Æthelwulf (r. de 839 à 858) fut roi du Wessex, une région de l'actuelle Grande-Bretagne. Il était le fils et successeur d'Egbert de Wessex (r. de 802 à 839) qu'il avait aidé à unifier et à étendre son royaume. Aethelwulf combattit à la bataille d'Ellandun en 825, vainquit le royaume de Mercie et s'empara d'importants territoires qu'il gouverna ensuite en tant que roi client sous l'autorité d'Egbert. Il épousa la princesse Osburh (c. 839-c. 854), fille d'Oslac (majordome et confident d'Æthelwulf), avec laquelle il eut une fille et cinq fils, dont le plus jeune allait devenir Alfred le Grand (r. de 871 à 899). Osburh exerça une influence considérable sur ses enfants en matière de religion et d'éducation, notamment sur Alfred, mais il existe de nombreuses preuves qu'Æthelwulf ait tout autant influencé son fils. On se souvient d'Æthelwulf comme d'un roi pieux dont la caractéristique principale était l'attention qu'il portait à son peuple, reflet de sa dévotion à l'Église. Il apparaît dans la série télévisée Vikings (interprété par l'acteur Moe Dunford), mais son personnage s'éloigne considérablement de son homologue historique sur bien des plans.
Jeunesse et ascension au pouvoir
La date de naissance d'Æthelwulf est inconnue, tout comme le nom de sa mère. Il était le fils unique d'Egbert et passa probablement son enfance dans le Wessex. Egbert s'exila en Francie vers 786 après avoir disputé en vain la royauté du Wessex à Beorhtric (r. de 786 à 802). Beorhtric était soutenu par Offa, roi de Mercie (r. de 757 à 796), un royaume avec lequel le Wessex était en guerre, par intermittence, depuis des années. Il est douteux qu'Æthelwulf ait vu le jour durant cette période. Il est plus probable qu'il soit né après le début du règne d'Egbert, en 802.
On ne connaît que très peu de choses des 20 premières années du règne d'Egbert et rien au sujet de la vie de son fils au cours de cette période. Egbert mena son armée à la conquête de la région de la Domnonée (la Cornouaille moderne) vers 815-820. On pense qu'Æthelwulf a participé à ces campagnes, bien qu'il n'en soit jamais fait mention. Son nom apparaît pour la première fois dans la Chronique anglo-saxonne en 825, à l'occasion de la bataille d'Ellandun.
Le royaume de Mercie avait dominé la région pendant des siècles et les conflits entre les rois de la Mercie et ceux du Wessex étaient monnaie courante. Le Wessex avait été sous le contrôle des Merciens tout au long du règne de Beorhtric, mais lorsqu’Egbert devint roi, on dit qu'il affirma l'indépendance du Wessex, bien qu'aucun détail ne soit donné quant à la manière dont il y serait parvenu. Il semble avoir constitué son armée au cours des vingt premières années de son règne et aurait peut-être conquis la Domnonée pour se procurer les ressources dont il avait besoin.
En 825, il attaqua la Mercie dont il vainquit le roi, Beornwulf (r. de 823 à 826) à Ellandun (Wiltshire actuel). Æthelwulf fut nommé roi client des régions prises à la Mercie (Kent, Essex, Sussex et Surrey) et soutint les autres campagnes d'Egbert entre 827 et 829. En 830, le Wessex contrôlait les régions de Grande-Bretagne partant de son royaume au sud jusqu'à la Northumbrie au nord.
Roi du Wessex
Au cours de cette période, Egbert assura la succession d'Æthelwulf par le biais de contrats conclus avec l'Église. Le soutien du puissant archevêque de Canterbury, Ceolnoth (à qui Egbert avait fait don de nombreuses terres), lui garantit la succession. Ainsi, à la mort d'Egbert, en 839, Æthelwulf devint roi sans aucune contestation de la part des nobles saxons de l'ouest.
À cette époque, il était déjà marié à Osburh et son fils aîné Athelstan (r. de 839 à c.852) était suffisamment âgé pour être nommé roi client du Kent, de l'Essex, du Sussex et du Surrey. Æthelwulf mit en place une politique de contrôle par l'apaisement en accordant des terres à divers nobles saxons de l'ouest. Il fit également preuve de bonne volonté à l'égard de la Mercie sous forme de contrats et de négociations. La preuve matérielle de la politique d'Æthelwulf à l'égard de ses nobles fut découverte en 1780 sous la forme d'un anneau portant son nom. L'anneau est gravé d'une image de deux paons entourant l'arbre de vie chrétien et de l'inscription 'Æthelwulf Rex' (le roi Æthelwulf) au-dessous. On pense que ces anneaux étaient offerts aux nobles ayant fait preuve de loyauté envers le roi.
Entre 844 et 855, Æthelwulf publia les fameuses et controversées chartes de décimation (appelées ainsi parce que chacune d'entre elles libérait un dixième du royaume du service et du tribut dûs à la couronne). Ces chartes peuvent avoir eu pour but d'alléger le fardeau fiscal des régions et d'élever le niveau de vie de la population, d'obtenir le soutien des nobles et de l'Église, d'accroître le soutien au régime ou de récompenser certains nobles pour leur aide contre les attaques vikings, ou encore n'avoir eu aucune signification.
Les chartes sont controversées de nos jours dans la mesure où les chercheurs ne parviennent pas à s'accorder sur leur objectif ou même, dans certains cas, sur leur authenticité. Un certain nombre de chercheurs ont affirmé que les chartes étaient des faux créés ultérieurement pour valoriser le règne d'Æthelwulf. Il serait logique que les chartes aient été émises à partir de 844 afin de récompenser les nobles de leur soutien contre les Vikings dans la mesure où ces derniers avaient frappé le royaume en 843 à un moment où Æthelwulf n'était manifestement pas prêt à faire face à cet assaut.
Cette année-là, Æthelwulf fut vaincu à Carmouth, comme Egbert avant lui, par une force viking composée de 35 navires. Il semble qu'il se soit agi de Vikings autres que ceux qui avaient vaincu Egbert en 836, mais une colonie viking avait très probablement été établie à Carmouth dans les années 830 pour faciliter les raids ultérieurs. Il est possible que les raids vikings se soient poursuivis à plus petite échelle entre 843 et 851, mais si c'est le cas, il s'agissait de missions de reconnaissance plutôt que de raids proprement dits.
En 851, cependant, les Vikings arrivèrent en force avec une flotte de 350 navires qui remonta la Tamise pour frapper Canterbury et Londres. Æthelwulf coordonna la défense avec son fils Æthelbald (r. de 855 à 860) sur terre, tandis qu'Athelstan et le comte Ealhhere de Kent commandaient une flotte destinée à affronter l'ennemi en mer. Les forces saxonnes de l'Ouest furent victorieuses et les vestiges de l'armée viking battirent en retraite. Cependant, on présume qu'Athelstan mourut peu de temps après, peut-être des suites de ses blessures. En effet, il ne serait plus mentionné dans aucun document après 852.
Pèlerinage à Rome et rébellion
Pour renforcer les liens entre le Wessex et la Mercie face à l'agression des Vikings, Æthelwulf organisa le mariage de sa fille unique Aethelswith (c. 838-888) avec le roi de Mercie Burgred (r. de 852 à 874) en 853. Un anneau portant le nom d'Æthelswith fut découvert dans le Yorkshire en 1870 et, comme celui d'Æthelwulf, on pense qu'il aurait été donné à un noble loyal à Æthelswith et à Burgred comme symbole de sa fonction.
Osburh mourut à peu près à la même époque (vers 854) et c'est peut-être l'événement qui entraîna le célèbre pèlerinage d'Æthelwulf à Rome, auquel participa aussi son fils Alfred. Dans la biographie d'Alfred, le scribe Asser note qu'Alfred entreprit ce voyage à l'âge de quatre ou cinq ans. Alfred étant né en 849, la date approximative du pèlerinage à Rome serait de 854. Il se peut également qu'Æthelwulf ait cherché à obtenir une aide divine pour faire face à la menace viking ou pour toute autre raison inconnue. Il paraît toutefois étrange qu'un roi en exercice entreprenne un long pèlerinage si peu de temps après l'apparition d'une aussi grave menace contre son royaume.
Quelle qu'en ait pu être la raison, Æthelwulf partit pour Rome avec Alfred et une importante suite et resta un an à l'étranger. Pendant ce temps, il laissa le Wessex sous la régence d'Æthelbald, tandis que le Kent et les autres régions étaient confiés à son fils aîné Æthelberht (r. de 860 à 865). Le pèlerinage et la rencontre avec le pape auraient un impact durable sur le jeune Alfred. Comme le note l'universitaire Joann Arman, 'plus tard, Alfred interpréterait le voyage à Rome qu'il fit à l'âge de quatre ou cinq ans comme la première confirmation de son destin' (25).
En chemin, les pèlerins s'arrêtèrent à la cour de Charles le Chauve (r. de 843 à 877), roi de Francie occidentale. Ils poursuivirent ensuite leur route jusqu'à Rome, y rencontrèrent le pape (qui aurait alors oint Alfred du titre de roi) et y restèrent un certain temps. Sur le chemin du retour, le groupe fit à nouveau escale à la cour de Charles, où il fut convenu qu'Æthelwulf épouserait Judith, la fille adolescente de Charles. Une fois les festivités du mariage terminées, le cortège reprit sa route vers le Wessex.
Rien ne prouve qu'Æthelwulf ait communiqué ses intentions à Æthelbald avant de partir, et rien n'indique qu'il lui ait expliqué pourquoi il se rendait à Rome ou quand il comptait revenir. Cependant, lorsqu'il revint, ce fut avec une jeune mariée dont l'allégeance allait à un roi étranger. Æthelbald ne réagit pas particulièrement bien au retour de son père et refusa de lui rendre le Wessex.
Pendant longtemps, les historiens ont qualifié les agissements d'Æthelbald de 'rébellion', mais il semble bien plus probable qu'il ait pris le contrôle d'un royaume dont le roi titulaire avait disparu pendant un an et qui était revenu avec la fille d'un roi étranger pour nouvelle épouse. Une partie des conditions du mariage précisait que Judith devait porter le titre de 'reine', ce qui était la norme en Francie occidentale mais interdit dans le Wessex ; l'épouse du roi dans le Wessex était simplement la 'femme du roi', et non la 'reine'.
Æthelbald avait peut-être interprété le mépris d'Æthelwulf pour les traditions du Wessex et sa longue absence comme un signe de l'inaptitude de son père à poursuivre son règne. De plus, il existait un précédent historique qui autorisait Æthelbald à supposer que son père ne reviendrait pas de Rome. Il avait donc gouverné en conséquence durant l'absence de ce dernier. Avant lui en effet, un ancien roi du Wessex, Caedwalla (r. de 685 à 688), après avoir réduit le pouvoir des rois clients, unifié le royaume et étendu sa portée, avait abdiqué pour se rendre en pèlerinage à Rome et n'était jamais revenu. À son départ, le royaume se divisa, les rois clients reprenant leur ancien pouvoir, et tout ce qu'il avait accompli fut balayé par le conflit.
La soi-disant 'rébellion' d'Æthelbald devrait donc probablement être réinterprétée, car il semble qu'il ait en fait essayé de prévenir toute forme de rébellion de la part de ses partisans. Æthelwulf, et c'est tout à son honneur, respecta le choix de son fils, alors même qu'il bénéficiait d'un soutien considérable en faveur de sa reconquête du trône. Plutôt que de provoquer une guerre civile en forçant la décision, Æthelwulf préféra diviser le royaume entre Æthelbald, Æthelberht et lui-même.
Mort et succession
Æthelwulf prit pour lui le centre du royaume et se consacra à des œuvres de charité et à des dons à l'église. Son testament a été perdu, mais il est mentionné dans le testament d'Alfred, où il est dit qu'Æthelwulf pourvut aux besoins des pauvres de son royaume à perpétuité et qu'il laissa des sommes d'argent et des terres à l'église, ainsi que des dons annuels à Rome. Il mourut de causes naturelles en 858 et son royaume fut divisé entre Æthelbald et Æthelberht. Pour renforcer son règne et rehausser son prestige, Æthelbald épousa Judith. À sa mort en 860, Æthelberht unifia le royaume sous son règne et Judith retourna auprès de son père en Francie occidentale.
Æthelberht renonça à placer un roi client sur le trône du Kent et des autres régions et régna sur l'ensemble du Wessex, dont il incorpora toutes les parties à son royaume. Il mourut en 865 et son frère cadet Æthelred (r. de 865 à 871) lui succéda, son règne étant principalement marqué par la guerre contre les Vikings. En 865, la Grande Armée païenne, menée par Ivar le Désossé, Halfdan ainsi que d'autres, envahit la Grande-Bretagne en force. Ils conquirent la Northumbrie et, de là, se dirigèrent vers le Wessex.
Æthelred ne fit pas le poids face aux Vikings qui le battirent dans presque toutes leurs rencontres, à l'exception de la bataille d'Ashdown en 871. Cependant, cette victoire fut remportée par Alfred, alors âgé de vingt-deux ans, et non par Æthelred. À la mort d'Æthelred en 871, Alfred monta sur le trône et, après un certain nombre de revers, finit par vaincre les Vikings à la bataille d'Eddington en 878. Il mit en place des politiques et des procédures qui allaient aboutir au développement de la Grande-Bretagne en tant que royaume unique et unifié sous la direction de son petit-fils Athelstan (r. de 927 à 939), le premier roi d'Angleterre.
Æthelwulf dans Vikings et Postérité
Dans la série télévisée Vikings, le personnage d'Æthelwulf est dépeint comme quelque peu borné, prompt à la colère et fréquemment manipulé par son père, ce qui ne correspond en rien au personnage historique. Dans la série, son mariage avec Judith (une princesse de Northumbrie) est arrangé par son père Egbert. Elle donne naissance à Æthelred et, à la suite d'une liaison avec le clerc Athelstan, à Alfred. Par la suite, on voit Æthelwulf s'allier à Ragnar Lodbrok dans l'intérêt de la Mercie, massacrer d'innocents colons vikings dans le Wessex, exiger que l'on coupe les oreilles et le nez de Judith pour son adultère avec Athelstan, et nouer une liaison avec la reine de Mercie Kwenthryth, sans qu'aucun de ces événements n'ait le moindre fondement historique.
C'est lorsqu'il choisit d'écouter le captif mercien et de l'épargner au lieu de le torturer et de le tuer (Saison 3 : épisode 2) et lorsqu'il sauve Kwenthryth en Mercie (Saison 4 : épisode 2) que le personnage ressemble le plus à l'Æthelwulf historique. La série n'est pas conçue comme une œuvre historique factuelle, mais comme un divertissement, et elle s'inspire fréquemment d'un certain nombre de personnages ou d'incidents historiques pour créer les personnages et les intrigues. Dans le cas d'Æthelwulf, le personnage est un amalgame de chefs saxons occidentaux, mais c'est à Caedwalla qu'il ressemble le plus. Ce dernier était connu pour être un grand guerrier, colérique et intolérant, qui fit massacrer la population païenne de l'île de Wight.