La Palette de Narmer, une gravure cérémonielle de l'Égypte ancienne, représente le grand roi Narmer (3150 av. J.-C. environ) en train de conquérir ses ennemis avec le soutien et l'approbation de ses dieux. Ce document, datant d'environ 3200-3000 av. J.-C., a d'abord été considéré comme une représentation historique exacte de l'unification de l'Égypte sous Narmer, le premier roi de la première dynastie d'Égypte.
Toutefois, suite à des révisions récentes, l'artefact est désormais interprété comme une représentation symbolique de cet événement historique et Narmer (également connu sous le nom de Mènés) aurait pu ou non avoir unifié le pays par la force, mais que le concept du roi en tant que puissant guerrier était une valeur culturelle importante et que Narmer a donc été dépeint comme un conquérant.
Les grands rois de Mésopotamie, en particulier les souverains assyriens, ont laissé de nombreuses inscriptions relatant leurs victoires militaires, les prisonniers qu'ils avaient faits et les villes qu'ils avaient détruites, mais pour la plus grande partie des débuts de l'histoire de l'Égypte, de tels documents n'existent pas. Les Égyptiens considéraient leur pays comme le plus parfait du monde et ils n'étaient pas tant intéressés par la conquête que par la préservation de ce qu'ils possédaient. Les premières traces de guerres égyptiennes concernent toutes des troubles civils, et non la conquête d'autres terres, et ce fut le paradigme de la période dynastique précoce en Égypte (3150-2613 av. J.-C. environ) jusqu'à l'époque du Moyen Empire (2040-1782 av. J.-C.), lorsque les rois de la 12e dynastie maintenaient une armée permanente qu'ils menèrent dans des campagnes militaires au-delà de leurs frontières.
Développement de la guerre professionnelle
Bien que les chercheurs modernes ne s'accordent pas sur la question de savoir si Narmer unifia bel et bien l'Égypte par la conquête, il ne fait aucun doute qu'une force militaire sous la direction d'un chef fort était nécessaire pour maintenir l'unité du pays. Tout au long de la première période dynastique en Égypte, il existe des preuves de troubles, peut-être même d'une division du pays à un moment donné, et des guerres civiles entre les factions qui se battaient pour le trône.
À l'époque de l'Ancien Empire (2613-2181 av. J.-C. environ), le gouvernement central s'appuyait sur les gouverneurs régionaux (les nomarques) pour fournir des hommes à l'armée. Le nomarque enrôlait les soldats de sa région et les envoyait au roi. Chaque bataillon portait des étendards avec le totem de son district (le nome) et les soldats étaient loyaux envers leur communauté, leurs frères d'armes et leur nomarque. L'efficacité de cette milice primitive est attestée par les campagnes menées avec succès en Nubie, en Syrie et en Palestine par les monarques de l'Ancien Empire pour sécuriser les frontières, réprimer les soulèvements ou s'emparer des ressources pour la couronne. Les soldats se battaient pour le roi et leur pays, cependant ils ne formaient pas une armée égyptienne unie, mais plutôt une bande de petites unités militaires luttant pour un objectif commun. Les conscrits étaient fréquemment accompagnés de mercenaires nubiens, qui avaient la même loyauté envers le roi tant qu'ils touchaient leur salaire.
La montée en puissance des nomarques fut l'un des facteurs qui contribuèrent à l'effondrement de l'Ancien Empire et au début de la première période intermédiaire de l'Égypte (2181-2040 av. J.-C. environ). Le gouvernement central de Memphis n'avait plus de raison d'être, car les nomarques de chaque district prenaient le contrôle de leur région, construisaient des temples en leur propre honneur plutôt qu'en celui d'un roi et ils utilisaient leur milice à leurs propres fins. Pour tenter de regagner un peu de leur prestige perdu, les rois de Memphis déplacèrent leur capitale vers la ville d'Héracléopolis, plus centrale. Ils ne furent cependant pas plus efficaces dans la nouvelle ville qu'ils ne l'avaient été dans l'ancienne et ils furent renversés par Mentouhotep II (2061-2010 av. J.-C. environ) de Thèbes, qui ouvrit la période du Moyen Empire d'Égypte.
Il est probable que Mentouhotep II ait dirigé une armée de conscrits provenant de Thèbes, mais il est possible qu'il ait déjà mobilisé une force de combat professionnelle dans son district. Il est également tout à fait possible qu'un noyau de soldats professionnels ait combattu pour le roi dès la période prédynastique en Égypte (6000-3150 av. J.-C. environ), mais les preuves ne sont pas claires. La plupart des spécialistes s'accordent à dire que c'est le successeur de Mentouhotep II, Amenemhat Ier (1991-1962 av. J.-C. environ), qui aurait créé la première armée permanente en Égypte. La démarche est tout à fait logique car cela permettait de retirer le pouvoir des nomarques et de le placer entre les mains du roi. Le roi avait désormais le contrôle direct d'une armée qui lui était loyale, ainsi qu'à l'ensemble du pays, et non aux différents nomarques et à leurs régions.
Les Armées et les Armes de l'Ancien Empire
Les armes des périodes prédynastique et dynastique précoce étaient principalement des masses, des poignards et des lances. À l'époque de l'Ancien Empire, l'arc et les flèches, entre autres armes, avaient été ajoutés, comme l'explique l'historienne Margaret Bunson:
Les soldats de l'Ancien Empire étaient représentés coiffés d'une calotte crânienne et ils portaient des totems de leur clan ou de leur nome. Ils utilisaient des masses à tête de bois ou à tête de pierre en forme de poire. Les arcs et les flèches étaient l'équipement standard, avec des pointes de flèches en silex à bouts carrés et des carquois en cuir. Des boucliers, faits de peaux, étaient utilisés, mais pas de manière générale. La plupart des soldats étaient pieds nus, vêtus de simples kilts ou tout nus (168).
Les Égyptiens utilisaient un arc simple, difficile à utiliser, de faible portée et d'une précision peu fiable. Les soldats appartenaient tous à la classe inférieure de la paysannerie et ils avaient peu d’entraînement. Il est peu probable, bien que possible, qu'ils aient eu de l'expérience pour la chasse à l'arc. La paysannerie ne possédait pas de terres en Égypte et la chasse était interdite sans le consentement du propriétaire terrien de la classe supérieure. De plus, le régime alimentaire égyptien était essentiellement végétarien et la chasse était un sport réservé à la royauté. Néanmoins, lorsque les archers tiraient en masse à partir d'une position rapprochée, ces armes pouvaient être très efficaces. Après une ou deux volées de flèches, les soldats avançaient vers leurs adversaires en utilisant des armes à main. À cette époque, la marine égyptienne ne servait qu'à transporter les troupes et pas du tout à combattre l'ennemi.
La guerre au Moyen Empire
À l'époque du Moyen Empire, les soldats portaient des haches et des épées en cuivre. La longue lance en bronze avait été standardisée tout comme l'armure en cuir portée par-dessus un pagne court. L'armée était mieux organisée avec «un ministre de la guerre et un commandant en chef de l'armée, ou un fonctionnaire qui exerçait cette fonction» (Bunson, 169). Ces troupes professionnelles étaient très bien entraînées et il existait des «troupes de choc» , des troupes d'élite utilisées comme avant-garde. Les officiers étaient responsables d'un nombre indéterminé d'hommes dans leurs unités et ils rendaient compte à un commandant qui remontait ensuite la chaîne de commandement; on ne sait pas exactement quelles étaient les responsabilités individuelles ni quel nom on leur donnait, mais la vie militaire offrait à cette époque beaucoup plus de possibilités que par le passé. L'historien Marc van de Mieroop écrit:
Bien que notre connaissance de l'armée au Moyen Empire soit très limitée, il semble que son rôle dans la société était beaucoup plus important que dans l'Ancien Empire. L'armée était bien organisée et, sous la 12e dynastie, elle disposait d'un noyau de soldats professionnels. Ceux-ci servaient pour des périodes prolongées et ils étaient régulièrement stationnés à l'étranger. L'armée permit à des hommes ambitieux de faire carrière. Le gros des troupes continuait d'être recruté parmi les populations des provinces et ne participait qu'à des campagnes individuelles. Le nombre de soldats engagés et la durée de leur service restent inconnus. (112)
L'armée du Moyen Empire atteignit son apogée sous le règne du roi-guerrier Senousret III (1878-1860 av. J.-C. environ), qui fut le modèle du conquérant légendaire Sésostris, rendu célèbre par les écrivains grecs. Sénousret III mena ses hommes dans de grandes campagnes en Nubie et en Palestine, il abolit la fonction de nomarque et il prit plus directement le contrôle des régions d'où venaient ses soldats, et il sécurisa les frontières de l'Égypte avec des fortifications habitées.
Apports des Hyksôs
Les rois de la 12e dynastie, comme Senousret III, étaient des souverains puissants qui avaient vraiment contribué à la stabilité de l'Égypte, mais la 13e dynastie était plus faible et elle ne réussit pas à maintenir un gouvernement central efficace. Les Hyksôs, un peuple sémite ayant immigré de Syrie-Palestine, s’installèrent en Basse-Égypte à Avaris et, avec le temps, ils amassèrent suffisamment de richesses pour exercer un pouvoir politique. L'ascension des Hyksôs marqua le début de la deuxième période intermédiaire en Égypte (1782-1570 av. J.-C. environ), alors que le pays était divisé entre les Hyksôs au nord, les Égyptiens au milieu et les Nubiens au sud. Cette situation perdura, les trois peuples étant engagés dans des échanges commerciaux et une paix précaire, jusqu'à ce que le roi égyptien de Thèbes, Seqenenrê Tâa (1580 av. J.-C. environ), ne se sente défié par Apophis (ou Apopi), le roi hyksôs d'Avaris, et l'attaqua. Les Hyksôs furent finalement chassés d'Égypte par Ahmôsis Ier (1570-1544 av. J.-C. environ), roi de Thèbes, et cet événement marqua le début du Nouvel Empire d'Égypte.
L'armée égyptienne de la deuxième période intermédiaire était en grande partie composée de Medjaÿ, des guerriers nubiens qui combattaient en tant que mercenaires. Les Medjaÿ servaient d'éclaireurs, d'infanterie légère et enfin d'unités de cavalerie. Avant l'arrivée des Hyksôs, le cheval était inconnu en Égypte, tout comme le char. Bien que les écrivains égyptiens et grecs ultérieurs aient qualifié l'époque des Hyksôs d'âge sombre de chaos et de destruction, les rois étrangers introduisirent un certain nombre d'innovations importantes dans la culture, en particulier en ce qui concerne la guerre et l'armement. L'égyptologue Barbara Watterson remarque:
Les Hyksôs, originaires d'Asie occidentale, ont mis les Égyptiens en contact avec les peuples et la culture de cette région comme jamais auparavant et ils leur ont fait découvrir le char de guerre tiré par des chevaux, un arc composite fait de bois renforcé par des bandes de tendon et de corne, une arme plus élastique et d'une plus grande portée que leur propre arc simple, une épée en forme de cimeterre, appelée khépesh, et un poignard en bronze à la lame étroite coulée en une seule pièce avec la soie. Les Égyptiens ont transformé cette arme en épée courte. (60)
L'Égypte n'avait jamais été envahie et occupée par une puissance étrangère auparavant et les souverains du Nouvel Empire (1570-1069 av. J.-C.) voulurent s'assurer que ce ne serait plus jamais le cas. Les premiers rois de cette période mirent donc l'accent sur l'expansion des frontières du pays afin de créer des zones tampons et, ce faisant, ils lancèrent l'Empire égyptien.
L'Armée de l'Empire
La période du Nouvel Empire est la plus connue du public moderne, avec certains des souverains les plus célèbres (Hatchepsout, Thoutmôsis III, Séti Ier, Ramsès II). C'est la période où l'Égypte atteignit son apogée en termes de prestige, de puissance et de richesse. Van de Mieroop écrit:
L'Égypte du Nouvel Empire était un État impérialiste: le pays annexait des territoires en dehors de ses frontières traditionnelles et les contrôlait à son profit. Cette politique avait trouvé ses racines dans les périodes antérieures, lorsque les conquêtes militaires faisaient partie intégrante des fonctions royales, mais elle a atteint son apogée au Nouvel Empire, lorsque l'Égypte fut en état de guerre quasi permanent. (157)
Le Nouvel Empire commença quand Ahmôsis Ier poursuivit les Hyksôs hors de l'Égypte, à travers la Palestine et en Syrie, mais il commença réellement avec le règne d'Amenhotep Ier (c. 1541-1520 av. J.-C.) qui étendit les frontières méridionales jusqu'à la Nubie. Thoutmôsis Ier (1520-1492 av. J.-C.) alla plus loin et mena une campagne à travers la Palestine et la Syrie jusqu'en Mésopotamie, atteignant l'Euphrate. La reine Hatchepsout (1479-1458 av. J.-C.) envoya des expéditions en Nubie et en Syrie et elle organisa une mission commerciale à Pount, accompagnée d'une escorte militaire. Thoutmôsis III (1458-1425 av. J.-C.) est considéré comme le plus grand roi guerrier du début du Nouvel Empire. Il conquit la Libye, élargit son territoire en Nubie et il sécurisa des régions dans tout le Levant. Thoutmôsis III, en menant au moins 17 campagnes différentes en 20 ans, établit l'Empire égyptien à son apogée et, pour ce faire, il eut besoin d'une armée professionnelle. Bunson écrit:
L'armée n'était plus une confédération de levées des nomes mais une force militaire de premier ordre. Le roi était le commandant en chef, mais le vizir et une autre série d'unités administratives s'occupaient des questions de logistique et de réserve... L'armée était organisée en divisions, tant pour les chars que pour l'infanterie. Chaque division comptait environ 5 000 hommes. Ces divisions portaient les noms des principales divinités de la nation. (170)
Dans cette nouvelle organisation, la chaîne de commandement d’une division, du plus bas au plus haut échelon, était strictement hiérarchique. Dans chaque division, il y avait un officier responsable de 50 soldats qui relevait d’un officier supérieur responsable de 250 hommes. Cet officier, à son tour, relevait d’un capitaine qui était était sous les ordres d’un commandant de troupe. Au-dessus du commandant de troupe se trouvait le chef de troupe, un officier militaire responsable d’une garnison qui relevait du chef de fortification, un officier supérieur responsable des forts où la division était stationnée, qui, quand à lui, relevait d’un lieutenant commandant. Le lieutenant commandant était placé sous les ordres du général qui était responsable devant le vizir égyptien et le pharaon.
Un aspect important de cette nouvelle armée était le char tiré par des chevaux, introduit par les Hyksôs. Van de Mieroop note que «Les chars étaient menés par des combattants entraînés, des hommes riches qui fournissaient leur propre équipement. Ils recevaient des récompenses plus importantes que les autres soldats et ils jouissaient d'un statut social élevé» (158). Les Égyptiens modifièrent le char des Hyksôs pour le rendre plus léger, plus maniable et plus rapide. Chaque char était pourvu de deux hommes, un conducteur et un guerrier. Ils portaient une armure d’écailles sur le haut du corps et un pagne léger en dessous. Le conducteur était un charretier hautement qualifié qui contrôlait le véhicule tandis que le guerrier, armé d'un arc, de flèches et d'une lance, engageait le combat avec l'ennemi. Les chars étaient divisés en escadrons de 12 chars et 24 hommes, un treizième étant le commandant de l'escadron.
C'est cette armée qui fit de l'Égypte un empire et qui permit les règnes opulents des pharaons tels qu'Amenhotep III (1386-1353 av. J.-C.), sous le règne duquel l'Égypte jouit d'une paix et d'une prospérité sans précédent. Cela ne veut pas dire qu'il n'y eut aucun conflit sous son règne, mais l'armée maintint ces désagréments loin des frontières du pays. C'est également l'armée, sous le règne de Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.), qui affronta les Hittites en 1274 av. J.-C. durant la célèbre bataille de Qadech.
Ramsès II déplaça la capitale de l'Égypte de Thèbes vers une nouvelle ville qu'il construisit sur l'ancien site d'Avaris en Basse-Égypte, Pi-Ramsès (également connue sous le nom de Per-Ramsès, «la ville de Ramsès»). Comme à l'accoutumée, ce pharaon ne lésina pas sur les moyens pour doter sa nouvelle capitale d'ornements et de monuments, de temples aux dieux et de beaux édifices, mais, comme l'explique l'égyptologue Toby Wilkinson, à Pi-Ramsès, il se passait bien plus que des avancées architecturales et des fêtes religieuses:
Si les scribes et les poètes de la cour ont loué Pi-Ramsès comme une grande résidence royale, remplie d'exubérance et de joie, il y avait aussi un côté plus menaçant à ce projet royal des plus ambitieux. L'un des plus grands bâtiments était une vaste usine de fonte de bronze dont les centaines d'ouvriers passaient leurs journées à fabriquer de l’armement. Des fours ultramodernes, à haute température, étaient chauffés avec l’aide de conduits et de soufflets. Lorsque le métal en fusion en sortait, des ouvriers en sueur le versaient dans des moules destinés à la fabrication de boucliers et d'épées. Dans des conditions sales, brûlantes et dangereuses, le peuple du pharaon fabriquait les armes de l'armée du pharaon. Une autre grande partie de la ville était consacrée aux écuries, aux terrains d'exercice et aux travaux de réparation pour les chars du roi... En bref, Pi-Ramsès était moins un dôme de plaisance qu'un complexe militaro-industriel. (314)
Ramsès II lança sa campagne contre les Hittites à Qadech, sur son char, depuis Pi-Ramsès, à la tête de quatre divisions de 20 000 hommes. Selon ses inscriptions, la bataille fut une victoire égyptienne écrasante, mais son adversaire, Muwatalli II de l'empire hittite, revendiqua exactement la même chose pour son camp. Les experts d'aujourd'hui ont conclu que la bataille de Qadech était plus un match nul qu'une victoire pour l'un ou l'autre camp, mais Ramsès fit inscrire et lire les détails de sa grande victoire dans tout le pays et le conflit aboutit au premier traité de paix au monde signé entre les empires égyptien et hittite en 1258 av. J.-C..
La Marine Égyptienne
Outre l'armée et la charrerie, il existait une troisième branche de l'armée, la marine. Comme nous l'avons vu, au cours de l'Ancien Empire, la marine servait principalement à transporter l'infanterie. Même à la fin de la deuxième période intermédiaire, Kamosis utilisa la marine comme simple moyen de transport pour faire descendre ses troupes sur le Nil en vue du pillage d'Avaris. Au Nouvel Empire, cependant, la marine devint plus prestigieuse à mesure que les envahisseurs étrangers menaçaient la prospérité de l'Égypte par la mer.
Les Peuples de la mer, un groupe mystérieux qui n'a pas encore été totalement identifié avec certitude, étaient les plus déterminés, ce sont ceux dont les invasions sont les mieux documentées. Il semble qu'il s'agissait d'une coalition de différentes ethnies qui harcelèrent les côtes de la Méditerranée entre 1276 et 1178 avant notre ère et qui jouèrent peut-être un rôle important dans l'effondrement de l'âge du bronze. Ramsès II, son successeur Merenptah (1213-1203 av. J.-C.) et Ramsès III (1186-1155 av. J.-C.) combattirent tous les Peuples de la mer au cours de leur règne.
Ramsès II, qui disposait d'un réseau de renseignements très efficace, apprit l'arrivée de l'invasion à temps pour placer sa marine le long de la côte, à l'embouchure du Nil. Il plaça ensuite une petite flotte en position défensive pour attirer les navires des Peuples de la mer dans un piège. Une fois qu'ils furent en position, il libéra ses navires plus nombreux et plus grands par les côtés et détruisit son adversaire.
Cet engagement, comme beaucoup d'autres de la marine égyptienne, fut mené en mer par des troupes terrestres. Bien que les soldats aient été entraînés à combattre sur l'eau, ce n'était pas des marins. Les Égyptiens n'étaient pas un peuple de marins et leur marine en témoigne. Les navires étaient souvent incroyablement grands, avec un équipage d'environ 250 hommes. Les navires plus petits avaient un équipage de 50 hommes, dont 20 étaient chargés de ramer, de naviguer et de manœuvrer le navire, et 30 étaient affectés au combat. Bien que Ramsès II ait mis l'accent sur sa victoire lors d'une bataille navale, il s'agissait en fait d'une bataille terrestre menée sur l'eau. Les navires égyptiens s'étaient rapprochés de ceux des Peuples de la mer, ce qui permit d'aborder puis de couler les navires ennemis; les navires à proprement parler ne participèrent pas au combat.
Il en alla de même pour l'engagement de Ramsès III avec les Peuples de la mer. Il reprit l'astuce de son prédécesseur qui consistait à attirer les Peuples de la mer dans un piège et il s’appuya ensuite sur la guérilla pour les détruire. Merenptah évita tout engagement maritime et il affronta l'ennemi sur terre à Pi-yer où son armée du Nouvel Empire massacra plus de 6 000 soldats ennemis.
La véritable valeur de la marine égyptienne était d'intimider les envahisseurs potentiels et de transporter rapidement des troupes terrestres. Thoutmôsis III utilisa la marine à bon escient dans un certain nombre de campagnes et d'anciens cargos furent fréquemment enrôlés et transformés en navires de guerre pour les campagnes en amont ou en aval du Nil. Les navires étaient équipés de pavois pour protéger l'équipage contre les projectiles et ils étaient parfois améliorés pour être plus maniables.
Déclin de l'Armée égyptienne
Ramsès III fut le dernier pharaon efficace du Nouvel Empire et, après sa mort, les grands succès militaires devinrent de plus en plus rares. Les pharaons qui lui succédèrent n'étaient pas assez forts pour maintenir l'empire et celui-ci commença à s'effondrer. La décision de Ramsès II de construire Pi-Ramsès et d'y transférer sa capitale depuis Thèbes contribua à ce déclin. Thèbes abritait le grand temple d'Amon à Karnak et les prêtres d'Amon, non seulement dans ce temple mais dans toute l'Égypte, étaient très puissants. Lorsque la capitale fut transférée à Pi-Ramsès, les prêtres de Thèbes constatèrent qu'ils avaient beaucoup plus de liberté pour amasser encore plus de richesses et de pouvoir qu'auparavant. À l'époque du règne de Ramsès XI (1107-1077 av. J.-C.), le pays était divisé entre le pouvoir de Ramsès et celui des prêtres d'Amon à Thèbes.
Cette division marqua le début de l'ère connue sous le nom de troisième période intermédiaire de l'Égypte (c. 1069-525 av. J.-C.). La puissance maritime de l'Égypte fut éclipsée par les marines grecque et phénicienne de l'époque, beaucoup plus rapides, mieux équipées et composées de marins expérimentés. L'Égypte entra dans ce que l'on appelle l'âge du fer II vers l'an 1000 av. J.-C., lorsqu'elle commença à produire des outils et des armes en fer. Pour forger le fer, il fallait utiliser du charbon de bois brûlé, mais l'Égypte ne possédait que peu d'arbres. En 671 av. J.-C., le pays fut envahi par le roi assyrien Esarhaddon qui, avec son armée professionnelle maniant des armes en fer, massacra l'armée égyptienne, brûla la ville de Memphis et ramena les captifs royaux à Ninive. En 666 av. J.-C., son fils Assurbanipal envahit l'Égypte et conquit le pays jusqu'à Thèbes. Une fois encore, les armes en fer, les meilleures armures et les tactiques des Assyriens se révélèrent supérieures à celles des Égyptiens.
La période tardive de l'Égypte ancienne (525-332 av. J.-C.) commence après les invasions assyriennes et se caractérise par le déclin du pouvoir des souverains égyptiens et des guerres incessantes. Les royautés égyptiennes s'affrontaient pour la suprématie en utilisant des mercenaires grecs qui se battaient aussi bien pour un camp que pour l'autre. Finalement, beaucoup de ces soldats grecs cessèrent complètement de combattre et s'installèrent en Égypte avec leurs familles.
À cette époque, l'armée égyptienne avait acquis des armes en fer et développé une cavalerie puissante, mais ces innovations ne suffirent pas à lui permettre d'atteindre le niveau d'efficacité et de puissance qui était le sien auparavant. Le fer était très coûteux, car tous les éléments nécessaires devaient être importés.
Les Perses envahirent le pays en 525 av. J.-C. et ils vainquirent la garnison égyptienne de Péluse (Pelusium en latin), mais cela n'avait rien à voir avec une puissance militaire supérieure. Le général perse Cambyse II connaissait la grande vénération des Égyptiens pour les animaux en général et les chats en particulier. Il ordonna à ses hommes de rassembler autant d'animaux que possible et de les conduire devant l'armée. De plus, il demanda à ses soldats de peindre sur leurs boucliers l'image de la déesse Bastet, l'une des divinités égyptiennes les plus populaires. Il marcha ensuite sur la ville avec les animaux devant lui en déclarant qu'il jetterait des chats par-dessus les murs s'il n'obtenait pas une reddition immédiate. Les Égyptiens, craignant pour la sécurité des animaux (et aussi pour la leur s'ils venaient à offenser Bastet), déposèrent les armes et se rendirent. Par la suite, Cambyse II aurait jeté des chats d'un sac au visage des Égyptiens en signe de mépris.
Alexandre le Grand prit l'Égypte aux Perses en 331 av. J.-C. et, après sa mort, l'Égypte passa sous la domination de son général Ptolémée, qui devint Ptolémée Ier d'Égypte (323-283 av. J.-C.). La dynastie des Ptolémée était composée de souverains macédoniens et grecs qui utilisaient les tactiques militaires et l'armement de leur propre pays. L'histoire de la guerre dans l'Égypte ancienne se termine essentiellement avec le Nouvel Empire. Les innovations et les progrès en matière d'armement réalisés après 1069 av. J.-C. n'ont plus d'importance à grande échelle pour l'armée égyptienne, car il n'y avait plus de gouvernement central fort pour la soutenir.