Le château de Douvres, situé dans le sud du comté de Kent, est l'un des plus grands châteaux d'Angleterre et l'un des premiers à avoir des murs défensifs concentriques. Construit en 1066 par Guillaume le Conquérant pour éviter que quelqu'un ne répète sa propre invasion, le château a été en grande partie reconstruit en pierre et un donjon massif a été ajouté par Henri II dans la seconde moitié du 12e siècle. Malgré ses excellentes défenses, le château n'a pas découragé les assaillants potentiels et a été victime d'un célèbre siège, bien que vain, du prince Louis de France en 1216.
Guillaume le Conquérant
Le château de Douvres fut construit par Guillaume Ier (alias Guillaume le Conquérant, r. 1066-1087). Le roi normand construisit de nombreux autres châteaux, comme celui de Windsor et la Tour de Londres, parce qu'il avait besoin de cimenter son nouveau régime et de disposer d'un réseau de résidences sûres lorsqu'il parcourait son royaume. Comprenant qu'un château impressionnant était le meilleur moyen de faire comprendre ses intentions aux habitants et aux étrangers, Guillaume ne lésina pas sur les moyens dans ses projets de construction. Douvres était un exemple parfait de la stratégie du roi normand, situé sur une importante position stratégique sur une colline surplombant le détroit de Douvres et près de l'ancienne artère menant vers Canterbury. Le site du château de Douvres avait déjà attiré l'attention des bâtisseurs du passé et avait été utilisé dès l'âge de fer comme fort, par les Romains au 1er siècle de notre ère qui y mirent un phare, et il y avait une église saxonne de Sainte Marie, construite vers l'an 1000. Le château fut construit rapidement et se composait probablement d'une tour faite de bois et de remblais entourée d'un mur, mais il fut presque immédiatement utile lorsque l'ancien allié de Guillaume, Eustache de Boulogne, l'attaqua en 1067. Le château résista admirablement à sa première épreuve et Eustache fuit le pays.
Reconstruction du 12ème siècle
La plupart des travaux de terrassement et les défenses en bois de Guillaume ont maintenant disparu ou ont été recouverts, et ce que l'on peut voir aujourd'hui date en grande partie du 12ème siècle et du long règne d'Henri II (1154-1189). De 1170 environ à la fin des années 1180, Henri II ajouta de nouveaux éléments importants, transformant le château en y ajoutant le quartier intérieur (appelé bailey ou cour) avec son donjon massif en pierre et des remparts. Le château était novateur, étant probablement le premier exemple concentrique en Europe, de sorte que le cœur du château, le donjon (le terme utilisé à l'époque de la construction), était protégé par deux rangées de remparts, un fossé périphérique et une barbacane - un mur fortifié pour protéger une porte - qui, dans le cas de Douvres, avait un pont tournant horizontal qui pivotait dans un fossé, en bloquant ainsi l'accès.
Les murs extérieurs du château comprenaient 14 tours rectangulaires placées sur des soubassements en saillie, qui avaient de multiples fonctions: protéger le mur lui-même contre les attaques de l'ennemi, rendre leur escalade plus difficile et offrir un rebond imprévisible aux objets lancés du haut du mur. Incorporée dans le mur extérieur se trouvait la tour d'Avranches (une plate-forme de tir à deux étages de forme polygonale) avec de multiples fenêtres étroites pour les archers et les arbalétriers.
Il y avait deux portes: la porte du Roi au nord et la porte du Palais au sud (noms probablement non originaux). Chaque porte occupait un espace étroit situé entre deux tours, ce qui constitue la première utilisation connue de portes à deux tours en Grande-Bretagne. Chacune des portes était en outre protégée par une barbacane composée de deux murs formant un échelon surplombant une fosse. Si les attaquants franchissaient le mur d'enceinte, ils auraient toujours des difficultés à atteindre le mur intérieur, car la cour centrale et le donjon étaient en outre protégés et isolés du reste du complexe du château par un fossé périphérique. Henri ajouta également un mur d'enceinte défensif à l'extrémité nord du complexe, ainsi qu'un mur plus élevé et un remblai pour entourer l'ancienne église, l'intégrant ainsi au château proprement dit.
L'impressionnant donjon était entouré d'un mur circulaire ponctué de tours et d'une porte à double tour reliée au mur extérieur par un étroit pont de pierre et protégée par sa propre barbacane. Cette tour d'entrée comportait un sous-sol auquel on accédait par un passage à trois portes pour plus de sécurité.
Il fallut neuf ans pour achever le donjon, qui fut construit en pierre de taille de Caen sur une base de pierre locale appelée ragstone (sorte de calcaire). Construit sur un socle, il mesure environ 25,3 mètres de haut et 29,5 mètres de long sur chaque côté. C'est l'une des plus grandes structures de ce type en Angleterre. Les murs massifs, soutenus par un contrefort central en forme de pilastre, mesurent jusqu'à 6,4 mètres (21 ft) d'épaisseur. À l'intérieur, on y trouve des escaliers en spirale construits dans deux des quatre coins. L'entrée se trouvait au premier étage (c'est-à-dire au-dessus du rez-de-chaussée) et, typiquement pour l'époque, on y accédait probablement par un escalier en bois situé à l'extérieur de la tour qui pouvait être enlevé si nécessaire afin de gêner l'ennemi. Au château de Douvres, cet escalier était protégé par la structure d'entrée en forme de tour ou l'avant-bâtiment.
À l'intérieur du complexe du donjon, il y avait une salle du puits pour accéder à l'eau douce avec un puits s'enfonçant à plus de 73 mètres (240 pieds). Il y avait également une citerne dans la cour pour recueillir l'eau de pluie qui était ensuite évacuée par des tuyaux de plomb dans le donjon lui-même. C'est dans le donjon que le roi avait ses chambres lorsqu'il était en résidence, ainsi qu'une salle d'audience, des latrines et une chapelle avec une entrée privée supplémentaire depuis les suites royales.
Le coût total du projet de construction s'éleva à 6 300 livres. Les archives montrent, par exemple, que Maurice le Maçon, qui avait déjà une expérience de construction de châteaux à Newcastle, recevait un salaire de 8 pence par jour pendant qu'il supervisait la construction, ce qui correspondait au salaire d'un chevalier. Maurice dut bien travailler car son salaire fut ensuite porté à un shilling (12 pence) par jour.
Le mur d'enceinte, après une interruption, fut finalement achevé par le roi Jean (r. 1199-1216), qui engloutit 1 000 livres supplémentaires dans le château. Il ajouta plusieurs nouvelles tours en forme de D au mur extérieur, ce qui donna un champ de tir plus clair sans les angles morts des tours angulaires. Les tours plus rondes étaient également plus stables structurellement et pouvaient donc mieux résister au forage à leur base, et elles pouvaient mieux dévier les missiles lourds lancés par les catapultes. Jean ajouta également plusieurs bâtiments d'ordre domestique entre 1207 et 1214.
Afin d'assurer une défense adéquate en cas de besoin, les barons locaux devaient fournir des gardes à tour de rôle. Ceux-ci pouvaient venir de n'importe quel endroit du sud-est de l'Angleterre tant le château était important pour le roi. Un baron était nommé connétable du château, un rôle qui, là encore, était soumis à rotation, et certaines des tours du château portent le nom de ces seigneurs locaux. Au XIIIe siècle, après que l'on se soit inquiété du fait qu'une force rotative pouvait ne pas être aussi fiable ou bien entraînée qu'une garnison permanente, les barons furent invités à fournir l'argent nécessaire au maintien d'une telle force. Les domaines locaux devaient également fournir régulièrement des vivres pour les besoins du château, ce qui incluait de grandes réserves de blé, d'orge, d'avoine, de poisson et de vin.
Le siège de 1216
Après toutes ces dépenses, il dut être particulièrement décevant que le château soit percé lors d'un siège par des barons français et anglais en 1216. L'attaque menée par le prince Louis de France (le futur roi Louis VIII, r. 1223-1226) fut quelque peu surprenante (malgré le fait que Louis ait été victorieux lors de son attaque au château de Rochester quelques mois plus tôt) et le roi Jean réussit in extremis à ce que le justicier Hubert de Burgh, se barricade à l'intérieur avec 140 chevaliers et des provisions adéquates.
Les assaillants campèrent au nord-est du château et se concentrèrent sur la porte extérieure nord comme point d'entrée le plus probable. La porte était protégée par une barbacane, mais celle-ci était en bois et constituait donc une bonne cible pour l'artillerie de Louis. Parmi les formidables catapultes françaises, il y avait un lanceur de pierres géant surnommé "le mauvais voisin" (Malvoisin). Ensuite, une tour de siège fut construite avec un pont à plate-forme couvert pour s'étendre jusqu'au-dessus des créneaux des murs extérieurs. En même temps qu'ils attaquaient par le haut, les sapeurs étaient occupés à creuser des tunnels à la base des murs de la tour de la porte afin de provoquer leur effondrement. Naturellement, les défenseurs ne se contentèrent pas de regarder ce spectacle de guerre de siège et plusieurs sorties de chevaliers furent envoyées pour harceler les attaquants et des contre-mines furent creusées de manière à croiser celles des attaquants.
Les forces de Louis réussirent enfin à percer une des tours de la porte qui s'effondra partiellement, mais les défenseurs réussirent à se défendre et purent bloquer l'étroite brèche avec du bois et des gravats. Le convoi de ravitaillement de Louis fut alors attaqué par une force venant du Weald et une trêve fut conclue. Quelques mois plus tard, à la bataille de Lincoln en 1217, Sir William Marshal mena l'armée du roi à la victoire contre Louis et son alliance de barons anglais rebelles. Le siège de Douvres fut donc abandonné, mais il s'en était fallu de peu. Le château avait été sauvé par des événements politiques survenus ailleurs, et il était évident que ses défenses devaient être renforcées. Ainsi, après le siège, les fortifications furent améliorées afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise, notamment par l'installation d'une porte extérieure mieux protégée en la déplaçant vers l'ouest et en l'éloignant de la porte du mur intérieur. La porte principale était maintenant entourée des deux tours Norfolk - ce qui devint la Porte du gendarme à cinq tours, avec une barbacane séparée d'un fossé. Dans le même temps, une extension de la courtine fut réalisée jusqu'au bord de la falaise. Enfin, dans les années 1220, des tunnels furent creusés sous le château afin que les hommes puissent aller et venir en secret et lancer des attaques surprises en cas de siège.
Ajouts ultérieurs et modifications
À partir de 1365 environ, le château fut équipé de canons et des fenêtres circulaires plus appropriées furent ajoutées. Au 15e siècle de notre ère, diverses modifications furent apportées, comme la couverture de l'avant-bâtiment du donjon avec ses trois tours - à l'origine, on pensait qu'un toit pourrait abriter les attaquants - et l'ajout de la tour du trésorier. Au même siècle, des fenêtres rectangulaires furent créées dans le donjon. Au XVIe siècle, le château conservait son importance stratégique et Élisabeth I (r. 1558-1603) investit massivement dans son entretien. Plus tard encore, afin de mieux accueillir les batteries d'artillerie, les murs de la cour intérieure furent abaissés et les créneaux supprimés. Au XVIIIe siècle, les portes du mur d'enceinte extérieur furent modifiées et des ponts-levis ajoutés.