Euménides

Définition

Donald L. Wasson
de , traduit par Yves Palisse
publié le 31 octobre 2018
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Orestes at Delphi (by The Trustees of the British Museum, Copyright)
Oreste à Delphe
The Trustees of the British Museum (Copyright)

Les Euménides est une pièce de théâtre écrite par Eschyle (c 525 - 455 av. J.-C.), le 'père de la tragédie grecque', le plus populaire et le plus influent de tous les tragédiens de son temps. Les Euménides est la troisième pièce d'une trilogie: l'Orestie. Les deux autres tragédies étant Agamemnon et Les Choéphores. Il y eut également une pièce satirique perdue, Protée.

Dans la première pièce, Agamemnon, le roi victorieux d'Argos, est de retour chez lui après la guerre de Troie, accompagné d'une concubine, Cassandre. L'épouse d'Agamemnon, Clytemnestre, et son amant Égisthe, espérant régner ensemble sur Argos, conspirent contre lui dans le but de le tuer à son retour. Dans l'esprit de la reine, le meurtre de son mari n'est qu'un acte de vengeance pour la mort de sa fille, survenue dans la première pièce. Dans Les Choéphores, Oreste, fils d'Agamemnon et de Clytemnestre, retourne chez lui avec son compagnon Pylade pour venger la mort de son père en tuant sa mère et son amant. Cependant, dans son dernier souffle, sa mère lui jette une malédiction: il est poursuivi par les Furies. En grec, elles seront plus tard appelées les Euménides, filles de la nuit et esprits de la vengeance. Dans Les Euménides, Oreste, au bord de la folie, prie Apollon de le soulager de ses souffrances. Il arrive finalement avec Apollon à Athènes où la déesse Athéna organise son procès.

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Eschyle

Eschyle vit le jour dans une famille grecque aristocratique d'Éleusis, une région située à l'ouest d'Athènes. Profondément croyant et fervent défenseur de la démocratie athénienne, il participa à la bataille de Marathon en 490 av. J.-C. et peut-être aussi à la bataille de Salamine en 480 av. J.-C. Il commença à produire des pièces de théâtre dans les années 490 av. J.-C. et remporta sa première victoire aux Dionysies, le concours athénien de tragédies, en 484 av J.-C. De ses plus de 90 pièces, seules six nous sont parvenues; la paternité d'une septième pièce, Prométhée enchaîné, est sujette à caution. L'Orestie, sa trilogie, remporta une première victoire aux Dionysies en 458 av. J.-C. Au bout du compte, son total de 13 victoires le place en deuxième position, juste derrière Sophocle. Bien que l'on ne sache que peu de choses sur sa vie personnelle et sa vie de famille, nous savons que ses fils Euphorion et Euaion devinrent également dramaturges.

Aeschylus
Eschyle
Carole Raddato (CC BY-SA)

Bien qu'il ait passé la majeure partie de sa vie à Athènes, il fut invité par le roi Hiéron dans la ville de Syracuse, sur l'île de Sicile. Il continua d'écrire jusqu'à la fin de sa vie, mais c'est là qu'il mourut en 455 av. J.-C. On lui attribue le mérite d'avoir donné une nouvelle orientation à la tragédie grecque et de l'avoir ainsi complètement révolutionnée. Avant Eschyle, le dialogue d'une pièce était limité par la présence d'un seul acteur sur scène. Avec l'introduction d'un deuxième acteur, voire d'un troisième, la construction de l'intrigue bénéficia d'une plus grande liberté et la complexité des pièces s'accrut. Contrairement à de nombreux autres dramaturges, Eschyle aurait peut-être aussi conçu des costumes, formé ses chœurs et peut-être même joué dans certaines de ses propres pièces.

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Le mythe

Les Euménides traitent de la justice. Oreste a tué sa mère pour se venger du meurtre de son père, un acte qu'il jugeait justifié.

Comme c'était le cas pour de nombreuses tragédies grecques, le public connaissait bien les légendes qui entouraient la pièce. En l'occurrence, les récits de l'Iliade et de l'Odyssée d'Homère sont le prélude aux trois pièces d'Eschyle. Quelque peu radicales en matière de politique et de religion, les pièces d'Eschyle contiennent souvent des thèmes politiques forts. Comme d'autres tragédiens, il écrivait ses pièces pour les présenter à des concours lors de rituels et de festivals, et les faisait jouer dans des théâtres en plein air. Le but de ces tragédies était de divertir et d'éclairer le citoyen grec, d'explorer un problème politique, social ou éthique. Étant donné que les trois pièces auraient été jouées le même jour des Dionysies, la plupart des spectateurs auraient déjà été informés des circonstances de la mort atroce d'Agamemnon et du calvaire d'Oreste lorsque la dernière pièce était enfin jouée.

Les personnages

Les personnages des Euménides sont les suivants:

  • la Pythie, prêtresse d'Apollon
  • Apollon
  • un Hermès silencieux
  • Oreste
  • le fantôme de Clytemnestre,
  • Athéna
  • un chœur de Furies
  • des jurés silencieux
  • un second chœur de femmes athéniennes.

Résumé de l'intrigue

La pièce se déroule en deux lieux. Le premier se situe devant le sanctuaire d'Apollon tandis que le second se trouve sur l'Acropole devant le temple d'Athéna. Avant d'entrer dans le temple d'Apollon, la Pythie s'adresse au public:

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Aux sources du Plistus j'adresse aussi mes vœux,

Au fort Neptune, au dieu qui du monde a l'empire.

Je monte ensuite au trône où l'oracle m'inspire.

Puissé-je, franchissant le seuil religieux,

Trouver plus que jamais de favorables dieux !

(Orestie, trad. P. Mesnard, Remacle)

Sa prophétie sera guidée par les dieux. En sortant du temple et en marchant à quatre pattes, elle voit Oreste 'un homme honni des dieux, assis sur le siège du suppliant, le sang coulant de ses mains et d'une épée nouvellement tirée' (125). Des choses terribles à dire et à voir l'ont chassée du temple. Elle n'a plus de force et peut à peine se tenir debout. Devant elle se trouvent les Furies, endormies et dont du sang s'écoule des yeux. Elle parle ainsi:

... Au protecteur qui tient ce temple sous sa garde,

Au puissant Loxias, dont l'infaillible esprit

Explique tout prodige, au devin qui guérit,

Et de toute maison sait laver les souillures.

(ibid)

Elle sort alors que les portes du temple s'ouvrent et que les dieux Apollon et Hermès se tiennent aux côtés d'Oreste. Apollon parle à Oreste de la façon dont il a fait taire les Furies, les ayant endormies. Il avoue à Oreste que c'est lui qui l'a poussé à tuer sa mère, mais il lui promet de rester à ses côtés et de ne pas l'abandonner. Se tournant vers Hermès, il demande au dieu messager ailé de guider Oreste 'sous bonne escorte dans ses voyages parmi les hommes. Le voyageur a des droits que Zeus lui reconnaît' (126). Apollon quitte la scène pour entrer dans le temple.

Soudain, le fantôme de Clytemnestre apparaît devant les Furies endormies; Oreste et Hermès se tiennent à l'écart. Elle accuse les Furies de l'avoir marquée du sceau du déshonneur parmi les morts. Elle est acculée à la honte. Personne ne voit ni ne comprend ce qu'elle a souffert. Pendant qu'elle parle, les Furies commencent à se réveiller. Clytemnestre les réprimande avec une apparente colère contre Oreste :

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... Oui, souffle bruyamment ! Qu'est devenu l'impie?

Il t'échappe ; et de moi nul dieu ne se soucie.

...

Lance sur le cruel les flammes de ta bouche;

De ton souffle sanglant que la vapeur le touche;

(127-8)

Le fantôme disparaît alors qu'Apollon sort de son temple et demande immédiatement au chœur des Furies désormais réveillé de s'en aller. Prenant la parole au nom des Furies, le chœur interroge le dieu au sujet d'Oreste en disant: 'Le fils tua sa mère, à ton ordre soumis.' (130). Apollon reconnaît sa culpabilité mais ajoute qu'il lui a aussi accordé asile chez lui. Le choeur répond qu'il a le devoir sacré de chasser les matricides de leurs maisons. Apollon répond par une question: qu'en est-il du meurtre de son mari par Clytemnestre? Le choeur répond que le premier meurtre n'était pas 'de son sang' (130). Apollon le défie:

Si de pareils forfaits te trouvent indulgente,

Oreste est sans raison par toi persécuté.

Je te vois à punir ardente d'un côté,

Et de l'autre inclinant à plus de complaisance.

(131)

Il poursuit en soulignant qu'une mort amène les Furies à agir avec rage alors qu'une autre est ignorée. Le chœur ignore le plaidoyer d'Apollon et dit que rien ne permettra à Oreste de s'en aller librement. Apollon promet d'aider Oreste, car s'il ne le fait pas, qui d'autre se tournera à l'avenir vers lui pour obtenir de l'aide? Enfin, il dit que la déesse Athéna, la divine Pallas, tranchera l'affaire. C'est à ce moment-là que le décor de la pièce passe du temple d'Apollon au temple d'Athéna à Athènes.

Orestes Pursued by a Fury
Oreste poursuivi par les Furies
Jastrow (Public Domain)

Oreste, debout devant le temple, s'adresse à la statue de la déesse Athéna, patronne de la cité d'Athènes. Il dit que la tache de sang s'efface de ses mains, que celle du matricide est en train d'être lavée. Il supplie la déesse de le secourir. Le chœur interrompt le plaidoyer d'Oreste en déclarant que ni Apollon ni Athéna ne pourraient le sauver de son destin. Soudain, la déesse Athéna elle-même apparaît et s'adresse à la fois à Oreste et aux Furies en leur disant que son temple est le lieu des justes et que 'ses lois interdisent de dire du mal de quelqu'un qui n'a rien à se reprocher' (138). Le chœur s'identifie lui-même ainsi que les Furies en tant 'qu'enfants de la nuit'. Il informe la déesse que son devoir est de chasser de chez eux ceux qui ont versé le sang d'autrui et de les emmener dans un lieu où 'le bonheur n'est plus jamais permis'. Il désigne Oreste comme ayant tué sa mère par choix délibéré et demande qu'Athéna décide de son sort. Athéna se tourne vers Oreste et lui demande une réponse claire. Il ne nie pas ses actes, mais lui raconte l'histoire de la mort de son père Agamemnon et comment sa mère l'a tué:

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Il fut traîtreusement par ma mère frappé :

De sang on a pu voir la baignoire rougie.

Après un long exil rentré dans ma patrie,

Moi, j’ai tué ma mère, et ne le nierai pas.

De mon père chéri j'ai vengé le trépas.


(140-1)

Il ajoute qu'Apollon partage la responsabilité de son acte, mais qu'il s'en remettra à elle. Après avoir écouté les deux parties, Athéna déclare qu'elle comprend les préoccupations d'Oreste et les devoirs des Furies, et qu'elle va donc choisir un jury pour entendre l'affaire. Les deux parties sont invitées à préparer leurs arguments. Athéna sort et revient bientôt avec onze citoyens.

Peu après, une trompette retentit. Apollon entre et s'adresse au tribunal. Il témoigne qu'il a purifié Oreste de la tache de sang et qu'il l'aidera à gagner son procès, ajoutant qu'il porte une part de responsabilité dans la mort de la mère d'Oreste. Oreste s'adresse au jury:

Moi, j’ai tué ma mère, et ne le nierai pas. (145)

Le chœur le confronte en lui demandant de quelle manière elle a été tuée. Oreste répond qu'il l'a tuée avec une épée; il lui a tranché la gorge mais, en réponse à l'interpellation du choeur, il se justifie en disant que c'est Apollon lui-même qui a guidé sa main. Il raconte à la cour la façon dont sa mère a assassiné son père, son mari. Il demande au chœur pourquoi il ne s'est pas jeté sur elle après ce meurtre. Le choeur lui répond que le meurtre d'Agamemnon n'a pas fait couler de sang familial; elle n'était pas sa mère, il n'y avait donc pas de lien du sang entre eux. En entendant cela, Oreste se demande s'il partage ou non un lien de parenté avec sa mère.

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Athena Parthenos, National Museum, Athens
Athéna Parthénos, Musée National, Athènes
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Apollon intervient; en tant que dieu, il ne peut mentir. Il dit au jury qu'Agamemnon était revenu victorieux de la guerre de Troie et que Clytemnestre l'attendait pour le tuer dans son bain. Cependant, en réponse à l'appel du porte-parole sur la question du lien du sang, le sage Apollon déclare alors qu'une mère n'est pas la mère de l'enfant mais seulement 'la gardienne de la graine nouvellement plantée' (148). Il peut y avoir un père sans qu'il y ait pour autant une mère. Il rappelle à la cour comment Athéna elle-même est née sans l'aide d'une mère. Il demande ensuite au jury de voter. Athéna se tourne vers le jury et parle en ces termes:

Peuple, point de licence et point de tyrannie I

Si de votre cité toute crainte est bannie,

Malheur à vous ! sans crainte on ne fuit pas le mal.

Redoutez, respectez ce juste tribunal,

En qui, de tout désordre Athènes garantie,

(149).

Elle dit ensuite à chaque homme de réfléchir au serment qu'il a prêté et de se faire une opinion. Les onze jurés s'avancent et votent. Cependant, Athéna affirme qu'il est de son devoir de rendre le jugement final, et elle vote pour Oreste.

Je ne vengerai pas la femme, quand l'époux,

Le maître du foyer, est tombé sous ses coups.

Oreste vaincra donc, même en cas de partage.

(ibid)

Les votes sont comptés et ils sont égaux. Oreste, désormais libre, s'engage à rentrer chez lui et promet que son pays n'attaquera jamais Athènes. Il part pour retourner en Argos en tant que roi. Après le départ d'Oreste, le chœur des Furies est visiblement contrarié. Athéna les réprimande et dit qu'elles ont été vaincues par un vote équitable, mais leur demande de ne pas attirer la haine sur Athènes. Elle ajoute:

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... Calme-toi cependant, épargne cette terre;

Ne va point l'écraser du poids de ta colère,

Et ne condamne pas à la stérilité

Ce sol où s'épanchant, ton poison irrité,

Comme un terrible fer dont le tranchant dévore,

Détruirait sans pitié les germes près d'éclore.

(153)

Elle leur promet un endroit à elles, profondément enfoncé sous terre, où elles siègeront sur des trônes rutilantss et accepteront les dévotions des citoyens d'Athènes. Elle leur demande de ne pas jeter de sorts sur la terre et de partager avec elle sa 'fierté de célébrer le culte'. Elle ajoute: "Tes honneurs sont debout; prends une humeur moins fière." (ibid). Elle promet qu'aucune maison ne prospérera sans leur volonté, en disant: 'Pour vivre en d'autres lieux, si tu sortais d'ici, Tu le regretterais un jour, sois en certaine.' (156). Finalement, les Euménides, désormais appelées les Esprits bienveillants, acceptent l'offre d'Athéna et remplacent leurs robes noires par des robes rouge-violet. Elles continueront de poursuivre les malfaiteurs, mais désormais, elles aideront aussi le bon peuple d'Athènes.

Interprétation

Comme les deux autres pièces de la trilogie, Les Euménides traite de la justice. Oreste a tué sa mère pour venger le meurtre de son père, un acte qu'il jugeait justifié. Malheureusement, la malédiction de Clytemnestre a amené les Furies, les esprits de la vengeance, à le rendre fou. Pour elles, Oreste a commis un matricide; il n'y a aucune excuse à cela. Oreste se réfugie auprès de l'oracle d'Apollon, puis au temple d'Athéna pour y trouver réconfort et se libérer de la malédiction. Après un procès devant un jury et avec l'aide de la déesse Athéna, il est enfin libre de retourner à Argos pour en devenir le roi. Justice a été rendue. Avec son retour chez lui, la malédiction qui hante sa famille depuis des générations a également pris fin. Au final, les Furies, esprits de vengeance, se transforment en êtres bienveillants.

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Traducteur

Yves Palisse
Linguiste passionné d'Histoire, Yves P Palisse est un traducteur indépendant possédant des années d’expérience dans les domaines de la traduction, de l’analyse des médias et du service à la clientèle. Après avoir beaucoup voyagé dans toute l'Europe, Il a fini par poser ses bagages à londres en 1999. Il a une passion pour les sciences humaines, le droit et la justice sociale.

Auteur

Donald L. Wasson
Donald a enseigné l’histoire antique et médiévale ainsi que l’histoire des États-Unis à Lincoln College (Illinois). Éternel étudiant en Histoire depuis qu’il a découvert Alexandre le Grand, il met toute son énergie à transmettre son savoir à ses étudiants.

Citer cette ressource

Style APA

Wasson, D. L. (2018, octobre 31). Euménides [The Eumenides]. (Y. Palisse, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-17510/eumenides/

Style Chicago

Wasson, Donald L.. "Euménides." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. modifié le octobre 31, 2018. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-17510/eumenides/.

Style MLA

Wasson, Donald L.. "Euménides." Traduit par Yves Palisse. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 31 oct. 2018. Web. 09 mars 2025.

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