Empereur Kammu

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 09 mai 2017
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Emperor Kammu (by Unknown Artist, Public Domain)
Empereur Kammu
Unknown Artist (Public Domain)

L'empereur Kammu (alias Kanmu) régna dans l'ancien Japon de 781 à 806 et est surtout connu pour avoir déplacé la capitale à Heian-kyō (Kyoto) en 794. Kammu était l'un des empereurs les plus puissants que le Japon ait connu ou connaîtrait jamais, et son règne fut marqué par une restructuration de la maison royale et du gouvernement, réduisant les coûts de l'État et le rendant plus apte à gérer le pays et à lutter contre la corruption.

Prince héritier

Kammu vit le jour en 737. Son père était l'empereur Konin (r. de 770 à 781) et sa mère une roturière coréenne. D'abord écarté de la ligne de succession, une pratique courante dans les grandes familles d'empereurs, il fut ensuite réintégré grâce à ses partisans dans le puissant clan Fujiwara qui dominait la plupart des postes importants du gouvernement et de la cour impériale. En 773, Kammu fut officiellement choisi en tant que successeur de son père, sans doute aidé par son influent oncle Fujiwara no Momokawa. En 781, l'empereur Konin abdiqua et son fils Kammu devint empereur. Kammu, comme le voulait la tradition, donna à son règne un nom d'époque ou nengo. Son choix se porta sur Enryaku, qui signifie "succession prolongée", ce qui s'avéra approprié pour son règne qui dura 25 ans.

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De Nara à Heian-kyō

Au cours de la période Nara (710-794), la cour impériale japonaise était en proie à des conflits internes motivés par la lutte de l'aristocratie pour obtenir des faveurs et des postes, ainsi que par l'influence excessive sur la politique des sectes bouddhistes dont les temples étaient disséminés dans la capitale. Il y eut également un complot manqué pour prendre le pouvoir en 782 par les descendants de l'empereur Temmu, qui avait été supplanté lorsque Konin était monté sur le trône.

Kammu réussit à balayer le désordre des régimes précédents et à s'ériger en souverain tout-puissant, entouré de partisans qui lui devaient directement leur position.

Cette situation finit par conduire l'empereur Kammu à déplacer la capitale de Nara à Nagaoka-kyō, sur la rivière Yodo, en 784. Le nouveau site ne dura cependant pas longtemps, après l'assassinat dans le palais de l'un des principaux conseillers de Kammu (Fujiwara no Tanetsugu), la mort prématurée de l'une des épouses et d'un fils de Kammu, une grave inondation et une épidémie, qui donnèrent à Nagaoka-kyō un air de malchance. En effet, le meneur du complot d'assassinat, le prince Sawara, frère cadet de Kammu, fut exilé, mais il se laissa mourir de faim et l'on pensa que son esprit malin ou kami était responsable des désastres. Il fut donc décidé de se réinstaller, cette fois à Heian-kyō, en 794. Ce déménagement marqua le début de la période Heian, qui dura jusqu'au XIIe siècle, et Heian-kyō, ou Kyoto comme on la connait aujourd'hui, resterait la capitale du Japon pendant encore un millier d'années.

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Heian-kyō, qui signifie "la capitale de la paix et de la tranquillité", fut aménagée selon un plan quadrillé régulier inspiré des modèles chinois. L'aristocratie disposait de beaux palais avec leurs propres jardins soigneusement aménagés et un grand parc d'agrément fut construit au sud du palais royal (Daidairi). Aucun temple bouddhiste n'était autorisé dans la partie centrale de la ville et aucun membre du clergé n'était autorisé à quitter Nara, bien que Kammu ait permis la construction de deux temples de part et d'autre de la porte Rashomon de la ville: le Sai-ji (temple de l'ouest) et le Tō-ji (temple de l'est). Ce dernier fut agrandi par le célèbre moine et fondateur du bouddhisme Shingon Kūkai en 823 et fut doté de sa splendide pagode, la plus grande du Japon, en 826. Kammu ne négligea pas non plus la religion shintoïste et fit construire l'important sanctuaire Hirano-Jinja en 794. La capitale, avec ses larges avenues et ses quartiers artisanaux pour les artistes, les métallurgistes et les potiers, devint l'une des grandes villes de l'Asie de l'Est.

Model of Kyoto
Maquette de Kyoto
Wikiwikiyarou (Public Domain)

Gouvernement

L'empereur Kammu continua d'appliquer les principes chinois au gouvernement, en particulier le confucianisme et l'interprétation taoïste des présages. Cependant, il élagua l'administration de l'État, devenue trop lourde et trop coûteuse. Le nombre de fonctionnaires fut réduit et certains ministères supprimés. Kammu créa également un petit corps de conseillers pour agir en tant qu'organe consultatif, le bureau du trésor de la maison (kurando-dokoro). Dans ces réformes, Kammu fut aidé par un heureux hasard qui vit la plupart des anciens chefs de clans puissants décéder et leurs successeurs lutter pour trouver les ressources nécessaires à leur double réinstallation dans les nouvelles capitales.

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La cour royale hypertrophiée fut réduite de la même manière en 805 dans le cadre d'un processus connu sous le nom de "délestage dynastique". Plus de 100 princes et princesses passèrent du statut royal à celui de noble et reçurent des noms de clans tels que Minamoto, Taira et Ariwara. Dans le même temps, les fidèles se virent accorder de généreuses concessions de terres ou des postes clés au sein du gouvernement (dont beaucoup étaient tout simplement laissés vacants), de sorte que l'empereur était en mesure de faire table rase des régimes précédents et de s'ériger en souverain suprême et tout-puissant, entouré de ses partisans qui lui devaient directement leur position et leur statut.

Kammu était lui-même un adepte du bouddhisme et sa politique visait à assainir la religion plutôt qu'à la réprimer.

Bien que Kammu se soit méfié de l'influence des sectes bouddhistes sur la politique, il permit à l'État de continuer à parrainer des temples bouddhistes et autorisa les moines bouddhistes à représenter leurs sectes lors des cérémonies et des festivals de l'État. En 785, l'empereur renforça davantage encore son indépendance vis-à-vis de la religion en insistant pour que la cour impériale nomme les abbés des sites des temples (notamment l'Enryaku-ji sur le Mont Hiei) et en adoptant une loi qui restreignait la liberté des moines en dehors des monastères. Les sectes bouddhistes firent l'objet d'une surveillance accrue en 799, les gouverneurs régionaux ayant reçu l'ordre d'enregistrer tous les moines et pratiquants. D'autres édits suivirent, qui visaient tous à éradiquer les moines qui abusaient de leur position, pratiquaient la magie contre leurs ennemis, engendraient des enfants, accordaient des prêts aux paysans à des taux d'intérêt excessifs, etc. Kammu était lui-même un adepte du bouddhisme et sa politique visait à assainir la religion plutôt qu'à la réprimer.

Un autre changement politique important initié par Kammu fut la fin de la conscription des paysans dans la milice des provinces. Les paysans ne s'étaient pas révélés être des guerriers très efficaces et, lorsqu'ils n'étaient pas impliqués dans des combats réels, ils avaient été détournés par les commandants locaux qui les avaient forcés à travailler à leurs propres fins. L'État payait désormais des guerriers professionnels, mais ceux-ci étaient rarement nécessaires, n'étant employés que lors d'expéditions occasionnelles contre les pirates et lors d'escarmouches frontalières avec les tribus Emishi dans le nord du Japon. Les Emishi furent finalement soumis après des décennies de batailles indécises à la suite d'expéditions majeures en 794 et 801 menées par les deux seii taishogun Otomo no Otomaro et Sakanoue no Tamuramaro respectivement. Lors de cette dernière campagne, un fort fut construit à Isawa pour éviter toute nouvelle hostilité.

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Pagoda, To-ji Temple
Pagode, temple To-ji
Michael Reeve (CC BY-SA)

L'une des conséquences de la politique visant à mettre fin à la conscription fut que les grands propriétaires de domaines commencèrent à former leurs propres armées privées de samouraïs pour protéger leurs intérêts, ce qui donna finalement à certains clans tels que les Taira et les Minamoto les moyens d'essayer de s'emparer du pouvoir politique pour leur propre compte. Pour combler le vide laissé par le déclassement de l'armée, les forces de police se virent attribuer des pouvoirs accrus, notamment une fonction judiciaire, et une petite force de jeunes gens armés (kondei) fut créée pour garder les biens de l'État dans les provinces.

Des tentatives furent faites pour réduire la corruption dans les provinces où les administrateurs étaient autorisés à prélever des impôts en nature. Un organisme, le kageyushi, fut créé pour veiller à ce que les registres fiscaux soient tenus à jour et à ce qu'un audit soit réalisé à chaque changement de gouverneur. Néanmoins, l'effet à long terme de l'existence d'hommes forts locaux soutenus par leur propre armée privée et autorisés à prélever les taxes de l'État fut une réduction progressive du pouvoir économique du gouvernement central. À la fin de la période Heian, au XIIe siècle, ces seigneurs de la guerre s'emparèrent du pouvoir politique et le conservèrent pendant six siècles.

Mort et déification

Kammu mourut en 806 et ses fils lui succédèrent: l'empereur Heizei (806-809), l'empereur Saga (809-823) et l'empereur Junna (823-833). Malgré cette continuité dynastique, le règne de Kammu marqua un tournant pour le gouvernement japonais, et ses successeurs durent lutter contre de puissants clans qui cherchaient à réduire le pouvoir de l'empereur, comme le résume l'historien W.H. McCullough:

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Kammu était le dernier d'une lignée de puissants monarques bâtisseurs de capital, capables de mobiliser la richesse et la puissance militaire de tout le pays à des fins nationales ou dynastiques. Après lui, les projecteurs de l'histoire politique centrale se sont progressivement et rapidement détournés de la personne du souverain pour se tourner vers d'anciens titulaires de postes nominalement subordonnés à la cour... [en 850 de notre ère] le clan Fujiwara était en bonne voie pour dominer complètement à la fois l'empereur et les organes de son gouvernement statutaire. (Whitney Hall, 25)

L'empereur Kammu fut reconnu en tant que divinité ou esprit kami du sanctuaire Heian Jingu à Kyoto, fondé en 1895 à l'occasion du 1100e anniversaire de la fondation de la ville en tant que capitale du Japon.

This content was made possible with generous support from the Great Britain Sasakawa Foundation.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur, à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que partagent toutes les civilisations. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2017, mai 09). Empereur Kammu [Emperor Kammu]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15976/empereur-kammu/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Empereur Kammu." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mai 09, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15976/empereur-kammu/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Empereur Kammu." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 09 mai 2017. Web. 25 mars 2025.

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