Heian-kyō

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 22 mai 2017
Disponible dans ces autres langues: anglais
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To-ji Pagoda, Kyoto (by Michael Reeve, CC BY-SA)
Pagode du Tō-ji, Kyoto
Michael Reeve (CC BY-SA)

Heian-kyō (Kyoto), située au centre de l'île de Honshu, fut la capitale du Japon pendant plus de mille ans et donna son nom à l'un des âges d'or de l'histoire japonaise, la période Heian (794-1185). Construite selon les plans chinois par l'empereur Kammu, la ville possédait un immense complexe de palais, de larges avenues, des parcs d'agrément et de nombreux sanctuaires shintoïstes et temples bouddhistes d'importance nationale. Tokyo est devenue la nouvelle capitale en 1868, mais Kyoto reste à bien des égards la capitale culturelle du Japon, avec notamment 17 sites classés au patrimoine mondial de l'UNESCO à l'intérieur ou autour de son enceinte.

Fondation

Au cours de la période Nara (710-794), la cour impériale japonaise était en proie à des rivalités entre familles nobles et à une influence excessive sur la politique des sectes bouddhistes dont les temples étaient disséminés dans la capitale. L'empereur Kammu (r. de 781 à 806), désireux de prendre un nouveau départ, déplaça la capitale de Nara à Nagaoka-kyō, sur la rivière Yodo, en 784. Cependant, Nagaoka-kyō acquit rapidement la réputation d'être un lieu de malchance à la suite de plusieurs décès à la cour, d'une épidémie et d'une inondation. Kammu déplaça donc à nouveau la capitale en 794, cette fois à Heian-kyō. Ce déplacement marqua le début de la période Heian, qui durerait jusqu'à la fin du 12e siècle.

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Le site était situé dans une plaine au sol alluvial fertile et aux rivières déjà optimisées par des techniques d'irrigation. C'était aussi depuis longtemps une région de riziculture, de production de saké et d'élevage de soie. Les montagnes au nord et la présence d'au moins trois grands fleuves rendaient le site également propice à la défense. Le climat était, et reste bien sûr, l'une des caractéristiques négatives de la ville qui doit supporter des hivers froids, des étés chauds et un taux d'humidité élevé. Pourtant, le printemps et l'automne étaient considérés comme particulièrement charmants, comme en témoigne ce poème du poète Izumi Shikibu, une dame de la cour de Heian-kyō, datant du 11e siècle:

Si seulement le monde

Printemps et automne

Pourrait faire à jamais

Et été et hiver

Ne seraient jamais plus.

(Whitney Hall, 99)

Configuration

Heian-kyō signifie "la capitale de la paix et de la tranquillité", et ce fut le nom donné par l'empereur Kammu dans un édit officiel. Cependant, à partir du XIe siècle, le nom informel de la ville, qui signifie simplement "la capitale", fut officiellement adopté: Kyoto. La ville était désormais le centre d'un gouvernement composé de l'empereur, de ses grands ministres, d'un conseil d'État et de huit ministères qui, avec l'aide d'une vaste bureaucratie, gouvernait quelque 7 000 000 de personnes. L'architecture de la ville devait refléter sa position en tant que centre du monde japonais.

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Emperor Kammu
Empereur Kammu
Unknown Artist (Public Domain)

Comme il ne reste pratiquement aucun bâtiment ancien dans la ville aujourd'hui, son plan et son architecture doivent être reconstruits à partir des règlements officiels du Xe siècle, des cartes des XIIe et XIIIe siècles et d'autres références textuelles. Heian-kyō fut aménagée selon un plan quadrillé régulier, avec des rues à angle droit créant des îlots de taille régulière, sur le modèle chinois de la capitale occidentale de Ch'ang-an (bien que certains historiens soutiennent que le modèle était Fujiwara, qui avait copié Nankin).

La ville possédait une avenue centrale de 83 mètres de large qui séparait les quartiers est et ouest, connus respectivement sous les noms de Rakuyo et Choan. Il y avait peut-être huit portes autour de la ville, mais il n'y avait probablement pas de murs extérieurs à proprement parler, à l'exception d'un court tronçon au sud. La ville était par ailleurs modestement protégée par des fossés et des douves qu'enjambaient de nombreux ponts de bois. La principale porte de la ville était la porte du rempart sud, à deux étages, d'une largeur de 33,5 mètres et d'une hauteur d'environ 21 mètres.

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Heian-kyō comptait 24 avenues, 72 rues et une population de 150 000 habitants, ce qui en faisait l'une des plus grandes villes d'Asie de l'Est.

Du nord au sud, il y avait 33 rues et avenues, et 39 autres rues allaient d'est en ouest. La plupart des rues mesuraient 10,5 mètres de diamètre et beaucoup étaient bordées d'épais murs de terre et de fossés. Les 24 avenues de la ville étaient deux fois plus larges que les rues, et plusieurs d'entre elles mesuraient environ 30 mètres de large. Ces larges rues donnaient à la ville une impression d'ouverture, créaient de nombreuses grandes places à diverses intersections et offraient une vue dégagée sur les montagnes au nord. Au 10e siècle, la ville couvrait une zone rectangulaire mesurant environ 4,8 km de diamètre et 14,5 km de long, et comptait entre 100 000 et 150 000 habitants, dont 50 000 travaillaient dans l'administration gouvernementale. Heian-kyō était donc sans aucun doute l'une des grandes villes de l'Asie de l'Est.

Le palais royal

Le complexe rectangulaire du palais royal, connu sous le nom de Grand Palais Impérial ou Daidairi, mesurait environ 1,2 x 1,4 km (7 % de la superficie totale de la ville) et était entièrement entouré d'un haut mur de terre percé de 14 portes, dont la plus importante était la Porte du Moineau Vermillon. À l'intérieur se trouvaient 200 structures de toutes sortes, y compris des résidences de palais, des salles de banquet, des bureaux gouvernementaux et des entrepôts, des sanctuaires shintoïstes, des pagodes, des tours, des allées couvertes, des jardins, des arbres et des cours d'eau. L'architecture suivait les modèles chinois, le plus grand bâtiment étant le Daigokuden ou Grande Salle d'État qui contenait la salle du trône impérial. Cette immense structure, avec ses tuiles vertes, ses dauphins et ses piliers vermillon typiques de tous les bâtiments gouvernementaux, mesurait 53 m (175 pieds) sur 20 m (65 pieds). Incendié, il fut reconstruit à plus petite échelle et fait aujourd'hui partie du sanctuaire de Heian (voir ci-dessous). Le Shishen-den ou salle d'audience est un autre survivant, bien que reconstruit après un autre incendie dévastateur.

Model of Kyoto
Maquette de Kyoto
Wikiwikiyarou (Public Domain)

Autres bâtiments

À l'extérieur du complexe palatial, l'aristocratie possédait des palais avec leurs propres jardins soigneusement aménagés. Le parc de la Source divine (Shinsen'en) fut construit au sud du Daidairi. Ce parc de loisirs, d'une superficie de 120 000 mètres carrés, était dominé par un lac et une salle de banquet pour les cérémonies royales, le Pavillon de la Présidence Céleste ou Kenrinkaku. De nombreux cours d'eau de la ville furent détournés et canalisés afin de créer des lacs artificiels pour les parcs de la ville. Il existait également des quartiers artisanaux réservés aux artistes, aux métallurgistes et aux potiers. Les maisons privées des gens ordinaires étaient, bien sûr, beaucoup plus modestes et avaient des toits de chaume ou d'écorce plutôt que des tuiles. La ville élargie comptait également un plus grand nombre de bureaux gouvernementaux, de bâtiments de stockage, de résidences pour les fonctionnaires et les ambassades étrangères, une Académie d'enseignement chinois (Daigaku-ryo), des temples bouddhistes, deux prisons et deux grands marchés de la taille de quatre pâtés de maisons chacun, avec leurs propres boutiques, des résidences de marchands, des entrepôts et des bureaux commerciaux gouvernementaux.

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Temples et sanctuaires importants

L'empereur se méfiant de toute influence indue, aucun temple bouddhiste ne fut autorisé dans le centre de la ville et aucun membre du clergé ne fut autorisé à quitter Nara. Cependant, Kammu permit la construction de deux temples de part et d'autre de la porte Rashomon de la ville: le Sai-ji (temple de l'Ouest) et le Tō-ji (temple de l'Est). Ce dernier fut agrandi par le célèbre moine et fondateur du bouddhisme Shingon Kūkai en 823 et fut doté de sa splendide pagode, la plus grande du Japon et symbole de Kyoto, en 826. La pagode de 55 mètres de haut brûla cinq fois, mais fut restaurée pour la dernière fois en 1644. Kammu ne négligea pas non plus la religion shintoïste et fit construire l'important sanctuaire Hirano-Jinja en 794. En 859, l'important sanctuaire Iwashimizu Hachiman-gū dédié à Hachiman, le dieu shintoïste de la guerre et de la culture, fut construit.

Le temple bouddhiste Kiyomizu-dera ou "temple de l'eau pure" fut fondé avant même que Heian-kyō ne devienne la capitale, en 778. C'était un lieu de pèlerinage populaire car les croyants considéraient que ses eaux avaient des propriétés curatives. Le feu détruisit une grande partie des bâtiments, mais ils furent reconstruits en 1633, avec l'ajout d'une nouvelle pagode. Le site abrite une célèbre statue du bodhisattva Kannon par Enchin, qui n'est exposée au public que tous les 33 ans. C'est aujourd'hui l'attraction touristique numéro un de la ville et un site du patrimoine mondial de l'UNESCO.

En 947, les restes et les œuvres littéraires de Sugawara no Michizane, alias Tenman Tenjin (845-903), qui avait été un important fonctionnaire de la cour et qui fut plus tard déifié en tant que kami shintoïste de l'apprentissage et de l'éducation, furent enterrés dans le sanctuaire Kitano Temman-gū à Kyoto, qui fut tout spécialement construit en son honneur.

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Golden Pavilion, Kinkaku-ji
Le Pavillon d'or, Kinkaku-ji
James Blake Wiener (CC BY-NC-SA)

Le site du temple bouddhiste zen Kinkaku-ji, fondé en 1397 par le shogun Ashikaga Yoshimitsu, comprend le célèbre Pavillon d'or. Victime lui aussi d'un incendie, le magnifique pavillon d'or à trois étages, dont les deux derniers sont dorés, fut reconstruit en 1955. Il est également inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Les autres temples importants que l'on peut visiter aujourd'hui à Kyoto, tous classés au patrimoine mondial de l'UNESCO, sont le Kamigamo Jinja (fondé au VIe siècle), le Shimogamo Jinja (également au VIe siècle), le Ninna-ji (888), le Tenryu-ji (1339), le Ginkakuji (1460-90), et le Hongan-ji (1591). Enfin, le sanctuaire de Heian, à Kyoto, fut fondé en 1895, à l'occasion du 1100e anniversaire de la fondation de la ville en tant que capitale du Japon. Il abrite les kami de l'empereur Kammu, l'homme dont le choix mit Kyoto sur la voie de la gloire et de la fortune.

Histoire ultérieure

La ville continua à s'étendre au cours des XIe et XIIe siècles, en particulier vers le nord et l'est. Malheureusement pour la postérité, pratiquement aucun bâtiment ancien ne subsiste aujourd'hui à Kyoto. L'utilisation de lambris et de poutres en bois, de stores en bambou, de murs et d'écrans en papier dans l'architecture japonaise ancienne signifiait que les bâtiments étaient particulièrement susceptibles d'être détruits par le feu. Presque chaque décennie fut marquée par une vague d'incendies dévastateurs, de sorte que certaines parties de la ville étaient constamment reconstruites. Même les grandes structures qui survivaient étaient régulièrement reconstruites, conformément à l'idéal shintoïste de maintenir un environnement clair et pur, une tradition qui se perpétue aujourd'hui dans tous les bâtiments shintoïstes, quelle que soit leur importance historique.

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Bien que Kyoto soit restée la capitale pendant la période médiévale, son importance diminua pendant la période Kamakura (1185-1333), lorsque les dirigeants militaires du shogunat prirent le pouvoir avec leurs propres bases à Kamakura et Edo (Tokyo). Kyoto resta la capitale officielle du Japon pendant la période Edo (1600-1868), au cours de laquelle plusieurs nouveaux bâtiments importants furent construits, notamment le château de Nijo par Tokugawa Ieyasu en 1603. Après la restauration Meiji de 1868, lorsque l'empereur fut rétabli, Tokyo devint la nouvelle capitale. Kyoto continua à jouir de la réputation de capitale culturelle du Japon, même si elle n'en était plus la capitale politique. Aujourd'hui encore, c'est un centre culturel important et une ville qui compte de nombreux exemples remarquables (bien que reconstruits) de l'architecture japonaise traditionnelle.

This content was made possible with generous support from the Great Britain Sasakawa Foundation.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2017, mai 22). Heian-kyō [Heiankyo]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15978/heian-kyo/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Heian-kyō." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mai 22, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-15978/heian-kyo/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Heian-kyō." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 22 mai 2017. Web. 20 nov. 2024.

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