Mesrop Machtots (360/370 - c. 440 de notre ère) inventa l'alphabet arménien en 405 de notre ère. En plus d'augmenter considérablement le niveau d'alphabétisation dans le pays, cette langue permit aux gens ordinaires de lire la Bible pour la première fois, contribuant ainsi à répandre et à enraciner le christianisme en Arménie, ce qui était l'objectif initial de l'invention de l'alphabet. Pour ces réalisations, Machtots a été fut canonisé par l'Église arménienne.
Jeunesse
Machtots était issu d'une famille de condition modeste vivant à Atsekats, une ville de la province de Taron dans l'ancienne Arménie. Après une éducation axée sur la littérature grecque et une première carrière militaire, Machtots servit à la cour royale arménienne avant de rejoindre l'Église chrétienne et de travailler comme missionnaire dans le sud-est de l'Arménie. C'est à ce moment-là que le jeune évangéliste réalisa à quel point il serait important pour ses taux de conversion que les gens puissent lire le message de l'Évangile dans leur propre langue, l'arménien parlé n'ayant pas, à l'époque, de forme écrite. Les textes chrétiens étaient inutiles pour le commun des mortels, car ils étaient rédigés en grec ou en syriaque, deux langues que seules les personnes très instruites pouvaient lire. Pour faire quoi que ce soit d'utile, Machtots avait besoin d'un parrain puissant et du soutien de l'État.
Création d'un nouvel alphabet
Heureusement pour Machtots, le fondateur de la dynastie régnante des Arsacides, Tiridate le Grand (r. c. 298 - c. 330 de notre ère), s'était converti au christianisme en 301 grâce aux efforts de Saint Grégoire l'Illuminateur (c. 239 - c. 330 de notre ère). Les successeurs de Tiridate étaient tout aussi désireux de répandre le christianisme, d'autant plus qu'il renforçait le rôle du monarque dans l'État en tant que représentant de Dieu, et permettait aux Arsacides de persécuter et de confisquer les biens de tous ceux qui adhéraient encore aux anciennes traditions païennes. Le monarque arsacide régnant, Vram Châhpouh (r. de 392 à 415), était prêt à soutenir le projet de Machtots. Le chef des évêques de l'Église arménienne, le catholicos Sahak le Grand (387-428 de notre ère), lui apporta également son soutien. Les deux hommes comprirent l'intérêt d'éclairer le peuple tout en l'unifiant et en créant un plus grand esprit de nation. Enfin, la foi chrétienne en Arménie était loin d'être assurée et était continuellement menacée par la religion de la Perse voisine.
Machtots commença par rechercher les langues existantes qui pourraient le plus facilement être adaptées à son objectif. Pour ce faire, il se rendit à Édesse, dans le nord de la Syrie, un grand centre de culture et d'apprentissage, en particulier de l'érudition chrétienne. Déçu par ses recherches, Machtots décida qu'il ne fallait rien de moins qu'une toute nouvelle écriture alphabétique. Installé à Samosata, une ville hellénisée de l'Arménie occidentale, Machtots découvrit que le lien entre les langues grecque et arménienne pouvait être exploité pour créer une écriture cohérente et pratique. Avec l'aide de Rufinus, un calligraphe grec, Machtots compila son alphabet de 36 symboles (28 consonnes et 8 voyelles) pour capturer les sons phonétiques de l'arménien. Le produit fini est traditionnellement daté de 405 de notre ère. Il est toujours utilisé aujourd'hui, seuls deux symboles ayant été ajoutés au cours des siècles suivants pour exprimer des sons importés de langues étrangères.
Le nouvel alphabet de Machtots mélangeait 21 lettres grecques et 15 nouveaux phonèmes. Le Dictionnaire historique de l'Arménie donne la description technique suivante de la complexité de la langue :
L'arménien classique était une langue fortement infléchie, avec un système élaboré de déclinaisons qui conservait les sept cas indo-européens des noms: nominatif, accusatif, génitif, datif, locatif, ablatif et instrumental. Sur ce point comme sur d'autres, la grammaire de l'arménien classique présente des similitudes avec celle du grec classique. (393)
Pour aider les gens à se familiariser avec le nouveau système, Machtots ordonna les lettres de l'alphabet, dans la mesure du possible, en fonction de l'alphabet grec et les plaça en groupes harmonieux de trois. Le linguiste testa ensuite le système sur des amis et des élèves pour voir quels symboles étaient les plus difficiles à maîtriser. Ses efforts furent récompensés par la rapidité avec laquelle le nouvel alphabet fut adopté dans toute l'Arménie. En plus de contribuer à l'alphabétisation et à l'avènement d'une période dorée de la littérature arménienne, il fut un autre facteur important d'unification du peuple arménien, cimentant son identité et son sentiment d'appartenance à une nation dans ce qui était encore un jeune État.
Traduction de la Bible
Le travail de Machtots ne s'arrêta pas là. Il devait maintenant mettre sa création au service de l'objectif pour lequel elle avait été inventée: diffuser le message chrétien. Conscient qu'il ne pouvait y parvenir seul, l'érudit entreprit de constituer une équipe de linguistes qualifiés qui furent envoyés dans différentes villes pour apprendre le grec ou le syriaque et qui furent ensuite chargés de traduire les canons des premiers conciles de l'Église, les liturgies, les textes patristiques et toute autre source de valeur. Machtots et l'évêque Sahak se chargèrent eux-mêmes du projet le plus important: la traduction de la Bible. Se procurant une copie officielle de Constantinople, ils la croisèrent avec d'autres versions en grec et en syriaque pour produire leur version définitive en arménien. La ligne d'introduction de la Bible arménienne choisie par Machtots est tirée des Proverbes de Salomon : "Pour que les hommes connaissent la sagesse et l'instruction".
Vie ultérieure et héritage
Machtots ne se limita pas à des travaux de traduction, mais produisit également de la littérature dans sa toute nouvelle écriture. L'érudit composa de nombreux hymnes et homélies, entre autres. Dans la première biographie de Machtots (et la première biographie arménienne à être écrite), intitulée La vie de Machtots (Vark Mashtotsi) et écrite par son élève Koriun, l'auteur attribue au savant l'invention des alphabets géorgien et albanais.
Mesrop Machtots mourut dans la capitale arménienne de Vagharchapat le 17 février 439 (ou 440 de notre ère). Il fut enterré à Oshakan, qui devint par la suite un lieu de pèlerinage, surtout après son élévation au rang de saint de l'Église arménienne. Mesrop Machtots continue d'être vénéré aujourd'hui par les Arméniens modernes, comme l'explique l'historien politique R. Panossian :
La célébration de l'alphabet et de l'œuvre littéraire du cinquième siècle est sanctionnée par l'église arménienne comme un jour férié officiel (en octobre) appelé Surb Tarkmanchats (Saints Traducteurs). L'église et les laïcs d'Arménie et de la diaspora y voient une célébration de la littérature et des livres arméniens. (46)
L'œuvre de Saint Mesrop continue de vivre aujourd'hui car, alors que les lettres minuscules de l'arménien moderne sont basées sur l'écriture médiévale, les majuscules de l'alphabet qu'il inventa il y a 16 siècles sont toujours en usage aujourd'hui.
This article was made possible with generous support from the National Association for Armenian Studies and Research and the Knights of Vartan Fund for Armenian Studies.