Mythologie Arménienne

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Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 09 mars 2018
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol, Turc
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Vahagn the Dragon Slayer (by Chaojoker, CC BY-SA)
Vahagn le tueur de dragons
Chaojoker (CC BY-SA)

La mythologie de l'Arménie antique est un riche mélange de traditions indigènes et d'idées importées des cultures voisines et des peuples migrateurs ajoutées au fil des siècles. Les légendes et les récits permettaient d'expliquer des phénomènes naturels, de fournir une explication des origines de la nation et de commémorer des événements historiques clés tels que des guerres et des invasions.

Origines et inspirations

La religion du premier État arménien répertorié, Urartu (alias Ourartou), qui était lui-même une confédération de royaumes plus petits, s'épanouit principalement dans l'Arménie antique du 9e au 6e siècle avant notre ère. La civilisation d'Urartu était un mélange unique de dieux et de symboles indigènes, hurriens et mésopotamiens. Le panthéon était dirigé par la trinité Haldi (dieu de la guerre), Teisheba (dieu des tempêtes) et Shivini (dieu du soleil), qui étaient les principaux bénéficiaires des sacrifices et des temples construits en leur honneur. Il y en avait d'autres, comme l'atteste une inscription du IXe siècle avant J.-C. découverte dans une niche dans les montagnes près de la capitale Tushpa (Van). La liste, inscrite en double, mentionne 79 dieux.

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On trouve dans la mythologie arménienne des éléments similaires à la tradition védique de l'Inde, ainsi que des idées égyptiennes, plus clairement visibles dans Shivini, souvent représenté comme un homme agenouillé tenant un disque solaire ailé, et donc probablement inspiré du dieu égyptien . Les relations culturelles étroites entre Urartu et l'Assyrie sont également illustrées par l'application par les Urartéens des idéogrammes assyriens des dieux Adad et Shamsh à leurs propres dieux Teisheba et Shivini respectivement. L'arbre de vie (en arménien tsarrn kenats), autre motif de l'art mésopotamien, apparaît sur divers supports, généralement avec un personnage se tenant de part et d'autre de l'arbre et faisant des offrandes. La tradition biblique était une autre source d'inspiration pour les anciens Arméniens qui cherchaient à expliquer leur environnement et leur histoire.

Comme dans de nombreuses autres cultures anciennes, les dieux indigènes représentaient souvent des éléments importants ou des caractéristiques naturelles marquantes comme l'eau, la terre, le soleil, les montagnes, les grottes et les arbres. D'autres divinités encore étaient liées à d'anciennes croyances animalistes.

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Au fil du temps, les mythes oraux et anciens qui tissaient ensemble ces divers fils culturels furent rapportés dans des textes et perpétués oralement par des bardes jouant de la lyre.

Au fil du temps, les mythes oraux et anciens qui tissaient ensemble ces divers fils culturels furent rapportés dans des textes et perpétués oralement par des bardes jouant de la lyre (gusan) qui furent, à leur tour, préservés par des auteurs encore plus tardifs. Par exemple, une partie d'un ancien poème rapporté par l'historien Moïse de Khorène (alias Movses Khorenatsi), du Ve siècle de notre ère, décrit la naissance du dieu du soleil Vahagn (qui avait remplacé Shivini) à partir d'un roseau dans la mer. Malheureusement, et malgré les efforts des auteurs de l'Antiquité tardive, sans preuves textuelles étendues de l'Arménie ancienne et seulement un dossier archéologique appauvri, une grande partie du mythe et de la religion arméniens reste encore inconnue ou inexpliquée. Il existe de petites figurines provenant de sites urartéens dont la signification est incertaine, par exemple des femmes ailées, des hommes-oiseaux, des hommes-scorpions et des hommes-poissons. Comme ces créatures hybrides étaient fréquemment peintes sur les murs intérieurs des entrepôts, l'explication la plus plausible quant à leur fonction est celle d'esprits protecteurs, mais nous n'avons pas de noms et aucune certitude quant à leur signification et leur but réels. Voici donc un résumé des plus importants mythes arméniens anciens que nous connaissons aujourd'hui.

Haïk et Bel

Une contribution extraordinaire de Moïse de Khorène à l'histoire de l'Arménie fut de raconter le mythe fondateur de la nation (certains spécialistes diraient "l'inventer"). Il s'agit de l'histoire de Haïk (Hayk) et de Bel, qui situe les origines du peuple arménien dans la descendance du Noé biblique via son fils Japhet. Haïk, descendant de Japhet et archer réputé (d'où son association ultérieure avec Orion), se rebella un jour contre Bel, le tyran babylonien maléfique et répressif, et retourna dans sa patrie, autour du mont Ararat, dans l'Arménie antique, où l'on pensait que l'arche de Noé s'était immobilisée à la fin du grand déluge. Bel suivit Haïk et ses proches, si bien qu'une puissante bataille s'ensuivit, au cours de laquelle Bel fut tué. Haïk donna alors son nom à ses descendants, le peuple Hay, et le nom de la région d'Arménie en langue arménienne, Hayasa. Comme pour la plupart des légendes, le grain de vérité enfoui dans la fiction est que l'histoire de Haïk et Bel pourrait commémorer les conflits réels entre l'Arménie (alors Urartu) et l'Assyrie, notamment au 8e siècle avant notre ère. Bel, de l'assyrien baal qui signifie "seigneur", représente l'empire maléfique et oppressif des Assyriens, incarné par des guerriers agressifs comme Teglath-Phalasar III (r. de 745 à 727 avant J.-C.) et Sargon II (722-705 avant J.-C.) qui assiégèrent tous deux des villes arméniennes.

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View of Mount Ararat from Armenia
Vue du mont Ararat depuis l'Arménie
James Blake Wiener (CC BY-NC-SA)

Le mythe de Haïk et Bel est bien plus qu'une simple histoire sympathique du passé militaire du pays, comme l'explique ici l'historien politique R. Pannosian :

En termes de perception populaire, cette histoire est tout aussi importante dans la pensée nationaliste moderne que l'histoire "objective". Le mythe affirme que les Arméniens sont des descendants directs de Noé... Les racines de la nation arménienne ont donc été établies autour du mont Ararat avec Haik et sa famille. Cette histoire, enseignée à tous les élèves du primaire dans les écoles arméniennes du monde entier, comporte un certain nombre de composantes symboliques puissantes. Premièrement, elle fait de l'Arménie le berceau de toutes les civilisations puisque l'arche de Noé s'est posée sur la montagne "arménienne" d'Ararat. Deuxièmement, il relie les Arméniens au récit biblique du développement humain. Troisièmement, il introduit un élément très important de rébellion juste contre la tyrannie et l'oppression (de Babylone). Quatrièmement, il place la liberté, l'indépendance et la justice au centre des origines de la nation. Et enfin, il fait du mont Ararat le symbole national de tous les Arméniens. (51)

Shamiram - Sémiramis

Moïse de Khorène raconte la légende de Shamiram, probablement basée sur la reine assyrienne Sémiramis (r. de 811 à 806 avant notre ère), autre ennemie historique du peuple arménien. Un jour, Shamiram s'éprend du très beau roi arménien Ara, mais, déjà marié et image de vertu morale, il ne montre aucun intérêt pour la reine et retourne dans son pays. L'armée de Shamiram suit alors Ara et, malgré l'ordre de ne pas faire de mal au roi arménien, celui-ci est tué par une flèche perdue. La reine désemparée, ayant perdu l'objet de son affection, tente alors de se consoler en errant sur les terres du royaume d'Ara. Elle décide finalement de construire une ville près du lac Van où elle passera les mois d'été loin de sa capitale, Ninive.

Une fois la splendide nouvelle ville terminée, Shamiram ramène le corps d'Ara dans son palais où il est conservé au sommet d'une tour afin que des chiens surnaturels (aralezk) puissent être appelés à le lécher pour le ramener à la vie. Dans une version, les chiens accomplissent leur miracle et Ara vit à nouveau, mais dans la version de Moïse, malheureusement, les chiens ne viennent jamais et Shamiram, pour sauver son honneur aux yeux de son peuple maintenant que les dieux l'ont abandonnée, est obligée de faire parader un sosie d'Ara mort.

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Semiramis
Sémiramis
Mark Carroll Photography (Copyright)

L'histoire de Shamiram et d'Ara est un contraste typique entre un souverain étranger mauvais et immoral et son propre souverain vertueux. Elle est très similaire au mythe grec d'Adonis et au mythe babylonien de Gilgamesh, qui tous deux rejettent les avances d'une déesse avec des conséquences malheureuses. Moïse ne dépeint cependant pas Shamiram sous un jour entièrement négatif, puisqu'il lui attribue la construction de l'ancien canal urartéen d'Artamet près de Van, parmi d'autres exploits architecturaux et techniques, peut-être en reconnaissance du fait que ces innovations provenaient de lieux hors d'Arménie.

Vahagn et Astghik

Les tempêtes sur le lac de Van étaient censées être causées par le dieu Vahagn (l'iranien Verethraghna et l'équivalent du grec Hercule) et les vishaps, des serpents qui vivaient dans l'eau. Vahagn était également considéré comme responsable de la Voie lactée, connue par les Arméniens de l'Antiquité sous le nom de "piste du voleur de paille" après avoir volé du bois pour le feu à Bel, l'ennemi des peuples Ara et Arméniens. La naissance de Vahagn et son association avec le Soleil sont décrites dans un poème conservé pour la postérité par Moïse de khorène:

Le ciel et la terre étaient dans l’enfantement,

La mer aux reflets de pourpre était aussi en travail,

Dans la mer naquit un petit roseau vermeil,

Du tube de ce roseau sortait de la fumée,

Du tube de ce roseau jaillissait de la flamme,

De cette flamme s’élançait un jeune enfant,

Ce jeune enfant avait une chevelure de feu,

Il avait une barbe de flamme,

Et ses petits yeux étaient deux soleils.

(trad. Victor Langlois, Remacle)

Les parties suivantes de la chanson (aujourd'hui perdues) décrivaient Vahagn comme un intrépide tueur de dragon, d'où son autre nom de Vishabakah, traduit littéralement par "faucheur de dragon".

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La compagne de Vahagn était Astghik (alias Astlik), la déesse de la beauté et de l'amour dont le nom signifie "petite étoile" (transposée de Beldi, la déesse syrienne). Associée aux colombes et aux roses, elle avait un festival qui lui était dédié au début de l'été. Une histoire concernant Astghik raconte qu'elle avait l'habitude de se baigner dans un ruisseau chaque nuit. Une fois, un groupe de jeunes hommes de la région, désireux d'apercevoir la déesse nue, alluma un feu sur une colline pour mieux voir Astghik. La déesse déjoua le plan en provoquant une grande brume qui s'installa sur la zone qui acquit dès lors le nom de "Plaine de Moush" d'après le mot arménien mshoush, qui signifie brume.

Le petit Mithra est assis, il tient un orbe de justice et est servi par un corbeau alors qu'il attend la venue de l'Apocalypse.

Pokr Mithra - Petit Mithra

Pokr Mithra (du dieu iranien de la justice Mithra), également appelé Mihr, selon la tradition orale qui est encore récitée aujourd'hui, est un dieu qui, selon la croyance locale, vivait dans une grotte qui ne s'ouvrirait qu'à la fin des temps. À l'intérieur de la grotte, le petit Mithra était assis, il tenait un orbe de justice, et était servi par un corbeau alors qu'il attendait la venue de l'Apocalypse. Il était également associé à la lumière et à la vérité. Le dieu a un portail sculpté dans la paroi rocheuse de l'acropole de Van qui porte son nom, la Porte de Mithra (Mheri durrn). Traditionnellement, des offrandes étaient faites à ces portes, et Van peut s'enorgueillir de nombre d'entre elles. Il est possible que le mithraïsme soit passé de la Perse au monde romain par l'intermédiaire de légionnaires combattant dans l'ancienne Arménie pendant les guerres parthes du 1er siècle de notre ère.

Tork Angegh

Tork Angegh est une figure héroïque basée sur Tarkhu, le dieu du climat d'Asie Mineure. Une fois encore, notre source est Moïse de Khorène, qui rapporte une légende orale d'un homme doté d'une grande force, capable d'écraser et de fendre des rochers avant de lancer de gros morceaux sur ses ennemis. La légende raconte également que Tork grava des dessins d'aigles sur des tablettes de pierre en utilisant uniquement ses ongles et qu'il lança des pierres de la taille d'une colline sur les navires envahisseurs sur la mer Noire. S'appuyant peut-être sur un conflit réel de l'Antiquité, Moïse donne l'étymologie populaire de an-gegh, qui signifie "des hommes féroces", et il est intéressant de noter que le nom même de Tarkhu signifie "vainqueur" ou "conquérant". Selon Moïse, Tork était un descendant de Paskam, le petit-fils de Haïk.

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This article was made possible with generous support from the National Association for Armenian Studies and Research and the Knights of Vartan Fund for Armenian Studies.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2018, mars 09). Mythologie Arménienne [Armenian Mythology]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16862/mythologie-armenienne/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Mythologie Arménienne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mars 09, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16862/mythologie-armenienne/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Mythologie Arménienne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 09 mars 2018. Web. 22 déc. 2024.

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