Les vigiles (ou cohortes vigilum) furent formées sous le règne d'Auguste comme service permanent de lutte contre les incendies de la Rome antique. Ayant évolué des équipes d'esclaves antérieures, les vigiles étaient organisés en unité militaire urbaine et les recrues finirent par provenir de la population romaine. Le corps, doté d'un camp permanent et de postes d'équipement parsemés dans la ville, patrouillait chaque nuit dans les rues de Rome et acccomplissait également certaines tâches de police nocturnes afin d'assurer l'ordre public.
Évolution
Les vigiles furent créés par Auguste en l'an 6 après JC pour répondre au risque élevé d'incendies dans la capitale dû à la forte densité de population et à l'utilisation généralisée de logements en bois et d'autres bâtiments comportant des parties en bois. Ce n'était pas la première fois qu'une telle force était créée car l'avaricieux Marcus Licinius Crassus, l'un des hommes les plus riches de Rome, avait repéré l'opportunité de se faire de l'argent en offrant des prix bas pour des bâtiments en proie aux flammes puis en faisant éteindre le feu de son équipe d'esclaves pour qu'il puisse être épargné puis restauré. Si le propriétaire refusait l'offre de Crassus, le feu dévorerait le tout sans intervention aucune.
La prochaine étape vers un service d'incendie approprié fut franchie par l'édile Egnatius Rufus qui, comme Crassus, avait créé une force d'esclaves pour éteindre les incendies mais, contrairement à Crassus, semblait avoir été plus motivé par les questions de sécurité publique. Il cherchait peut-être un certain cachet politique avec sa création, mais cela fut peine perdue puisque le Sénat plus tard le condamna à la peine de mort pour conspiration contre l'État. Une autre idée pour protéger la ville, particulièrement la nuit, fut la création du tresviri nocturni - trois magistrats veilleurs de nuit. Encore une fois, l'effectif de ce trio était composé d'esclaves, et il était de leur devoir de prévenir toute perturbation dans la ville. Certains particuliers riches formèrent même leurs propres pompiers personnels, tel étaient les besoins en une équipe d'intervention contre les incendies toujours plus importante et plus présente.
Vers 21 av. JC. Auguste prit les choses en main et réorganisa ce qui restait des esclaves de Rufus, créant une force de 600 esclaves pour combattre les incendies quand ils se présentaient. Les aediles (édiles) furent mis en charge de cette nouvelle force, mais il semble qu'ils aient été inefficaces car, après de graves incendies survenus en 7 av. JC, Auguste les réorganisa une fois de plus. Cette fois, la force fut divisée pour couvrir 14 zones, chacune divisée en vici. Ainsi, chacune des 265 vici avait son propre groupe désigné d'esclaves publics de lutte contre les incendies commandés par le viciomagister. Il s'agissait d'une amélioration par rapport au système précédent, mais il y avait toujours des problèmes de coordination entre les différentes vici. Auguste créa donc finalement une seule force, les vigiles.
Organisation et devoirs
Les vigiles étaient composées d'hommes affranchis, avec des officiers venant de l'armée. Ils étaient organisés en sept cohortes de 1000 hommes (mais peut-être seulement la moitié de ce nombre), chacune dirigée par un tribun de rang équestre. Chaque cohorte était divisée en sept unités dirigées par un centurion. Toute la force était commandée par un préfet de rang équestre, le Praefectus Vigilum. Sous le règne de Tibère (14-37 JC), la durée du service des vigiles fut fixée à six ans, après quoi ils pouvaient revendiquer la citoyenneté romaine. Sous le règne de Trajan (98-117 JC), le préfet se vit adjoindre un sous-préfet comme commandant en second. Finalement, la durée du service dans les vigiles fut réduite à seulement trois ans et la force commença à attirer des citoyens ce qui conduit à une expansion de la force sous Septime Sévère (r. 193-211 JC).
Les 14 zones de la ville de Rome furent distribuées de sorte que chaque cohorte était responsable des incendies dans deux de ces zones. Les vigiles avaient leur propre camp dans la ville, tandis que l'équipement de lutte contre les incendies était stocké dans chaque zone dans un entrepôt spécifique connu sous le nom d'excubitorium. Là encore, un petit nombre des membres de la cohorte était stationné de façon permanente, probablement en rotation. Les vigiles patrouillaient la ville chaque soir, gagnant ainsi littéralement leur nom et veillaient contre toute flambée de feu. Un autre de leurs devoirs consistait à arrêter toute personne louche traînant dans la rue la nuit. Toute personne arrêtée était emmenée devant le préfet de la ville, le commandant des cohortes urbaines de la ville, pour être jugée.
Bien que les officiers des vigiles, en particulier les centurions et les préfets, aient souvent promus à des rôles dans les cohortes urbaines les plus prestigieuses et la Garde prétorienne, une des autres organisations militaires de Rome, les historiens romains tels que Tacite ne considéraient pas les vigiles comme des soldats. Cela dit, lors des crises telles que les guerres civiles de 69 et 193 JC, ils prirent part à l'action militaire. Au IVe siècle, les vigiles furent dissoutes et remplacées par des guildes spécialisées responsables de la lutte contre les incendies.
Lutte contre les incendies
Comme l'équipement était primitif et que le seul moyen sûr de contenir un incendie était de démolir un bâtiment (et parfois ses voisins pour empêcher que l'incendie ne se propage), la meilleure action que les vigiles pouvaient fournir était de repérer un incendie avant qu'il ne vire au désastre. Une autre mesure préventive consistait à limiter la hauteur des immeubles à Rome, à augmenter l'espace entre les bâtiments et la largeur des rues, et à construire des pare-feu.
Si un incendie grave se déclarait, les vigiles avaient à leur disposition les équipements suivants, équipements que les locataires devaient fournir: seaux à incendie (amae), éponges (spongiae), pompes (siphones), haches (dolabrae), pics (sécurisés), échelles ( scalae), grappins (falces), couvertures matelassées (centones), tapis en osier (formiones), poteaux (perticae), balais (scopae) et vinaigre. Avec tout ça, ils pouvaient asperger le feu, l'étouffer et abattre une partie ou la totalité des bâtiments en feu.
Héritage
Les ruines de l'excubitorium des cohors VII sont encore visibles aujourd'hui à Rome près du pont qui traverse l'île Tibérine. Un autre excubitorium, celui des cohors V, est célèbre pour être situé sous la basilique Santa Maria in Domnica, construite au XIXe siècle. L'idée d'un service permanent de lutte contre les incendies se répandit dans d'autres villes romaines. Claudius (r. 41-54 JC) créa deux unités supplémentaires de vigiles pour sauvegarder Ostie et Putéoli, et il y eut d'autres brigades du feu à Carthage, Lyon, Ravenne et Constantinople à la fin de l'Antiquité. Le nom des vigiles perdure dans la ville de Rome et dans toute l'Italie, car le service d'incendie et de secours s'appelle aujourd'hui le Vigili del Fuoco.