Tigranocerte

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 08 mars 2018
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Empire of Tigranes the Great (by www.armenica.org, CC BY-SA)
Empire de Tigrane le Grand
www.armenica.org (CC BY-SA)

Tigranocerte (Tigranakert) était une ville située dans le sud-ouest de l'ancienne Arménie, fondée et transformée en capitale par Tigranes le Grand en 83 avant notre ère. Célèbre pour ses richesses et ses beaux bâtiments, ainsi que pour son mélange de cultures hellénistique et perse, la ville, malgré ses impressionnantes fortifications, fut prise à deux reprises par les armées romaines en 69 avant notre ère et en 59 de notre ère. Elle resta une importante colonie jusqu'à la fin de l'Antiquité, puis fut abandonnée et son emplacement exact s'est perdu dans la nuit des temps.

Fondation

L'un des plus grands rois Artaxiad, ou même de tous les rois arméniens, fut Tigrane II ou Tigrane le Grand (r. d'environ 95 - à environ 56 av. J.-C.). Il étendit considérablement son royaume et, à son apogée, l'empire arménien s'étendait de la mer Noire à la Méditerranée. Jamais auparavant, ni depuis, les Arméniens n'avaient contrôlé une aussi grande partie de l'Asie. Tigrane était connu pour être un admirateur de la culture grecque - sa femme était d'ailleurs Cléopâtre du Pont - et il suivit la tendance hellénistique qui consistait pour les souverains à fonder une nouvelle ville et à la baptiser de leur nom. Tigranocerte, qui signifie "construite par Tigrane", fut fondée en 83 de notre ère et devint la capitale du nouvel empire d'Arménie.

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Tigranocerte possédait d'impressionnantes fortifications dont les murs atteignaient une hauteur de 22 à 26 mètres.

En raison de l'absence de preuves archéologiques, la localisation précise de la ville n'est pas connue, si ce n'est qu'elle se trouvait quelque part dans le sud-ouest de l'ancienne Arménie, une position plus centrale que l'ancienne capitale d'Artaxata (Artashat), compte tenu de l'expansion récente du royaume. Elle était probablement située le long du Tigre, sur la route commerciale de la Perse royale, les deux candidats possibles étant près de l'actuelle Diyarbakir ou de la Siirt (toutes deux dans le sud-est de la Turquie actuelle). L'avantage supplémentaire était que l'emplacement au sud était beaucoup plus proche du territoire nouvellement acquis et immensément riche de la Syrie. L'un des aspects négatifs de ce nouvel emplacement était sa vulnérabilité aux attaques et son isolement relatif par rapport au cœur de l'Arménie - un fait qui sera exploité à deux reprises par les commandants romains sur le terrain.

Une ville cosmopolite

Tigranocerte était célèbre pour son architecture hellénistique, bien qu'elle ait été spécifiquement conçue pour refléter l'héritage culturel mixte du pays, avec des éléments grecs, perses et arméniens. La ville possédait des fortifications impressionnantes, les murs atteignant une hauteur de 22 à 26 mètres et incorporant des écuries, tant ils étaient épais. Il y avait également de nombreux équipements, dont un théâtre grec, un palais construit dans le style perse à l'extérieur des murs de la ville, un fort, des parcs de chasse et des jardins d'agrément. Tigrane aurait déplacé de force (chiffre traditionnel) 300 000 personnes dans la nouvelle capitale à partir de 12 villes différentes, la plupart en Cappadoce. Selon l'historien et géographe grec Strabon, du 1er siècle avant notre ère, le plus grand contingent de migrants forcés venait de Mazaka, en Cappadoce.

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Tigranes the Great
Tigrane le Grand
Beko (Public Domain)

En tant que centre d'un empire prospère entretenant des relations commerciales avec la Mésopotamie et la Phénicie, la ville était envahie par des richesses matérielles provenant de toutes les directions, comme le note l'historien grec Plutarque (Ier-IIe siècle de notre ère):

...la ville était également pleine de richesses... puisque chaque personne privée et chaque prince rivalisait avec le roi pour contribuer à son développement et à son ornement.(Lucullus, 26:2)

La richesse légendaire de Tigranocerte à cette époque éblouissait encore les historiens du Ve siècle de notre ère, comme en témoigne cette description de Tigrane par l'historien arménien Movses Khorenatsi dans son Histoire des Arméniens:

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Il multiplia les réserves d'or, d'argent et de pierres précieuses, de vêtements et de brocarts de différentes couleurs, tant pour les hommes que pour les femmes, grâce auxquels le laid apparaissait aussi merveilleux que le beau, et le beau était tout à fait déifié à l'époque... Porteur de paix et de prospérité, il engraissait tout le monde avec de l'huile et du miel. (cité dans Hovannisian, 56-7)

Une ville aussi prospère attirait des gens de partout, et de nombreux philosophes et rhétoriciens grecs furent invités à partager leurs idées à la cour de Tigrane. Des acteurs grecs furent même invités à inaugurer le théâtre de la capitale. Reflétant la nature cosmopolite de la ville et de l'empire en général, la langue grecque était probablement utilisée, avec le persan et l'araméen, comme langue de la noblesse et de l'administration, tandis que les roturiers parlaient l'arménien. Les éléments perses continuèrent à jouer un rôle important dans le mélange culturel arménien, en particulier dans le domaine de la religion et des formalités de la cour, comme les titres et les vêtements.

Bataille de Tigranocerte 69 avant notre ère

Tigrane bâtit peut-être un grand empire, mais il commit une grave erreur d'appréciation en s'alliant à Mithridate VI, roi du Pont (r. de 120 à 63 av. J.-C.). Mithridate était un grand ennemi de Rome et les deux États s'étaient fait la guerre pendant plus de vingt ans. Certes, Tigrane était marié à Cléopâtre, la fille de Mithridate, depuis 92 avant notre ère et, en réalité, quel qu'ait été le camp choisi par l'Arménie - Rome ou les Parthes - le petit royaume coincé entre ces deux grands empires était toujours relégué au second plan.

Statue of Tigranes the Great
Statue de Tigrane le Grand
Beko (CC BY-SA)

La République romaine vit le danger d'une telle alliance entre les deux puissances régionales, un soupçon confirmé par une campagne conjointe de Tigrane et de Mithridate contre l'État client romain de Cappadoce. Les Romains réagirent en attaquant le Pont, et lorsque Mithridate se réfugia à la cour de Tigrane en 70 avant notre ère, ils demandèrent à ce qu'il leur soit livré. Devant le refus de Tigrane, les Romains envahirent l'Arménie. Tigrane fut vaincu par une armée romaine commandée par le général Licinius Lucullus devant les murs de la capitale. Tigranocerte fut ensuite assiégée en octobre 69 avant notre ère, comme le décrit l'historien Appien du IIe siècle de notre ère dans ses Guerre de Mithridate:

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[Les Romains commandés par Sextilius] pillèrent le palais à l'extérieur des murs, creusèrent un fossé autour de la ville et de la tour, déplacèrent des machines contre elles et sapèrent le mur. Pendant que Sextilius faisait cela, Tigranes rassembla environ 250 000 hommes et 50 000 chevaux. Il envoya environ 6 000 de ces derniers à Tigranocerta, qui perça la ligne romaine jusqu'à la tour, s'empara des concubines du roi et les emmena. (17:84)

Le siège se poursuivit néanmoins et, suite à la trahison de la garnison grecque, Tigranocerte fut capturée et mise à sac. Les Romains conquérants furent stupéfaits par la richesse de Tigranocerte, même si Tigrane avait déjà réussi à se débarrasser d'une partie de son trésor royal et de son harem personnel. Les pillards trouvèrent 8 000 talents en or, tandis que chaque légionnaire romain reçut 800 drachmes. Après la destruction de la ville, les habitants l'abandonnèrent. Beaucoup d'entre eux, bien sûr, avaient été placés là par la force et n'étaient que trop heureux de retourner dans leur patrie.

Les Romains conquérants furent stupéfaits par la richesse de Tigranocerte, même si Tigrane avait déjà réussi à s'emparer d'une partie de son trésor royal.

Lucullus attaqua ensuite l'importante ville d'Artaxata, mais l'hiver approchant, sa ligne de ravitaillement dangereusement mince et exposée, et même une mutinerie au sein de ses propres troupes, le général romain fut contraint de se retirer. L'armée de Tigrane harcela les Romains en retraite en utilisant des tactiques de guérilla, et Lucullus fut rappelé à Rome en 67 avant notre ère. Le répit ne durerait pas longtemps, car le Sénat romain se montra déterminé à asseoir son autorité sur la région une fois pour toutes. En 66 avant notre ère, une autre armée romaine se dirigea vers l'est, cette fois sous la conduite de Pompée le Grand. Les Romains remportèrent des victoires et Tigrane fut dépouillé de son empire et contraint de payer un énorme tribut à Pompée. L'Arménie devint un protectorat de Rome, mais au moins Tigranocerte fut reconstruite par Pompée, puis réoccupée.

Guerre romaine et carthaginoise 58-63 de notre ère

La ville fut à nouveau attaquée pendant la guerre romano-parthoise de 58 à 63 de notre ère. En 54 de notre ère, l'empereur romain Néron (r. de 54 à 68) envoya son meilleur général Cnaeus Domitius Corbulo (Corbulon) pour affirmer la position de Rome dans la région à la suite de la tentative du roi parthe Vologèse Ier (r. d'environ 51- jusqu'à 80 de notre ère, dates contestées) de placer son propre frère Tiridate sur le trône d'Arménie.

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Parthian Archer
Archer Parthe
The British Museum (Copyright)

Au cours de cette campagne, Tigranocerte, qui était alors la deuxième ville forteresse du pays après la capitale Artaxata, tombe aux mains des Romains en 59 de notre ère:

Peu après, les envoyés de Corbulon à Tigranocerte rapportèrent que les murs de la ville étaient ouverts et que les habitants attendaient les ordres. Ils lui remirent également un cadeau d'amitié, une couronne d'or, qu'il accepta dans un langage élogieux. Rien ne fut fait pour humilier la ville, afin que, demeurant indemne, elle continue à obéir plus joyeusement. (Tacite, Annales, Bk. 14:24)

En 60 de notre ère, Corbulon pouvait prétendre régner sur l'ensemble du royaume d'Arménie et Tiridate fut contraint de s'enfuir chez son frère en Parthie. La même année, Tigrane V (r. d'environ 60-61 de notre ère), petit-fils d'Hérode le Grand et doté d'impressionnantes relations royales, monta sur le trône en tant que monarque pro-romain. Le règne de Tigrane V s'acheva brutalement lorsque les Parthes envoyèrent une armée l'assiéger à Tigranocerte en 62 de notre ère. La ville résista, mais lorsque Corbulon revint de Syrie en 63, sa seule présence persuada les Parthes de signer le traité de Rhandeia. En vertu de ce traité, Rome et les Parthes se mirent d'accord pour partager équitablement la responsabilité de gouverner l'Arménie.

Antiquité tardive

Tigranocerte, qui resta une ville régionale importante au cours des siècles suivants, fut placée sous l'autorité directe des Romains en 387 de notre ère, à la suite d'un accord entre Rome et l'Empire sassanide. Les nouveaux suzerains rebaptisèrent alors la ville du nom de Martyropolis. En 536, lorsque l'empereur byzantin Justinien Ier réorganisa l'administration de la région, l'Arménie futt divisée en quatre zones ou provinces et Martyropolis devint la capitale de l'Arménie IV. En 640 de notre ère, lorsque le califat arabe des Omeyyades conquit l'Arménie, la ville fut rebaptisée, cette fois-ci Mayyâfâriqîn.

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This article was made possible with generous support from the National Association for Armenian Studies and Research and the Knights of Vartan Fund for Armenian Studies.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

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Style APA

Cartwright, M. (2018, mars 08). Tigranocerte [Tigranocerta]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16858/tigranocerte/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Tigranocerte." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mars 08, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16858/tigranocerte/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Tigranocerte." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 08 mars 2018. Web. 20 nov. 2024.

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