La dynastie Jin (alias Jürchen Jin qui signifie "doré") régna sur certaines parties de la Chine, de la Mongolie et du nord de la Corée de 1115 à 1234. Les Jürchen étaient originaires de Mandchourie, mais en conquérant l'empire voisin des Liao des Khitan et certaines parties de la Chine des Song, ils en vinrent à régner sur la grande plaine d'Asie de 1127 jusqu'à leur chute aux mains des Mongols. Il ne faut pas la confondre avec la dynastie chinoise des Jin, qui régna sur la Chine de 266 à 316 de notre ère.
Origines et prospérité
Les Jürchen étaient des tribus vivant dans le nord-est de la Chine, le clan le plus important étant celui des Wanyan. Les Jürchen descendaient à la fois des peuples nomades toungouses et des vestiges du défunt royaume de Balhae (Parhae) de Mandchourie et de Corée du Nord. Ils parlaient la langue toungouse. Vivant dans de petites villes et villages fortifiés autour des rivières Liao et Sungari, ils étaient chasseurs et agriculteurs. Les groupes situés près de l'État chinois voisin adoptèrent des technologies et des pratiques culturelles plus sophistiquées, tandis que dans les régions plus centrales et septentrionales, les Jürchen restèrent plus proches de leurs racines traditionnelles. Experts en élevage, les Jürchen se spécialisèrent dans l'élevage de chevaux, qui devint une source de richesse importante. Au milieu du XIe siècle, ils exportaient chaque année quelque 10 000 chevaux vers l'État khitan des Liao.
Les Jürchen n'étaient cependant pas entièrement libres et devaient payer un tribut annuel à leurs voisins occidentaux plus puissants, l'État Liao, qui prenait généralement la forme de fourrures, de faucons et de perles au cours du 11e siècle. Les relations avec la dynastie chinoise des Song étaient plutôt meilleures, les Chinois offrant chaque année des "cadeaux" de thé, d'argent et de soie afin d'éviter les attaques frontalières des Jürchen. Les relations complexes entre les trois États se soldaient souvent par des guerres, mais les trois parties entretenaient également des relations commerciales. Les Jürchen pouvaient importer des produits de première nécessité comme le riz, les céréales et le thé, tout en exportant des chevaux, des perles et du ginseng.
Conquête des Khitan
Au début du XIIe siècle, les Jürchen commencèrent à contester la domination régionale de l'empire Liao et du royaume de Goryeo (Koryo) en Corée. L'équilibre précaire des traités et des tributs en Asie orientale était sur le point de s'effondrer. Une révolte survenue en 1103 finit par conduire à une guerre contre Goryeo, à l'époque où les Jürchen étaient dirigés par le chef wanyan Yingge. Après avoir remporté la première manche, les Jürchen durent faire face à une riposte. En 1107, les Coréens envoyèrent une armée spécialisée (pyolmuban) de cavalerie et d'infanterie dirigée par le général Yun Kwan dans le but de se débarrasser de cette nuisance étrangère. Les premières victoires et l'établissement de fortifications par Goryeo n'empêchèrent pas une défaite retentissante en 1109. Les talents de cavalier et d'archer ainsi que la grande mobilité de l'armée Jürchen se révélèrent bien supérieurs et constituaient un avertissement inquiétant de ce que la cavalerie des steppes pourrait accomplir dans la région au cours des siècles à venir.
Les Jürchen purent ainsi former leur propre État, le Jin, dont le souverain, Wanyan Aguda, se déclara même empereur en 1115. La dynastie chinoise des Song (960-1279) profita des ambitions territoriales des Jin et les deux États unirent leurs forces pour vaincre l'État Liao, qui dominait depuis lors la région de la Chine du Nord et de la Mongolie. Aguda, qui se faisait désormais appeler empereur Taizu, attaqua Jehol (Rehe), la capitale suprême des Liao, en 1120-1121, et la dynastie Liao, déjà affaiblie par un schisme interne entre l'élite sinisée et les clans plus traditionnels, s'effondra finalement quatre ans plus tard.
Invasion de la Chine des Song
L'empereur Taizong succéda à Aguda en 1123 et entreprit presque immédiatement d'étendre son empire. En 1125, constatant que leur ancien allié, les Song, était militairement faible, les Jin attaquèrent certaines régions du nord de la Chine au cours de l'année qui suivit. Même le grand général Tong Guan (1054-1126) ne put arrêter l'invasion qui vit la capitale Kaifeng assiégée. L'empereur Huizong (r. de 1100 à 1126) fut capturé avec des milliers d'autres personnes, et les Jin s'emparèrent d'une grande partie du territoire jusqu'au fleuve Yangtze. Les Song furent contraints de payer une énorme rançon aux Jürchen pour éviter de nouvelles pertes humaines. La défaite obligea la cour des Song à se déplacer dans la vallée du Yangtze, et ils finirent par établir une nouvelle capitale en 1138 à Hangzhou (alias Linan) dans la province du Zhejiang. Ce fut le début de la dynastie des Song du Sud. Par la suite, les relations entre la dynastie Jin et la Chine Song restèrent essentiellement amicales, et un traité de paix officiel fut signé entre les deux États en 1142. Les Song, affaiblis, une fois de plus heureux de payer un tribut à un dangereux voisin plutôt que de s'engager dans des guerres plus coûteuses, envoyèrent aux Jin des quantités considérables de soie et d'argent.
Pendant ce temps, en Corée, l'attaque contre l'État Song incita le royaume de Goryeo à envoyer une ambassade de soumission aux Jin en 1126 - l'alternative aurait certainement été une conquête totale par l'État Jin. Lorsque, l'année suivante, les Song vaincus demandèrent à Goryeo de les aider à récupérer leur famille royale, le roi Injong de Goryeo refusa poliment. Les Jin étaient la nouvelle puissance de la région et il était clair qu'il ne fallait pas jouer avec eux.
Le gouvernement
La capitale des Jin se trouvait à Shangjing (aujourd'hui Harbin), mais en 1153, elle fut déplacée à Yanjing (aujourd'hui Pékin) à la suite de la prise de contrôle du territoire des Liao. Tout comme de nombreux États limitrophes de la Chine, les Jin adoptèrent de nombreuses pratiques politiques et culturelles chinoises. La Chine avait toujours été considérée comme le grand État civilisé de l'Asie orientale, et ses méthodes d'administration et de bureaucratie étaient suffisamment efficaces pour être copiées par des États plus récents comme les Jin. Les Jürchen adoptèrent également des caractères d'écriture similaires à ceux du chinois, bien que la langue Jürchen elle-même n'ait pas encore été déchiffrée. Il y a cependant des choses qu'ils ne copièrent pas, et l'une d'entre elles était la révérence confucéenne pour l'administration. Les souverains Jin n'hésitaient pas à flageller publiquement les hauts fonctionnaires corrompus ou ineptes, un traitement inédit dans l'administration chinoise.
Culture
L'adoption des coutumes chinoises ne fut pas acceptée par tous. Il restait d'irréductibles tribus Jürchen qui souhaitaient préserver leur propre culture, ce qui provoqua un conflit entre les deux camps des pro-chinois et des traditionalistes. En 1161, les opposants à la sinisation firent preuve d'audace et assassinèrent l'empereur Jin, Hailingwang. Son successeur, l'empereur Shizong, fut contraint d'apaiser les partisans de la ligne dure en encourageant l'utilisation de la langue jürchen au détriment du chinois. Shizong encouragea les écoles de langue jürchen, veilla à ce que les textes chinois soient traduits et à ce que les examens de la fonction publique se fassent en jürchen. Les arts encouragèrent également la culture jürchen, en particulier la chasse. Des scènes d'hommes avec des faucons chassant des oies et des cygnes étaient représentées dans des peintures, sur des textiles tissés et dans des sculptures en jade. Pourtant, à la fin du XIIe siècle, les souverains Jin se considéraient comme les héritiers de la culture chinoise, maintenant qu'ils avaient occupé un tiers des terres de la Chine.
Effondrement
Les tribus nomades mongoles, rassemblées sous la direction de Gengis Khan (r. de 1206 à 1227), attaquèrent et pillèrent à plusieurs reprises les États Xia et Jin au cours des trois premières décennies du XIIIe siècle. Les attaques eurent lieu en 1205 et 1209, puis, en 1211, les Mongols intensifièrent leur invasion et entrèrent dans le territoire Jin avec deux armées de 50 000 hommes chacune. Les Jürchen furent en mesure d'aligner 300 000 fantassins et 150 000 cavaliers, mais la tactique mongole prouva que le nombre ne faisait pas tout. Gengis Kahn saccageait sauvagement une ville et battait ensuite en retraite pour que les Jin puissent la reprendre, mais ils devaient alors faire face au chaos. Cette tactique était même répétée plusieurs fois dans la même ville. Un fonctionnaire Jin, Yuan Haowen (1190-1257), écrivit le poème suivant pour décrire la dévastation de l'invasion mongole:
Des os blancs éparpillés
comme du chanvre enchevêtré,
combien de temps avant que le mûrier et le catalpa
ne se transforment en sables de dragon?
Je sais seulement qu'au nord de la rivière
il n'y a pas de vie:
des maisons en ruine, de la fumée de cheminée éparse
de quelques maisons.
(in Ebrey, 237)
Les Jin ne furent pas non plus aidés par leurs propres problèmes internes. Outre la corruption chronique qui vidait les caisses de l'État et les catastrophes naturelles occasionnelles sous forme d'inondations, l'empereur Feidi fut assassiné en 1213 par un général Jin dont le candidat fut lui-même assassiné deux mois plus tard. Les souverains Jin furent contraints de se retirer vers le sud et de payer un tribut au Grand Khan, bien qu'ils en fussent probablement heureux, face à la dure alternative qui s'offrait à eux. Ce fut un répit, mais le pire était à venir, car les Mongols réattaquèrent en 1215. L'État Jin, qui n'était plus qu'une province, prit fin lorsqu'il ne put résister à une nouvelle invasion, envoyée cette fois par Ögedeï Khan, en 1234. Les nomades jürchen continuèrent à attaquer le nord de la Corée aux XIVe et XVe siècles. Puis, connus à cette époque sous le nom de Mandchous, ils conquirent la péninsule tout entière en 1636.