La dynastie des Orontides (également appelée Eruandide ou Yervandouni) succéda au royaume d’Urartu dans l’ancienne Arménie et régna du 6e au 3e siècle av. J.-C. Initialement, les Orontides régnaient en tant que satrapes perses et ils introduisirent la culture, la langue, et les pratiques politiques de leur état dans l’ancienne Arménie. Puis, sous la domination séleucide, les rois orontides devinrent plus indépendants et produisirent leurs propres monnaies. La dynastie prit fin vers 200 av. J.-C. avec l’assassinat d’Orontès IV et la désignation du roi Artaxias Ier par le roi séleucide Antiochos III.
Chute d’Urartu
Le fondateur de la dynastie royale des Orontides était Orontès (Yervand) Sakavakyats (c. 570 à 560 av. J.-C., bien que les dates de règne de la plupart des Orontides soient contestées), qui sut tirer parti de la perte de pouvoir causée par l’effondrement de la civilisation urartéenne au cours de la dernière décennie du 6e siècle av. J.-C. L’Urartu était une confédération de royaumes qui régnait dans l’ancienne Arménie, l’est de la Turquie, et l’ouest de l’Iran depuis le 9e siècle av. J.-C. Ses villes furent attaquées et détruites au cours d’une décennie environ par divers peuples, notamment les Scythes. L’ancien territoire de l’Urartu fut ensuite repris par les Mèdes vers 585 av. J.-C., puis fut incorporé à l’empire achéménide de Cyrus le Grand (r. d'environ 550 à 530 av. J.-C.) au milieu du 6e siècle av. J.-C. Les Achéménides divisèrent leur nouveau territoire en deux parties, et c’est dans la région de l’est que la dynastie des Orontides, connue localement sous le nom de Yervand (du mot iranien arvand, qui signifie «puissant»), régna en tant que satrapes représentant leurs suzerains perses.
L’ancienne capitale urartéenne de Van, près du lac portant le même nom, fut également la première capitale des Orontides. Orontès et ses successeurs régnaient sur une population disparate composée de différents groupes ethniques, comme l’explique l’historien R. G. Hovannisian:
Au moment de sa conquête par les rois achéménides d’Iran, dans la seconde moitié du 6e siècle av. J.-C., le plateau arménien était habité par un mélange de peuples, avec une majorité d’Urartéens et d’Arméniens, dont les appellations étaient employées de manière interchangeable à Behistun pour identifier le pays. Il est cependant probable que les arménophones aient développé des liens dynastiques et culturels plus forts avec les Iraniens, devenant ainsi la population dominante à laquelle les autres groupes ethniques ont été progressivement assimilés… Mais il semblerait qu’une plus grande diversité ait persisté sur le plateau. Quelques monuments attrayants, en plus de noms propres encore présents, nous démontrent que la culture hittite et l’ancienne culture sémitique ont survécu. (34)
La Perse et les satrapes orontides
Les Orontides ne tardèrent pas à ambitionner de régner sans la domination des Perses et, alors que les Achéménides étaient distraits par la succession de Darius Ier (r. d'environ 522 à 486 av. J.-C.), ils se séparèrent de son empire en 522 av. J.-C. Naturellement, les Perses ne furent guère très enthousiastes de cette situation et entreprirent de reconquérir la province, ce qui fut fait en l’espace d’un an, bien qu’il ait fallu cinq batailles pour rétablir l’ordre. C'est à cette date que l'on trouve la première mention connue de l'État client perse d'Armena ou d'Arménie. Une inscription de Darius datant d’environ 520 av. J.-C. et gravée sur une paroi rocheuse à Behistun, en Perse, énumère les possessions royales du roi en vieux persan.
La route royale reliait le sud de l’Arménie aux capitales perses de Suse et de Persépolis et continuait vers l’ouest jusqu’à Sardes en Asie Mineure. La province d’Armena était une source précieuse de chevaux et de bêtes de somme, le tribut annuel étant constitué de quelque 20 000 poulains et de plus de 400 talents d’argent. Les hommes et les armes constituaient une autre forme de tribut et les Arméniens participèrent aux campagnes perses jusqu’en Grèce et en Égypte.
Cette période de l’histoire de la région manque malheureusement de sources et d’informations détaillées — les inscriptions d’Assyrie et de Babylonie, qui sont si utiles à notre connaissance de la civilisation urartéenne, deviennent moins fréquentes, de même que l’archéologie, et c'est là que commença alors ce que R. G. Hovannisian décrit comme «une longue période d’obscurité» (38). Cependant, certaines conclusions peuvent être provisoirement tirées des informations que nous détenons, comme l’explique ici R. P. Adalian:
Il nous reste peu de documents sur cette période de l’histoire arménienne. Cette rareté est la preuve d’un style de gouvernement qui s’appuyait sur des traditions et des conventions qui n’avaient pas besoin d’être annoncées et amplifiées. À cet égard, il s’agit d’une période avec peu de changements et peut-être d’une grande stabilité. L’empire perse protège efficacement l’Arménie des conflits extérieurs. En outre, le niveau du tribut prélevé semble avoir été tolérable, car le pays a maintenu son développement économique, qui n’avait peut-être pas été aussi intense que celui de la gestion urartéenne, mais dont les progrès étaient mesurables par les contingents importants que les Arméniens fournissaient à l’armée impériale. (14)
En 401 av. J.-C., le général grec Xénophon traversa l’Arménie en direction de la Mésopotamie. Xénophon rapporte ensuite dans son Anabase que la terre regorgeait de produits agricoles et que le souverain orontide d’Arménie de l’époque était le gendre du roi perse Artaxerxès Ier (r. d'environ 464 à 424 av. J.-C.), ce qui illustre les relations étroites entre les deux régions en ce qui concernait la culture (langue officielle, religion zoroastrienne, artisanat et habits, par exemple), la politique, et les familles dynastiques. Au milieu du 4e siècle av. J.-C., les deux régions divisées sous contrôle perse avaient été politiquement fusionnées, leurs populations s’étaient mélangées, et la langue n’en formait plus qu’une: l’arménien.
Les Macédoniens
Lors de la bataille d’Issos entre Alexandre le Grand et Darius III, en 333 av. J.-C., un contingent arménien de 40 000 soldats et de 7 000 cavaliers se battit du côté des Perses qui perdirent la bataille. Dirigés par leur roi Yervand, les Arméniens appuieraient également la Perse lors de la bataille de Gaugamèle deux ans plus tard, mais connaîtraient la même fin, car les Perses n’étaient pas en mesure d’arrêter la marche implacable d’Alexandre vers l’est. L’Arménie fut alors officiellement annexée par la Macédoine et, en 330 av. J.-C., Armavir (anciennement Argishtihinili, ville urartéenne) en devint la capitale. Il semble toutefois probable que le régime politique de l’Arménie soit resté le même que sous le règne des Perses, les Orontides régnant en tant que rois semi-indépendants au sein du vaste empire macédonien. En effet, même les souverains arméniens eurent du mal à contrôler les puissants seigneurs locaux, connus sous le nom de nacharars qui formaient une noblesse héréditaire, tantt la nature «féodale» de la région était importante à cette époque.
L’empire séleucide
À partir de 321 av. J.-C., à la suite de la mort du jeune Alexandre, les Séleucides gouvernèrent la région asiatique de son empire, ce qui conduisit à une certaine hellénisation et qui créa un riche mélange culturel d’éléments arméniens, perses, et grecs. La taille de l’empire séleucide était si importante que les souverains orontides bénéficiaient d’une grande autonomie dans ce qui était désormais une région composée de trois zones distinctes: L’Arménie Mineure (au nord-ouest, près de la mer Noire), la Grande-Arménie (le cœur traditionnel du peuple arménien) et la Sophène (alias Dsopk, au sud-ouest).
Vers 260 av. J.-C., le nouveau royaume unifié de Commagène et de Sophène vit le jour en Arménie occidentale, gouverné par Sames (alias Samos), un souverain d’origine orontide. C’est Samès (r. d'environ 260 à 240 av. J.-C.) qui fonda l’importante ville de Samosata (Shamshat). Cette période vit également la résurgence des Perses et la croissance de l’empire parthe (247 av. J.-C. à 224 apr. J.-C.), qui revendiqua la souveraineté sur l’Arménie. Le successeur de Samès fut Arsamès (Arsham), qui fonda Arsamosata (Arshamshat) et Arsameia, toutes deux situées sur le fleuve Nymphaios. Son indépendance face à l’empire séleucide est illustrée par la production de pièces de monnaie en son nom et par le fait qu’il s’octroya le titre de roi. Les Orontides rattrapèrent enfin les progrès réalisés dans les états voisins après des décennies d'exposition aux idées culturelles grecques, y compris la langue, la monnaie, et les nouvelles villes aux économies prospères qui portaient le nom de leurs fondateurs.
L’Arménie resta cependant sous le contrôle nominal des Séleucides, les Orontides demeurant la dynastie régnante. Les chevaux représentaient toujours une ressource importante. Antiochos III (r. d'environ 222 à 187 av. J.-C.) renforça notamment le système de tribut qui semblait avoir été abandonné et prélevait à la fois 300 talents d’argent et 1000 animaux pour ses armées qui traversaient la région en vue de supprimer les Parthes.
Fin des Orontides
Le dernier de la dynastie des Orontides à régner en Arménie orientale fut le roi Orontès IV (pour les Arméniens, Yervand IV ou Yervand le dernier, r. d'environ 212 à 200 av. J.-C.). Yervand se donna aussi le titre de roi et déplaça la capitale d’Armavir à la nouvelle ville de Yervandashat, qui signifie «la joie de Yervand». Le successeur de Yervand IV, à la suite de son assassinat, fut le roi Artaxias Ier (Artašēs), le fondateur de la dynastie suivante qui domina l’Arménie au cours des siècles suivants. Artaxias était soutenu par Antiochos III, qui en fit un satrape direct, probablement dans le but de réduire l’indépendance de l’Arménie face à l’autorité séleucide. La dynastie des Artaxiades (ou Artašesian), dont la capitale était Artaxata (Artashat), se libérera de la suzeraineté séleucide et règnerait sur l’Arménie jusqu’à la première décennie du 1er siècle de notre ère.
This article was made possible with generous support from the National Association for Armenian Studies and Research and the Knights of Vartan Fund for Armenian Studies.