Moïse de Khorène (Movsès Khorenatsi) était un historien arménien du Ve siècle, dont l'œuvre, Histoire de l'Arménie, lui valut le titre de "père de l'histoire arménienne". S'appuyant sur des sources anciennes et couvrant de manière ambitieuse l'histoire de son pays jusqu'à sa propre mort, l'œuvre de Moïse contribua à créer chez le peuple arménien un sentiment de continuité historique et d'appartenance à une nation pour le peuple arménien.
Détails biographiques
Moïse vécut au Ve siècle, les dates de sa naissance et de sa mort étant généralement fixées à environ 410 et 490 respectivement, période à laquelle Moïse lui-même déclare avoir vécu. Cependant, comme pour beaucoup d'autres personnages de l'Arménie ancienne, ces dates sont contestées en raison de sources contradictoires et incomplètes. L'œuvre de Moïse fait référence à des sources qui n'étaient pas disponibles en arménien au Ve siècle, ainsi qu'à des personnalités et des lieux dont l'existence n'est attestée qu'après le Ve siècle. En effet, certains historiens, notamment Robert Thomson, considèrent que Moïse aurait vécu à une date aussi tardive que le 8e siècle, une affirmation rejetée par la plupart des historiens arméniens.
Moïse écrit dans son livre qu'il avait reçu l'enseignement de Mesrop Machtots (Saint Mesrop), l'homme à qui l'on attribue l'invention de l'alphabet arménien en 405 de notre ère. Il indique également qu'il avait été envoyé étudier à Édesse, Alexandrie, Constantinople et Athènes, et qu'il avait achevé son œuvre à un âge avancé.
Histoire de L'Arménie
L'histoire écrite de l'Arménie ayant débuté avec Moïse, celui-ci est connu comme le "père de l'historiographie arménienne"(patmahair), bien qu'il y ait eu d'autres historiens du Ve siècle, comme Yéghichê (Élisée), Agathange et Fauste de Byzance. La grande œuvre de Moïse est l'Histoire de l'Arménie (Patumtiun Hayots), qui est devenue l'une des sources d'information les plus importantes sur l'Arménie ancienne et ses voisins, depuis les premières traditions mythologiques jusqu'au Ve siècle. Il s'agit du premier ouvrage à couvrir de manière complète et systématique l'histoire du pays. L'ouvrage de Moïse rassemble des textes anciens en grec, en assyrien et en hébreu, des traditions orales et des contes populaires, et les intègre à la tradition classique et biblique pour créer une histoire continue unique du peuple arménien. À ce mélange déjà exaltant, l'auteur a ajouté ses propres embellissements, au grand dam des historiens modernes qui tentent de démêler la vérité de la fiction, d'aplanir les incohérences et de réconcilier le contenu du livre avec les sources contemporaines et ultérieures. Néanmoins, Moïse mérite d'être reconnu en tant que premier écrivain arménien à avoir entrepris d'écrire une histoire complète de son pays, comme l'explique ici l'historien moderne R. G. Hovannisian:
Pour lui, l'écriture de l'histoire n'est pas l'exposition de la providence divine ou la prédication de la bonne conduite. Son objectif fondamental est plutôt de léguer à la postérité un compte rendu fiable des actes des grands hommes - non seulement des exploits héroïques et martiaux, mais aussi des actes nobles de bonne gouvernance et des accomplissements en matière d'éducation et de piété. Il n'y a pas de place pour les hommes obscurs et les actes inconvenants. (216)
Mythologie: Haïk
L'une des contributions exceptionnelles de Moïse à l'histoire arménienne est le récit du mythe fondateur de la nation (certains érudits diraient "l'invention"). Il s'agit de l'histoire de Haïk et de Bêl, qui situe les origines du peuple arménien dans la descendance du Noé biblique par l'intermédiaire de son fils Japhet. Haïk, un descendant de Japhet, se rebella un jour contre Bêl, le méchant tyran babylonien, et retourna dans sa patrie, autour du mont Ararat, dans l'ancienne Arménie, où l'on pensait que l'arche de Noé s'était immobilisée à la fin du grand déluge. Bêl suivit Haïk et ses proches, si bien qu'une puissante bataille s'ensuivit, au cours de laquelle Bêl fut tué. Haïk donna alors son nom à ses descendants, le peuple Hay, et le nom de la région d'Arménie en langue arménienne, Hayasa.
Une histoire complète
Après avoir établi avec satisfaction les origines de la nation, Moïse décrit l'évolution des institutions politiques de l'État, les cultures de l'âge du bronze et du fer de la région, ainsi que l'histoire des puissantes familles dynastiques d'Arménie. Ces clans influents, ou nakharars, dominaient la sphère politique, civile et militaire de l'Arménie, leur richesse et leur pouvoir reposant sur les fiefs féodaux qu'ils gouvernaient chacun. Les familles (avec leur période la plus importante entre parenthèses) sont les suivantes:
- Les Orontides (c. 570 - c. 200 av. J.-C.)
- Les Artaxiades (c. 200 av. J.-C. - c. 14 ap. J.-C.)
- Les Arsacides (12-428 de notre ère)
- Les Mamikonian (428-652 de notre ère)
- Les Bagratides (après 701, mais aussi importants plus tôt).
Parmi ces dynasties, Moïse accorda un traitement particulier aux Bagratides (les mécènes de son œuvre) et minimisa celui des Mamikonian. Les grands rois font l'objet d'une attention particulière, par exemple Artaxias Ier (r. c. 200 - c. 160 av. J.-C.) et Tigrane le Grand (r. c. 95 - c. 56 av. J.-C.), ainsi que des ecclésiastiques influents comme saint Grégoire l'Illuminateur (c. 239 - c. 330 ap. J.-C.).
L'ouvrage de Moïse peut présenter des incohérences chronologiques et certains souverains sont confondus avec d'autres, mais il contient de nombreux passages d'une réelle valeur historique. La description suivante de la construction de Garni dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère par Tiridate Ier est un exemple de la façon dont les descriptions d'événements de Moïse sont parfois étayées par des preuves archéologiques:
Tiridate acheva la construction de la forteresse de Garni en blocs de pierre durs et taillés, cimentés avec du fer et du plomb. À l'intérieur, pour sa sœur Khosrovidoukht, il construisit une résidence ombragée avec des tours et de magnifiques sculptures en haut-relief. Et il composa en sa mémoire une inscription en caractères grecs. (cité dans Hovannisian, 68)
En 1945 des fouilles à Garni ont révélé une inscription partielle en grec qui nomme un souverain, Tiridate, décrit comme le "souverain suprême de la Grande Arménie".
Héritage
L'Histoire de l'Arménie, imprimée en masse pour la première fois en 1695, a influencé de nombreux historiens et intellectuels ultérieurs, et sa couverture complète de l'Arménie a contribué à renforcer un sentiment déjà croissant d'identité nationale et, en fait, de fierté, depuis l'époque où elle a été écrite jusqu'à nos jours. L'exactitude historique de certaines parties de l'Histoire de l'Arménie peut être discutée, mais elle a néanmoins créé une tradition "reçue", ce qui était peut-être l'intention première de l'auteur. Le livre est peut-être un exercice de construction de mythes, mais il est lui-même devenu partie intégrante de l'histoire et de la tradition arméniennes, des passages tels que le mythe de Haïk étant encore enseignés dans les écoles arméniennes du monde entier. En effet, l'œuvre de Moîse continue de jouer un rôle important dans les discussions sur l'identité nationale arménienne au XXIe siècle.
This article was made possible with generous support from the National Association for Armenian Studies and Research and the Knights of Vartan Fund for Armenian Studies.