Le pharaon l'informe que ses enfants vivent toujours et que tout ce qu'il a vécu n'était qu'une illusion. Setna comprend alors qu'il a été puni pour sa transgression dans la tombe et rend rapidement le livre. Il fait ensuite une seconde restitution aux habitants de la tombe en se rendant dans une autre ville et en récupérant les momies enterrées qui faisaient partie de leur famille, afin qu'elles soient toutes réunies en un seul endroit.
Bien que les spécialistes ne s'accordent pas sur l'identité de Taboubu, son association étroite avec Bastet en tant que fille d'un des prêtres de la déesse fait de cette divinité une candidate très probable. La nature prédatrice de Taboubu, une fois qu'elle mène Setna là où elle le veut, rappelle celle du chat jouant avec la souris. Geraldine Pinch conclut que Taboubu est une "manifestation de Bastet elle-même, jouant son rôle traditionnel de punisseuse des humains qui ont offensé les dieux" (117). Dans cette histoire, Bastet prend la forme d'une belle femme pour punir un malfaiteur qui a violé un tombeau, mais l'histoire aurait également été une mise en garde pour les hommes qui considéraient les femmes uniquement comme des objets sexuels, car ils ne pouvaient jamais savoir s'ils étaient réellement en présence d'une déesse et ce qui pouvait arriver s'ils l'offensaient.
Le culte de Bastet
La déesse était principalement vénérée à Bubastis mais occupait une position tutélaire à Saqqara et ailleurs. Wilkinson écrit:
La popularité de la déesse s'accrut au fil du temps et, à la période tardive et à l'époque gréco-romaine, elle jouissait d'un grand statut. Le principal centre de culte de cette divinité était la ville de Bubastis - Tell Basta - dans le Delta oriental, et bien que seuls les contours du temple de Bastet subsistent aujourd'hui, Hérodote visita le site au Ve siècle av. JC et le loua pour sa magnificence. La fête de Bastet fut également décrite par Hérodote qui affirma qu'il s'agissait de la plus élaborée de toutes les fêtes religieuses d'Égypte, avec de grandes foules participant à des danses, des soûleries et des réjouissances sans retenue. (178)
Hérodote est la principale source d'information sur le culte de Bastet et, malheureusement, il ne donne pas beaucoup de détails sur les particularités de son culte. Il semble que les hommes et les femmes faisaient partie de son clergé et, comme pour les autres divinités égyptiennes, son temple de Bubastis était le point central de la ville et fournissait des services allant des soins médicaux aux conseils en passant par la distribution de nourriture. Hérodote décrit ce temple:
Deux canaux du Nil, qui ne se mêlent point ensemble, se rendent à l'entrée du temple, et de là se partagent, et l'environnent, l'un par un côté, l'autre par l'autre. Ces canaux sont larges chacun de cent pieds, et ombragés d'arbres. Le vestibule a dix orgyies de haut ; il est orné de très belles figures de six coudées de haut. Ce temple est au centre de la ville. Ceux qui en font le tour le voient de tous côtés de haut en bas ; car, étant resté dans la même assiette où on l'avait d'abord bâti, et la ville ayant été rehaussée par des terres rapportées, on le voit en entier de toutes parts. Ce lieu sacré est environné d'un mur sur lequel sont sculptées grand nombre de figures. Dans son enceinte est un bois planté autour du grand temple : les arbres en sont très hauts. La statue de la déesse est dans le temple. Le lieu sacré a, en tout sens, un stade de long sur autant de large. La rue qui répond, à l'entrée du temple traverse la place publique, va à l'est, et mène au temple de Mercure ; elle a environ trois stades de long sur quatre plèthres de large, et est pavée et bordée des deux côtés de très grands arbres.
(Histoires, II.138 Trad. du grec par Larcher).
Le peuple d'Égypte se rendait chaque année à la grande fête de Bastet à Bubastis, qui était l'un des événements les plus fastueux et les plus populaires de l'année. Geraldine Pinch, citant Hérodote, affirme que "les femmes étaient libérées de toute contrainte lors de la fête annuelle de Bubastis. Elles célébraient la fête de la déesse en buvant, en dansant, en jouant de la musique et en exhibant leurs parties génitales" (116). Cette "levée des jupes" par les femmes, décrite par Hérodote, avait autant à voir avec la libération des contraintes sociales qu'avec la fertilité associée à la déesse. Comme pour de nombreuses autres fêtes en Égypte, la célébration de Bastet était l'occasion de se débarrasser de ses inhibitions, un peu comme les fêtards modernes le font en Europe pendant le Carnaval ou aux États-Unis à Mardi Gras. Hérodote présente une image vivante des personnes se rendant à Bubastis pour la fête:
dans chaque bateau il y a un grand nombre de personnes de l'un et de l'autre sexe. Tant que dure la navigation, quelques femmes jouent des castagnettes, et quelques hommes de la flûte ; le reste, tant hommes que femmes, chante et bat des mains. Lorsqu'on passe près d'une ville, on fait approcher le bateau du rivage. Parmi les femmes, les unes continuent à chanter et à jouer des castagnettes, d'autres crient de toutes leurs forces, et disent des injures à celles de la ville ; celles-ci se mettent à danser, et celles-là, se tenant debout, retroussent indécemment leurs robes. La même chose s'observe à chaque ville qu'on rencontre le long du fleuve. Quand on est arrivé à Bubastis, on célèbre la fête de Diane en immolant un grand nombre de victimes, et l'on fait à cette fête une plus grande consommation de vin de vigne (36) que dans tout le reste de l'année ; car il s'y rend, au rapport des habitants, sept cent mille personnes, tant hommes que femmes, sans compter les enfants.
(Histoires, Livre II.60 Trad. du grec par Larcher)
Bien qu'Hérodote affirme que cette fête ait surpassé toutes les autres en magnificence et en excès, il existait en réalité de nombreuses fêtes célébrant de nombreux dieux qui pourraient prétendre à la même chose. La popularité de cette déesse a cependant conféré à sa célébration une importance particulière dans la culture égyptienne. Dans le passage ci-dessus, Hérodote note comment les femmes dans les bateaux se moquaient de celles sur le rivage, ce qui aurait été fait pour les encourager à abandonner leurs tâches quotidiennes et à se joindre à la célébration de la grande déesse. En fait, Bastet était la deuxième plus populaire après Isis et, après avoir traversé la Grèce jusqu'à Rome, elle fut tout aussi populaire parmi les Romains et les sujets du futur Empire romain.
La popularité durable de Bastet
La popularité de Bastet naquit de son rôle de protectrice des femmes et du foyer. Comme nous l'avons vu, elle était aussi populaire parmi les hommes que parmi les femmes, car chaque homme avait une mère, une sœur, une petite amie, une épouse ou une fille qui bénéficiait des soins de Bastet. En outre, les femmes égyptiennes étaient tenues en haute estime et jouissaient de droits presque égaux, ce qui garantissait un statut particulièrement élevé à une déesse qui protégeait les femmes et présidait à leurs secrets.
Les chats étaient également très appréciés en Égypte, car ils s'assuraient que les maisons étaient exemptes de vermine (et contrôlaient ainsi les maladies), protégeaient les cultures des animaux indésirables et offraient à leurs propriétaires une compagnie qui ne nécessitait pas beaucoup d'entretien. L'un des aspects les plus importants du festival de Bastet était la livraison de chats momifiés dans son temple. Lorsque le temple fut fouillé en 1887 et 1889, plus de 300 000 chats momifiés y furent découverts. Wilkinson, commentant sa popularité universelle, écrit:
Les amulettes de chats et les portées de chatons étaient des cadeaux de Nouvel An populaires, et le nom de Bastet était souvent inscrit sur de petites " flasques de Nouvel An " cérémonielles, probablement pour évoquer la déesse en tant que dispensatrice de fertilité et parce que Bastet, comme d'autres déesses lionnes, était considérée comme une divinité protectrice capable de contrer les forces plus sombres associées aux " jours du démon " à la fin de l'année égyptienne. (178)
Bastet était si populaire qu'en 525 avant notre ère, lorsque Cambyse II de Perse envahit l'Égypte, il se servit de la déesse pour forcer les Égyptiens à se rendre. Connaissant leur grand amour pour les animaux, et les chats en particulier, il demanda à ses soldats de peindre l'image de Bastet sur leurs boucliers, puis il rassembla tous les animaux qu'il put trouver et les conduisit devant l'armée vers la ville clé de Pelusium. Les Égyptiens refusèrent de se battre de peur de blesser les animaux et d'offenser Bastet et se choisirent donc de se rendre.
L'historien Polyaenus (IIe siècle de notre ère) raconte qu'après sa victoire, Cambyse II jeta des chats pris d'un sac au visage des Égyptiens, méprisant le fait qu'ils aient abandonné leur ville pour des animaux. Les Égyptiens ne furent cependant pas découragés dans leur vénération du chat et leur culte de Bastet. Son statut en tant que divinité la plus populaire et la plus puissante a perduré pendant le reste de l'histoire de l'Égypte et jusqu'à l'époque de l'Empire romain, jusqu'à ce que, comme les autres dieux, elle n'ait été éclipsée par la montée du christianisme.