Le château de Rochester, situé dans le Kent, en Angleterre, fut construit peu après 1066 par les Normands, puis converti en pierre entre 1087 et 1089, avant d'être agrandi au cours des siècles suivants, notamment entre 1127 et 1136, puis à nouveau au milieu du XIVe siècle. L'imposant donjon que l'on voit aujourd'hui fut ajouté au XIIe siècle et est l'un des mieux conservés et des plus hauts de tous les châteaux médiévaux. Odon de Bayeux, demi-frère de Guillaume le Conquérant (r. de 1066 à 1087), était un résident célèbre, tout comme les évêques de Rochester. En 1215, Rochester fut le théâtre d'un siège majeur par le roi Jean d'Angleterre (r. de 1199 à 1216) lorsque des barons rebelles prirent temporairement le contrôle du château. Aujourd'hui, le site est géré par English Heritage et constitue un exemple important de l'architecture des châteaux du XIIe siècle.
Histoire ancienne
Le château de Rochester est situé dans la ville anglaise du même nom, dans le comté du Kent, au sud de l'Angleterre, à environ 40 kilomètres à l'est de Londres. Le château se trouve sur les rives de la rivière Medway, à un emplacement stratégique près du pont médiéval qui traversait la rivière et donc directement sur la route entre Londres, Canterbury et Douvres.
Le château de Rochester fut construit peu après la bataille d'Hastings en 1066 et la conquête normande de l'Angleterre qui s'ensuivit. Il est mentionné dans le Domesday Book (1086-87). Le terrain sur lequel il fut construit avait été acquis auprès de l'évêque de Rochester en échange de terres situées à Aylesford, dans le Kent. Cette structure en grande partie en bois, probablement un château à motte castrale, comprenait une courtine et des douves sèches.
Le château passa aux mains d'Odon de Bayeux (m. 1097), évêque de Bayeux en Normandie et demi-frère de Guillaume le Conquérant. Devenu comte du Kent et deuxième homme le plus puissant d'Angleterre après le roi, Odon utilisait le château de Rochester comme l'une de ses nombreuses bases, le puissant château de Douvres étant une autre de ses résidences. Le rapace Odon se brouilla un temps avec son demi-frère, et lorsque le fils de Guillaume, Guillaume II Rufus, hérita du trône (r. de 1087 à 1100), le nouveau roi n'eut que faire de son oncle intrigant, et Odon perdit son château de Rochester lors d'un siège. Peu après, le château fut reconstruit en pierre entre 1087 et 1089 (les dates précises ne sont pas connues), sous les ordres de Gondulf, évêque de Rochester (nommé en 1077), pour son nouveau propriétaire, Guillaume Rufus. Gondulf fit également reconstruire la cathédrale juste à côté du château, en prenant Canterbury comme modèle, et on lui attribue la construction de la Tour Blanche de la Tour de Londres.
En 1127, le château de Rochester fut octroyé à perpétuité aux évêques de Rochester par Henri Ier d'Angleterre (r. de 1100 à 1135). Le donjon que l'on voit aujourd'hui fut ajouté sous les auspices de l'archevêque, Guillaume de Corbeil, entre 1127 et 1136. Vers 1172, Henri II d'Angleterre (r. de 1154 à 1189) améliora encore le château, dépensant la somme importante de 100 livres pour le projet. Le roi Jean fut le monarque suivant à investir de manière significative dans le château, en dépensant 115 livres pour des améliorations en 1206. Malheureusement pour le roi, l'argent fut plutôt gaspillé puisqu'il dut assiéger son propre château en 1215 (voir ci-dessous).
Courtine
Comme c'était le cas pour les châteaux médiévaux, Rochester possédait une courtine ou mur d'enceinte. Celui-ci n'existe plus aujourd'hui que par endroits, mais les murs avaient à l'origine une hauteur impressionnante de 6,7 mètres (22 pieds) et une épaisseur de 1,37 mètre (4,5 pieds) à la base. Quelques petits tronçons du mur d'enceinte crénelé d'origine du château, datant du XIe siècle, subsistent au bord de la rivière; certains d'entre eux furent construits sur les anciennes murailles romaines de la ville. Aux 13e et 14e siècles, des sections du mur furent reconstruites sur les côtés sud-est et est du château; certaines parties de ces murs sont encore visibles aujourd'hui comme les murs arrière des jardins appartenant aux habitations de la rue principale de Rochester. Gondulf ajouta une tour sur le côté est des courtines et les fondations de cette tour furent réutilisées plus tatd pour créer l'une des deux nouvelles tours ajoutées au 14e siècle. Comme l'original normand, les versions ultérieures du château étaient entourées d'un large fossé sec.
Donjon du château
Entre 1127 et 1136, un imposant donjon rectangulaire fut ajouté dans l'angle sud du complexe. Les matériaux utilisés étaient des torchis du Kent et des pierres de taille de Caen, en Normandie. La tour, composée de trois étages et d'un sous-sol, mesurait 34,4 mètres de haut, avec des tours d'angle plus petites s'élevant au-dessus du chemin de ronde d'une hauteur de 3,7 mètres. Les murs étaient particulièrement épais pour résister aux projectiles de pierre. Ils avaient une épaisseur de 3,7 mètres à la base et se rétrécissaient jusqu'à une hauteur impressionnante de 3 mètres au sommet. Cette épaisseur permit de creuser de nombreuses chambres et galeries murales à l'intérieur, aux niveaux les plus élevés. La tour fut renforcée par un immense mur transversal interne, divisant le donjon en deux de haut en bas. L'espace intérieur rectangulaire mesurait environ 14 mètres (46 pieds) x 6,4 mètres (20 pieds).
Pour plus de protection, les fondations étaient extrêmement profondes afin d'éviter les sapements, il y avait un pont-levis et un immense escalier qui menait au premier étage de la tour qui était entièrement enfermée dans un avant-bâtiment et une tour sur la face nord. La porte principale était protégée par une herse dont les rainures sont encore clairement visibles aujourd'hui. L'escalier d'entrée que l'on voit aujourd'hui est moderne, mais il a été construit sur la rampe d'entrée d'origine. Le donjon de Rochester était surmonté de hourds en bois qui servaient de plates-formes de tir couvertes et en surplomb, comme l'indique la présence de trous pour les poutres dans la maçonnerie, juste en dessous des créneaux.
Les planchers et les plafonds ont disparu de la tour à la suite d'un incendie dont la date est inconnue, mais les fenêtres et les impressionnantes arcades rappellent encore sa grandeur passée. Des escaliers en colimaçon situés dans les coins nord-est et sud-ouest permettaient de passer d'un étage à l'autre. Étrangement, la tour possédait la deuxième chapelle du château au dernier étage (l'autre se trouvant dans l'avant-bâtiment), ce qui reflète peut-être son statut de résidence épiscopale. L'étage intermédiaire abritait de somptueux appartements privés, auxquels on a donné de la grandeur en ornant les fenêtres, les portes et les cheminées de décorations sculptées, et en faisant du mur transversal central de cet étage une arcade à colonnes. La tour possédait son propre puits pour se protéger d'un siège. La porte se trouve à la base d'un puits couvert qui s'élève jusqu'au sommet de la structure, à l'intérieur du mur transversal central, permettant à chaque étage d'accéder à l'eau à l'aide d'une corde et d'un seau. Le puits lui-même fut creusé à 18 mètres de profondeur dans la roche et la moitié supérieure fut revêtue de pierre.
La Grande Salle se trouvait probablement au premier étage du donjon, comme le suggère la présence de plusieurs grandes cheminées. Cette salle devait accueillir les audiences de l'archevêque, les réceptions et les impressionnants festins. Un inventaire de fournitures datant de 1266, alors que le château était la résidence de Roger Leyburn, comprend 251 harengs, 50 moutons, 51 cochons salés et des quantités de riz, de figues et de raisins secs. Les marchandises arrivaient de très loin: poisson de Northfleet, avoine de Leeds, seigle de Colchester et vin de marchands spécialisés de Londres.
Siège du roi Jean
Le château de Rochester connut sa plus grande crise en 1215, lorsqu'il devint le pion d'un jeu complexe entre rois, archevêques et barons. En juin 1215, le château avait été donné à Stephen Langton, l'archevêque de Canterbury, mais en août de la même année, la propriété fut transférée à Peter des Roches, l'archevêque de Winchester, un ami du roi Jean. En septembre, un groupe de barons rebelles dirigé par William de Albini prétendit agir au nom du connétable du château, Reginald de Cornhill (un opposant au roi) et en prit le contrôle. Le roi Jean, alors à Douvres, réagit rapidement et, à la tête de ses troupes en personne, assiégea le château à partir du 11 octobre, prenant le pont sur la Medway et isolant ainsi le château de tout renfort. Les défenseurs ne disposaient pas d'une grande quantité de provisions, mais ils avaient la garnison du château, qui comptait entre 95 et 140 hommes (les chroniqueurs médiévaux ne sont pas d'accord), dont un contingent de chevaliers et d'arbalétriers.
Malheureusement pour les rebelles, le roi Jean organisa un barrage constant, jour et nuit, de missiles lourds provenant de cinq grandes catapultes et d'unités tournantes d'archers et d'arbalétriers. Les défenseurs manquèrent de nourriture et furent contraints de manger leurs propres chevaux. La combinaison des catapultes et du creusement de tunnels finit par faire son œuvre et les assaillants percèrent le mur extérieur, permettant aux hommes du roi de s'approcher du donjon. Les sapeurs reçurent alors l'ordre de miner sous un coin du donjon, ce qu'ils firent. Ensuite, des accessoires dans le tunnel et des quantités de graisse de porc et de bois inflammables furent incendiés, provoquant l'effondrement du tunnel ainsi que l'effondrement partiel de l'angle sud-est de la tour qui le surplombait. Cependant, les défenseurs n'abandonnèrent pas et continuèrent à résister, à l'abri derrière le mur transversal. Sans nourriture, ils ne purent survivre indéfiniment et durent se rendre le 30 novembre.
La tour très endommagée fut reconstruite avec un nouvel angle arrondi, et c'est cette forme que l'on peut voir aujourd'hui. La protection du donjon fut renforcée par la construction d'un mur de protection devant le donjon. D'autres ajouts furent effectués après le siège, notamment une meilleure fortification de la porte sud et, vers 1225, une extension et un approfondissement des douves qui englobaient alors la colline appelée Boley Hill, que Jean lui-même avait utilisée comme une élévation utile pour lancer ses catapultes. En 1233, une tour circulaire fut ajoutée aux courtines désormais réparées. Cependant, le siège avait montré la vulnérabilité des châteaux, même les plus solides mais aussi que l'attaque était en fait la meilleure forme de défense.
Histoire ultérieure
Le siège du roi Jean ne mit pas fin aux problèmes de Rochester puisque l'année suivante, le prince Louis de France (alias Louis VIII, r. de 1223 à 1226) s'empara brièvement du château alors qu'il revendiquait le trône d'Angleterre. À une époque plus paisible, la reine d'Écosse, Marie de Coucy (vers 1218-1285), visita le château en 1248. Rochester fut à nouveau assiégé, cette fois pour deux semaines seulement, lorsque les royalistes soutenant Henri III d'Angleterre (r. de 1216 à 1272) s'en emparèrent en avril 1264 et se préparèrent à résister à l'attaque des forces rebelles dirigées par le comte Simon de Montfort. Le siège commença le 17 avril. Une fois de plus, la courtine fut percée, mais le donjon tint bon jusqu'à ce que l'arrivée d'une armée dirigée par le roi ne persuade les assaillants de se retirer le 26 avril. Cette fois, le château ne fut pas réparé pendant plus d'un siècle, la maçonnerie fut même enlevée et utilisée dans d'autres bâtiments, et l'ensemble tomba dans un état de délabrement important.
Le sauveur de Rochester fut le roi Édouard III (r. de 1327 à 1377). Une étude fut menée sur le château en 1340, puis en 1363, et ces deux études montrèrent que des fonds considérables étaient nécessaires pour redonner au château sa gloire d'antan. Les travaux commencèrent en 1367 et se poursuivirent, pour un coût de 2262 livres (l'équivalent de plusieurs millions de dollars d'aujourd'hui), jusqu'en 1370. Les travaux se poursuivirent également au cours de la décennie suivante, toutes les parties du château étant restructurées. Un autre ajout important fut fait dans les années 1380, la tour située à l'extrémité nord du château, aujourd'hui en ruines.
Après le XIVe siècle, le château ne fut plus impliqué dans des événements militaires et Jacques Ier (r. de 1603 à 1625) l'octroya à l'homme d'État Sir Anthony Weldon (1583-1648), dont les descendants en conservèrent la possession jusqu'à la fin du XIXe siècle. Divers projets concernant le château n'ont jamais abouti, y compris un projet de démolition ou de transformation en caserne. En 1965, la Corporation de Rochester céda le bail au Ministère des bâtiments et travaux publics et, depuis 1984, le château est géré par English Heritage.