Irène l'Athénienne était l'épouse de Léon IV et, à la mort de son mari, elle régna en tant que régente pour son fils Constantin VI de 780 à 790. De 797 à 802, elle règne en tant qu'empereur de plein droit, première femme à le faire dans l'histoire byzantine. Au cours de son règne sans éclat, Irène complota sans relâche pour conserver le trône qu'elle allait perdre et reconquérir à trois reprises, mais on se souvient surtout d'elle pour avoir rétabli la vénération chrétienne des icônes que ses prédécesseurs de la dynastie isaurienne avaient cherché à réprimer avec tant de véhémence. Même cette campagne apparemment pieuse n'était en réalité qu'un moyen pour Irène de vaincre ses ennemis et de conserver le pouvoir. Les pièces d'or de l'impératrice révèlent en grande partie sa duplicité car, fait unique, elles portent son portrait des deux côtés.
Jeunesse
On sait peu de choses sur la jeune Irène, si ce n'est qu'elle était une orpheline d'Athènes d'une beauté extraordinaire, née vers 752. L'empereur Constantin V (r. de 741 à 775), organisant à cette fin un concours de beauté à l'échelle de l'empire, la tira de l'obscurité de la ville provinciale qu'était alors devenue Athènes et lui fit épouser son fils, le futur empereur Léon IV, qui allait régner de 775 à 780. Le mariage eut lieu en 769, et elle influença immédiatement la politique de l'État en tempérant les attaques de son mari contre la vénération des icônes par l'Église. Le court règne de Léon prit fin lorsqu'il mourut de fièvre, à l'âge de 30 ans, lors d'une campagne contre les Bulgares, mais l'appétit d'Irène pour le pouvoir avait besoin d'être alimenté.
Irène, régente
Constantin VI régna de 780 à 797, héritant de son titre à l'âge de neuf ans seulement. En tant que régente de son jeune fils au cours de la décennie suivante, Irène étouffa une rébellion menée par les fils de Constantin V, renvoya les ministres et les militaires dont la loyauté était douteuse et utilisa l'expérience de deux eunuques de la cour, en particulier Staurakios et Aetios. Le premier était logothetes tou dromou (Logothète du Drome ou ministre en chef) avec de nombreux pouvoirs. En 783, Staurakios envoya une armée byzantine combattre les Slaves en Grèce et, l'année suivante, Irène remporta les premiers succès militaires de son règne contre les armées slaves et arabes.
Les affaires religieuses semblent avoir toujours été au centre des préoccupations de la régente et, en 784, elle fit de son ancien secrétaire Tarasios le patriarche (évêque) de Constantinople, bien qu'il n'ait pas encore été ordonné. Ensuite, Irène convoqua un concile de l'Église à Constantinople en 786 pour mettre officiellement fin à la destruction des icônes (iconoclasme). Cependant, des membres influents de l'armée s'opposèrent à cette décision et organisèrent une émeute qui força la clôture des réunions du concile. L'impératrice ne se laissa pas décourager et envoya rapidement les fauteurs de troubles en Asie Mineure sous le couvert de la préparation d'une nouvelle campagne militaire. Une fois à l'étranger, l'armée fut dissoute et les postes d'autorité occupés par des personnes plus loyales envers l'impératrice.
Une fois l'opposition militaire réglée, Staurakios accompagna Irène au septième concile œcuménique de Nicée en septembre 787. Irène et 350 évêques invités y décidèrent de restaurer l'orthodoxie de la vénération des icônes dans l'Église chrétienne et de mettre fin à l'iconoclasme. La persécution des iconophiles avait été un élément clé des règnes des empereurs précédents, en particulier du beau-père d'Irène, Constantin V. L'impératrice ne pouvait donc pas se montrer trop sévère à l'égard des auteurs de ces actes, au risque de s'aliéner les membres de sa famille à la cour. Au lieu de cela, ils furent autorisés à se repentir de leurs péchés et réintégrèrent l'Église qui scintillait à nouveau de ses précieuses icônes.
Exil de la cour
Lorsqu'Irène fit savoir qu'elle avait l'intention de régner au-dessus de son fils Constantin, quel qu'ait été son âge, beaucoup de ceux qui s'opposaient à la restauration des icônes, qui voyaient les dangers que les purges d'Irène avaient fait courir à l'armée de l'empire et qui pensaient que Constantin était le seul à pouvoir prétendre au trône, se rallièrent au jeune empereur. Irène réagit en le jetant en prison, mais en 790, l'armée soutint Constantin et le libéra. L'armée comptait encore de nombreux iconoclastes, qui avaient refusé de jurer fidélité à Irène pour des raisons religieuses. Désormais âgé de 19 ans et désireux d'écarter une fois pour toutes sa mère des affaires de l'État, Constantin la bannit de la cour, ainsi que ses plus proches conseillers, et il engagea Michel Lachanodrakôn l'influent général et gouverneur du thème des Thracésiens. Après une décennie passée dans l'ombre, Constantin prit la place qui lui revenait au sommet du gouvernement byzantin.
Malheureusement, le jeune empereur n'était pas à la hauteur de sa tâche. Des défaites graves et immédiates contre les Bulgares et une trêve honteuse contre les Arabes n'aidèrent en rien sa popularité, et les conspirations à la cour étaient légion. L'une d'entre elles, menée par l'oncle de Constantin, Nicéphore, fut étouffée et l'empereur aveugla le meneur dans un acte de brutalité impériale byzantine trop familier. Constantin ordonna alors que l'on arrache la langue de ses quatre oncles. C'était un rare moment où il fut décidé, mais c'était trop peu, trop tard.
Irène n'allait pas non plus être reléguée aussi facilement dans les coulisses du pouvoir, et elle revint à la cour en 792, invitée par son fils dans une ultime tentative de rétablir un peu d'ordre dans son règne. En fait, ils gouvernèrent ensemble pendant les cinq années suivantes, mais Irène ne tarda pas à comploter contre son fils. Constantin ne pouvait plus compter sur le soutien de Michel Lachanodrakôn, le général ayant été tué cette année-là lors d'une campagne contre les Bulgares. L'armée n'était guère impressionnée par le jeune empereur, et sa popularité chuta davantage encore lorsqu'il commença à rendre ses soldats responsables de leurs défaites, prenant l'initiative malavisée (astucieusement suggérée par Irène, bien sûr) de tatouer le mot "traître" sur le visage d'un millier d'entre eux.
Le dernier coup porté aux ambitions de Constantin fut les protestations qui suivirent son divorce puis son mariage avec sa maîtresse Théodote, ce que l'on appelle la controverse moéchienne, en 795. Pour ne rien arranger, le couple eut un fils 18 mois plus tard. Deux moines, Platon de Sakkoudion et Théodore Studite, se montrèrent particulièrement véhéments à l'égard du comportement de l'empereur en tant que chef de l'Église, affirmant tous deux que son divorce était illégal et qu'en se remariant, l'empereur avait donc commis un adultère. L'empereur perdit le soutien du seul groupe sur lequel il avait toujours pu compter: les iconophiles. L'impopularité de Constantin auprès de son peuple et de l'establishment byzantin signifie qu'il n'avait plus d'amis pour empêcher sa destitution par sa propre mère.
Retour en tant qu'impératrice
En 797, lorsqu'Irène reprit le trône, elle fit aveugler son fils, dans la chambre pourpre du palais où il était né. Il n'y aurait pas d'autre rébellion contre son règne. Constantin mourut peu après, très certainement des suites de ses blessures qui étaient destinées à tuer et non à mutiler. Son héritier étant déjà mort plus tôt la même année, Irène s'était débarrassée de tous ses adversaires. Par la suite, Irène est désignée dans les documents officiels de l'État comme basileus, empereur, et non comme impératrice, la première femme à régner ainsi de plein droit.
Elle continua à s'intéresser à tous les aspects de son empire: politique, guerre et religion combinées, et tenta de gagner des faveurs en annonçant des réductions d'impôts pour son peuple. Les Arabes durent être payés pour éviter de nouvelles invasions, ce qui mit l'État en faillite, et le peuple ne lui pardonna jamais ses crimes, même si elle fournit des soupes populaires pour les pauvres et des logements pour les personnes âgées. Le fait de parcourir Constantinople dans un char doré en lançant des pièces de monnaie dans la foule n'aida guère non plus. Des temps difficiles s'annonçaient pour la souveraine la plus ambitieuse et la plus impitoyable de Byzance.
Au début de l'année 802, Irène tenta un mariage d'alliance avec le roi des Francs, Charlemagne, qui était également le nouvel empereur du Saint empire Romain germanique à l'ouest et qui, lui aussi, était favorable à une nouvelle unification des deux moitiés de l'ancien empire romain. Un plan similaire avait déjà été tenté lorsqu'Irène avait organisé le mariage de son fils défunt avec Rotrude, la fille de Charlemagne, mais Irène avait rompu les fiançailles en 787. Cependant, la nouvelle approche visant à unir les deux familles se heurta à une opposition farouche, notamment de la part du puissant eunuque Aetios à Constantinople. Un empereur byzantin ne pouvait tout simplement pas épouser un barbare illettré, même s'il avait été béni par le pape et portait de spectaculaires collants rouges.
En octobre 802, les plus hauts responsables de la cour de Constantinople se réunirent dans l'Hippodrome et déclarèrent que l'impératrice n'avait plus de raison d'être. Irène fut destituée, exilée dans un monastère de Lesbos et remplacée par Nicéphore Ier, l'un des anciens ministres des finances de l'impératrice. Irène mourut moins d'un an après avoir perdu le trône qu'elle avait tant aimé et auquel elle s'était accrochée pendant si longtemps. L'historien J. J. Norwich dresse un bilan sombre du règne d'Irène:
Complice et fourbe, dévorée par l'ambition et toujours assoiffée de pouvoir, elle sema la discorde et le désastre dans l'Empire, se rendant en outre coupable de l'un des meurtres les plus abjects que l'histoire byzantine ait jamais enregistré. (115)
Nicéphore régnerait jusqu'à sa mort au combat en 811, incapable d'enrayer le déclin de l'empire byzantin alors que l'empire de Charlemagne s'étendait à l'ouest et que les Abbassides musulmans menaçaient à l'est. Le cycle d'assassinats royaux entamé par Irène avec le meurtre de son fils se poursuivrait si bien que les Byzantins connurent six empereurs en l'espace de 15 ans.