Zénon fut empereur byzantin de 474 à 491 de notre ère. Isaurien de souche, Zénon fut critiqué à plusieurs reprises en tant qu'étranger au cours de son règne qui fut marqué par des rébellions et des attaques des Ostrogoths. Il est surtout connu pour sa tentative ratée de compromis entre les chrétiens chalcédoniens et les chrétiens monophysites, l'Henotikon (Hénotique), qui conduisit au schisme acacien avec Rome, et pour avoir envoyé Théodoric le Grand à la conquête de l'Italie.
Ascension au pouvoir
Zénon était originaire d'Isaurie, dans l'actuelle Turquie méridionale. Son nom de naissance était Tarasicodissa Rousoumbladotes, mais il le changea plus tard en Zénon pour paraître plus hellénisé et pour honorer un général du même nom, également d'origine isaurienne, qui avait servi sous Théodose II (r. de 408 à 450 de notre ère). Zénon devint un chef isaurien de premier plan et finit par attirer l'attention de Léon Ier (r. de 457 à 474 de notre ère) lorsqu'il dénonça un complot perfide entre les Perses et Ardabur, le fils d'Aspar, un chef de guerre germanique qui avait fait de Léon un empereur et exerçait un immense pouvoir dans l'Empire byzantin. Pour le récompenser de sa loyauté, Léon nomma Zénon comte des domestiques, et son l'influence ne fit que croître. Le fait que l'Isaurie, la patrie de Zénon, soit un pays montagneux et qu'elle produise des hommes robustes, des soldats idéaux pour Léon afin de contrer l'influence d'Aspar, fut particulièrement utile à ce dernier.
Zénon continua à gagner en influence, devenant consul et maître des soldats de Thrace. Zénon épousa ensuite Ariane, la fille de Léon Ier. Le simple fait que l'empereur ait marié sa fille à un Isaurien montre le soutien et la valeur que Léon accordait au pouvoir isaurien et, plus particulièrement, à Zénon. Les empereurs romains et byzantins mariaient rarement leurs enfants à des étrangers, surtout avant le XIIe siècle. Dans tous les cas où de tels mariages eurent lieu, l'empereur en tirait un avantage significatif. Le plus souvent, il s'agissait d'un avantage stratégique ou militaire.
Sous la pression d'Aspar, Léon dut également marier son autre fille, Léontia, au fils cadet d'Aspar, Patrice. Mais Léon attendit son heure, nomma Zénon maître des soldats pour l'Orient et laissa monter la haine populaire contre Aspar. Avec l'aide des troupes isauriennes et de Zénon, Léon fit tuer Aspar et réduisit considérablement l'influence germanique dans l'Empire byzantin.
Empereur et révolte
Léon II (r. de 474 de notre ère), le petit-fils à moitié isaurien de Léon Ier par Zénon et Ariane, devint empereur après la mort de Léon Ier. On ne sait pas si cette décision avait été dictée par la déférence envers les principes dynastiques ou par le manque de soutien pour Zénon en tant qu'empereur. Quelles qu'aient été les raisons invoquées par Léon Ier pour couronner son petit-fils de sept ans plutôt que son gendre d'âge mûr, Zénon ne tarda pas à prendre le pouvoir. Le Sénat de Constantinople nomma Zénon empereur en même temps que son fils, en raison du jeune âge de ce dernier et de son incapacité évidente à gouverner. Zénon succéda alors à Léon en tant qu'empereur unique lorsque celui-ci mourut quelques mois plus tard.
Zénon ne resta pas longtemps sur le trône byzantin. Sa belle-mère, Vérine, veuve de Léon Ier, et son frère Basilisque s'associèrent à un général isaurien mécontent nommé Illus pour comploter contre Zénon. Zénon entendit parler du complot et s'enfuit dans son pays, laissant Constantinople à Basilisque au début de l'année 475. Basilisque s'avéra être un terrible empereur monophysite, une doctrine religieuse déclarée hérétique. Il s'allia à Théodoric Strabon, le chef des Ostrogoths, et laissa l'influence germanique se développer à nouveau. Zénon convainquit Illus de changer de camp après que Basilisque eut massacré des Isauriens à Constantinople et que le peuple se fut retourné contre Basilisque. Lorsque Zénon marcha sur Constantinople en 476, il ne rencontra pratiquement aucune opposition et reprit le trône dont il n'avait jamais vraiment été dépossédé. Il laissa Basilisque mourir de faim et démit Strabon de ses fonctions, réduisant ainsi l'influence des Ostrogoths à la cour.
Politique religieuse
Zénon devint empereur byzantin seulement deux décennies après le quatrième concile œcuménique de Chalcédoine qui divisa les chrétiens orthodoxes qui suivaient la décision du concile de Chalcédoine sur la nature du Christ et les monophysites qui pensaient différemment. Le concile de Chalcédoine décida que le Christ avait deux natures et volontés distinctes, l'une humaine et l'autre divine, parfaitement unies dans l'hypostase, sans être ni supérieures ni inférieures. Cette décision suscita beaucoup de ressentiment dans les provinces orientales de l'Empire byzantin où de nombreux habitants croyaient à la position christologique du monophysisme. Les monophysites croyaient que le Christ avait une seule nature dans laquelle la divinité et l'humanité étaient parfaitement unies.
Pour combler ce fossé, Zénon encouragea Acace, le patriarche de Constantinople, à publier l'Henotikon en 482 de notre ère. Il s'agissait d'une tentative de compromis qui aurait uni les orthodoxes chalcédoniens et les monophysites dissidents. L'Henotikon réaffirmait plusieurs des décisions du concile de Chalcédoine, notamment la condamnation de Nestorios et d'Eutychès et l'affirmation des douze anathèmes de Cyrille. Cependant, il évitait la question christologique la plus importante de l'époque, à savoir si le Christ avait une ou deux natures. Bien que l'Hénotikon fournisse une définition de base de la nature du Christ, il n'offrait pas de position ferme sur l'un ou l'autre côté de la question. Malgré un certain soutien initial, du moins à Alexandrie, en Égypte, cette définition évasive ne satisfaisait finalement aucun des deux camps, et la définition fut jugée inadéquate.
Le pape Félix III (483-492 de notre ère) condamna l'Henotikon et déposa Acace, le patriarche de Constantinople. Le schisme acacien qui en résulta divisa les églises pendant les trois décennies suivantes, jusqu'au règne de Justin Ier (r. de 518 à 527).
Personnalité
Nous manquons de sources primaires pour le règne de Zénon, mais nous pouvons tout de même nous faire une idée partielle de l'empereur. L'ecclésiastique Évagre, du VIe siècle, considérait Zénon comme un lâche qui s'intéressait trop au plaisir et à la débauche. En revanche, la Vie de Daniel le Stylite, une biographie du saint contemporain, décrit Zénon comme un souverain pieux et prospère. L'examen de ces deux sources donne une image mitigée de Zénon qui montre que le règne de Zénon était certainement controversé et qu'il n'était pas un empereur populaire.
Un exemple notable est l'Henotikon, que Zénon promulgua pour mettre fin à une controverse, mais qui en devint une lui-même. Zénon entretint une relation torturée avec Vérine, sa belle-mère et veuve de Léon Ier, et tous deux menèrent d'odieux complots contre l'autre. Ses nombreux complots illustrent son penchant pour l'avarice et la tromperie. En outre, Zénon appartenait au peuple étranger et semi-barbare des Isauriens, ce qui suscitait l'appréhension de la population byzantine en général. Les fragments d'autres sources contemporaines qui subsistent aujourd'hui, comme l'extrêmement anti-Zénon Malchus et l'Isaurien pro-Zénon Candidus, ne font qu'exacerber cette vision de Zénon comme un empereur controversé. Zénon fut au moins un survivant, parvenant à s'accrocher au pouvoir en dépit d'une multitude de rébellions.
Règne ultérieur
L'événement le plus important du règne de Zénon échappa peut-être totalement à son contrôle: la chute de l'Empire romain d'Occident en 476 de notre ère, qui survint juste un mois après que Zénon eut repris le trône à Basilisque. Le chef de guerre germanique Odoacre déposa le dernier empereur romain d'Occident, Romulus Augustule (r. de 475 à 476), et envoya les insignes impériaux à Zénon à Constantinople en lui proposant d'être son représentant en Italie. Zénon dut faire face aux offres d'Odoacre et d'un empereur romain d'Occident déchu, Julius Nepos (r. de 474 à 475 de notre ère), qui demandèrent la reconnaissance de Zénon. Zénon demanda à Odoacre de reconnaître Nepos en Italie, mais Zénon n'entreprit aucune action en Italie, permettant à Odoacre d'être reconnu de facto comme souverain de l'Italie.
De nombreux barbares menèrent des incursions dans l'Empire byzantin sous le règne de Zénon, et leur succès s'accrut grâce à l'impuissance de Zénon. Les troupes isauriennes de Zénon avaient brisé le pouvoir d'Aspar sous le règne de Léon Ier, mais les Ostrogoths de Théodoric Strabon constituaient une menace sérieuse pour les Balkans. Zénon soutint un chef ostrogoth rival, Théodoric l'Amale, plus tard connu sous le nom de "le Grand". Les Ostrogoths de Théodoric vivaient au cœur des terres byzantines de Macédoine, mais Zénon les convainquit de s'installer plus au nord, en Moésie, et de s'éloigner de Constantinople. Cependant, au cours du règne de Zénon, ses relations avec les deux Théodoric ne cessèrent de changer, et il joua le jeu risqué de les monter l'un contre l'autre.
Le thème général du règne de Zénon fut l'agitation, tant par les incursions barbares que par les rébellions internes. En 479, Marcien, petit-fils et homonyme du prédécesseur de Léon Ier, Marcien (r. de 450 à 457) et fils de l'empereur romain d'Occident Anthémius (r. de 467 à 472), se rebela contre Zénon. Marcien fut vaincu, mais Théodoric Strabon marcha ensuite sur Constantinople et ne fut déjoué que par l'action rapide d'Illus qui gardait les murailles. Dans sa retraite, Théodoric Strabon fut mortellement blessé après avoir été projeté sur une lance par son cheval.
Zénon ne pouvait plus monter les Ostrogoths les uns contre les autres maintenant que Théodoric Strabon était mort. Après la mort de Strabon, Théodoric réunit les deux bandes d'Ostrogoths et ravagea à nouveau les Balkans, mais Zénon réussit à utiliser les Ostrogoths à ses propres fins. Zénon nomma à nouveau Théodoric maître des soldats en présence de l'empereur et le nomma même consul en 484 de notre ère.
La deuxième rébellion la plus importante du règne de Zénon, après celle de Basilisque, fut celle d'Illus. Ariane, l'épouse de Zénon, méprisait Illus et tenta de le faire tuer avant que Zénon ne le réaffecte comme maître des soldats pour l'Orient. Les relations de Zénon avec Illus étaient difficiles, mais Illus avait apporté un soutien inestimable à Zénon lors des précédentes rébellions de Basilisque et de Marcien. Cependant, les complots d'Ariane, puis de Zénon, contre Illus le poussèrent à la rébellion vers 484 de notre ère. Profitant de l'impopularité de Zénon à la suite de l'affaire du Henotikon, Illus se révolta en Asie Mineure. Il fit proclamer empereur le général isaurien Leonce par Vérine, sa captive en Isaurie. Zénon demanda à son général Jean le Scythe de mener une force combinée byzantine et ostrogothe, avec le soutien de Théodoric, contre Illus et Léonce, et les écrasa.
Illus avait également reçu le soutien d'Odoacre, qui avait annexé la Dalmatie après la mort de Julius Nepos, l'ex-empereur romain d'Occident. Dans le même temps, Théodoric était un allié de longue date et dangereux pour Zénon dans les Balkans. Pour faire d'une pierre deux coups, Zénon eut l'idée audacieuse d'envoyer Théodoric en Italie et de lui permettre de régner au nom de Zénon. Après tout, Zénon n'avait jamais reconnu officiellement Odoacre, le conquérant de Romulus Augustule, le dernier empereur romain d'Occident. Théodoric marcha sur l'Italie en 488 de notre ère, combattit les forces d'Odoacre jusqu'en 493 de notre ère et accepta la co-règne de l'Italie, avant de tuer Odoacre lors d'un dîner peu de temps après. Théodoric revendiqua alors l'Italie en tant que représentant de l'Empire byzantin, du moins à l'origine. Avec le temps, ces conquêtes, peut-être initiées sur les ordres de Zénon, se transformèrent en un puissant royaume ostrogoth et l'histoire se souvient de Théodoric comme de Théodoric le Grand, l'un des plus grands rois barbares.
Légende
Lorsque le fils de Zénon, Zénon le Jeune, mourut en 491 de notre ère, l'avenir du trône fut incertain. Zénon lui-même mourut peu après. Pendant ce temps, d'autres secteurs de la société byzantine considéraient les Isauriens comme distincts et leur en voulaient. Le sentiment de privilège des Isauriens pendant et après le règne de Zénon suivit la même tendance que celle des éléments barbares du nord pendant l'apogée du pouvoir et de l'influence d'Aspar. Ariane épousa un chambellan impérial, Anastase Ier, originaire de Dyrrhachium, une province de langue grecque. En effet, les têtes décapitées des Isauriens après leur révolte contre Anastase Ier (r. de 491 à 518) étaient considérées comme "un spectacle agréable pour les Byzantins en échange des ennuis qu'ils avaient subis de la part de Zénon et des Isauriens" (Évagre le Scholastique, 180). Zénon avait au moins débarrassé les Balkans des tribus germaniques, ce qui allait être crucial pour l'établissement de la paix dans cette région sous les règnes de ses successeurs.