Sénat romain

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Vanina Delhaye
publié le 12 décembre 2016
Disponible dans ces autres langues: anglais, italien, portugais, espagnol
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Cicero Denounces Catiline (by Cesare Macari, Public Domain)
Cicéron condamne Catilina
Cesare Macari (Public Domain)

Le Sénat romain servait d'organe consultatif pour les magistrats de Rome, et était composé des fonctionnaires les plus expérimentés de la ville et de l'élite de la société. Ses décisions étaient lourdes de conséquences, même si dans la pratique, elles n'aboutissaient pas toujours à des lois. Pendant l'époque impériale, le Sénat continua à exercer son influence sur le gouvernement, quoique dans une moindre mesure.

Au fil du temps, le Sénat fut en proie à une intervention accrue de l'armée dans la politique et subit des manipulations de la part des empereurs successifs, tant au niveau de ses membres que lors de ses sessions. Cette institution survécut à tous les empereurs, et les sénateurs restèrent les acteurs politiques les plus puissants de Rome, occupant des fonctions officielles clés, influençant l'opinion publique, commandant les légions, et gouvernant les provinces.

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Origines

Les Romains désignaient leur siège de gouvernement le plus important sous le nom de senatus (dérivé du mot senex se traduisant par «âgé»), qui signifiait «assemblée d'hommes âgés». Ce terme avait une connotation positive, suggérant de la sagesse et de l'expérience. Les sénateurs étaient parfois appelés «pères» ou patres. Ces différentes notions montrent que le Sénat était une entité chargée de prodiguer des conseils réfléchis et objectifs à Rome et à son peuple.

D'après la tradition, c'est Romulus, le fondateur de Rome, qui aurait créé le premier Sénat à 100 membres avec comme objectif de conseiller le souverain. En réalité, on sait très peu de chose sur le rôle du Sénat à l'époque de la monarchie. Au début de la République, il est probable que cette institution ait d'abord été un comité consultatif pour les magistrats, avant de gagner en pouvoir au fur et à mesure que les magistrats à la retraite le rejoignaient. C'est ce que nous indique la lex Ovinia (après 339 av. J.-C. mais avant 318 av. J.-C.) qui précise que les sénateurs devaient être choisis parmi les «meilleurs hommes». Tous les cinq ans, les censeurs dressaient une nouvelle liste des membres du Sénat, mais généralement ceux-ci conservaient leur rôle à vie, à moins d'avoir commis un acte déshonorant. Par exemple, en 70 av. J.-C., pas moins de 64 sénateurs furent enlevés de la liste pour conduite indigne. Le système était désormais en place ce qui, dans les faits, mena à la création d'une nouvelle classe politique puissante qui domina le gouvernement romain pendant des siècles.

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Membres

À partir du IIIe siècle av. J.-C., le Sénat comptait 300 membres et, après les réformes de Sylla en 81 av. J.-C., il y en avait probablement environ 500, bien qu'après cette date, il ne semble pas y avoir eu de nombre minimum ou maximum spécifique. Au milieu du Ier siècle av. J.-C., Jules César entreprit des réformes: il accorda le statut de membre à ses partisans et l'étendit à des personnalités importantes d'autres villes que Rome, si bien qu'il y avait à l'époque 900 sénateurs. Par la suite, Auguste réduisit le nombre de membres à environ 600. Les sénateurs étaient dirigés par le princeps senatus, qui prenait toujours la parole en premier lors des débats. Cette fonction perdit en importance au cours des dernières années de la République, mais elle fut remise à l'honneur sous Auguste.

La fonction officielle du Sénat était de conseiller les magistrats par des décrets et des résolutions. Les décisions prises étaient d'autant plus importantes que de nombreux sénateurs étaient eux-mêmes d'anciens magistrats, rendant ainsi les veto rares.

Il est prouvé que le Sénat n'était pas entièrement composé de membres de la classe aristocratique patricienne, même s'ils comptaient pour la majorité des sénateurs. Certaines personnes ne faisant pas parti du Sénat (certains magistrats comme les tribuns, les édiles et plus tard les questeurs) pouvaient assister aux sessions et s'y exprimer. Ces individus étaient systématiquement nommés sénateurs à part entière lors de la censure suivante. Bien sûr, tous les membres ne participaient pas de façon active aux sessions, et beaucoup se contentaient de simplement écouter aux discours et de voter.

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Le rang de sénateur impliquait certains privilèges, comme le droit de porter une toge avec une bande de pourpre de Tyr (latus clavus), une bague sénatoriale, des chaussures spéciales et une épithète (plus tard avec trois rangs: clarissimi, spectabiles, illustres), et d'avoir certains bénéfices fiscaux et les meilleures places lors des festivals publiques et des jeux. Il y avait aussi des restrictions, comme l'interdiction de quitter l'Italie sans l'approbation du Sénat, d'être propriétaire de grands navires, ou de répondre à des appels d'offre pour des contrats d'État.

La Curie

Le Sénat se réunissait dans différents lieux de Rome ou sa périphérie à moins d'un mille des limites de la cité, mais l'endroit devait être sacré, c'est-à-dire un templum. Le choix évident était donc un temple, mais le Sénat se rassemblait le plus souvent à la Curie, un bâtiment public de Rome. Il y eut d'abord la Curie Hostilia, utilisée au début de la monarchie, puis la Curie Cornelia construite par Sylla, et enfin la Curie Julia, édifiée par César mais achevée par Auguste, et utilisée par la suite. Les sessions étaient ouvertes au public, avec littéralement une politique de portes ouvertes qui permettait aux gens de s'asseoir à l'extérieur et d'écouter s'ils le souhaitaient.

The Curia
La Curie
Chris Ludwig (Copyright)

Législation et procédures

La fonction officielle du Sénat était de conseiller les magistrats (consuls, censeurs, questeurs, édiles, etc.) par des décrets et des résolutions. Les décisions prises étaient d'autant plus importantes que de nombreux sénateurs étaient eux-mêmes d'anciens magistrats avec une expérience pratique de l'exercice du pouvoir, rendant ainsi les veto rares (mais ils pouvaient y en avoir, par exemple, de la part des tribuns de l'assemblée populaire, les tribuni plebis). Les magistrats devaient également tenir compte du fait qu'ils retourneraient eux-mêmes au Sénat après leur mandat d'un an. Une fois mis en place, les décrets devenaient des lois. Exceptionnellement, lors des crises provoquées par la chute de la République, le Sénat put prendre des décrets d'urgence (senatus consultum ultimum) qu'il jugeait nécessaires à la protection de l'État.

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À partir du IVe siècle av. J.-C., le Sénat gagna de plus en plus d'influence sur les politiques publiques, alors que celle des assemblées populaires et des magistrats diminua. Le Sénat décidait des questions de politique intérieure, y compris dans les domaines financiers et religieux, en formulant d'abord des propositions dont les assemblées populaires n'avaient l'occasion de débattre qu'ensuite. La politique étrangère était également prise en compte, ce qui comprenait les rencontres avec des ambassadeurs étrangers, la répartition des légions, la création de provinces et la délimitation de leurs frontières. Les lois existantes et leurs lacunes pouvaient également être débattues. De plus, le Sénat avait le pouvoir d'offrir une image prestigieuse aux hommes les plus puissants de Rome, notamment en décernant des triomphes pour les campagnes militaires réussies.

Les débats étaient consignés dans un registre (senatus consulta) et publiés dans les archives publiques, le Tabularium, à l'intention du public. Cette pratique fut arrêtée par Auguste. Toutefois, les sénateurs avaient toujours accès à ces archives, et les écrivains, qui étaient presque toujours membres du Sénat, n'hésitaient pas à les citer dans leurs œuvres.

Période impériale

Le Sénat resta une institution influente même après qu'Auguste fut devenu empereur. Les sénateurs continuaient à débattre et parfois à désapprouver les actions de l'empereur, et comme le remarque l'historien F. Santangelo, le Sénat «conservait des prérogatives importantes dans les domaines militaires, fiscaux et religieux, et nommait les gouverneurs des provinces qui n'étaient pas sous le contrôle direct d'Auguste» (Bagnall, 6142). Certaines affaires juridiques impliquant des sénateurs ou non (par exemple la corruption, l'extorsion et les crimes contre le peuple) étaient tranchées par le Sénat et leur décision ne pouvait pas être annulée par l'empereur.

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Roman Citizen Voting
Un citoyen romain qui vote
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Le Sénat demeura une institution prestigieuse doté de pouvoirs symboliques et cérémoniels importants, à laquelle l'élite romaine aspirait toujours à faire partie. Désormais, 20 nouveaux membres pouvaient y entrer chaque année, et seulement via une élection à la questure. Auguste introduisit un critère de propriété minimum pour devenir membre, puis créa un ordre sénatorial selon lequel seuls les fils de sénateurs ou les personnes auxquelles l'empereur conférait ce statut pouvaient devenir sénateurs. Au fil des siècles, l'empire s'étendit et l'origine géographique des sénateurs se modifia également, de sorte qu'au IIIe siècle ap. J.-C., jusqu'à 50 % des sénateurs venaient de régions autres que l'Italie.

Dans la pratique, malgré leur influence et leur prestige persistants, les pouvoirs des sénateurs avaient considérablement diminué par rapport à leur apogée sous la République. Un petit groupe de sénateurs était alors nommé par l'empereur (consilium) pour décider ce qui serait débattu par le Sénat entier, parfois présidé par Auguste en personne. Tibère (empereur de 14 à 37 ap. J.-C.) était un autre participant assidu, mais il se passa du consilium, même si de nombreux empereurs ultérieurs formèrent un groupe consultatif informel similaire qui comprenait quelques sénateurs. Le vrai pouvoir politique était entre les mains des empereurs, mais le Sénat continua néanmoins à adopter de nombreuses lois pendant le Principat. Les discours des sénateurs exerçaient également une influence importante, mais lorsque les empereurs commencèrent à les prononcer eux-mêmes (orationes), ils étaient ensuite cités par les juristes, ce qui suggère qu'ils purent avoir, dans la pratique, l'autorité législative. Auguste imposa également une limite de temps sur les discours prononcés par toute personne autre que l'empereur. Le Sénat devint peut-être moins influent, mais officiellement, les empereurs continuèrent à recevoir leur pouvoir de lui, et donc leur légitimité à gouverner. Le Sénat pouvait également avoir le dernier mot sur le règne d'un empereur en le déclarant ennemi public ou en effaçant officiellement sa mémoire (damnatio memoriae).

Menaces sur le Sénat

L'autorité du Sénat fut directement contestée, outre les conflits qui découlaient du système de gouvernement quotidien de Rome. Dans les années 70 av. J.-C., une institution rivale fut créée en Espagne par Sertorius, et le Sénat lui-même fut souvent divisé en factions pendant la période d'agonie de la République. De grands groupes de sénateurs se rangèrent du côté des hommes les plus puissants de l'époque, tels que Marius, Pompée et César. Un grand nombre de sénateurs furent également victimes des machinations politiques de ces hommes d'ambition et furent expulsés du Sénat, voire pire.

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Roman Politicians
Hommes politiques romains
The Creative Assembly (Copyright)

Tout au long de la période impériale, la plupart des empereurs reconnurent que le Sénat était une voix importante de l'élite romaine et un reflet de leur implication nécessaire dans le fonctionnement de l'Empire. Toutefois, la présence même des empereurs, l'importance accordée à leurs discours et l'abandon du vote oral au profit d'une véritable procédure de votation pour passer les lois suggèrent que le Sénat déclina petit à petit en tant que forum de véritable débat politique.

Les réformes de Dioclétien (284-305 ap. J.-C.) et de Constantin (306-337 ap. J.-C.) transférèrent de nombreux postes publics des sénateurs à l'ordre équestre ou, du moins, brouillèrent la distinction entre les deux classes. Durant le Bas-Empire, on prit la décision capitale de scinder le Sénat en deux organes, l'un à Rome et l'autre à Constantinople. Comme l'empereur résidait désormais dans cette dernière, le Sénat de Rome ne s'occupait plus que des affaires locales. Cependant, le Sénat continua à exister et survécut même à l'Empire romain, mais il ne retrouva jamais le pouvoir et le prestige dont il avait joui durant les siècles de la République, avant que Rome ne soit dominée par des individus très riches et très puissants sur le plan militaire.

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Questions & Réponses

Que faisait le Sénat romain ?

Le Sénat romain était une institution consultative pour les magistrats de Rome et guidait l'État. Ses décisions étaient lourdes de conséquences, même si elles n'aboutissaient pas toujours à des lois.

Qui participait au Sénat romain ?

Les sénateurs romains étaient les fonctionnaires les plus expérimentés de la ville et l'élite de la société, issus pour la plupart de la classe aristocratique des patriciens. Leur nombre varia au fil du temps et n'était pas fixe, mais il y avait probablement toujours entre 300 et 600 sénateurs.

Quel était le rôle du Sénat romain pendant la période impériale ?

Le Sénat romain reflétait l'expansion de l'empire, si bien qu'au IIIe siècle ap. JC, jusqu'à 50 % des sénateurs venaient d'ailleurs que l'Italie.

Comment le Sénat romain a-t-il évolué pendant la période impériale comparé à celle de la République ?

Le pouvoir du Sénat romain diminua sous l'Empire, mais il était toujours présent. Il discutait des actions de l'empereur, faisant parfois savoir sa désapprobation. Le Sénat continuait à jouer un rôle dans le droit romain et examinait certaines affaires juridiques.

Bibliographie

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Traducteur

Vanina Delhaye
Passionnée par l'histoire et les langues, Vanina a orienté son parcours professionnel de façon à pouvoir allier ces deux domaines. C'est ainsi qu'elle est devenue traductrice et guide-conférencière indépendante, spécialisée en art et histoire.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2016, décembre 12). Sénat romain [Roman Senate]. (V. Delhaye, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15522/senat-romain/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Sénat romain." Traduit par Vanina Delhaye. World History Encyclopedia. modifié le décembre 12, 2016. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15522/senat-romain/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Sénat romain." Traduit par Vanina Delhaye. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 12 déc. 2016. Web. 20 nov. 2024.

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