Constantin VI, dit "l'Aveugle", fut empereur de l'Empire byzantin de 780 à 797, bien que sa mère, Irène l'Athénienne, ait assuré la régence pendant la plus grande partie de son règne. Lorsque Constantin tenta enfin de régner de son propre chef, il fut loin d'avoir le succès escompté. Déposé par sa propre mère, Constantin fut tristement aveuglé par celle-ci dans le palais royal et, conformément aux intentions fixées, il mourut de ses blessures.
Succession et régence d'Irène
Constantin était le fils de Léon IV (r. de 775 à 780) et lorsque, en 780, son père mourut de la fièvre à l'âge de 30 ans, Constantin devint l'empereur Constantin VI. Cependant, le nouvel empereur étant encore mineur, âgé de neuf ou dix ans, sa mère, l'impératrice Irène, assura la régence jusqu'en 790. Irène eut des problèmes immédiats et dut étouffer une rébellion menée par les autres fils de Constantin V (r. de 741 à 775) et demi-frères de Léon IV. Une fois ce problème réglé, elle s'assura de la loyauté de l'entourage du palais en renvoyant les ministres et les commandants militaires dont l'affiliation était douteuse. Pour ce faire, elle accorda sa confiance à deux eunuques de la cour, en particulier Staurakios et Aetios.
Irène tenta de consolider sa position en concluant une alliance avec les Francs et en promettant Constantin à Rotrude, la fille du roi des Francs, Charlemagne. Pour des raisons inconnues, Irène changea d'avis et, en 787, elle trouva une autre épouse pour son fils, Marie d'Amnia, une jeune fille pieuse mais un peu ennuyeuse, choisie dans le cadre du traditionnel "concours de mariages" que les souverains byzantins organisaient pour leur progéniture. L'alliance franque-byzantine aurait été intéressante et aurait réuni les deux moitiés de l'ancien Empire romain, mais l'occasion se représenterait, comme nous le verrons.
Comme toujours, les frontières de l'Empire byzantin nécessitaient une vigilance et une défense constantes. Irène remporta quelques succès contre les Slaves en Grèce et les Arabes en Asie Mineure. Plus près de nous, Irène convoqua un concile de l'Église à Constantinople en 786 qui, malgré l'opposition initiale des membres de l'armée qui pensaient que les défaites sur le champ de bataille étaient la punition de Dieu pour la vénération généralisée des icônes, décréta la fin officielle de l'iconoclasme, c'est-à-dire de la destruction des icônes, une caractéristique essentielle des règnes de ses prédécesseurs. La régente alla ensuite plus loin en invitant 350 évêques au septième concile œcuménique en septembre 787, qui décida de restaurer l'orthodoxie de la vénération des icônes dans l'Église chrétienne.
Exil d'Irène
Traditionnellement, un monarque byzantin prenait sa place sur le trône lorsqu'il atteignait l'âge de 16 ans et le régent s'effaçait alors avec élégance. Ce ne serait pas le cas d'Irène, le premier signe inquiétant étant le retrait du visage de Constantin de la monnaie impériale. Lorsqu'Irène fit savoir qu'elle avait l'intention de régner au-dessus de son fils Constantin, quel qu'ait été son âge, beaucoup de ceux qui s'opposaient à la restauration des icônes, qui voyaient les dangers que les purges d'Irène faisaient courir à l'armée de l'empire et qui croyaient que Constantin était le seul à pouvoir prétendre au trône, tous se rallièrent au jeune empereur. Irène réagit en exécutant sept généraux dissidents et en jetant son fils en prison, mais en 790, l'armée et une foule hostile à Irène se rallièrent à Constantin, prennent d'assaut la prison; ils le libèrent. Heureusement pour le jeune empereur, l'armée comptait encore de nombreux iconoclastes, dont beaucoup avaient refusé de jurer fidélité à Irène pour des raisons religieuses.
Désormais âgé de 19 ans et désireux d'écarter une fois pour toutes sa mère des affaires de l'État, Constantin la bannit de la cour ainsi que ses plus proches conseillers, tandis qu'il engagea comme conseiller Michel Lachanodrakôn, l'influent général et gouverneur de la région du Thrakesion. Après une décennie passée dans l'ombre, Constantin prit la place qui lui revenait au sommet du gouvernement byzantin.
Constantin empereur
Malheureusement, le jeune empereur n'était pas à la hauteur de sa tâche. Des défaites graves et immédiates contre les Bulgares et une trêve honteuse contre les Arabes n'aidèrent en rien pour améliorer sa popularité. Même sur le champ de bataille, où un empereur peut gagner quelques admirateurs en dirigeant ses propres troupes, la lâcheté de Constantin se révéla lorsqu'il paniqua et fuit devant l'ennemi. De retour à la cour, les conspirations se multiplièrent. L'une d'entre elles, menée par l'oncle de Constantin, Nicéphore, fut réprimée et l'empereur aveugla le meneur dans un acte de brutalité impériale byzantine trop familier. Constantin ordonna alors que l'on arrache la langue de ses quatre oncles. L'empereur créa ensuite un autre problème en aveuglant Alexis Mousélé, le droungraios tes viglas ou commandant de la garde impériale, un acte qui déclencha une nouvelle rébellion, cette fois dans la province d'Armeniakon, dans le nord-est de l'Asie mineure.
Irène ne se laisserait pas faire aussi facilement et reviendrait à la cour en 792, invitée par son fils dans une ultime tentative pour remettre de l'ordre dans son règne. En fait, ils gouvernèrent ensemble pendant les cinq années suivantes, mais Irène ne tarda pas à comploter contre son fils. Constantin ne pouvait plus compter sur le soutien de Michel Lachanodrakôn, le général ayant été tué cette année-là lors d'une campagne contre les Bulgares. L'armée n'était guère impressionnée par le jeune empereur, et sa popularité chuta davantage lorsqu'il commença à rendre ses soldats responsables de leurs défaites, prenant l'initiative malavisée (astucieusement suggérée par Irène, bien sûr) de tatouer le mot "traître" sur le visage d'un millier d'entre eux.
Les protestations qui suivirent son divorce d'avec Maria et son mariage avec sa maîtresse Théodote, la "controverse moéchienne", en 795, portèrent un coup fatal aux ambitions de Constantin. Pour ne rien arranger, le couple eut un fils 18 mois plus tard. Deux moines, Platon de Sakkoudion et Théodore de Stoudios, se montrèrent particulièrement véhéments à l'égard du comportement de l'empereur en tant que chef de l'Église, affirmant tous deux que son divorce était illégal et qu'en se remariant, l'empereur avait donc commis un adultère. L'empereur perdit le soutien du seul groupe sur lequel il pouvait toujours compter: les iconophiles. L'impopularité de Constantin auprès de son peuple et de l'establishment byzantin signifiait qu'il ne lui restait plus d'amis pour empêcher sa destitution par sa propre mère.
Mort et l'impératrice Irène
En 797, lorsqu'Irène reprit le trône, elle fit arrêter son fils lors d'une promenade à cheval et, le 15 août, le fit aveugler dans la chambre pourpre du palais où il était né. La chambre de la Pourpre était un symbole puissant de la légitimité d'un empereur et de son droit à régner, et cet acte était donc une déclaration aussi ferme que possible de l'intention d'Irène, sans parler de sa cruauté Il n'y aurait pas d'autre rébellion contre son règne. Constantin mourut peu après, très certainement des suites de ses blessures qui étaient destinées à tuer et non à mutiler. Son héritier étant déjà décédé au début de la même année, Irène s'était débarrassée de tous ses adversaires. Par la suite, Irène fut désignée dans les documents officiels de l'État comme basileus, empereur, et non comme impératrice, la première femme à régner ainsi de plein droit.
Irène, toujours aussi impopulaire et désormais tristement célèbre pour ses actes envers son fils, ne régnerait pas longtemps. Les lourds tributs versés aux Arabes pour éviter de nouvelles incursions sur le territoire byzantin pesaient lourdement sur le trésor de l'État, et le climat de rébellion qui régnait en permanence autour du palais rendit la position d'Irène précaire. En 802, ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Irène tenta un mariage d'alliance avec Charlemagne, qui venait d'être déclaré empereur des Romains à l'ouest. Les nobles se réunirent dans l'Hippodrome de Constantinople pour déclarer qu'Irène devaiit être démise de ses fonctions. Exilée dans un monastère de Lesbos, elle fut remplacée par Nicéphore Ier (r. de 802 à 811), l'un des anciens ministres des finances de l'impératrice. Irène mourut moins d'un an après avoir perdu le trône qu'elle avait tant aimé et auquel elle s'était accrochée pendant si longtemps. Pendant ce temps, l'empire continua de piétiner, essayant toujours de retrouver sa gloire d'antan, mais sans grand succès.
Dans un étrange post-scriptum, Constantin VI revint en quelque sorte d'entre les morts sous les traits de l'usurpateur Thomas le Slave, qui mena une rébellion contre l'empereur Michel II (r. de 820 à 829) entre 821 et 823. Thomas, pour ajouter de la légitimité à ses prétentions au trône byzantin, par ailleurs fallacieuses, aurait répandu l'histoire selon laquelle Constantin VI n'était en fait pas mort ni aveuglé par sa mère Irène, mais qu'il avait réussi à s'échapper de Constantinople et qu'il était cette même personne, bien décidée à récupérer ce qui lui revenait de droit. Thomas se fit même couronner empereur à Antioche, mais ce fut en vain et sa rébellion fut matée par Michel en 823.