Cinquième croisade

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 06 septembre 2018
Disponible dans ces autres langues: anglais, portugais
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The Attack on Damietta, 1218 CE (by Unknown Artist, Public Domain)
L'attaque de Damiette, 1218
Unknown Artist (Public Domain)

La cinquième croisade (1217-1221) fut lancée par le pape Innocent III (r. de 1198 à 1216) avec pour objectif, comme les croisades précédentes, de reprendre Jérusalem aux mains des musulmans. L'idée que l'Égypte serait une cible plus facile que Jérusalem s'avéra erronée, et la campagne fut un autre échec. L'armée croisée, bien qu'elle ait fini par conquérir Damiette, fut en proie à des querelles de chefs et à un manque d'hommes, d'équipement et de navires adaptés à la géographie locale. Vaincus sur les rives du Nil, les croisés rentrèrent chez eux, une fois de plus, avec très peu de résultats pour leurs efforts.

Les croisades précédentes

La croisade précédente, la quatrième croisade (1202-1204), avait été lancée par le pape Innocent III en 1202 afin de reprendre Jérusalem. Au lieu de cela, les croisés mirent à sac Constantinople en 1204 et les territoires byzantins furent répartis entre Venise et ses alliés. L'objectif de placer Jérusalem sous domination chrétienne demeurait un objectif important de l'Église et une nouvelle croisade, connue sous le nom de cinquième croisade, fut donc lancée en 1215, toujours par le pape Innocent III.

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Richard Ier d'Angleterre (r. de 1189 à 1199), au cours de la troisième croisade (1189-1192), avait lancé l'idée d'attaquer les États musulmans, non pas par le biais de leurs châteaux et de leurs villes fortes du Levant, mais en s'attaquant au ventre mou de l'empire musulman des Ayyoubides : l'Égypte. Cette stratégie serait adoptée dans l'espoir que si l'Égypte tombait, Jérusalem, sans possibilité de renfort et d'approvisionnement, tomberait également.

L'annonce de la croisade fut organisée par zones géographiques, avec des directives pour les conseils provinciaux et leurs délégués sur la manière de persuader les gens et sur les personnes à cibler.

La dynastie ayyoubide avait été fondée par Saladin (r. de 1174 à 1193) et régna sur l'Égypte jusqu'à sa conquête par les Mamelouks en 1250. À l'époque de la cinquième croisade, le sultan d'Égypte, et donc le plus haut dirigeant du Moyen-Orient musulman, était Sayef al-Din al-Adil (alias Safadin le Juste, r. de 1200 à 1218), le frère de feu Saladin. Bien qu'une trêve difficile ait existé entre les États latins d'Orient (les États croisés du Moyen-Orient) et les Ayyoubides, la récente fortification par ces derniers du mont Tabor en Galilée menaçait Acre et son territoire environnant, détenus par les croisés. Innocent III s'en servit comme d'une étincelle pour allumer les flammes de la ferveur religieuse parmi les dirigeants d'Europe occidentale.

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Recrutement

Pour la première fois dans la préparation d'une croisade, l'annonce de la Croisade, en particulier sa méthode de recrutement de volontaires, fut organisée par zones géographiques, avec des directives pour les conseils provinciaux et leurs délégués sur la manière de persuader les gens et sur les personnes à cibler. Il existait même des manuels de sermons modèles conçus pour susciter au mieux la ferveur et l'enthousiasme pour la cause. Les nobles et les chevaliers ayant les compétences et les moyens de voyager et de combattre devaient être ciblés de manière plus intensive, ce qui permettrait d'éviter des mouvements populaires non officiels tels que la Croisade des enfants de 1212 qui avait impliqué des paysans et des enfants.

Le pape Innocent III élargit, en théorie, son appel à tous les hommes, à l'exception des moines, mais ceux qui n'avaient pas de compétences militaires étaient fortement encouragés, voire contraints, à "racheter leurs vœux" et à donner des fonds pour la cause plutôt que de se déplacer en personne. Le pape promit que ceux qui paieraient au lieu de prendre les armes bénéficieraient tout de même de la rémission de leurs péchés. En outre, comme le voulait désormais la politique papale, un impôt (un vingtième des revenus sur une période de trois ans) fut imposé au clergé pour contribuer au financement de la croisade. La perspective de l'aventure, le gain financier provenant du butin de guerre et l'amélioration du statut social par l'acquisition de nouveaux honneurs et titres étaient autant de motivations supplémentaires à la conviction religieuse.

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La campagne de recrutement connut un grand succès, notamment en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, en Hongrie et dans les Pays-Bas. Le pape Innocent III mourut le 16 juillet 1216 avant d'avoir eu la chance de voir sa croisade prendre son envol, mais son successeur, le pape Honorius III (alias Honoré III, r. de 1216 à 1227), n'avait aucunement l'intention de mettre fin à la campagne. Le chef initial de la Croisade, et en quelque sorte un coup d'État étant donné l'absence de rois dans la Quatrième Croisade, devait être Frédéric II, le roi des Romains et futur empereur romain germanique (r. de 1220 à 1250). Malheureusement, Frédéric ne put partir en raison de problèmes politiques internes à son propre empire et de son conflit permanent avec la papauté concernant son désir de contrôler à la fois les terres germaniques et la Sicile, ce que le pape, craignant un encerclement, souhaitait éviter.

Pope Innocent III
Pape Innocent III
The British Museum (Copyright)

Égypte et Damiette

En mai 1218, l'armée croisée débarqua juste à l'ouest de la ville de Damiette en Égypte. Le plan consistait à prendre la ville qui comptait alors environ 60 000 habitants, puis à marcher le long du Nil en direction du Caire, distant d'environ 160 km (100 miles). L'armée, qui comptait peut-être 30 000 hommes à son apogée, était composée de chevaliers croisés venus d'Europe, de barons des États latins d'Orient et de chevaliers des trois principaux ordres militaires : les chevaliers hospitaliers, les templiers et les chevaliers teutoniques. L'armée sur le terrain était dirigée par Jean de Brienne, roi du Royaume de Jérusalem (r. de 1210 à 1225), mais l'un des problèmes de la Cinquième Croisade serait le manque de leadership clair et de stratégie décisive.

Damiette, la première cible de la croisade, possédait trois formidables murs de fortification et un large fossé.

L'homme chargé de diriger l'armée musulmane et de défendre l'Égypte était al-Kâmil, fils du sultan et son successeur d'août 1218 (jusqu'en 1238). Damiette, première cible de la croisade, possédait trois formidables murs de fortification. Un fossé séparait la première et la deuxième enceinte et cette dernière incorporaient 28 tours. La ville n'était pas facile à conquérir, mais, comme le noté si bien un croisé, elle était "la clé de toute l'Égypte" (Asbridge, 552).

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L'armée croisée établit son camp sur la rive ouest (rive opposée) du fleuve, à l'extérieur de la ville. Le premier obstacle avant même que les envahisseurs n'atteignent la ville proprement dite était de passer une énorme chaîne suspendue entre les murs de la ville et une petite île fortifiée dans le delta du Nil. Cette chaîne bloquait l'accès au port de la ville. Les croisés passèrent plusieurs mois à tenter d'attaquer la tour de 21 mètres de haut. La tour était protégée par une force de 300 hommes qui pouvait être ravitaillée grâce à un pont fait de bateaux qui reliaient la tour à Damiette. Ce n'est que lorsqu'une tour de siège fut construite sur deux bateaux arrimés l'un à l'autre que les croisés parvinrent, le 24 août, à la capturer et ainsi à tirer définitivement la chaîne vers le bas.

Cependant, prendre la tour de la chaîne n'était pas la même chose que prendre Damiette qui se dressait toujours, redoutable, de l'autre côté des eaux. Il y avait aussi la menace latente d'al-Kâmil, qui gardait en poste une grande armée campée sur la rive orientale du Nil. De plus, l'hiver approchait et, pour ajouter aux difficultés des Croisés, leur camp fut inondé par le Nil lors d'une tempête le 29 novembre 1218. L'éternel problème du ravitaillement d'une armée de siège se posa également, et le scorbut sévit. Les habitants de Damiette, on peut l'imaginer, ne s'en sortaient pas beaucoup mieux.

The Siege of Damietta, 1218-19 CE
Siège de Damiette, 1218-1219
Cornelis Claesz van Wieringen (Public Domain)

Tout l'hiver, le printemps et l'été 1219, les deux camps furent dans une impasse. Les Croisés étaient suffisamment retranchés pour rendre toute attaque contre leur camp très dangereuse, mais ils ne disposaient pas des effectifs nécessaires pour lancer un assaut à grande échelle contre la ville ou les forces d'al-Kâmil. En effet, certains contingents de croisés étaient rentrés chez eux et ceux qui restaient espéraient que la balance pencherait en leur faveur lorsque Frédéric II arriverait enfin, comme promis depuis longtemps, avec une grande armée.

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Lorsqu'ils apprirent que Frédéric ne viendrait pas avant l'année suivante, les croisés se rallièrent, encouragés par l'arrivée de François d'Assise, qui tenta, en vain, de convaincre les musulmans que Dieu n'était pas de leur côté. À l'automne 1219, il était clair que le niveau du Nil, plus bas que d'habitude cette année-là, avait réduit les récoltes et que la famine était désormais une réelle menace pour les deux camps.

Une offre de paix

En septembre, al-Kâmil, réalisant peut-être que la garnison de Damiette n'avait plus qu'un temps très limité et craignant l'arrivée d'une armée croisée plus nombreuse, proposa une trêve assortie de conditions extraordinaires. Il garderait Damiette et, en échange, donnerait aux Latins le contrôle de Jérusalem. En dépit de son importance religieuse pour les deux parties, la ville sainte avait une valeur économique ou même stratégique très limitée et était depuis longtemps négligée par les Ayyoubides. Des parties de la Palestine furent également cédées, ce qui prouve qu'al-Kâmil s'intéressait davantage à son empire au sens large, notamment aux terres beaucoup plus riches d'Égypte et de Syrie.

Son offre de paix ayant été rejetée, al-Kâmil passa à l'offensive et attaqua le camp des Croisés, mais son armée fut repoussée.

Étant donné que l'objectif de la croisade était, après avoir capturé l'Égypte, de s'emparer de Jérusalem, cette offre de la Ville sainte fut curieusement rejetée par certains des dirigeants des croisés. Jean de Brienne et les chevaliers teutoniques étaient prêts à accepter, mais les Templiers, les Hospitaliers, les Vénitiens et le plus haut responsable religieux, le cardinal Pélage, eux, ne l'étaient pas. Ce dernier groupe craignait que sans les forteresses vitales de Kérak et de Montréal, qu'al-Kâmil avait bien l'intention de conserver, il serait difficile pour les croisés de conserver leurs gains si une guerre avec les Ayyokubides s'ensuivait. Et surtout, l'arrivée de Frédéric signifierait presque certainement la victoire des Occidentaux qui pourraient alors prendre ce qu'ils voudraient, y compris l'Égypte. Le siège se poursuivit donc.

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Son offre de paix ayant été rejetée, al-Kâmil passa à l'offensive et attaqua le camp des croisés, mais son armée fut repoussée. En novembre 1219, les croisés attaquèrent Damiette et, après avoir forcé une tour en ruine, les maigres défenses de la ville furent percées. Les croisés furent choqués de voir l'état de l'ennemi : les rues étaient jonchées de cadavres et les survivants souffraient de malnutrition et de maladie.

Marche vers le Caire et défaite

Damiette fut le seul succès de la campagne pour les Croisés. Profitant de l'indécision des Croisés quant à la suite des événements, al-Kâmil, par précaution, déplaça son armée de 40 km (25 miles) vers le sud, toujours en longeant le Nil. Pendant ce temps, les croisés débattaient de la question de savoir qui devait contrôler leur nouvelle prise. Les représentants du pape voulaient la garder pour Frédéric, tandis que Jean de Brienne la voulait pour lui-même. Pour mieux défendre ses droits, il commença même à frapper des pièces. En fin de compte, un compromis fut trouvé : Jean en eut la garde jusqu'à l'arrivée de Frédéric. Le débat sur la prochaine étape de la campagne fut encore plus crucial pour la croisade : marcher et prendre Le Caire ou utiliser Damiette comme monnaie d'échange pour gagner des territoires en Palestine, y compris Jérusalem. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il fallut un an et demi et l'arrivée d'une force sous le commandement de Louis de Bavière pour que les croisés se décident pour la première action, et même alors, au printemps 1221, ils avançaient comme des escargots sur terre et sur le fleuve vers leur objectif.

Entre-temps, al-Kâmil avait pu profiter de l'indécision de l'ennemi pour fortifier son camp à Mansourah et faire appel au soutien de ses alliés en Syrie et en Mésopotamie. En juillet 1221, les Croisés se déplacèRent pour attaquer l'ennemi à Mansourah. Cependant, al-Kâmil avait choisi son site avec sagesse, et il était facilement défendu grâce à sa position au confluent d'un affluent du Nil. De plus, dans un mois, la crue annuelle du Nil allait se produire. Bien que les croisés ne semblaient pas particulièrement pressés, le temps était du côté des musulmans, pas du leur.

Le rusé al-Kâmil, qui attendait avec impatience une armée de soutien et les inondations à venir, choisit maintenant son moment pour proposer un nouvel accord de trêve à l'ennemi, peut-être dans le but de le retarder davantage. Les Croisés rejetèrent les conditions de la trêve et, après avoir vaincu un petit groupe d'assaillants, attaquèrent le camp fortifié d'al-Kâmil en août. Le chef musulman les laissa avancer à leur guise, puis coula quatre navires derrière l'armée croisée pour empêcher tout retrait rapide. Entre-temps, les armées musulmanes étaient arrivées du nord et, prenant position au nord-est, elles bloquèrent toute retraite terrestre des croisés. C'est à ce moment que les eaux du Nil commencèrent à monter. Les navires croisés commencèrent à s'échouer dans les eaux désormais traîtresses, et une retraite chaotique s'ensuivit. Lorsque al-Kâmil ouvrit les vannes des champs environnants, toute la région fut inondée jusqu'à hauteur de taille. Le 28 août 1221, l'armée croisée se rendit et une trêve fut conclue. Al-Kâmil récupéra Damiette et tous les prisonniers musulmans. L'armée croisée retourna chez elle sans être inquiétée. En dépit de tout l'argent, des efforts, de la planification et de la ferveur déployés, cette croisade fut un nouvel échec spectaculaire.

Répercussions

Dans les années qui suivirent la cinquième croisade, les débats et les accusations se multiplièrent pour savoir qui était exactement responsable du désastre. Néanmoins, la décision de l'Occident d'attaquer directement l'Égypte et non Jérusalem avait perturbé les Ayyoubides qui craignaient ce qui pourrait se passer si une armée de croisés plus nombreuse faisait une deuxième tentative, plus décisive. Cette menace pourrait bien avoir facilité les négociations de la sixième croisade (1228-1229), menée par l'empereur romain germanique Frédéric II, qui, paradoxalement, après s'être finalement impliqué dans le mouvement des croisades et être arrivé au Moyen-Orient en septembre 1228, obtint en un an le contrôle de Jérusalem, par la diplomatie plutôt que par la guerre.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2018, septembre 06). Cinquième croisade [Fifth Crusade]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-17136/cinquieme-croisade/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Cinquième croisade." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le septembre 06, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-17136/cinquieme-croisade/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Cinquième croisade." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 06 sept. 2018. Web. 02 déc. 2024.

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